Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_152/2013
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Arrêt du 20 septembre 2013
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente,
Kolly et Niquille.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
X.________ S.A., représentée par
Me Jean-Claude Schweizer,
recourante,
contre
Z.________ Sàrl, représentée par Me Jérôme Sautaux,
intimée.
Objet
reconnaissance de dette; contrat de prêt,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 19 février 2013 par la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Faits:
A.
A.a. D.________ est administrateur de plusieurs sociétés, dont X.________ S.A., sise dans le canton de Neuchâtel. Il a entretenu différentes relations commerciales avec A.A.________ et son fils B.A.________, qui administrent aussi des personnes morales. B.A.________est le gérant de Z.________ Sàrl, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont il possède la totalité du capital.
De nombreux flux financiers ont eu lieu entre les sociétés de D.________ (ou lui-même), d'une part, et B.A.________ ou A.A.________, d'autre part. En particulier, A.A.________ a transféré à D.________ la somme totale de EUR 200'000.00, par trois versements effectués entre septembre et décembre 2003.
En 2005, Z.________ Sàrl a soumis à X.________ S.A. un document rédigé en allemand intitulé "
Darlehensvertrag ", qui contenait notamment les clauses suivantes:
"Vorbemerkung: Der Darlehensgeber und der Darlehensnehmer sind seit mehreren Jahrzehnten in unterschiedlichen Konstellationen gemeinsam geschäftlich tätig. Aufgrund dieser gemeinsamen Tätigkeiten gewährte der Darlehensgeber dem Darlehensnehmer in der Vergangenheit ein Darlehen in Höhe von derzeit insgesamt EUR 200'000.00. [...]
§ 1 Der Darlehensnehmer erkennt hiermit und zwar schuldbegründend durch diese Urkunde an, dem Darlehensgeber den in der Vorbemerkung genannten Betrag in Höhe von insgesamt EUR 200'000.00 zuzüglich Zinsen zu schulden (Siehe § 2). (nachfolgend Darlehen #1 genannt).
§ 2 Der in §1 anerkannte Betrag (Darlehen #1) ist ab dem 15.08.2005 mit 10% jährlich zu verzinsen. [...]
§ 3 Der in §1 anerkannte Betrag (Darlehen #1) ist spätestens am 30.12.2007 zur Rückzahlung fällig. [...]
§ 4 Zur Sicherung des Darlehen #1 hat der Darlehensnehmer dem Darlehensgeber bereits eine Briefhypothek an dem Hausgrundstück in Le Locle, [...] Hypothekenbrief [...] ...1, ausgehändigt [...]."
Le contrat déclarait le droit suisse applicable.
Ce document a été renvoyé à la société luxembourgeoise, signé par D.________ en qualité d'administrateur unique de X.________ S.A. et daté du 8 juillet 2005. Il avait toutefois biffé la clause suivante: "
Des weiteren übernimmt Herr D.________, nunmehr handelnd im eigenen Namen, die selbstschuldnerische Bürgschaft unter Verzicht auf die Einrede der Vorausklage für das Darlehen #1 in Höhe von EUR 200'000.00, zuzüglich der anfallenden Zinsen ".
Le 19 septembre 2005, X.________ S.A. a invité Z.________ Sàrl à lui renvoyer le contrat de prêt signé avant le 26 septembre 2005, à défaut de quoi elle le considérerait comme annulé.
Z.________ Sàrl, qui avait reçu à une date indéterminée une cédule hypothécaire grevant en premier rang des parts PPE appartenant à X.________ S.A., est restée en possession de ce gage.
