Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_152/2012
Arrêt du 21 mai 2012
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président,
Aemisegger et Merkli.
Greffier: M. Parmelin.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Romain Jordan, avocat,
recourant,
contre
Y.________ Sàrl,
intimée,
Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et canton de Genève.
Objet
autorisation de poser des corps morts, qualité pour recourir du voisin,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 31 janvier 2012.
Faits:
A.
X.________ est propriétaire, avec son épouse, de la parcelle n° 9026 de la commune de Collonge-Bellerive. Cette parcelle, riveraine du lac, est bâtie d'une villa qui bénéficie d'une vue imprenable sur le lac et la rive droite, avec le Jura en arrière-plan.
Le 5 juin 2008, X.________ s'est plaint que deux bouées avaient été installées durant l'été 2007 en face de sa propriété, auxquelles étaient amarrés deux bateaux, dont l'un en très mauvais état.
Le 19 juin 2008, la Capitainerie cantonale a précisé que ces bouées avaient fait l'objet d'une autorisation délivrée le 19 octobre 2005 par le Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et canton de Genève à l'entreprise Y.________ Sàrl, pour un usage professionnel.
La Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré irrecevable le recours interjeté par X.________ contre cette autorisation au terme d'un arrêt rendu le 31 janvier 2012.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le Département de l'intérieur et de la mobilité conclut au rejet du recours. La Chambre administrative persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Y.________ Sàrl en demande la confirmation.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt d'irrecevabilité rendu en dernière instance cantonale. Sur le fond, la contestation porte sur l'octroi d'une autorisation d'installer deux corps morts sur le domaine public cantonal. Le recours est dès lors recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à faire contrôler que sa légitimation active ne lui a pas été déniée en violation de ses droits de partie (cf. ATF 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 124 II 124 consid. 1b p. 126). Il a donc la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont au surplus réunies.
2.
Le recourant considère que la légitimation pour recourir lui aurait été déniée en violation de l'art. 89 al. 1 LTF.
2.1 Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. L'alinéa 3 précise que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145 consid. 5 p. 149). La vocation pour agir devant la Chambre administrative de la Cour de justice est définie à l'art. 60 let. b de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA). Cette disposition accorde le droit de recourir à toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Le recourant ne prétend pas que le droit cantonal serait plus large sur ce point que le droit fédéral. L'autorité cantonale a d'ailleurs précisé que cette disposition avait la même portée que l'art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 131 I 153 consid. 5.3 p. 159). Il convient donc en définitive d'examiner la qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF qui correspond dans une large mesure à cette disposition. S'agissant de droit fédéral (art. 111 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral examine cette question librement (ATF 135 II 145 consid. 5 p. 149).
Aux termes de l'art. 89 LTF, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 et les arrêts cités). Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. Le critère de la distance n'est toutefois pas le seul déterminant. S'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent aussi se voir reconnaître la vocation pour recourir (ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285; arrêt 1C_33/2011 du 12 juillet 2011 consid. 2.3 in DEP 2012 p. 9). Par ailleurs, la proximité avec l'objet du litige ne suffit pas à elle seule à leur conférer la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Ils doivent en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 33-34; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252, 468 consid. 1 p. 470).
2.2 Dans le cas particulier, la villa des époux X.________ est distante d'environ 180 mètres des deux corps morts immergés litigieux et des bouées en surface. A cette distance, ces installations ne sont pas ou peu visibles, comme l'a reconnu avec raison la cour cantonale. Il n'en va pas différemment si l'on devait prendre en compte la distance qui les sépare de la limite de la propriété du recourant. Toutefois, ce n'est pas tant les bouées que les bateaux qui y sont amarrés, destinés pour certains à être réparés dans le chantier naval de l'intimée, qui sont source de gêne pour le recourant. La restriction même partielle à la vue dont celui-ci jouit actuellement sans limite sur le lac, la rive opposée et le Jura en arrière-plan depuis sa propriété est suffisante pour retenir qu'il est atteint de manière spéciale et directe dans une mesure plus sensible que les autres administrés par les installations litigieuses (cf. arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 5). En outre, si les conditions posées à la délivrance d'une autorisation de poser les corps morts et les bouées en surface devaient ne pas être réalisées, le recourant pourrait obtenir leur démantèlement mettant ainsi fin à l'atteinte précitée.
La Chambre administrative a dès lors dénié à tort au recourant la qualité pour recourir contre l'autorisation délivrée à l'intimée au motif qu'il n'était pas touché dans un intérêt digne de protection au sens de l'art. 60 let. b LPA. L'arrêt attaqué viole le droit fédéral en tant qu'il déclare le recours irrecevable pour ce motif et doit par conséquent être annulé. Il convient de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle examine la recevabilité du recours au regard des autres conditions de recevabilité et statue, le cas échéant, sur les arguments de fond développés contre cette autorisation.
3.
Les frais judiciaires ne pouvant être mis à la charge des autorités cantonales (art. 66 al. 4 LTF), ils seront supportés pour moitié par l'intimée, qui a conclu à la confirmation de l'arrêt attaqué (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'intimée et du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 et 66 al. 5 par renvoi de l'art. 68 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, 1'000 fr. étant à la charge de l'intimée et 1'000 fr. à la charge du canton de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'au Département de l'intérieur et de la mobilité et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 21 mai 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Parmelin