Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_667/2012
Arrêt du 12 février 2013
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffier: M. Rieben.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Marc Zürcher, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel,
intimé.
Objet
Incendie intentionnel (art. 221 al. 2 CP); arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 1er octobre 2012.
Faits:
A.
Par jugement du 25 octobre 2011, le Tribunal criminel du Littoral et du Val de Travers a abandonné, au bénéfice du doute, douze des treize chefs d'accusation d'incendie intentionnel retenus à l'encontre de X.________ et n'en a retenu qu'un seul, relatif à l'incendie survenu le 22 avril 2010 dans l'immeuble sis à Y.________, dans lequel X.________ habite. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 32 mois, assortie d'un sursis partiel portant sur 22 mois, avec délai d'épreuve de trois ans, a restitué les objets séquestrés durant l'enquête, à l'exception d'une arme, et a prononcé une règle de conduite consistant à maintenir le suivi de X.________ par le Service de probation et le Centre neuchâtelois d'alcoologie (CENEA) durant dix-huit mois à compter du 25 octobre 2011.
B.
Le 1er octobre 2012, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a rejeté l'appel dont X.________ l'avait saisie et a confirmé le jugement du 25 octobre 2011. Elle s'est fondée sur les éléments de fait suivants.
B.a A la suite d'une série d'incendies intentionnels qui se sont produits à compter du début de l'année 2009 dans la région Z.________, dont plusieurs à Y.________ dans le canton de Neuchâtel, la police a mis en place une surveillance vidéo à proximité du domicile de X.________, pompier volontaire sur lequel les soupçons se dirigeaient.
B.b Le 22 avril 2010, X.________ a été filmé rentrant à son domicile peu avant 14 heures 30, en repartir vers 16 heures 15 et y revenir un quart d'heure plus tard. Il s'est à nouveau absenté entre 16 heures 45 et 18 heures 06 pour participer, à sa demande, à une reconnaissance pour un exercice de pompier, en compagnie d'un collègue. A 18 heures 19, il a été filmé en train de descendre des étages de son immeuble par les escaliers, étant précisé qu'il habite au rez-de-chaussée. Après avoir déclaré que cela devait faire au moins six mois ou une année qu'il n'était pas monté dans les étages, il a indiqué qu'il n'avait pas souvenir de l'avoir fait le 22 avril 2010 et qu'entre la fin de sa reconnaissance pour l'exercice de pompier et l'arrivée de son amie à son domicile, vers 18 heures 20, c'était "le blanc total". Il est descendu au rez-inférieur et a cherché à sortir de l'immeuble par une porte latérale. Il a alors rencontré une voisine, à laquelle il a expliqué qu'il voulait savoir qui tondait le gazon, ce qui a surpris cette dernière. X.________ a également déclaré ne pas se souvenir de cette rencontre. L'alarme pour un feu dans les combles de l'immeuble habité par X.________ a été lancée à 18 heures 32 par un tiers.
B.c Confronté aux éléments de preuve le mettant en cause, X.________ a expliqué ses "blancs" par sa consommation excessive d'alcool le jour en question. La personne avec laquelle il se trouvait à midi ce jour-là a cependant déclaré qu'ils avaient peu bu. Le pompier avec lequel X.________ a effectué une reconnaissance et son amie ont en outre déclaré qu'il ne leur avait pas paru sous l'influence de l'alcool. Chargé de se prononcer sur la prétendue absence de souvenirs de X.________, le Dr A.________, médecin psychiatre, a indiqué qu'une amnésie avec des souvenirs parfaitement clairs à 18 heures 05, puis aucun à 18 heures 20 et à nouveau des souvenirs précis lui permettant de décrire son comportement après le déclenchement de l'alarme, ne correspondait à aucun pattern de trouble de la mémoire connu en psychiatrie. Pour l'expert, l'amnésie de X.________ était simulée.
B.d Deux hypothèses pouvaient être formulées quant à la manière dont X.________ avait allumé le feu. Soit il avait installé un mécanisme de mise à feu durant l'après-midi, soit il avait allumé le feu juste avant que l'alarme ne soit déclenchée, entre 18 heures 06 et 18 heures 19. Le deuxième scénario était toutefois moins probable dans la mesure où le feu avait déjà atteint une certaine ampleur lorsque l'alarme avait été donnée. X.________ était monté dans les étages, puis avait cherché à sortir de l'immeuble, afin de voir si l'incendie avait pris.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 1er octobre 2012. Il conclut à son acquittement, à ce que l'indemnité qui lui est due en vertu de l'art. 429 CPP pour les deux instances cantonales soit fixée et à ce que soit ordonnée la fin de son suivi par le service de probation et le CENEA ainsi que la levée du dernier séquestre. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
Le recourant invoque le principe in dubio pro reo. Il fait valoir que sa condamnation pour incendie intentionnel suppose que la procédure ait établi qu'il avait effectivement mis le feu à l'objet incendié. Cette preuve n'avait cependant pas été apportée. Il invoque ainsi la violation du principe de la présomption d'innocence en tant que règle sur l'appréciation des preuves.
1.1 La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 10 CPP, 14 par. 2 du Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire (art. 9 Cst.). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). L'invocation de l'arbitraire suppose une argumentation claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5; 137 II 353 c. 5.1 p. 365).
1.2 La cour cantonale a relevé que le recourant avait menti au sujet de son emploi du temps et de sa consommation d'alcool dans les heures qui avaient précédé l'incendie, qu'il avait eu matériellement le temps de préparer l'incendie durant le temps passé à son domicile et qu'il n'avait fourni aucune explication plausible quant aux mensonges qu'il avait formulés. Passionné par tout ce qui touchait aux activités de pompier, il présentait des traits de personnalité - soit des comportements addictifs (alcool, troubles de l'alimentation), décrits par l'expertise psychiatrique - dans lesquels pouvait s'inscrire logiquement la pyromanie. Les observations de la police avaient en outre permis de retenir que personne d'autre que les habitants de l'immeuble et l'amie du recourant n'était entré dans l'immeuble dans les heures qui avaient précédé l'incendie. A cela s'ajoutait que l'auteur de l'incendie devait disposer de la clé pour ouvrir la porte donnant accès aux combles, celle-ci ayant été fermée par une habitante de l'immeuble dans l'après-midi du 22 avril 2010 et trouvée déverrouillée par la première personne qui avait pénétré dans les combles lors de l'incendie. Or, la clé de chacun des appartements de l'immeuble ouvrait aussi la porte d'accès aux combles. Cette circonstance restreignait considérablement le cercle des suspects potentiels. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne subsistait pas de doute raisonnable quant au fait que le recourant était l'auteur de l'incendie. Peu importait qu'il y ait encore eu d'autres incendies dans la région après son interpellation dans la mesure où les incendies pouvaient avoir des causes diverses et variées.
1.3
1.3.1 Le recourant fait valoir que la procédure n'avait pas permis d'établir comment le feu avait effectivement pris dans les combles de l'immeuble. Aucune trace de produits incendiaires ou d'un quelconque mécanisme de mise à feu n'avait été trouvée alors même que la cour cantonale avait indiqué qu'elle privilégiait l'hypothèse selon laquelle l'incendie avait été déclenché par un tel mécanisme.
En tant que le recourant remet ainsi en cause l'origine criminelle de l'incendie, il y a lieu de relever que, selon le rapport de constat d'incendie dressé le 17 septembre 2010 par la police neuchâteloise, aucune source de chaleur mécanique ou thermique n'était présente à proximité de l'origine du feu, qui était localisée dans la partie sud-est des combles de l'immeuble. Une seule ligne électrique servant à l'alimentation de quelques lampes dans le couloir des combles avait pu être contrôlée et ne présentait pas de signe de dysfonctionnement. Les interrupteurs servant à l'éclairage avaient tous été retrouvés en position "hors circuit" et les ampoules étaient donc éteintes au moment du sinistre. En l'absence de cause naturelle ou technique, l'incendie ne pouvait découler que d'une intervention humaine (cf. pces 12 et 13). Le recourant, qui ne critique pas ces éléments, ne démontre pas en quoi il était arbitraire, au vu de ceux-ci, de retenir que le feu avait une origine criminelle.