A.b. Z.________ Sàrl a dénoncé le prêt le 28 février 2008. Dans un courrier du 4 mars 2008 rédigé par son avocat, D.________ a répondu qu'il était "déterminé à régler ce qu'il d[eva]it à Z.________ Sàrl"; toutefois, pour dégager les liquidités nécessaires, il proposait d'engager la cédule qui était en mains de ses cocontractants auprès d'un établissement bancaire lequel, dès réception de la cédule, leur virerait la somme de EUR 256'969.35. Dans un écrit du 25 juillet 2008 rédigé en allemand, le conseil de D.________ a indiqué que son client ne savait en vérité plus s'il avait reçu le montant de EUR 200'000.00 à titre de prêt ou pour une autre cause; dans la mesure où les versements de Z.________ étaient antérieurs à l'élaboration du "Darlehensvertrag", il fallait plutôt inférer qu'ils correspondaient à autre chose qu'un prêt.
Aucun arrangement n'a pu être trouvé.
Le 28 octobre 2008, Z.________ Sàrl a intenté une poursuite en réalisation de gage à l'encontre de X.________ S.A. Le commandement de payer portait sur le montant de CHF 432'607.90 plus intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2008. Sous la rubrique "cause de l'obligation" figurait la mention suivante: "Montant dû au 31.12.2007 (EUR 256'969.35 taux de la BCN à cette date: 1.6835) sur la cédule hypothécaire au porteur de Fr. 500'000 (n° 1...) (....) ", cédule grevant en premier rang des parts PPE de X.________ S.A.
La société poursuivie a formé opposition.
Par décision du 23 février 2009, le Tribunal civil du Locle a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée dans la poursuite n° yyy de l'Office des poursuites de La Chaux-de-Fonds, à concurrence de CHF 425'207.20 plus intérêts à 5 % dès le 7 mars 2008, tant à l'égard de la créance que du droit de gage. Le Tribunal cantonal a confirmé cette décision par arrêt du 19 juin 2009.
B.
B.a. Dans le cadre de cette poursuite, X.________ S.A. a saisi la justice neuchâteloise le 17 mars 2009 d'une action en libération de dette et en paiement. Elle entendait faire constater qu'aucun contrat de prêt ne lie les parties et qu'elle ne doit pas la somme de CHF 432'607.90 (EUR 256'965.35) à Z.________ Sàrl; elle prétendait en outre faire condamner cette dernière au montant de CHF 1'078'000.00. La société luxembourgeoise a conclu au rejet de l'action. Dans sa réplique, la demanderesse a invoqué la compensation.
Par jugement du 29 mai 2012, le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz a rejeté l'action dans son entier.
B.b. La société demanderesse a fait appel de cette décision, en maintenant ses conclusions visant à faire constater l'inexistence d'une dette de EUR 256'965.35 (CHF 432'607.90); en revanche, elle n'a pas contesté le rejet de l'action en paiement. Par arrêt du 19 février 2013, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal a confirmé le jugement.
C.
X.________ S.A. saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile par lequel elle entend faire constater qu'elle n'est pas débitrice de la somme de EUR 256'965.35 (CHF 432'607.90) envers l'intimée, mais lui doit au maximum CHF 58'522.23.
L'intimée Z.________ Sàrl conclut au rejet du recours. L'autorité précédente se réfère aux motifs de son arrêt.
Considérant en droit:
1.
1.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). L'autorité de céans applique le droit d'office, à l'exception des droits fondamentaux (art. 106 LTF).
1.2. Sur le principe, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité précédente, respectivement par celles du juge de première instance dans la mesure où elles sont reprises au moins implicitement dans l'arrêt attaqué (cf., sous l'OJ, ATF 129 IV 246 consid. 1, confirmé sous la LTF par ex. à l'arrêt 4A_623/2012 du 15 avril 2013 consid. 1.2). Il peut toutefois s'écarter d'un état de fait qui a été établi en violation du droit ou de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2), ce qu'il incombe en principe au recourant de dénoncer (cf. art. 97 al. 1 LTF).
S'il invoque l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), le recourant doit satisfaire aux exigences de motivation plus strictes de l'art. 106 al. 2 LTF: il doit alors soulever expressément le grief et exposer de manière claire et circonstanciée, si possible documentée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel (ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le grief doit être développé dans le recours même, un renvoi à d'autres écritures ou à des pièces n'étant pas admissible (ATF 133 II 396 consid. 3.1
i.f. ).
