BGer 4A_223/2013
 
BGer 4A_223/2013 vom 03.09.2013
{T 0/2}
4A_223/2013
 
Arrêt du 3 septembre 2013
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente,
Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Me David Aubert,
recourante,
contre
Z.________, représentée par Me Serge Pannatier,
intimée.
Objet
contrat de travail; résiliation immédiate,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 13 mars 2013 par la Chambre des prud'hommes
de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Faits:
 
A.
A.a. La société X.________ SA, sise dans le canton de Genève, est active dans le transport de marchandises. Par contrat de travail du 14 août 2009, elle a engagé Z.________ pour le 1er novembre 2009 en qualité d'employée de commerce-transitaire. Les tâches de cette dernière consistaient notamment à accomplir des formalités douanières, préparer des instructions à l'attention des sous-traitants transporteurs et agents et gérer les envois import-export. Auparavant, l'employée travaillait pour un autre transporteur aux côtés de A.________, qui a également été engagé par X.________ SA moyennant l'apport d'un portefeuille de clients. Le mari de l'employée travaille pour une autre société de transport dénommée W.________ SA, fait dont l'employeuse avait connaissance.
A.b. Le 4 novembre 2009, l'employée a envoyé à son ancienne adresse électronique professionnelle une copie d'un courriel indiquant que la cliente U.________ souhaitait désormais traiter avec sa nouvelle employeuse X.________ SA plutôt qu'avec l'ancienne. Ce fait a provoqué la colère de la cliente, qui jugeait inadmissible de divulguer des données confidentielles.
A.c. Le 10 mai 2010, l'employée a reçu de sa supérieure hiérarchique le courrier électronique suivant, concernant la sous-traitance: " Durant toute la période où Z.________ a oeuvré à son service, X.________ SA a sous-traité des affaires à W.________ SA pour un montant total de 512'706 fr. Selon un employé cadre chez W.________ SA, ces sous-traitances concernaient en particulier trois clientes, dont U.________ et V.________ SA; les ordres émanaient de Z.________ ou d'une collègue (B.________) pour la cliente V.________, et de A.________ s'agissant des deux autres clientes.
La cliente U.________ a donné l'instruction de ne plus travailler avec W.________ SA. Constatant que son ordre n'avait pas été respecté, elle a mis fin au mandat de l'employeuse.
Z.________ s'est occupée de la cliente V.________ à la satisfaction de son employeuse, qui a vu augmenter le nombre de mandats confiés par cette entreprise. Une relation de confiance particulière s'est nouée entre la cliente et l'employée.
A.d. A compter du 1er janvier 2010, le salaire de l'employée a passé de 5'600 fr. à 6'500 fr. par mois, en même temps qu'elle était nommée responsable d'un département.
En août 2010, l'employée est tombée enceinte.
Elle est ensuite partie en vacances du 4 au 18 octobre 2010. Pendant cette période, elle a confié à W.________ SA l'ensemble des livraisons de la cliente V.________.
Le 13 décembre 2010, l'employeuse a invité l'employée à se mettre totalement à jour pour le 3 janvier 2011 dans le classement, la facturation et le bouclement des dossiers; elle a exigé qu'à l'avenir, il n'y ait plus de retard.
Le 15 décembre 2010, l'employée a touché une prime de 3'000 fr. et reçu des félicitations pour le bon travail effectué avec la cliente V.________, qui avait généré un bénéfice de 85'812 fr. pour l'année 2010.
A compter du 29 décembre 2010, l'employée s'est trouvée en incapacité de travail totale liée à sa grossesse; le certificat médical prévoyait un arrêt de travail jusqu'au 31 janvier 2011. L'employée s'est encore rendue sur son lieu de travail les 29 et 30 décembre. Selon ses propres dires, elle a organisé le trafic de marchandises pour la cliente V.________, trafic qui devait reprendre le 3 janvier; elle admet avoir demandé à W.________ SA de s'occuper des formalités douanières, comme elle l'avait fait à l'occasion de ses vacances d'octobre; A.________ lui aurait donné son accord.
L'employeuse explique qu'après avoir appris l'incapacité de travail de son employée, elle s'est inquiétée de l'organisation des transports à venir pour sa cliente V.________. Le 4 janvier 2011, elle a appris par un tiers sous-traitant que le dédouanement avait été effectué par W.________ SA. Celle-ci lui aurait révélé que dorénavant, le trafic de V.________ passait par elle, sur instruction de Z.________.
Par lettre du 5 janvier 2011, l'employeuse a licencié l'employée avec effet immédiat. En substance, elle se référait aux avertissements verbaux qu'elle avait donnés à réitérées reprises les derniers mois et aux doutes qu'elle nourrissait déjà sur la loyauté de l'employée. Or, elle avait appris la veille avec stupéfaction que l'employée avait donné des instructions à l'un de ses clients importants pour qu'il cesse de lui confier des mandats et s'adresse dorénavant à sa concurrente directe, W.________ SA, qui employait le mari de l'employée. Cette attitude rompait définitivement tout lien de confiance.
A.e. L'employée réglait un certain nombre d'affaires privées durant son temps de travail, aux moyens d'outils professionnels. Il n'apparaît toutefois pas que cette manière de faire aurait excédé de façon notable ce qui est usuellement admis dans les relations de travail.
Par ailleurs, l'employée a détruit un certain nombre de documents dans sa messagerie électronique. Le contenu de celle-ci a été reconstitué par une entreprise spécialisée mandatée par l'employeuse.
 
