Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_567/2012
Arrêt du 18 décembre 2012
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Vallat.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Endri Gega, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève.
Objet
Fixation de la peine; arbitraire (infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 19 juin 2012.
Faits:
A.
Par jugement du 30 septembre 2011, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a condamné X.________, à côté d'autres accusés, pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la loi fédérale sur les étrangers, à 4 ans et 9 mois de privation de liberté, sous déduction de 360 jours de détention avant jugement, peine comprenant une précédente sanction de 90 jours amende à 30 francs le jour, prononcée avec sursis le 30 janvier 2009 par le Bezirksamt de Brugg.
B.
Saisie d'un appel du Ministère public cantonal, la Chambre pénale d'appel de la Cour de justice, après avoir déclaré irrecevable l'appel de X.________, a condamné ce dernier à 5 ans et 9 mois de privation de liberté sous déduction de la détention préventive, révoqué le sursis octroyé le 30 janvier 2009 et confirmé pour le surplus le jugement entrepris.
En bref, la cour cantonale a jugé que X.________ revêtait une position de chef d'un réseau de trafiquants d'héroïne, qu'il ne contestait pas sérieusement en appel. Il avait admis l'ensemble des faits, soit notamment un trafic portant sur une quantité totale de près de 5 kg d'héroïne. La quotité de la peine infligée se justifiait au regard des dispositions prises par l'intéressé, de sa place dans le réseau, de la quantité de stupéfiants sur laquelle avait porté son activité criminelle, de la récidive et de ses circonstances personnelles.
C.
X.________ recourt en matière pénale contre ce jugement. Il conclut à sa réforme en ce sens que la quotité de sa peine n'excède pas celle prononcée en première instance. Il requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision entreprise lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; v. sur cette notion: ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 379) dans la constatation des faits. La recevabilité de tels griefs suppose l'articulation de critiques circonstanciées (ATF 136 II 101 consid. 3, p. 105), claires et précises, répondant aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). Les critiques appellatoires sont irrecevables (cf. ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).
2.
Le recourant invoque la violation de l'art. 404 al. 1 CPP ainsi que la constatation arbitraire des faits. Il relève que, dans son jugement du 30 septembre 2011, l'autorité de première instance avait retenu un trafic portant sur 3,3 kg d'héroïne (environ 2 kg en septembre 2010 et 1,3 kg en octobre 2010) et fixé la peine sur la base de cette quantité (jugement du 30 septembre 2011, consid. 2.7 p. 40 et consid. 9.2.1 p. 46). Saisie d'un appel du Ministère public portant sur la seule question de la quotité de la sanction, la cour cantonale ne pouvait, selon lui, prendre en considération une quantité de produits stupéfiants de près de 5 kg.
2.1 Conformément à l'art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance.
2.2 En l'espèce, il est constant que l'appel du Ministère public portait sur la seule quotité de la peine et que celui du recourant a été déclaré irrecevable. Il ressort, par ailleurs, du jugement du 30 septembre 2011 que le Tribunal correctionnel a tenu pour établie, à la charge du recourant, une livraison de 1500 g d'héroïne le 5 septembre 2010 ou aux alentours de cette date (consid. 2.2 p. 36). Il a ensuite retenu une livraison du 8 septembre 2010, sans en chiffrer le poids mais en précisant que les quantités figurant dans l'acte d'accusation, soit un total de près de 5 kg, étaient trop importantes au vu de celles écoulées par la suite (consid. 2.3 p. 37). 2050 g d'héroïne avaient été écoulés du 8 au 16 septembre 2010 (consid. 2.4 p. 38). Le recourant avait également reconnu la vente de 85 g d'héroïne à des consommateurs entre le 9 et le 15 septembre 2010 (consid. 2.5 p. 38). Enfin, 1300 g d'héroïne avaient été livrés le 5 octobre 2010, après que la drogue reçue les 5 et 8 septembre 2010 eut été écoulée le 16 septembre 2010 (consid. 2.6 p. 38 s.).
