Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_733/2012
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Arrêt du 21 mai 2013
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Corboz, Kolly, Kiss et Niquille.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par
Me Serge Demierre,
recourante,
contre
E.________,
intimé.
Objet
bail à loyer; intérêt à recourir,
recours contre l'arrêt de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève du 5 novembre 2012.
Faits:
A.
X.________ SA est propriétaire d'un groupe de quatre immeubles sis 29, 31, 33 et 35, rue ..., à ..., qui appartenaient précédemment à la SI A.________ SA et à la SI B.________ SA. Construit au début des années soixante, cet ensemble comprend 96 appartements totalisant 354 pièces.
E.________ est locataire d'un appartement de 3,5 pièces dans l'immeuble sis 31, rue .... Depuis le 1
er juillet 1993, le loyer annuel est fixé à 12'540 fr.; le taux hypothécaire de référence était alors de 7% et l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC) était fixé à 135.7 points.
En 2007, la SI A.________ SA et la SI B.________ SA se sont vu accorder une autorisation de construire portant sur la réfection des façades et de la toiture avec isolation extérieure, sur le remplacement des fenêtres et des garde-corps, ainsi que sur la mise en conformité des canalisations. A l'époque, l'enveloppe des bâtiments était vétuste et ne correspondait pas aux exigences en matière d'économie d'énergie et d'isolation phonique et thermique; les vitrages étaient en mauvais état, les volets roulant en bois se trouvaient dans un état de décrépitude avancé et les caissons des stores n'étaient pas isolés; les parapets des balcons étaient attaqués par endroits par la carbonatation, les garde-corps des balcons étaient dans un état pitoyable et pouvaient présenter des débuts de descellement; enfin, la toiture devait être mise aux normes et présentait un risque d'obstruction des évacuations d'eaux pluviales.
Les travaux ont été exécutés en 2008. Ils comprenaient la mise en séparatif des canalisations, le traitement de la carbonatation, les travaux d'étanchéité, d'isolation, de ferblanterie et de ventilation, ainsi que les travaux de menuiserie extérieure, d'isolation thermique et de peinture extérieure (remplacement des fenêtres, des stores, des mains courantes et des garde-corps). Le coût des travaux s'est élevé à 3'792'000 fr.
Par avis officiel du 6 (recte: 21) août 2009 adressé à E.________, la SI A.________ SA a porté le loyer annuel à 13'452 fr. dès le 1
er juillet 2010, puis à 15'204 fr. dès le 1er mai 2012; l'augmentation de 76 fr., respectivement de 222 fr. par mois était motivée par des prestations supplémentaires (travaux à plus-value) au sens des art. 269a let. b CO et 14 OBLF. Dans la lettre recommandée accompagnant l'avis de majoration, il était précisé que "le calcul de répercussion sur [le] loyer des travaux à plus-value permet[tait] une augmentation de 590 fr.60 par pièce."
B.
E.________ a contesté la hausse de loyer devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. La tentative de conciliation a échoué.
X.________ SA, devenue entre-temps la bailleresse, a porté l'affaire devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Elle concluait à ce que le loyer annuel soit fixé à 12'540 fr. depuis le 1
er juillet 2010, ce qui correspondait au loyer en vigueur.
Par jugement du 20 juin 2011, le Tribunal des baux et loyers a débouté la bailleresse de ses conclusions.
La bailleresse a interjeté appel. Elle concluait à la fixation du loyer annuel à 12'540 fr. depuis le 1er juillet 2012, les nouveaux critères du loyer étant un taux hypothécaire à 3% et l'ISPC à 114.9 avec une réserve de baisse de loyer de 276 fr.70. Elle critiquait uniquement la clé adoptée par les premiers juges pour répartir le coût des travaux à plus-value entre les locataires de l'immeuble. Elle admettait toutefois que la hausse de loyer due aux travaux à plus-value, même selon son calcul, était inférieure à la baisse de loyer liée à la diminution du taux hypothécaire. Statuant le 5 novembre 2012, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel et débouté les parties de toutes autres conclusions. En substance, elle a jugé que le Tribunal des baux et loyers n'avait pas outrepassé son large pouvoir d'appréciation en choisissant de répartir les coûts entre locataires au prorata des loyers - système usuel et admis à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral -, plutôt que d'appliquer la clé de répartition en fonction du nombre de pièces, préconisée par la bailleresse.