B.
B.a. L'employée a contesté les motifs du congé. Le 23 mars 2011, elle a déposé une requête de conciliation au greffe du Tribunal des prud'hommes du canton de Genève.
Elle a accouché le 28 avril 2011.
Après avoir obtenu une autorisation de procéder à l'issue de l'audience de conciliation, l'employée a déposé une demande le 4 juillet 2011, concluant à ce que l'employeuse soit condamnée au paiement de 119'281 fr. 95 plus intérêts à titre de salaire, vacances non prises, indemnités pour licenciement immédiat injustifié et tort moral. Par courrier du 3 avril 2012, elle a déclaré retrancher de ses conclusions les montants de 26'000 fr. (pour autant qu'elle touche des prestations de l'assurance maternité) et de 12'083 fr. La défenderesse a conclu au rejet de l'action, en invoquant à titre subsidiaire la compensation.
Par décision du 10 août 2012, le Tribunal des prud'hommes a admis l'action à concurrence de 29'114 fr. 55 brut, en invitant la partie concernée à déduire les cotisations sociales. Les motifs du jugement sont en substance les suivants: le licenciement immédiat était injustifié; l'employeuse aurait dû respecter le prochain terme contractuel, soit le 31 octobre 2011. L'employée avait droit à un solde de salaire. En revanche, elle ne pouvait prétendre à une indemnité pour licenciement injustifié ou pour tort moral, dès lors qu'elle avait adopté un comportement "fortement suspicieux" [sic], qui pouvait légitimement susciter "quelques doutes" auprès de l'employeuse. Celle-ci n'avait aucune créance à opposer en compensation.
B.b. L'employeuse a déféré ce jugement à la Cour de justice, en requérant le rejet de l'action. Par réponse et appel-joint, l'employée a conclu au paiement de 19'500 fr. supplémentaires à titre d'indemnité pour licenciement injustifié et à la confirmation du jugement pour le surplus.
L'autorité d'appel a partiellement fait droit à l'employée en lui allouant une indemnité de 8'000 fr. nets plus intérêts, en sus du montant de 29'114 fr. 55.
C. L'employeuse saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans lequel elle conclut derechef au rejet de l'action de l'employée. Elle produit un bordereau de pièces en précisant qu'il s'agit d'un "extrait des pièces de la procédure", c'est-à-dire du dossier cantonal, lequel a été transmis à la cour de céans.
L'employée intimée conclut au rejet du recours. L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
 
Considérant en droit:
 
