Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1B_105/2013
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Arrêt du 21 mai 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.X.________,
recourant,
contre
Y.________,
Ministère public de l'arrondissement de Z.________,
intimée,
Ministère public central du canton de Vaud.
Objet
Procédure pénale; récusation,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Chambre des recours pénale,
du 13 décembre 2012.
Faits:
A.
Le Ministère public de l'arrondissement de Z.________ instruit une enquête contre A.X.________ pour lésions corporelles simples qualifiées et contre B.X.________ pour voies de fait qualifiées, sur plaintes respectives des prénommés. Ces plaintes ont été déposées le 6 avril 2012, à la suite d'une violente dispute entre les ex-époux.
Le 8 novembre 2012, A.X.________ a formé une demande de récusation à l'encontre de la Procureure de l'arrondissement de Z.________ en charge de la procédure, Y.________ (ci-après: la Procureure). Celle-ci s'est opposée à sa récusation.
Par arrêt du 13 décembre 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté la demande de récusation.
B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.X.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal cantonal, en ce sens que la demande de récusation de la Procureure Y.________ est admise. Il requiert en outre l'assistance judiciaire.
La Procureure et le Tribunal cantonal renoncent à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF , une décision incidente relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, qui a formulé la demande de récusation, a qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF). Il a agi dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF. La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale, au sens de l'art. 80 al. 2 LTF.
2.
Le recourant fait valoir contre la Procureure une série de griefs qui fonderaient selon lui une apparence de partialité.
2.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 et les arrêt cités).
Dans la phase de l'enquête préliminaire et de l'instruction, les principes applicables à la récusation du ministère public sont ceux qui ont été dégagés à l'égard des juges d'instruction avant l'introduction du Code de procédure pénale. Selon l'art. 61 CPP, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure jusqu'à la mise en accusation. A ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuves et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145 et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, il ne saurait y avoir matière à récusation dans les cas, fréquents, où un procureur est chargé d'instruire différentes plaintes pénales réciproques. Une administration rationnelle de la justice commande au contraire, dans de tels cas, que l'ensemble des faits soit élucidé par le même magistrat (arrêt 1B_415/2011 du 25 octobre 2011 consid. 2.2).
Enfin, un juge, respectivement un procureur, ne peut pas être récusé pour le simple motif que, dans une procédure antérieure, il a eu à trancher en défaveur du recourant (ATF 114 Ia 278 consid. 1 p. 279).
2.2. En l'espèce, la Procureure est intervenue dans différentes affaires concernant le recourant ou son ex-épouse. Le recourant soutient que plusieurs erreurs professionnelles de la magistrate démontrent son parti pris. Il rappelle d'abord qu'elle a dû se récuser dans le cadre d'une cause précédente le concernant. A cet égard, la Procureure a expliqué s'être récusée, au motif que lors de la consultation du dossier l'intéressé avait vu le projet d'ordonnance pénale qui se trouvait par erreur parmi les pièces de forme du dossier.
Laisser un projet d'ordonnance pénale dans un dossier alors que celui-ci sera consulté par une partie peut certainement être qualifié de maladresse, voire d'"erreur qui ne saurait être considérée comme particulièrement lourde" selon la désignation utilisée par le Tribunal cantonal. Cet impair n'est toutefois pas de nature à faire naître une prévention à l'encontre de la Procureure dans le cadre d'une autre procédure. Comme l'a relevé le Tribunal cantonal, le fait qu'un procureur doive se récuser dans une affaire pour un motif de prévention inhérent à une cause en particulier ne permet pas encore de considérer qu'il devra faire de même dans toute procédure concernant la même personne: cela serait contraire à l'esprit de la loi et aboutirait à l'existence d'une prévention illimitée de la part du magistrat.
Le recourant reproche ensuite à la Procureure d'avoir rendu une ordonnance de non-entrée en matière le 25 juillet 2012 dans le cadre d'une plainte qu'il avait déposée contre son ex-femme, sans la motiver; le Tribunal cantonal avait d'ailleurs admis le recours déposé contre ladite ordonnance pour ce motif.
L'insuffisance de motivation d'une ordonnance de non-entrée en matière, dans une autre cause, ne saurait en soi être assimilée à un parti pris en défaveur du plaignant. En effet, selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure viciés, voire arbitraires, ne suffisent pas à fonder une apparence objective de prévention. En effet, de par son activité, le juge, respectivement le procureur, est contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates; même si elles se révèlent ensuite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris; en décider autrement, reviendrait à affirmer que toute décision de justice inexacte, voire arbitraire, serait le fruit de la partialité de son auteur, ce qui n'est pas admissible. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat concerné, peuvent en conséquence justifier une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances corroborent à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. C'est aux juridictions de recours ordinairement compétentes qu'il appartient de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146; 116 Ia 135 consid. 3a).
Pour cette raison également, les prétendues irrégularités de procédure invoquées par le recourant dans des précédentes causes - à savoir le classement d'une des plaintes qu'il avait déposée contre son ex-épouse, avant la réception du courrier du recourant requérant une preuve supplémentaire, envoyé dans les délais via une représentation diplomatique à l'étranger ainsi que l'envoi de mandats de comparution à une adresse prétendument fausse - pouvaient éventuellement faire l'objet d'un recours ordinaire, mais ils ne constituent pas un motif de récusation. Ces incidents relatifs à d'autres procédures instruites par la Procureure ne sont ni assez nombreux ni suffisamment importants pour remettre en cause la capacité de la magistrate professionnelle à instruire de manière impartiale sur les faits dénoncés dans la présente cause.
2.3. En définitive, aucun des motifs avancés par le recourant, pris séparément ou dans leur ensemble, ne permet d'admettre l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant une récusation de la Procureure dans la présente cause (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 in fine p. 146). Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la garantie du juge impartial a été respectée, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a rejeté la demande de récusation.
Le recours est par conséquent rejeté.
3.
Vu la situation personnelle de l'intéressé, qui a agi sans avocat, l'arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 1 2
ème phrase LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Procureure Y.________, au Ministère public central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 21 mai 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Tornay Schaller