Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
1B_526/2012
Arrêt du 24 juin 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
toutes deux représentées par C.________,
recourantes,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet général, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel.
Objet
procédure pénale, non-entrée en matière,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, du 17 juillet 2012.
Faits:
A.
Le 21 juillet 2011, B.________ et A.________, agissant par leur administrateur C.________ (ci-après: les plaignantes), ont déposé plainte pénale contre inconnu en raison des faits suivants. Par décision du 9 avril 2010, l'Autorité régionale de conciliation de Neuchâtel (ARC) avait rejeté une requête en annulation du congé formée par les sociétés locataires, considérant que C.________ (qui disposait d'une signature à deux) n'avait pas qualité pour agir en leur nom. Les plaignantes affirmaient que les documents prouvant les pouvoirs de représentation de C.________ avaient été produits et auraient disparu du dossier de l'ARC avant que celle-ci ne statue, de même qu'une enveloppe datée du 15 mars 2010. Dans une autre procédure devant le Tribunal civil du district de Neuchâtel, la présidente du tribunal avait, dans une lettre du 12 mai 2010, fait référence à la décision de l'ARC. Les plaignantes y voyaient une violation du secret de fonction.
Par ordonnance du 21 octobre 2011, le Ministère public a refusé d'entrer en matière. Le document attestant des pouvoirs de représentation de l'administrateur figurait au dossier. Deux enveloppes n'y figuraient pas, mais les lettres portaient le timbre de réception de l'autorité prouvant leur dépôt en temps utile. Le fax également évoqué par les plaignantes ne figurait pas au dossier, mais il n'existait aucune preuve de la réception d'un tel document. Le juge du Tribunal civil pouvait consulter les dossiers de l'ARC, de sorte qu'il n'y avait pas violation du secret de fonction.
B.
Par arrêt du 17 juillet 2012, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours formé par les plaignants, laissant ouverte la question de sa recevabilité (tardiveté). Rien n'accréditait la thèse d'une pièce qui aurait été sortie du dossier de l'ARC puis y aurait été replacée après le prononcé de cette autorité. L'éventuelle disparition de deux enveloppes était sans pertinence et une violation du secret de fonction avait été niée à juste titre, même si la décision de l'ARC avait été transmise par simple courriel. Une audition de C.________ ne s'imposait pas.
C.
Par acte du 14 septembre 2012 - complété le même jour avant minuit -, les plaignantes forment un recours en matière pénale par lequel elles concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce que le Ministère public soit enjoint de reprendre l'instruction. Les recourantes ont par la suite demandé l'assistance judiciaire.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public a renoncé à présenter des observations. Les recourantes ont produit, le 21 décembre 2012, une nouvelle écriture avec de nouvelles pièces.
Considérant en droit:
1.
L'arrêt attaqué a été rendu dans le cadre d'une procédure pénale, de sorte que le recours en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF est ouvert.
1.1. S'agissant de la confirmation d'une décision de non-entrée en matière, l'arrêt attaqué a un caractère final (art. 90 LTF) et émane de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). La recourante a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil, telles les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO.
1.2.1. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1). En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, l'on puisse déduire directement et sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF 137 IV 219 consid. 2.4 p. 222 et les arrêts cités).
1.2.2. Les recourantes expliquent qu'elles ont l'intention de demander la révision de la décision du Tribunal civil relatif à l'expulsion des locaux commerciaux qu'elles occupaient, en se fondant sur l'art. 328 al. 1 let. b CPC. Cette disposition permet une telle révision lorsqu'une procédure pénale établit que la décision a été influencée par un crime ou un délit. Les recourants évoquent également - sans le chiffrer - le préjudice causé par leur expulsion.
Compte tenu de l'issue de la cause sur le fond, point n'est besoin de rechercher si ces indications sont suffisantes au regard des principes rappelés ci-dessus et si, partant, le recours est recevable.
1.3. Le 21 décembre 2012, les recourantes ont produit une nouvelle écriture censée renforcer leurs soupçons, avec diverses annexes. Il ne s'agit pas d'une réponse aux arguments des autorités (lesquelles ne se sont d'ailleurs pas déterminées sur le recours), mais d'allégués nouveaux. Ceux-ci sont irrecevables, tant en raison de leur tardiveté (car déposés après le délai de recours selon l'art. 100 al. 1 LTF) que de leur nouveauté (art. 99 LTF).
2.
Dans un grief d'ordre formel, les recourantes invoquent leur droit d'être entendues. Elles reprochent au Ministère public de ne pas leur avoir permis de participer à l'administration des preuves. Elles lui font également grief d'avoir refusé d'entrer en matière alors qu'il aurait dû rendre une ordonnance de classement précédée d'une invitation à présenter des réquisitions de preuves (art. 318 al 1 CPP).
2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et, en procédure pénale, à l'art. 107 CPP, comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a p. 51).