Devant le Tribunal des baux et loyers et la Chambre des baux et loyers, E.________ était représenté par l'ASLOCA agissant sous la signature de François Zutter.
C.
X.________ SA interjette un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire. Dans les deux recours, elle prend les conclusions principales suivantes:
" I. La hausse de loyer du 21 août 2009 n'est pas abusive.
II. Le loyer annuel est fixé à 12'540 fr. (...) depuis le 1
er juillet 2012.
III. Les nouveaux critères du loyer sont un taux hypothécaire à 3% et un IPC
à 114.9 (base mai 1993) avec une réserve de baisse de loyer de
276 fr.70. "
A titre subsidiaire, la recourante demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
E.________, assisté par François Zutter agissant dorénavant en qualité d'avocat, propose le rejet des deux recours.
La réponse a été suivie d'une ultime prise de position de la recourante.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 I 475 consid. 1 p. 476; 138 III 46 consid. 1, 471 consid. 1 p. 475).
1.1. Aux termes de l'art. 99 al. 2 LTF, applicable également au recours constitutionnel (art. 117 LTF), toute conclusion nouvelle est irrecevable.
La recourante demande au Tribunal fédéral à la fois de déclarer que la hausse du 21 août 2009 - portant le loyer annuel à 13'452 fr., puis à 15'204 fr. - n'est pas abusive et de fixer le loyer annuel à 12'540 fr. Indépendamment du fait que ces deux chefs de conclusions ne sont guère compatibles, il convient de constater que la première conclusion, qui n'a pas été formulée en appel, est nouvelle et qu'elle est dès lors irrecevable.
1.2. Selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF, l'auteur d'un recours en matière civile doit avoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée. L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43). Aux termes de l'art. 115 let. b LTF, la qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire suppose pour sa part un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée; il faut donc que le recourant soit atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts propres et juridiquement protégés (ATF 133 I 185 consid. 3 p. 190 s.).
En l'espèce, la recourante conclut à ce que le loyer annuel soit fixé à 12'540 fr., ce qui correspond au loyer payé par le locataire depuis le 1er juillet 1993. Comme la recourante admet elle-même qu'elle ne peut prétendre à une augmentation du loyer, on ne voit pas quel intérêt digne de protection ou juridiquement protégé elle peut faire valoir pour obtenir la modification de l'arrêt cantonal confirmant le rejet de ses conclusions en "hausse" de loyer. La conclusion II des recours est irrecevable faute d'intérêt de la recourante.
1.3. Quant à la conclusion III des recours, elle est dépourvue de toute motivation et, par conséquent, irrecevable sur la base de l' art. 42 al. 1 et 2 LTF .
2.
Sur le vu de ce qui précède, les recours sont entièrement irrecevables.
La recourante, qui succombe, prendra les frais judiciaires à sa charge (art. 66 al. 1 LTF).
En revanche, elle n'aura pas à verser de dépens à l'intimé, qui n'est pas valablement représenté. En effet, ce dernier était défendu devant les instances cantonales par l'ASLOCA, pour laquelle François Zutter agissait, et il est représenté devant le Tribunal fédéral par le même François Zutter, en qualité d'avocat. Or, la cour de céans a jugé récemment que, dans une telle constellation, l'avocat ne satisfaisait pas à l'exigence légale d'indépendance et que la partie n'était donc pas valablement représentée (arrêt 4A_38/2013 du 12 avril 2013 consid. 1 destiné à la publication).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les recours sont irrecevables.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'intimé et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi que, pour information, à Me François Zutter.
Lausanne, le 21 mai 2013
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Godat Zimmermann