Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_866/2012
Arrêt du 1er février 2013
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président, Hohl et Herrmann.
Greffière: Mme Hildbrand.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Ivan Cohen, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Marc Mathey-Doret, avocat,
intimé.
Objet
refus de séquestre,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 19 octobre 2012.
Faits:
A.
A.a Par jugement du 24 juin 2010, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: Tribunal de première instance) a condamné, notamment, C.________, D.________ et B.________ à payer solidairement à A.________ la somme de xxxx USD. La Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé cette condamnation le 26 août 2011.
A.b Statuant par arrêt du 29 mai 2012, le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours de A.________, dans la mesure où il est recevable, a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé l'affaire à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les frais judiciaires ont été mis à la charge des intimés à raison de 11'000 fr., solidairement entre eux; ils ont en outre été condamnés à payer, solidairement entre eux également, une indemnité de 11'000 fr. à A.________ (cf. arrêt 5A_682/2011).
Il ressort des motifs que le Tribunal fédéral a considéré que c'était à tort que l'autorité précédente avait débouté la recourante pour le motif tiré de l'absence de légitimation passive et que, par conséquent, les intimés étaient "en principe tenus de restituer le montant perçu" (cf. consid. 4.2.2 in fine). Il a donc en conclusion considéré que le recours apparaissait bien fondé dans la mesure de sa recevabilité, en ce sens que l'action révocatoire devait être admise sur le fond et qu'il appartenait à la juridiction précédente de compléter ses constatations sur le point de départ de l'intérêt moratoire et de statuer à nouveau sur les frais et dépens des instances cantonales (cf. consid. 8).
B.
B.a Se fondant sur cet arrêt du Tribunal fédéral, A.________ a déposé, le 17 juillet 2012, une requête de séquestre de divers biens appartenant à B.________ à concurrence du montant de xxxx fr. correspondant à la contre-valeur de xxxx USD avec intérêts à 5% l'an dès le 13 mars 2008 et xxxx fr. correspondant aux frais judiciaires et dépens de la procédure devant le Tribunal fédéral avec intérêts à 5% l'an dès le 15 juin 2012.
B.b Le Tribunal de première instance a statué le 17 juillet 2012 par deux décisions distinctes.
Dans la première, il a ordonné le séquestre à concurrence de xxxx fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 juin 2002 de biens déterminés de B.________ sur la base de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, considérant que le jugement invoqué n'était définitif et exécutoire que pour les seules créances de frais judiciaires de 11'000 fr. et de dépens de 11'000 francs.
Dans la seconde, il a refusé le séquestre des biens de B.________ pour la créance en capital de xxxx francs.
B.c Statuant par arrêt du 19 octobre 2012, la Cour de justice a complété les objets séquestrés en garantie de la créance de xxxx fr. et rejeté le recours pour le surplus confirmant ainsi l'ordonnance de refus de séquestre en tant qu'il concerne la créance de xxxx francs.
C.
Le 23 novembre 2012, A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt en tant qu'il confirme le refus de séquestre. Elle conclut à ce que le séquestre à concurrence de xxxx fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 13 mars 2008 soit ordonné et qu'il porte sur les avoirs auprès de banques, les actions dans différentes sociétés, ainsi que sur les véhicules et bateaux enregistrés de B.________ tels qu'ils sont mentionnés dans sa requête.
Des déterminations n'ont pas été requises.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 LTF) contre une décision de refus de séquestre. Il s'agit d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF, dès lors qu'elle conduit à la clôture définitive de l'instance. Elle a pour objet une décision prise en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) et a été rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ). L'affaire est de nature pécuniaire et la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, qui a succombé dans ses conclusions tendant au prononcé du séquestre, a en outre pris part à la procédure devant l'autorité précédente, est particulièrement touchée par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 76 al. 1 LTF).
2.
La décision entreprise porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 589 consid. 1 et 2; 135 III 232 consid. 1.2). Partant, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels, grief que le Tribunal fédéral n'examine que s'il a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF); le recourant doit ainsi indiquer quelle disposition ou principe constitutionnel a été violé et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (ATF 133 III 393 consid. 6; 134 II 349 consid. 3 et les références).
3.
3.1 La Cour de justice a considéré que le Tribunal fédéral avait annulé l'arrêt qu'elle avait rendu le 26 août 2011 - par lequel elle-même avait annulé le jugement du Tribunal de première instance du 24 juin 2010 - et lui avait renvoyé la cause pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle en a déduit qu'il n'existait pas, même au degré de la vraisemblance, de condamnation de l'intimé à payer à la recourante la somme de xxxx USD et que l'annulation de son arrêt n'avait pas fait renaître la condamnation à payer prononcée par le Tribunal de première instance, l'appel ayant effet suspensif.