2.2. Selon l'art. 309 CPP, le ministère public ouvre une instruction, notamment, lorsqu'il ressort du rapport de police, des dénonciations ou de ses propres constatations des soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise (let. a). Il peut renvoyer à la police, pour complément d'enquête, les rapports et les dénonciations qui n'établissent pas clairement les soupçons retenus (al. 2). Il renonce à ouvrir une instruction lorsqu'il rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière ou une ordonnance pénale (al. 4).
Une ordonnance de non-entrée en matière, au sens de l'art. 310 CPP, est rendue immédiatement par le ministère public lorsqu'il apparaît notamment, à réception de la plainte ou après une procédure préliminaire limitée aux investigations de la police (art. 300 al. 1 et 306 s. CPP), que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (al. 1 let. a), qu'il existe des empêchements de procéder (let. b) ou qu'il y a lieu de renoncer à l'ouverture d'une poursuite pénale pour des motifs d'opportunité (let. c). Le ministère public ne peut donc pas rendre une telle ordonnance après avoir ouvert une instruction au sens de l'art. 309 CPP ( CORNU, Commentaire romand CPP, n° 2 ad art. 310). Il peut toutefois procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière. Il peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (arrêt 1B_67/2012 du 29 mai 2012; CORNU, op. cit. n° 20 ad art. 309). Il ressort également de l'art. 309 al. 1 let. a CPP que le ministère public peut procéder à ses propres constatations. Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles. Il en va de même lorsque le ministère public demande à la personne mise en cause une simple prise de position. Il ne peut en revanche ordonner des mesures de contrainte sans ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. b CPP).
2.3. En l'espèce, aucune décision formelle d'ouverture d'une instruction n'a été prise par le Ministère public avec la mention des prévenus et des infractions qui leur sont imputées, comme le prévoit l'art. 309 al. 3 CPP. Après réception de la plainte, le Procureur s'est contenté d'interroger le Tribunal civil sur l'existence d'une demande de consultation du dossier de l'ARC, et de demander les dossiers des deux juridictions, ce qui est admissible au regard de l'art. 309 al. 4 CPP. La procédure n'a donc pas dépassé le stade des premières investigations, ce qui permettait au Ministère public de rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Le grief doit être écarté.
Il en va de même du grief relatif au droit d'être entendu. Les plaignantes se sont en premier lieu exprimées par le dépôt de leur plainte, dans laquelle elles ont pu exposer l'intégralité de leurs soupçons. Dès lors que le Ministère public a refusé d'entrer en matière, l'art. 318 CPP (droit du plaignant de présenter des réquisitions) ne pouvait s'appliquer. Dans un tel cas, le droit de proposer des preuves complémentaires doit s'exercer au moyen du recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière. Le droit d'être entendu n'a par conséquent pas été violé.
3.
Sur le fond, les recourantes estiment que la portée de leur plainte aurait été mal comprise. Elles affirment qu'une procuration en faveur de l'administrateur (envoyée par courrier simple et recommandé) figurait bien au dossier de l'ARC, y compris lors de sa consultation après le prononcé de cette autorité. Il serait impossible que les trois membres de l'autorité n'aient pas remarqué la présence des pièces en question, de sorte que la seule explication possible serait que quelqu'un les aurait volontairement retirées du dossier. S'agissant de la violation du secret de fonction, les recourantes estiment que, soit la réquisition de production émanait du Tribunal de district (sans qu'une partie ne l'ait requise), soit l'ARC avait produit spontanément son dossier.
3.1. Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid. 4.1 p. 190; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288).
3.2. En l'occurrence, le Ministère public a examiné le dossier de l'ARC et constaté que la procuration y figurait, au contraire des deux enveloppes d'envoi du 15 mars 2010. Il a toutefois estimé possible que le Tribunal ait méconnu l'existence de cette pièce par inadvertance. Cette explication apparaît plausible. En tout état de cause, aucun indice concret ne permet d'exclure que la décision de l'ARC soit fondée sur une simple inadvertance, laquelle aurait pu être réparée par la voie d'un recours ordinaire. Si deux enveloppes d'envoi ont quant à elles définitivement disparu, cela ne saurait prouver que la procuration aurait été délibérément sortie puis ultérieurement replacée au dossier. On ne voit d'ailleurs pas - et les recourantes ne l'indiquent pas non plus - quel moyen d'instruction aurait été à même de confirmer de tels soupçons.
Quant à la demande de production du dossier, elle était couverte par l'art. 274d al. 3 CO, qui consacre la maxime d'office et autorise notamment la juridiction saisie - indépendamment d'une requête des parties - à ordonner la production de dossiers pertinents, tel celui d'une procédure connexe. Les recourantes ne fournissent aucune argumentation propre à remettre en cause cette appréciation juridique. L'absence d'une demande de production écrite et les incertitudes quant à l'auteur de cette demande ne changent rien non plus à cette conclusion.
4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les recourantes ont demandé l'assistance judiciaire, en faisant état de leurs difficultés financières respectives. Quand bien même le sort des conclusions présentées était pour le moins incertain, cette assistance peut leur être accordée, sous la forme d'une dispense des frais judiciaires.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise en ce sens qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux recourantes, au Ministère public, Parquet général, et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale.
Lausanne, le 24 juin 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz