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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_167/2012
Arrêt du 11 octobre 2012
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges Mathys, Président,
Schneider, Jacquemoud-Rossari, Denys et Schöbi.
Greffier: M. Rieben.
Participants à la procédure
1. Canal+ Distribution SAS,
2. Société d'Edition de Canal Plus,
3. Nagra France SAS,
4. Nagravision SA,
toutes les quatre représentées par
Maître Laurent Maire, avocat,
recourantes,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.________,
3. A.________,
tous les deux représentés par
Maître Pierre-Olivier Wellauer, avocat,
intimés.
Objet
Infractions à la loi fédérale sur le droit d'auteur,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 9 décembre 2011.
Faits:
A.
Statuant sur les appels déposés contre un jugement du Tribunal de l'arrondissement de Lausanne du 30 mai 2011 par Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS, Nagra France SAS et Nagravision SA, d'une part, et par A.________ et B.________, d'autre part, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 9 décembre 2011, partiellement admis l'appel des premières et rejeté celui des seconds. Elle a confirmé la libération de A.________ et B.________ du chef d'accusation d'infraction à la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1), mais condamné les précités pour infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) à des peines pécuniaires de 120 jours-amende, respectivement 60 jours-amende à 30 francs le jour. Elle a par ailleurs alloué des prétentions civiles.
B.
Ce jugement se fonde sur les principaux éléments de fait suivants.
B.a Société d'Edition de Canal Plus et Canal+ Distribution SAS appartiennent au groupe Canal+ dont les principales activités sont l'édition et la distribution de chaînes payantes ainsi que la production et la distribution de films et de programmes de télévision. Société d'Edition de Canal Plus a pour mission principale l'édition de chaînes généralistes. Elle est présente en Suisse depuis 1996 via différents téléréseaux et par satellite en analogique, et, depuis le 1er octobre 2008, en numérique. Canal+ Distribution SAS a notamment pour but d'assurer toutes opérations ou prestations se rapportant à la distribution ou la commercialisation des chaînes Canal+ et Canal Sat, par tout moyen de diffusion ou support.
B.b Afin de limiter l'accès de ses programmes à ses abonnés, Canal+ Distribution SAS crypte le signal de ses émissions par le biais d'un mot de contrôle transmis à une carte à puce fournie à ses clients. Une fois décrypté par la carte à puce, le mot de contrôle est directement envoyé au décodeur de l'abonné, ce qui lui permet de visionner les programmes. Les données sont cryptées par un système développé et commercialisé par Nagravision SA.
B.c A._______ a créé l'entreprise C.________ Sàrl et a ouvert deux magasins faisant commerce d'antennes et paraboles à Renens et à Fribourg. Entre 2006 et décembre 2007, il a modifié des appareils décodeurs, notamment de type Dreambox 500 S, afin qu'ils puissent décoder les chaînes cryptées de Société d'Edition de Canal Plus sans qu'il soit nécessaire de payer l'abonnement officiel y relatif. Pour ce faire, il installait sur les décodeurs un programme leur permettant d'accéder, via une connexion internet, aux codes de décryptage des cartes officielles dont il était titulaire. Pour bénéficier de ce système, ses clients devaient souscrire un abonnement de maintenance au prix de 350 francs par an. A.________ a vendu entre 200 et 250 appareils modifiés pour un chiffre d'affaires se situant entre 130'000 et 162'000 francs.
B.d B.________ est l'associé de A.________. Entre 2006 et décembre 2007, il a vendu des décodeurs qu'il avait parfois lui-même modifiés et a installé certains d'entre eux chez des clients.
C.
Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS, Nagra France SAS et Nagravision SA forment un recours en matière pénale contre le jugement du 9 décembre 2011. Elles concluent à ce que A.________ et B.________ soient reconnus coupables d'infraction à la loi sur le droit d'auteur et condamnés à une peine supérieure à 120 jours-amende à 30 francs le jour, respectivement 60 jours-amende à 30 francs le jour, à ce qu'ils soient reconnus débiteurs à leur égard de la somme de 136'500 francs, respectivement 5'400 francs, avec intérêts à 5% dès le 9 décembre 2011 à titre de remise de gain, à ce qu'ils soient reconnus débiteurs à leur égard de la somme de 20'000 francs chacun avec intérêts à 5% dès le 9 décembre 2011 à titre de réparation du tort moral et à ce qu'ils soient condamnés à leur verser la somme de 33'462 francs à titre de dépens pénaux de deuxième instance.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
Les recourantes invoquent une violation de la loi sur le droit d'auteur. Elles font valoir en premier lieu que les intimés se sont rendus coupables d'infraction à l'art. 67 let. h LDA.
1.1 Selon l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Une conclusion est nouvelle dès lors qu'elle n'a pas été soumise à l'instance précédente et qu'elle tend à élargir l'objet du litige. Il est donc exclu de demander davantage ou autre chose que ce qui figure dans les dernières conclusions prises devant l'autorité précédente. (arrêt 6B_863/2010 du 17 janvier 2011 consid. 4).