1.
1.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office, à l'exception des droits fondamentaux (art. 106 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384 consid. 2.2.1; 134 III 102 consid. 1.1).
1.2. L'autorité de céans est en principe liée par les constatations de fait de l'autorité précédente, respectivement par celles du juge de première instance dans la mesure où elles sont reprises au moins implicitement dans l'arrêt attaqué (cf., sous l'OJ, ATF 129 IV 246 consid. 1, confirmé sous la LTF par ex. à l'arrêt 4A_623/2012 du 15 avril 2013 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral peut toutefois s'écarter d'un état de fait qui a été établi en violation du droit ou de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2), ce qu'il incombe en principe au recourant de dénoncer (cf. art. 97 al. 1 LTF).
S'il invoque l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), le recourant doit satisfaire aux exigences de motivation plus strictes de l'art. 106 al. 2 LTF: il doit alors soulever expressément le grief et exposer de manière claire et circonstanciée, si possible documentée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel (ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.2 et 1.4.3). Le grief doit être développé dans le recours même, un simple renvoi à d'autres écritures ou à des pièces n'étant pas admissible (ATF 133 II 396 consid. 3.1  i.f. ). Par ailleurs, s'il entend faire compléter l'état de fait, le recourant doit démontrer, références à l'appui, qu'il a déjà allégué les faits en question et fourni les moyens de preuve adéquats devant les instances cantonales, dans le respect des règles de procédure (cf., sous l'OJ, ATF 115 II 484 consid. 2a p. 486, confirmé par ex. à l'arrêt 4A_324/2012 du 24 septembre 2012 consid. 1.4).
 
2.
2.1. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir écarté sans raison certains faits pertinents et d'en avoir retenu d'autres sous l'emprise d'une appréciation arbitraire des preuves. Elle énonce ainsi une série d'allégations qui devraient selon elle être retenues, en se référant, pour chacune, à des pièces et/ou déclarations de témoins.
Un tel procédé ne satisfait pas aux exigences de motivation rappelées ci-dessus. La recourante ne précise pas si les allégués en question ont déjà été régulièrement introduits au niveau de la procédure cantonale, régie par le CPC et la maxime des débats, vu la valeur litigieuse supérieure à 30'000 fr. (cf. art. 55 et,  a contrario, art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC [RS 252]). En outre, elle se contente de formuler des allégations et proposer des moyens de preuve comme si elle procédait en première instance, sans chercher à expliciter, selon les principes rappelés ci-dessus, en quoi l'appréciation des preuves opérées par la cour d'appel serait arbitraire.
2.2. S'agissant par exemple des prétendues instructions que l'employée aurait données à la cliente V.________ pour qu'elle cesse de confier des mandats à son employeuse et s'adresse désormais à W.________ SA, l'autorité d'appel expose ce qui suit: les enquêtes n'ont pas permis d'établir un tel fait. Le témoin A.________ a certes affirmé avoir appris par une employée de la sous-traitante précitée (B.________) que l'intimée avait donné un tel ordre. Toutefois, B.________, bien qu'entendue comme témoin, n'a pas été interrogée sur ce point précis. En outre, la cliente V.________ n'a pas été invitée à se prononcer sur la question. Le témoignage indirect ne suffit pas, à lui seul, à établir des instructions de la part de l'intimée. Vu la relation de confiance particulière que celle-ci entretenait avec la cliente, il est envisageable que son congé ait conduit à la cessation des mandats. L'état de l'intimée, affectée d'une incapacité de travail liée à sa grossesse, n'était peut-être pas étranger au choix de l'employeuse de congédier celle-ci de façon abrupte plutôt qu'en respectant le délai contractuel.
La recourante ne commente pas cette appréciation et ne cherche pas à expliquer où résiderait l'arbitraire. Pour le surplus, la cour cantonale n'a pas méconnu les déclarations de l'employée selon lesquelles elle admettait avoir chargé W.________ SA, à la fin décembre 2010, d'accomplir des formalités douanières (arrêt, p. 4 et 8; cf. au surplus infra, consid. 3.3).
2.3. S'agissant de la perte du marché confié par la cliente U.________, la Cour de justice retient qu'elle ne peut être imputée à une carence de l'employée; qu'en effet, les documents produits et témoignages recueillis ne permettent pas de retenir qu'elle aurait violé des instructions claires à ce sujet. Les décisions cantonales font encore apparaître que l'employée a admis avoir continué à sous-traiter à la société W.________, mais sur ordre de A.________; celui-ci a pour sa part concédé avoir lui-même ponctuellement contrevenu aux ordres.
Sur ce point non plus, la recourante ne cherche pas à expliquer en quoi l'appréciation serait arbitraire. Par ailleurs, elle ne se hasarde pas à établir un lien entre la perte de cette cliente et l'incident du 4 novembre 2009 (supra, let. Ab).
2.4. En bref, la cour de céans n'a pas à tenir compte de la version des faits divergente présentée par la recourante.
 