La Cour de justice a ensuite retenu qu'il n'existait aucun élément permettant d'admettre, au degré de la vraisemblance, que l'intimé disposerait de comptes auprès des banques mentionnées par la recourante ou qu'il soit propriétaire de véhicules, voire de bateaux ou encore actionnaire de sociétés anonymes.
3.2 La recourante reproche, quant à elle, aux juges cantonaux, d'avoir nié que l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2012 constituât un titre de mainlevée définitive pour la créance de xxxx fr. avec intérêts et, partant, d'avoir appliqué arbitrairement les art. 271 al. 1 ch. 6 et 80 LP . Elle leur reproche également d'avoir admis qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable l'existence de bateaux ou de véhicules, respectivement d'avoirs bancaires et de parts sociales appartenant à l'intimé, alors que ce dernier n'avait jamais contesté valablement leur existence, et, partant, d'avoir appliqué arbitrairement l'art. 272 al. 1 ch. 3 LP. Enfin, elle leur fait grief d'avoir commis un déni de justice prohibé par les art. 9 et 29 al. 2 Cst. , en ne prenant en considération qu'une partie seulement de l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, sans se déterminer sur son consid. 8.
4.
En vertu de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsqu'il possède contre ce débiteur un titre de mainlevée définitive. Le titre de mainlevée définitive dont il s'agit est celui visé par l'art. 80 LP (titre marginal: "2. Par la mainlevée définitive a. Titre de mainlevée"; arrêt 5A_355/2012 du 21 décembre 2012 consid. 4.2 destiné à la publication).
4.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Conformément à l'art. 81 al. 1 LP, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
Depuis l'entrée en vigueur du CPC le 1er janvier 2011, le droit fédéral contient une définition du caractère exécutoire des décisions à l'art. 336 al. 1 CPC. En règle générale, une décision devient exécutoire au moment où elle entre en force de chose jugée formelle (formelle Rechtskraft), ce qui se produit lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par une voie de recours ordinaire (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse ad art. 334 p. 6989). Ainsi, la décision qui peut faire l'objet d'un appel - voie de recours ordinaire (art. 308 ss CPC) - n'acquiert pas force de chose jugée et ne devient pas exécutoire (art. 315 al. 1 CPC), au contraire de la décision contre laquelle est ouverte le recours au sens des art. 319 ss CPC qui acquiert force de chose jugée et devient exécutoire (art. 325 al. 1 CPC). Le tribunal ayant la faculté d'ordonner l'exécution anticipée (cf. par ex. art. 315 al. 2 CPC) ou d'accorder l'effet suspensif (cf. par ex. art. 325 al. 2 CPC), il y a par conséquent des décisions pour lesquelles force de chose jugée formelle (formelle Rechtskraft) et force exécutoire (Vollstreckbarkeit) ne coïncident pas. Ainsi, en vertu de l' art. 336 al. 1 let. a et b CPC , une décision est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution (art. 325 al. 2 et 331 al. 2 CPC) ou qu'elle n'est pas encore entrée en force, mais que son exécution anticipée a été prononcée. Les mêmes règles sont applicables lorsque la décision porte sur le versement d'une somme d'argent et doit être exécutée selon la LP (art. 335 al. 2 LTF).
En vertu de l'art. 103 al. 1 LTF, la décision rendue par le tribunal cantonal supérieur, en principe sur recours (art. 75 al. 2 LTF), entre en force de chose jugée et devient exécutoire dès son prononcé, à moins qu'elle n'ait le caractère d'un jugement constitutif (art. 103 al. 2 let. a LTF); le juge instructeur a toutefois la faculté d'accorder l'effet suspensif au recours, c'est-à-dire de suspendre la décision, que ce soit pour la seule force exécutoire ou également pour la force de chose jugée formelle (art. 103 al. 3 LTF; arrêt 5A_3/2009 du 13 février 2009 consid. 2.3, publié in: SJ 2010 I p. 34).
Un arrêt du Tribunal fédéral acquiert force de chose jugée le jour où il est prononcé (art. 61 LTF); il acquiert en même temps force exécutoire (JEAN-MAURICE FRÉSARD, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 8 ad art. 61 LTF). Dans la mesure où il emporte condamnation pécuniaire, il constitue un titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 et 81 LP , cela sur le vu du dispositif et en principe sans attendre la communication de l'arrêt motivé (JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciare, volume I, 1990, n° 3 ad art. 38 OJ). En raison de son contenu, un arrêt peut ne pas être entièrement exécutoire par lui-même: tel est notamment le cas d'un arrêt de renvoi, qui n'est exécutoire qu'à l'égard de l'autorité tenue de prendre une nouvelle décision, sauf en ce qui concerne la condamnation aux frais et dépens (JEAN-FRANÇOIS POUDRET, loc. cit.).
