BGer 6B_100/2013
 
BGer 6B_100/2013 vom 17.06.2013
{T 0/2}
6B_100/2013
 
Arrêt du 17 juin 2013
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider et Denys.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Sandy Zaech, avocate,
recourante,
contre
1.  Ministère public de la République et canton de Genève,
2. Y.________, représenté par Me Yves Bonard, avocat,
intimés.
Objet
Abus de confiance; prescription; arbitraire, etc.,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 7 décembre 2012.
 
Faits:
 
A.
Par jugement du 2 avril 2012 du Tribunal de police genevois, X.________ a été reconnue coupable d'abus de confiance et condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 15 fr., assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans. Pour le surplus, la partie plaignante a été renvoyée à agir par la voie civile.
A.a. Dans le courant de l'année 2008, X.________, séparée et mère de deux enfants, a noué une relation amoureuse avec Y.________.
A.b. X.________ et Y.________ se sont séparés dans le courant du mois d'octobre 2009.
A.c. Le 19 avril 2010, Y.________ a déposé plainte pénale contre X.________.
 
B.
Par arrêt du 7 décembre 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a modifié ce jugement dans ce sens qu'elle a réduit à 90 le nombre de jours-amende infligés à la condamnée et fixé l'unité à 10 francs. Elle a en outre condamné X.________ à payer à Y.________ la somme de 46'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 25 février 2010.
 
C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Elle invoque une violation de l'art. 9 Cst., des art. 6 et 139 CPP, des art. 31 et 138 CP ainsi que des art. 6 § 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que l'autorité de céans annule l'arrêt attaqué, constate que le délai de plainte était prescrit, l'acquitte du chef d'inculpation d'abus de confiance, dise et constate qu'elle ne doit aucun montant au plaignant. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale voire à ce qu'elle soit appelée à prouver les faits qu'elle allègue. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif, ainsi que le bénéfice de l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit:
 
1.
1.1. La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 9 Cst. au motif qu'elle aurait omis de retenir un fait déterminant pour établir le délai de prescription du droit de plainte. Elle soutient qu'avant de lui soumettre des reconnaissances de dettes à l'époque où il a quitté son domicile, le plaignant avait déjà consulté un mandataire. Elle en conclut que le départ du délai de prescription est antérieur à ce qui a été retenu par l'autorité cantonale.
Par ailleurs, elle tire un autre grief d'une violation de l'art. 31 CP. Selon elle, dès le moment où elle a refusé de signer les reconnaissances de dettes qui lui ont été soumises en novembre 2009, le plaignant ne pouvait que constater l'appropriation respectivement l'utilisation sans droit de l'argent, ce qui faisait partir le délai de l'art. 31 CP, l'infraction se poursuivant sur plainte (art. 138 ch. 1 al. 4 CP).
1.2. Conformément à l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction.
 
2.
La recourante reproche à l'autorité cantonale une violation des art. 6 et 139 CPP. Elle allègue que l'instruction a été lacunaire s'agissant de la situation financière de l'intimé, des dépenses occasionnées par les vacances de juillet 2009 au Maroc, de l'estimation de la valeur du bien immobilier acquis et enfin du remboursement de 11'000 fr. par l'intimé à son frère.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 (art. 105 al. 2 LTF). Par ailleurs, le recours ne peut critiquer ces constatations que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 et si le vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La violation peut consister en un état de fait incomplet, car l'autorité précédente viole le droit matériel en n'établissant pas tous les faits pertinents pour l'application de celui-ci.
2.2. La recourante évoque un certain nombre de moyens de preuve qui auraient selon elle été propres à compléter les constatations de fait de l'autorité cantonale. Elle n'allègue toutefois pas et a fortiori ne montre pas qu'elle en aurait sollicité l'administration qui lui aurait été refusée. Elle ne soutient pas non plus, en se fondant sur une argumentation conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, que les faits constatés par l'autorité cantonale l'auraient été de manière arbitraire, se contentant sur ce point d'affirmations purement appellatoires. Ce grief est donc irrecevable.
 
3.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 138 CP en la reconnaissant coupable d'abus de confiance.
3.1. Cette disposition sanctionne à son ch. 1 al. 1 celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée, l'al. 2 punissant celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Comme le relève la recourante, il n'est pas possible de déterminer avec certitude sur la base des constatations de l'arrêt attaqué si elle a ou non acquis la propriété des montants litigieux par mélange.
Dans l´hypothèse, la plus probable, où il y a eu mélange entre les biens confiés à la recourante et ceux qui appartenaient à son propre patrimoine, la recourante est devenue propriétaire des fonds litigieux et c'est l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP qui s'applique.
Sur le plan objectif, cette infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord exprès ou tacite ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259). Peu importe que le titulaire économique puisse encore en disposer. Il suffit que l'auteur soit mis en mesure de le faire (ATF 119 IV 127 consid. 2 p. 127; 109 IV 27 consid. 3 p. 29 s.).
Subjectivement, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime.
3.2. L'autorité cantonale a admis que les sommes remises à la recourante l'ont été en vue de l'achat d'un terrain au Maroc pour elle et l'intimé avec l'obligation de les utiliser à cette fin. L'arrêt attaqué constate en outre que la recourante a certes acheté avec une partie de la somme un terrain, mais en son propre nom et pour son seul compte et qu'elle a conservé le solde de l'argent qui lui avait été confié. C'est donc de manière purement appellatoire que la recourante prétend qu'elle ne se serait pas éloignée des instructions reçues et aurait usé de l'argent confié conformément à la destination prévue. Sur la base des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, les conditions objectives de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP sont réalisées.
3.3. Par ailleurs, même en admettant qu'il n'y a pas eu de mélange entre les sommes qui ont été confiées à la recourante et son propre patrimoine, celle-ci se serait également rendue coupable d'abus de confiance.
 
4.
La recourante allègue que l'autorité cantonale a violé la présomption d'innocence. Elle soutient que la cour cantonale s'est fondée sur les seules déclarations de l'intimé et qu'un doute subsiste, qui doit lui profiter. Elle soutient en outre que l'autorité cantonale est partie du principe qu'il incombait à la recourante de prouver son innocence.
 
5.
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme les conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière. Enfin, vu l'issue du recours, la requête d'effet suspensif est sans objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 17 juin 2013
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
La Greffière: Paquier-Boinay