On comprend ainsi que, pour aboutir à un trafic portant sur 3,3 kg d'héroïne, l'autorité de première instance a additionné les 1300 g de la livraison du 5 octobre 2010, aux quelque 2000 g écoulés du 8 au 16 septembre 2010, correspondant eux-mêmes aux quantités livrées le 5 septembre 2010 (1500 g) et le 8 septembre 2010 (quantité indéterminée). Quant à la cour cantonale, elle a, implicitement, tenu compte de toutes les quantités établies par l'autorité de première instance (1500 + 2050 + 85 + 1300 = 4935 g). Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas retenu à la charge du recourant des faits qui ne l'avaient pas été en première instance. Elle n'a donc pas méconnu les limites découlant du fait que l'appel du Ministère public portait exclusivement sur la quotité de la peine. Le grief est infondé.
Pour le surplus, savoir comment ces quantités de stupéfiants doivent être prises en compte au stade de la fixation de la peine est une question de droit qui sera examinée ci-dessous.
3.
Le recourant invoque la violation de l'art. 47 CP.
3.1 Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (consid. 2.1 et les références citées). Il suffit d'y renvoyer en soulignant que le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que le Tribunal fédéral, qui examine l'ensemble de la question d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fait un usage insoutenable de la marge de manoeuvre que lui accorde le droit fédéral, s'il a fixé une peine en dehors du cadre légal, s'il s'est fondé sur des critères étrangers à l'art. 47 CP ou si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte.
3.2 Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants.
Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 122 IV 299 consid. 2c p. 301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 consid. 2b p. 301). Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204; 118 IV 342 consid. 2d p. 349).
3.3 En bref, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir pris en considération une quantité de près de 5 kg d'héroïne. La cour cantonale aurait conféré un poids excessif au fait qu'il avait suivi une formation de médecin ainsi qu'à l'existence d'un antécédent judiciaire, qui devrait être considéré comme un facteur neutre. La cour cantonale aurait ignoré le taux de pureté particulièrement faible des stupéfiants en question, élément qui jouerait un rôle quant à la gravité de l'infraction au regard de la quantité d'héroïne pure mise en circulation, d'une part, et qui démontrerait, d'autre part, qu'il s'agissait d'un trafic purement local, de faible envergure, les condamnés se trouvant en toute fin de chaîne, faute de pouvoir couper davantage la marchandise.
3.3.1 La peine maximale sanctionnant les infractions graves à l'art. 19 LStup est de vingt ans de privation de liberté. Celle infligée en l'espèce ne sort, par conséquent, pas du cadre légal.
3.3.2 On renvoie, en ce qui concerne les quantités de stupéfiants sur lesquelles a porté l'activité du recourant à ce qui a été exposé ci-dessus. La cour de céans est liée par ces constatations (art. 105 al. 1 LTF). L'argumentation du recourant consistant à opposer aux quelque 5 kilos d'héroïne retenus par la cour cantonale pour fixer la peine les 3,3 kilos mentionnés par l'autorité de première instance pose, tout au plus, la question - de droit - de savoir comment doit être déterminée la quantité de stupéfiants, s'agissant d'apprécier l'importance de son activité délictueuse.
A cet égard, le calcul opéré par la cour cantonale pour déterminer l'importance du trafic revient à prendre en considération deux fois la même quantité de stupéfiants, en tant qu'elle a été livrée, puis distribuée. Il apparaît d'emblée qu'un tel calcul ne rend pas compte de l'importance globale d'un trafic. Il n'en demeure pas moins que des comportements illicites variés en relation avec la même quantité de stupéfiants (par exemple se procurer des stupéfiants, les couper, les détailler, puis les revendre à des tiers) dénotent une implication plus intense de l'auteur dans le trafic, ce qui influe négativement sur sa culpabilité.
3.3.3 Le trafic du recourant a ainsi porté sur plus de trois kilos bruts d'héroïne (v. infra consid. 3.3.4 en ce qui concerne les quantités d'héroïne pure). Dans un tel ordre de grandeur, les quantités exactes en jeu apparaissent ainsi moins déterminantes que l'étendue des activités de l'auteur et son implication dans le trafic. L'autorité cantonale a souligné, sur ce point, la position de chef du réseau que revêtait le recourant. Il ressort aussi du jugement de première instance qu'il s'occupait de l'approvisionnement en drogue et en produits de coupage de son groupe ainsi que de son financement. Il était chargé de collecter le produit des ventes pour payer ou rembourser ensuite le fournisseur et se tenait informé des ventes (jugement du 30 septembre 2011, consid. 2.2 p. 36, consid. 2.6 p. 39 et 9.2.1 p. 46). Il s'ensuit que ses activités ne se sont pas limitées à la livraison des stupéfiants à ses comparses mais englobent plusieurs des comportements réprimés par l'art. 19 al. 1 let. c, d et e LStup.