4.2 La force de chose jugée formelle (formelle Rechtskraft) ne doit pas être confondue avec l'autorité de la chose jugée (materielle Rechtskraft), dont sont revêtues les décisions sur le fond (ATF 123 III 16 consid. 2a) et qui permet de s'opposer à ce que cette décision soit remise en discussion devant un tribunal par les mêmes parties et sur le même objet (art. 59 let. e CPC; ATF 121 III 474 consid. 2), ni avec l'autorité attachée à l'arrêt de renvoi, qui oblige l'autorité cantonale à laquelle l'affaire est renvoyée de se fonder sur les considérants de droit de l'arrêt (ATF 135 III 334 consid. 2) et qui lie même le Tribunal fédéral saisi d'un recours contre la nouvelle décision rendue par l'autorité cantonale (ATF 125 III 421 consid. 2a).
5.
5.1 En l'espèce, l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2012 invoqué par la recourante comme titre de mainlevée a admis partiellement le recours, annulé l'arrêt de la Cour de justice et lui a renvoyé l'affaire pour nouvelle décision dans le sens des considérants (ch. 1 du dispositif). Il s'agit par conséquent d'un arrêt de renvoi, et non d'un arrêt portant condamnation à payer une somme d'argent, sauf en ce qui concerne les chefs du dispositif sur les frais et les dépens (ch. 2 et 3 du dispositif). Il n'est donc exécutoire qu'à l'égard de la Cour de justice qui est invitée à rendre une nouvelle décision.
5.2 La recourante ne peut pas être suivie lorsque, se référant à l'ATF 127 III 232, elle soutient que cet arrêt doit être assimilé à un arrêt en constatation de droit puisqu'il relève dans son considérant 8 que l'action révocatoire doit être admise et qu'il constate, par conséquent, la qualité de coobligés conjoints et solidaires des trois débiteurs. Certes, selon la jurisprudence, le juge de la mainlevée n'a pas à se limiter au dispositif de la décision, mais doit se reporter à ses motifs pour déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure, celui-ci constitue un titre qui justifie la mainlevée définitive de l'opposition. Ce n'est toutefois que si le sens du dispositif est douteux qu'il y a lieu d'examiner les motifs pour en lever le doute (ATF 134 III 656 consid. 5.3.2; 79 I 327 consid. 2; arrêt 5P.324/2005 du 22 février 2006 consid. 3.4). Ainsi, comme le jugement qui rejette l'action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) n'emporte aucune condamnation du poursuivi, il est admis que le juge de la mainlevée se réfère aux motifs du jugement pour déterminer le montant dont le poursuivi est reconnu débiteur (ATF 127 III 232 consid. 3a). En l'espèce, on ne se trouve toutefois pas en présence d'un dispositif dont le sens est douteux. L'arrêt du Tribunal fédéral invite en effet la Cour de justice à statuer à nouveau, sur le capital - dès lors qu'il a retenu que C.________, D.________ et B.________ étaient en principe tenus en vertu de l'art. 290 LP de restituer le montant de xxxx USD perçu - et sur les intérêts, après avoir instruit la question de leur point de départ, de sorte que la recourante ne disposera d'un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 LP que lorsque la nouvelle décision après renvoi sera devenue définitive. Une analogie avec l'action en libération de dette ne s'impose pas, dès lors qu'en l'espèce, le prononcé d'une nouvelle décision est programmé et imposé à l'autorité cantonale. Le fait que la Cour de justice soit liée par les considérants de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral ne change rien à l'absence de caractère exécutoire du dispositif de l'arrêt de renvoi en relation avec une condamnation des débiteurs, sous réserve des chefs concernant les frais et dépens. Une nouvelle décision de la Cour de justice devrait d'ailleurs intervenir à bref délai, vu l'objet limité de l'instruction à compléter.
5.3 Il s'ensuit que la Cour de justice n'a pas appliqué arbitrairement les art. 271 al. 1 ch. 6 et 80 LP . Le grief tiré du formalisme excessif et du risque de déni de justice ( art. 9 et 29 al. 2 Cst. ) en relation avec le consid. 8 de l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2012 susmentionné est ainsi sans objet.
6.
La condition de l'existence d'un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP n'étant pas remplie, il est superflu d'examiner en l'état les autres griefs de la recourante en relation avec les autres conditions du séquestre (art. 272 al. 1 ch. 3 LP).
7.
En conclusion, le recours doit donc être rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 1er février 2013
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: von Werdt
La Greffière: Hildbrand