3.
3.1. En droit, la recourante dénonce une violation de l'art. 337 CO. La cour cantonale aurait refusé à tort de retenir l'existence de justes motifs autorisant une résiliation immédiate du contrat de travail.
3.2. L'art. 337 CO autorise l'employeur - ou le travailleur - à résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Constituent notamment de justes motifs les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de l'auteur du congé la continuation des rapports de travail (al. 2).
Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate est une mesure exceptionnelle, qui doit être admise de manière restrictive. Seuls des manquements particulièrement graves peuvent justifier une telle sanction; ils doivent être subjectivement et objectivement propres à détruire le lien de confiance inhérent au contrat de travail, ou l'atteindre à un point tel que la continuation des rapports contractuels ne peut être exigée, pas même jusqu'au prochain terme contractuel. S'agissant de manquements moins graves, ils doivent avoir fait l'objet d'avertissements et avoir néanmoins persisté. En principe, le manquement réside dans la violation d'obligations contractuelles. Toutefois, un événement non prévisible à la conclusion du contrat peut aussi légitimer une résiliation immédiate, s'il en résulte une situation objectivement intenable (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 213 consid. 3.1; 129 III 380 consid. 2 et 3.1).
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve une telle décision (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 p. 305).
3.3. Selon les termes mêmes de la lettre de résiliation du 5 janvier 2011, le congé est dû au fait que l'employée a donné des instructions à un client important - dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de V.________ - afin qu'il cesse de confier des mandats à son employeuse et s'adresse désormais à sa concurrente directe W.________ SA, qui emploie le mari de l'employée.
L'autorité d'appel a constaté en fait, de manière à lier la cour de céans, que de telles instructions n'étaient pas prouvées et que la cause de la perte de cette cliente n'était pas établie.
Subsiste le fait que l'employée admet avoir organisé, dans les derniers jours de décembre 2010, le trafic de marchandises pour la cliente V.________, trafic qui devait reprendre le 3 janvier suivant; elle concède avoir chargé W.________ SA d'effectuer les formalités douanières, comme elle l'avait fait à l'occasion de ses vacances d'octobre. L'employée, enceinte, venait de se voir délivrer un certificat d'arrêt de travail complet jusqu'à fin janvier 2011 (jgt de 1ère instance, p. 3). La recourante objecte qu'il s'agit au fond de savoir si l'employée devait en cas d'absence confier les affaires de la cliente V.________ à l'un de ses collègues de travail, ou si ces affaires devaient être confiées à un tiers. En choisissant la seconde option, l'employée aurait enfreint son devoir de fidélité, d'autant qu'elle avait reçu l'interdiction formelle et répétée de recourir à la société W.________.
L'autorité d'appel répond à cette problématique comme il suit: la sous-traitance d'affaires à W.________ n'était pas insolite au sein de l'employeuse, une telle opération ayant eu lieu à plusieurs reprises. Le seul litige avec cette entreprise active sur le même marché que l'employeuse, mais dont elle était parfois la partenaire, concernait la cliente U.________. Pour le surplus, l'employeuse n'avait pas donné d'ordre clair à son employée de ne jamais sous-traiter à cette société. L'employée pouvait se sentir confortée dans sa façon de traiter la cliente V.________ SA, y compris au travers de la sous-traitante précitée, puisqu'elle avait reçu une prime liée à l'important bénéfice en résultant pour son employeuse. Il n'est pas non plus patent qu'en organisant cette sous-traitance, l'intimée aurait lésé les intérêts de son employeuse, qui s'est en trouvé plutôt favorisée, à en croire les résultats 2010 à l'origine de la prime.