3.3.4 En tant que le recourant se prévaut, pour l'ensemble des faits qui lui ont été reprochés, d'un taux de pureté particulièrement faible (5,5%), il s'écarte de manière inadmissible des constatations de fait des autorités cantonales. Ce taux n'a, en effet, été établi qu'en ce qui concerne la livraison du 5 octobre 2010 (1,3 kg), cependant que les autorités cantonales ont retenu un taux de pureté de 10% pour le solde, soit la plus grande part des stupéfiants (jugement du 30 septembre 2011, consid. 5.1 p. 41). De surcroît, il ne ressort pas des constatations de fait des autorités cantonales que le recourant ait su, au moment d'agir, les stupéfiants d'une qualité particulièrement médiocre. Il ne peut donc rien en déduire en sa faveur. En plaidant, sur la même base, un trafic purement local « en bout de chaîne » portant sur des stupéfiants ne pouvant plus être coupés, le recourant s'écarte encore une fois des constatations de fait des autorités cantonales. Ces dernières ont en effet retenu que l'après-midi du 8 septembre 2010 avait été consacrée au « coupage » de la drogue livrée le matin, grâce aux produits obtenus à cette fin le jour précédent (jugement du 30 septembre 2011, consid. 2.2 p. 36 et consid. 2.3 p. 37), et que la drogue était également destinée à des semi-grossistes (jugement du 30 septembre 2011, consid. 9.2.1 p. 46). Cela suppose la revente par ces derniers à des tiers, consommateurs finaux ou non. La distribution des stupéfiants à des tiers a, en outre, été opérée par la remise de nombreuses quantités plus ou moins importantes (v. jugement du 30 septembre 2011, consid. g.e p. 17 ss et g.f p. 22 ss).
3.3.5 En ce qui concerne les aspects personnels, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir souligné que le recourant disposait d'une formation de médecin. Comme l'a relevé l'autorité précédente, d'une part, cette formation aurait permis au recourant de gagner sa vie en exerçant une activité licite (arrêt entrepris, consid. 3.3.1 p. 11). Il n'était dès lors pas insoutenable de conclure qu'il avait agi par appât du gain (jugement du 30 septembre 2011 consid. 9.2.1 p. 46). On peut en déduire, d'autre part, que le recourant devait avoir une conscience particulière des conséquences tant individuelles, sur la santé des consommateurs, que plus généralement sanitaires et sociales de son activité illicite (v. jugement du 30 septembre 2011 consid. 9.2.1 p. 47). Ainsi, même à supposer qu'il ait tablé sur un taux de pureté relativement faible (5,5%), il ne pouvait, compte tenu des quantités en cause (quelque 3,3 kg), ignorer mettre en danger la santé de plusieurs centaines de personnes (cf. ATF 109 IV 143). Pour le surplus, en se référant à l'arrêt publié aux ATF 136 IV 1, le recourant se méprend sur la portée de cette jurisprudence qui ne fait pas de tout antécédent, même défavorable, un facteur neutre dans la fixation de la peine, mais n'autorise plus de reconnaître, sauf circonstances particulières, un effet atténuant à l'absence d'antécédent.
3.3.6 Au vu de ce qui précède, et compte tenu, de la récidive dans le même domaine des stupéfiants (condamnation à trois ans de privation de liberté: jugement du 30 septembre 2011, consid. D.a p. 32 et consid. 9.2.1 p. 47), ainsi que du concours (art. 49 CP) avec des infractions à la loi fédérale sur les étrangers, la privation de liberté infligée en l'espèce, qui demeure dans le premier tiers de l'échelle des peines entrant en considération, n'apparaît pas procéder d'un abus du large pouvoir d'appréciation dont disposait la cour cantonale. Le grief est infondé dans la mesure où il est recevable.
4.
Le recourant succombe. Son recours était d'emblée dénué de chances de succès, de sorte que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Il supporte les frais de la cause qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 18 décembre 2012
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
Le Greffier: Vallat