1.3.2 Le recourant fait valoir qu'il a été filmé alors qu'il redescendait du premier étage, mais qu'il n'était pas établi qu'il soit monté plus haut. Toutefois, plus que l'étage auquel il a été filmé, il est déterminant qu'il ait dépassé le rez-de-chaussée, où se trouve son appartement, alors même qu'aucun des voisins ne l'a reçu ce jour-là et qu'il n'avait aucune raison de se trouver dans les escaliers. Le fait qu'il n'a pas été filmé plus haut que le premier étage ne rend pas arbitraire les constations cantonales selon lesquelles il s'est rendu jusque dans les combles.
1.3.3 Le recourant conteste que la cour cantonale pouvait fonder sa culpabilité sur le fait que seul un habitant de l'immeuble avait pu accéder aux combles, qui étaient fermées. Le cercle des suspects potentiels ne se limitait en effet pas à sa seule personne puisque l'immeuble comptait quatorze appartements.
Le fait que l'incendiaire soit l'un des habitants de l'immeuble ne constitue qu'un élément parmi ceux qui, pris dans leur ensemble, a permis à la cour cantonale de forger sa conviction. Au surplus, le recourant ne conteste pas qu'il disposait d'une clé ouvrant les combles de l'immeuble où le feu a pris et il ne mentionne aucun élément incriminant un autre habitant que la cour cantonale - qui n'a pas ignoré que l'immeuble comptait plusieurs appartements - aurait omis de prendre en compte.
1.3.4 Le recourant invoque que la cour cantonale ne pouvait fonder son appréciation sur le fait que, selon elle, il mentait lorsqu'il prétendait ne pas se souvenir s'être rendu dans les étages de l'immeuble dans les minutes qui avaient précédé l'alarme et que ses mensonges n'avaient d'autre justification que celle de couvrir le fait qu'il était bien l'incendiaire. En effet, l'art. 113 CPP consacre formellement le droit du prévenu de ne pas participer à sa propre incrimination et aucun argument ne pouvait être tiré de son défaut de collaboration pour parvenir à un jugement de culpabilité.
La cour cantonale n'a pas invoqué le silence du recourant comme élément à charge, mais a considéré, au contraire, que ses explications quant à sa prétendue absence de souvenir des événements n'étaient pas crédibles. En effet, l'amnésie alléguée par le recourant correspondait, selon l'expert, à aucun pattern de trouble de la mémoire connu et elle était simulée. S'il était courant de ne pas se souvenir des événements d'une journée ordinaire, tel n'était pas le cas pour un jour où un incendie s'était déclaré et les autres témoins avaient d'ailleurs été capables de décrire précisément les faits de la journée. Enfin, la prétendue amnésie du recourant ne pouvait s'expliquer par une consommation excessive d'alcool puisqu'il ne résultait pas des déclarations des personnes l'ayant côtoyé qu'il aurait particulièrement bu ou aurait été ivre le jour des faits. La cour cantonale n'ayant pas retenu le refus de collaborer du recourant pour forger sa conviction quant à la culpabilité de celui-ci, le grief de violation de l'art. 113 CPP doit être rejeté.
1.3.5 Enfin, le recourant soutient de manière appellatoire et, partant, irrecevable que sa condamnation ne peut reposer sur l'affirmation de la cour cantonale selon laquelle il présentait des traits de personnalité dans lesquels pouvait s'inscrire la pyromanie.
En définitive, le recourant ne soulève aucun grief de nature à démontrer que la décision attaquée serait arbitraire, tant dans sa motivation que dans son résultat, en tant qu'elle retient, en se fondant sur l'ensemble des éléments indiqués ci-dessus, qu'il est l'auteur de l'incendie qui s'est produit le 22 avril 2010 dans les combles de son immeuble.
2.
Le recourant conclut à ce que la mesure de conduite consistant en un suivi par le Service de probation et le CENEA ainsi que le "dernier séquestre" soient levés. Il ne motive toutefois pas son recours sur ces points, lequel est irrecevable à cet égard (art. 42 al. 2 LTF). Au demeurant, ainsi que cela ressort de son appel cantonal, de telles conclusions découlaient de ce que les mesures prononcées ne se justifiaient pas "en cas d'acquittement", ce qui n'est pas le cas.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 12 février 2013
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
Le Greffier: Rieben