1.2 Devant la cour cantonale, les recourantes ont conclu à ce qu'il soit constaté que les intimés s'étaient rendus coupables d'infraction aux art. 67 al. 1 let. i et al. 2 ainsi que 69 al. 1 let. e et al. 2 LDA, qui répriment la violation du droit exclusif de l'auteur et des titulaires de droits voisins de faire voir ou entendre leur ?uvre ou leur prestation. Elles n'avaient en revanche pris aucune conclusion en relation avec l'art. 67 al. 1 let. h LDA, relatif au droit de retransmettre une oeuvre (cf. déclaration d'appel du 19 juillet 2011, pce 91/1 de la procédure cantonale). La conclusion prise pour la première fois devant le Tribunal fédéral tendant à ce que les intimés soient reconnus coupables d'infraction à cette disposition est donc nouvelle et, partant, irrecevable. Au surplus, ni l'ordonnance de renvoi du 1er octobre 2009, ni les décisions de première instance et d'appel ne mentionnent l'art. 67 al. 1 let. h LDA, de sorte que l'objet du litige ne saurait être étendu à cette question devant le Tribunal fédéral.
Il est dès lors inutile d'examiner si, comme les recourantes le soutiennent, les constatations cantonales doivent être complétées sur des points de fait invoqués en relation avec cette infraction, relatifs en particulier à la notion de messages de contrôle des droits (Entitlement Control Message, ECM) contenus dans le flux diffusé, lesquels auraient été retransmis en violation de leurs droits.
2.
Les recourantes soutiennent que les intimés se sont rendus coupables d'infraction aux art. 67 al. 1 let. i et 69 al. 1 let. e LDA en faisant voir ou entendre les émissions qu'elles ont produites et diffusées.
2.1
2.1.1 L'art. 67 al. 1 let. i LDA réprime, sur plainte du lésé, le comportement de quiconque, intentionnellement et sans droit, fait voir ou entendre une ?uvre diffusée ou retransmise (teneur en vigueur avant le 1er juillet 2008; le comportement réprimé s'étend après cette date également à une autre hypothèse, qui n'est toutefois pas pertinente en l'espèce).
L'art. 67 al. 1 let. i LDA réprime pénalement la violation du droit accordé à l'auteur par l'art. 10 al. 2 let. f LDA de faire voir ou entendre son ?uvre (cf. Denis Barrelet/Willi Egloff, Le nouveau droit d'auteur, 3ème éd., 2008, n. 4 ad art. 67 LDA; Manfred Rehbinder/Adriano Viganò, Urheberrechtsgesetz, Kommentar, 3ème éd., 2008, n. 16 ad art. 67 LDA). Ce droit est parfois appelé droit de réception publique, par opposition à la réception privée (cf. François Dessemontet, Le droit d'auteur, 1999, n. 236 p. 186; Barrelet/Egloff, op. cit., n. 37 et 38 ad art. 10 LDA, qui déconseillent toutefois l'utilisation de ce terme). Cette disposition complète le droit de retransmission en réservant à l'auteur l'exploitation sur un écran ou par des haut-parleurs des ?uvres diffusées ou retransmises (Dessemontet, op. cit., n. 236, p. 185 s.). La doctrine cite à titre d'exemple de cas visé par cette disposition celui du restaurateur dont la clientèle peut voir une émission télévisée, celui du grand magasin qui diffuse de la musique ou celui du coiffeur qui travaille avec un poste de radio allumé, lesquels devront requérir une autorisation pour utiliser les ?uvres. Le droit de l'auteur de faire voir ou entendre des émissions suppose l'absence d'installation supplémentaire entre le poste récepteur et les utilisateurs. Le cas de l'hôtelier dont les clients ont la possibilité de regarder la télévision ne constitue ainsi pas une mise à disposition au sens de l'art. 10 al. 2 let. f LDA (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 37 ad art. 10 LDA; Herbert Pfortmüller in Müller/Oertli, Urheberrechtsgesetz (URG), Stämpflis Handkommentar, 2006, n. 13 ad art. 10 LDA).
2.1.2 A la différence de l'art. 67 LDA, l'art. 69 LDA n'assure pas la protection du droit d'auteur, mais des droits voisins, soit ceux dont disposent les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes ainsi que les organismes de diffusion (cf. art. 1 al. 1 let. b LDA; art. 33 ss LDA). L'art. 37 LDA, qui définit les droits des organismes de diffusion, protège le travail de production de la création d'un signal de diffusion d'une émission destinée à être reçue par le public, ce qui inclut la télévision par abonnement (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 4 ad art. 37 LDA; Rehbinder/Viganò, op. cit., n. 3 ad art. 37 LDA).