En tant que ces constatations relèvent du fait, elles lient la cour de céans. A cela s'ajoute que l'on ignore tout de l'organisation de l'employeuse, en particulier du contexte dans lequel s'effectuaient les sous-traitances, de la marge de manoeuvre dont disposait l'employée - qui avait la charge de préparer des instructions pour les sous-traitants - et du système de remplacement en cas d'absence. En mai 2010, la supérieure hiérarchique a demandé à être informée des demandes d'offre aux sous-traitants, parce qu'elle s'inquiétait que W.________ puisse être systématiquement privilégiée par l'employée. Les décisions cantonales ne disent pas ce qu'il est advenu de cette instruction, si son auteur s'est inquiétée de son respect ou si elle s'est accommodée de la situation. Il n'y a pas non plus de constatations précises sur les remplacements en cas d'absence. Ont tout au plus été recueillies des déclarations d'une ancienne employée de la recourante (B.________) partie en septembre 2010 chez W.________ SA, dont il ressort qu'elle s'occupait de la cliente V.________ durant les absences de Z.________; c'est à cette même personne, devenue collaboratrice chez W.________, que l'intimée dit avoir confié les formalités douanières en décembre 2010 (jgt de 1ère instance, p. 6 et 10); il n'est ainsi pas exclu que l'employée ait dirigé sa cliente vers une interlocutrice qu'elle connaissait déjà, dans un milieu où les relations personnelles paraissent non dénuées d'importance. L'on observe enfin que la recourante n'a pas cherché à contacter la cliente pour savoir ce qu'il en était (jgt de 1ère instance, p. 13 i.f. ); il n'est au demeurant pas établi que cette dernière ait persisté à traiter avec W.________ SA.
En définitive, il est possible que l'employée ait favorisé la sous-traitante W.________ SA par rapport à d'autres sous-traitantes, qu'elle ait fait augmenter de façon plus ou moins drastique le volume de transactions avec cette entreprise pendant qu'elle était en fonction chez la recourante. Il est concevable qu'elle ait confié des sous-traitances dans des cas où l'employeuse aurait eu les moyens de traiter elle-même les dossiers. Elle a tout aussi bien pu commettre des erreurs et accusé des retards au niveau administratif. Néanmoins, dans un contexte où de nombreux éléments restent non éclaircis, il n'y avait en tout cas pas matière à retenir que l'employée aurait gravement manqué à ses obligations contractuelles, en particulier à son devoir de loyauté. Ainsi, au regard des faits retenus par l'autorité précédente, qui lient la cour de céans, l'on ne saurait retenir une violation de l'art. 337 CO.
3.4. La recourante objecte encore que les 29 et 30 décembre 2010, l'intimée a détruit systématiquement tous les messages électroniques relatifs aux dossiers dont elle s'occupait, agissant ainsi, selon toute vraisemblance, pour cacher ses fautes. Ces documents devaient permettre à l'employeuse de poursuivre la gestion quotidienne des dossiers.
A cet égard, la cour d'appel a retenu que l'intimée avait détruit un certain nombre de documents de sa messagerie électronique. L'employeuse a par la suite fait reconstituer le contenu de la messagerie par une société spécialisée. La cour d'appel n'a pas exclu que l'employée ait cru de bonne foi se conformer à une obligation de mise à jour en procédant de la sorte. Par ailleurs, l'employeuse avait donné l'instruction d'effectuer des tirages papier des messages et de les classer dans les dossiers; or, l'on ignore si de tels tirages ont été effectués.
La recourante, qui prétend avoir découvert la destruction des messages "simultanément au prononcé du congé abrupt ou immédiatement après", a tout d'abord cherché à en déduire une créance de 1'782 fr., correspondant aux frais engagés pour reconstituer le contenu de la messagerie. Elle n'a pas obtenu gain de cause. Quoi qu'il en soit, même en tenant compte de ce fait dans l'appréciation globale des circonstances dans lequel le congé est intervenu, il n'y a toujours pas matière à retenir un manquement grave de l'employée propre à provoquer une rupture de confiance telle que la poursuite du contrat ne pouvait être exigée.
 
4.
4.1. La recourante reproche encore à la cour cantonale d'avoir alloué à l'intimée une indemnité pour résiliation injustifiée en violation de l'art. 337c al. 3 CO. La cour aurait en outre dû retenir à l'encontre de l'intimée une dette de 28'000 fr. pour le dommage causé par la perte de la cliente U.________.
Dans l'un et l'autre cas, la recourante assoit son argumentation sur une version des faits divergente de celle retenue dans l'arrêt attaqué. Elle ne prétend pas que la cour cantonale aurait appliqué de façon erronée le droit fédéral aux faits tels que retenus dans l'arrêt attaqué. Le sort des deux griefs est ainsi scellé.
4.2. La recourante ne formule pas d'autres critiques, en particulier quant au terme contractuel pour lequel le congé aurait dû être signifié, ni quant au montant de la dette salariale. Il n'y a dès lors pas à examiner ces points.
5. La recourante, qui succombe, supporte les frais et dépens de la procédure (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 septembre 2013
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Monti