Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_197/2013
Arrêt du 23 avril 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffier: M. Parmelin.
Participants à la procédure
X.________,
recourant,
contre
Imogen Billotte, Juge cantonale,
Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
intimée.
Objet
procédure administrative, récusation,
recours contre l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 21 janvier 2013.
Considérant en fait et en droit:
1.
Par décision du 3 mai 2012, la Municipalité de Vevey a délivré à B.________, pour le compte de la Ville de Vevey, un permis de construire portant sur l'installation d'une patinoire temporaire avec conteneur annexe et buvette saisonnière pour une durée de cinq mois renouvelable en bas de la Grande Place, sur le domaine public.
X.________ a recouru le 4 juin 2012 contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Pro Riviera, Pro Natura Vaud, Pro Natura Suisse et D.________ en ont fait de même le 5 juin 2012. Les recours ont été enregistrés sous les références AC.2012.0136 et AC.2012.0138.
Le 7 juin 2012, la juge instructrice Imogen Billotte a imparti à X.________, sous peine d'irrecevabilité, un délai au 25 juin 2012 pour effectuer un dépôt de 1'500 fr. destiné à garantir le paiement de tout ou partie de l'émolument et des frais qui pourront être prélevés en cas de rejet du recours. Elle attirait son attention sur le fait que le dossier AC.2012.0138 serait joint à la présente cause, une fois les avances de frais effectuées.
Le 12 juillet 2012, la juge instructrice a pris acte du versement des avances de frais et a joint les deux procédures pour former un seul arrêt.
Le 20 août 2012, elle a rejeté la requête de disjonction de causes présentée par X.________, considérant que le maintien de la jonction des causes se justifiait au regard de l'art. 24 de la loi vaudoise sur la procédure administrative (LPA-VD), s'agissant de deux recours qui se rapportent à une situation de faits identique. X.________ a réitéré sans succès sa requête en date des 4 septembre, 13 octobre et 14 novembre 2012.
Le 26 novembre 2012, la juge instructrice a informé les parties du fait que les causes paraissaient en état d'être jugées et leur a communiqué la composition de la cour.
Le 4 décembre 2012, X.________ a requis la récusation de la juge Imogen Billotte pour "abus de pouvoir et partialité".
La Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté cette requête au terme d'un arrêt rendu le 21 janvier 2013.
Par acte du 20 février 2013, X.________ a recouru contre cet arrêt au Tribunal fédéral. Il conclut à son "rejet" et à ce que son recours soit traité individuellement par un autre juge que la juge Billotte.
La magistrate intimée conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt.
Le recourant a répliqué.
2.
Conformément aux art. 82 et 92 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), une décision prise en dernière instance cantonale relative à la récusation d'un magistrat dans une procédure administrative peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière de droit public, malgré son caractère incident. L'auteur de la demande de récusation débouté a qualité pour agir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF.
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés et indiquer les conclusions. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245). Dans ce cadre, le recourant doit observer la règle de l'épuisement des instances cantonales ancrée à l'art. 80 al. 1 LTF et il ne saurait invoquer des moyens qui, pouvant l'être, n'ont pas été soumis à l'autorité cantonale de dernière instance.
La conclusion du recourant tendant à ce que sa cause soit confiée à un autre magistrat est recevable. X.________ demande également que le Tribunal fédéral se prononce sur sa qualité pour recourir dans la cause AC. 2012.0136, respectivement sur celle des recourants dans la cause AC.2012.0138, car il n'y aurait aucun sens à joindre son recours à un autre recours qui serait irrecevable faute de qualité pour agir. Cette conclusion excède toutefois l'objet du litige qui concerne le bien-fondé de la récusation de la magistrate en charge de ces deux procédures et est irrecevable. Il en va de même de la conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral statue sur la constitutionnalité de l'art. 24 LPA-VD, en tant que cette disposition ne subordonne pas la jonction de causes au consentement des parties.
3.
Le recourant considère que sa requête de récusation aurait dû être traitée par un tribunal neutre, comme il le demandait, et non par une cour administrative.
Le 11 décembre 2012, la Cour administrative du Tribunal cantonal a communiqué au recourant une copie de la lettre qu'elle a adressée le même jour à la juge intimée lui impartissant un délai au 28 décembre 2012 pour se déterminer sur la demande de récusation. Dès cette date, il ne pouvait ignorer que sa requête serait traitée par cette juridiction. Dans ces conditions, il devait réagir immédiatement, sous peine de déchéance, s'il entendait qu'elle le soit par un tribunal neutre (cf. ATF 132 II 485 consid. 4.3 p. 496). La recevabilité du recours à cet égard est pour le moins douteuse. Quoi qu'il en soit, le Tribunal neutre institué par l'art. 86 de la loi d'organisation judiciaire vaudoise statue sur les demandes de récusation visant l'ensemble du Tribunal cantonal ou la majorité de ses membres (art. 11 al. 4 LPA-VD). En revanche, lorsque, comme en l'espèce, un seul des membres du Tribunal cantonal fait l'objet d'une demande de récusation, l'autorité elle-même statue sur la demande en vertu de l'art. 11 al. 3 LPA-VD. La Cour administrative s'en est donc tenue à la loi en admettant sa compétence pour trancher la requête de récusation (cf. art. 6 al. 1 let. a du règlement organique du Tribunal cantonal).
Sur ce point, le recours est manifestement mal fondé.
4.
Le recourant conteste le rejet de sa demande de récusation. Il ne se plaint pas d'une application arbitraire des règles du droit cantonal en la matière de sorte que son recours doit être examiné au regard des garanties minimales déduites du droit constitutionnel fédéral et du droit conventionnel.
4.1 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles du plaideur ne sont pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 3).
4.2 La Cour administrative a considéré que la décision de jonction de causes ne constituait en aucun cas un signe de prévention du Juge cantonal Imogen Billotte à l'égard du recourant et qu'elle procédait d'une application correcte de l'art. 24 LPA-VD dans la mesure où elle visait précisément le cas de deux recours formés contre une même décision. Le fait que le patronyme X.________ soit associé à celui de Me Chiffelle, conseil des autres recourants, ne constituait pas non plus un motif de récusation, étant précisé que le recourant pouvait continuer à assurer seul la défense de ses intérêts. De même, la reddition d'un arrêt sous la présidence de la même juge le lendemain de la décision de jonction de causes ne permettait pas de douter de l'impartialité de cette magistrate quand bien même cette cause concernait un recours déposé contre une décision du 5 avril 2012 de la Municipalité de Vevey relative à l'aménagement d'un "espace-plage" temporaire au bas de la Grande Place et que Me Chiffelle y représentait les recourants. Le fait que la composition de la cour appelée à statuer dans les causes soit identique à celle qui a rendu cet arrêt ne signifiait enfin pas pour autant que ses membres aient déjà préjugé les causes ou qu'ils soient mus par un sentiment d'inimitié à l'égard de X.________ ou de Pierre Chiffelle.
4.3 Le recourant ne prétend pas que la Cour administrative aurait omis de se prononcer sur un motif de récusation qu'il aurait évoqué dans sa demande du 4 décembre 2012. Il lui appartenait ainsi de démontrer en quoi la motivation retenue serait insoutenable ou d'une autre manière contraire au droit.
Le recourant explique ne pas avoir réagi au courrier de la juge Billotte du 7 juin 2012 l'avisant que les causes seraient jointes une fois les avances de frais effectuées parce qu'il ignorait que les recourants dans la cause AC.2012.0138 étaient assistés de Me Chiffelle, auquel il ne souhaite pas être associé. S'il avait su cela, il aurait requis d'emblée la disjonction des causes ou renoncé à verser l'avance de frais requise. La Cour administrative n'a toutefois pas considéré que le recourant était déchu du droit de solliciter la récusation de la juge Billotte en raison de la jonction de causes qu'il tenait pour injustifiée parce qu'il ne s'était pas opposé d'emblée à cette mesure. Elle a mentionné le fait que le recourant avait été avisé le 5 juin 2012 que les recours seraient joints à réception des avances de frais afin de démontrer le caractère infondé du grief selon lequel la magistrate intimée aurait attendu près de quarante jours pour joindre les causes. Les précisions apportées à ce sujet n'ont donc aucune influence sur le sort du litige (cf. art. 97 al. 1 LTF) et ne permettent pas de tenir l'arrêt attaqué pour inexact.
Le recourant soulève plusieurs griefs en lien avec l'instruction de son recours, qui dénoteraient à ses yeux la prévention de la juge intimée à son égard. Selon la jurisprudence, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un magistrat ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention, à moins qu'elles soient particulièrement lourdes ou répétées et qu'elles constituent des violations graves de ses devoirs qui dénotent une intention de nuire (cf. ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124; 116 Ia 135 consid. 3a p. 138). Les reproches évoqués ne permettent pas d'établir de tels manquements et encore moins la gravité requise de ceux-ci.
Le fait que les recours émanent d'un particulier non assisté pour l'un et de plusieurs particuliers, dont des personnes morales, représentés par un avocat pour l'autre n'est pas pertinent pour s'opposer à la jonction de causes au regard de l'art. 24 LPA-VD. Seule l'identité des faits à la base de la décision attaquée est décisive. Or, tant la juge intimée que la cour cantonale pouvaient admettre que cette condition était réalisée. L'exposé des motifs et projet de loi sur la procédure administrative donne précisément pour exemple de jonction le cas de deux recours formés contre une même décision (cf. EMPL, mai 2008, p. 22). Le fait qu'un seul arrêt sera rendu dans les deux causes contre le gré du recourant est une conséquence de la jonction et ne saurait passer comme un signe de prévention ou une volonté de la magistrate de favoriser le travail du "pseudo-mandataire de la Ville de Vevey" ou de permettre à Me Chiffelle de profiter du recours que X.________ a déposé comme voisin parce que Pro Riviera et les autres recourants n'auraient pas la qualité pour agir. Cette affirmation ne repose sur aucun élément du dossier qui viendrait la corroborer et qui permettrait de douter de la partialité de cette magistrate dans la conduite de l'instruction. On ne saurait inférer une telle intention du fait que la Cour de droit administratif et public aurait rendu, le jour suivant la jonction de causes, sous la présidence de la juge Billotte, un arrêt dans lequel elle met en doute la vocation pour recourir de Pro Riviera et de D.________ contre une décision de la Municipalité de Vevey autorisant l'aménagement d'un "espace-plage" au même endroit.
De même, il ne résulte pas du dossier que l'instruction du recours déposé par Pro Riviera et consorts était particulièrement compliquée ou qu'elle aurait entraîné d'importants retards dans le traitement du recours de X.________, incompatibles avec la garantie d'un droit à un jugement dans un délai raisonnable, qui auraient justifié de disjoindre les causes en application de l'art. 24 al. 2 LPA-VD. Enfin, la jonction peut être ordonnée d'office, de sorte qu'il est douteux que l'on puisse reprocher à la juge Billotte d'avoir refusé de disjoindre les causes pour le motif que X.________ n'entend pas que son nom soit associé à celui de Pro Riviera ou de son mandataire. En tout état de cause, on ne saurait dire que ce refus répondait à une volonté évidente de cette magistrate de nuire au recourant en l'absence de tout élément ou indice propre à étayer ce grief.
4.4 Le recourant soutient en outre que la juge Billotte aurait manifesté de la partialité à son égard en refusant de donner suite à sa requête tendant à ce que le mandataire de la Ville de Vevey produise une procuration justifiant de ses pouvoirs de représentation, à ce que les associations recourantes fournissent un extrait de leurs statuts afin de certifier l'authenticité des signatures et à ce qu'une copie de la convention signée le 22 octobre 2008 entre Pro Riviera et la Commune de Vevey dans le cadre d'une précédente procédure de recours soit versée au dossier. La juge Billotte aurait démontré sa complaisance vis-à-vis du conseil de la Ville de Vevey en prenant acte de la lettre du 23 octobre 2012 selon laquelle le recours n'aurait pas perdu son objet malgré la mise à l'enquête publique d'un projet d'installation d'une patinoire saisonnière au Jardin du Rivage en date du 14 septembre 2012. Elle aurait montré sa partialité en annonçant le 26 novembre 2012 que la cause paraissait en état d'être jugée et en considérant ainsi qu'une vision locale et une audition des parties étaient inutiles alors qu'elle a tenu une audience dans la cause AC.2012.0113 à laquelle il n'était pas partie. Elle n'aurait enfin donné aucune indication à propos de son appartenance politique, de son indépendance vis-à-vis des conseils de la Ville de Vevey et des autres recourants ou de sa qualité de membre de la confrérie des vignerons, l'empêchant de faire valoir un éventuel motif de récusation pour cette raison. Ces griefs n'ont pas été évoqués dans la demande de récusation et sont de ce fait irrecevables (cf. consid. 2 ci-dessus). Il en va de même de ceux que le recourant adresse à la juge Billotte en relation avec la cause AC.2012.0113. On ne voit au demeurant pas ce qu'il pourrait en déduire quant à l'aptitude de la juge intimée à conduire l'instruction de sa propre cause de manière impartiale.
5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 23 avril 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Parmelin