L'art. 69 al. 1 let. e LDA réprime le comportement de celui qui, intentionnellement et sans droit, fait voir ou entendre une prestation diffusée ou retransmise (teneur en vigueur avant le 1er juillet 2008; le comportement réprimé s'étend après cette date également à une autre hypothèse, qui n'est toutefois pas pertinente en l'espèce). Cette disposition sanctionne une infraction au droit exclusif dont l'organisme de diffusion dispose de faire voir ou entendre son émission en vertu de l'art. 37 let. b LDA (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 3 ad art. 69 LDA). Ce droit correspond à celui conféré aux auteurs par l'art. 10 al. 2 let. f LDA (cf. Barrelet/Egloff, op. cit., n. 6 ad art. 37 LDA; Rehbinder/Viganò, op. cit., n. 8 ad art. 37 LDA, cf. supra consid 2.1.1).
2.2 La cour cantonale a considéré que le droit de faire voir ou entendre des ?uvres se rapportait à un acte par lequel un poste récepteur était utilisé de telle sorte que des personnes ne faisant pas partie du cercle privé de celui qui détient le poste puissent voir ou entendre les émissions diffusées, retransmises ou mises à disposition. Les conditions d'application des art. 67 al. 1 let. i et 69 al. 1 let. e LDA n'étaient ainsi pas réalisées en l'espèce (jugement du 9 décembre 2011, consid. 3.3 p. 23).
2.3 Les recourantes soutiennent que les intimés, en décryptant les ?uvres diffusées par elles, ont rendu celles-ci perceptibles, contre leur volonté, puisque sans le système mis en place, les clients de ces derniers n'auraient pas pu visionner leurs émissions, qui étaient cryptées. Elles invoquent le texte allemand de la loi qui utilise le terme de "wahrnehmbar machen". Selon elles, la loi est formulée de manière technologiquement neutre et l'absence d'utilisation d'un poste récepteur n'est pas pertinente. Le procédé utilisé violait ainsi les droits que les art. 10 al. 2 let. f LDA et 37 let. b LDA leur accordaient et était constitutif d'infraction aux art. 67 al. 1 let. i LDA et 69 al. 1 let. e LDA.
2.4 Les ?uvres diffusées par les recourantes n'étaient pas transmises par les intimés à leurs clients de manière à ce qu'ils puissent directement en profiter. Elles étaient au contraire reçues par ces derniers, puis décryptées par le serveur mis en place par les intimés. Ceux-ci ne diffusaient ainsi pas directement auprès de leurs clients, sans installation supplémentaire, les programmes des recourantes. Le cas d'espèce n'est pas comparable à celui du restaurateur ou du coiffeur qui diffuse des ?uvres protégées aux clients qui se trouvent dans leur établissement ou dans leurs locaux, qui, dans ces hypothèses, les perçoivent immédiatement, sans aucun intermédiaire. L'hôtelier rend également "perceptible" à ses clients les programmes de télévision que ceux-ci peuvent visionner dans leur chambre grâce au poste de télévision qui y est installé. La doctrine considère cependant qu'il ne s'agit pas là d'un cas d'application de l'art. 10 al. 2 let. f LDA (cf. supra consid. 2.1.1). Cela montre que, contrairement à ce que les recourantes soutiennent, le simple fait de rendre perceptible une oeuvre ne suffit pas pour que la disposition précitée soit applicable.
Au surplus, la cour cantonale n'a pas exclu une violation de la loi sur le droit d'auteur pour le motif qu'aurait été réalisée l'exception d'usage privé selon l'art. 19 al. 1 let. a LDA, disposition qu'elle ne cite pas. Elle mentionne l'usage qui sort du cercle privé pour expliquer la portée de l'art. 10 al. 2 let. f LDA, parfois qualifié de "droit de réception publique". Elle n'a en revanche pas expliqué que les oeuvres avaient été utilisées dans un cadre privé et qu'un tel usage était autorisé. Les recourantes ne peuvent ainsi valablement soutenir que l'autorité cantonale aurait invoqué à tort l'exception d'usage privé pour nier une violation de leurs droits.
2.5 En définitive, il doit être retenu que les intimés n'ont pas fait voir ou entendre, au sens des art. 10. al. 2 let. f et 37 let. b LDA, les programmes produits et diffusés par les recourantes. Les conditions d'application des art. 67 al. 1 let. i LDA et 69 al. 1 let. e LDA ne sont pas remplies. La cour cantonale n'a ainsi pas violé le droit fédéral en considérant que les intimés n'avaient pas enfreint ces dispositions. Le recours doit être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les griefs d'arbitraire dans l'établissement des faits et de violation des art. 62 LDA et 126 CPP relatifs à la remise du gain réclamée par les recourantes et de violation de l'art. 433 al. 1 CPP qu'elles invoquent en relation avec la violation de la loi sur le droit d'auteur.
3.
Les recourantes, qui succombent, supportent les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de la cause, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS, Nagra France SAS et Nagravision SA, solidairement entre elles.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 11 octobre 2012
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
Le Greffier: Rieben