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas à prendre en compte la version des faits présentée par la recourante en préambule de ses griefs.
2.
2.1. Il n'est pas contesté que le "Darlehensvertrag" signé par la recourante le 8 juillet 2005 contient une reconnaissance de dette indiquant la cause de l'obligation, soit un contrat de prêt portant sur la somme de EUR 200'000.00. En substance, la recourante plaide que le contrat n'est pas venu à chef faute de volontés concordantes; que par ailleurs, elle n'a touché qu'une petite partie des EUR 200'000.00 qui ont été versés à son administrateur, dans un contexte de flux financiers multiples entre les deux groupes que formaient D.________ et ses sociétés d'une part, B.A.________ et A.A.________ et leurs sociétés d'autre part; tout ceci aurait dû conduire le Tribunal cantonal à la conclusion qu'un solde maximal de CHF 58'522.23 restait dû à l'intimée.
2.2. Les parties ne discutent pas l'applicabilité du droit suisse.
2.3. La reconnaissance de dette est une déclaration par laquelle un débiteur manifeste au créancier qu'une dette déterminée existe (cf. notamment Frédéric Krauskopf, Die Schuldanerkennung im schweizerischen Obligationenrecht, 2003, p. 4 s.; Schönenberger/Jäggi, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1973, n° 5 ad art. 17 CO). Elle peut être causale, lorsque la cause de l'obligation y est mentionnée, ou abstraite à ce défaut; dans les deux cas, elle est valable (art. 17 CO). Toutefois, la cause sous-jacente doit exister et être valable, conformément à la conception causale de l'obligation en droit suisse (ATF 119 II 452 consid. 1d; 105 II 183 consid. 4a). La reconnaissance de dette entraîne un renversement du fardeau de la preuve. Le débiteur qui conteste la dette doit établir quelle est la cause de l'obligation (en cas de reconnaissance abstraite), respectivement démontrer que la cause de l'obligation n'est pas valable, par exemple parce que le rapport juridique à la base de la reconnaissance est inexistant, nul ( art. 19 et 20 CO ), a été simulé (art. 18 al. 1 CO) ou invalidé (art. 31 CO) (ATF 131 III 268 consid. 3.2 p. 273; 105 II 183 consid. 4a).
Le contrat est parfait lorsque les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels (ATF 127 III 248 consid. 3d p. 254; sur la distinction entre éléments objectivement essentiels et éléments subjectivement essentiels, cf. ATF 97 II 53 consid. 3; Ahmet Kut, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 2e éd. 2012, n° 30 s. ad art. 1 CO; HANS MERZ, Vertrag und Vertragsschluss, 2
e éd. 1992, n. 174-175).
En principe, le silence ne vaut pas acceptation. Toutefois, si la nature de l'affaire ou les circonstances sont telles que l'auteur de l'offre ne doit pas s'attendre à une acceptation expresse, le contrat est réputé conclu si l'offre n'a pas été refusée dans un délai convenable (art. 6 CO).
2.4. Dans le "Darlehensvertrag" signé le 8 juillet 2005, la recourante reconnaît s'être vu octroyer par le passé un prêt atteignant actuellement le montant total de EUR 200'000.00; elle admet aussi qu'en garantie du prêt, l'intimée "a déjà" (
"hat [...] bereits" ) une cédule hypothécaire.
Compte tenu de cette reconnaissance, c'est à la recourante qu'incombe la charge de prouver qu'elle ne doit pas le montant précité, en démontrant par exemple que le contrat de prêt n'a pas été valablement conclu, est entaché d'une erreur, fondé sur une simulation, respectivement que le montant n'a pas été versé ou a déjà été remboursé.
La recourante ne conteste pas en soi que des fonds correspondant au montant énoncé ont été versés antérieurement à la signature de la reconnaissance. Elle objecte que l'argent a été versé à son administrateur.
Selon l'arrêt attaqué (p. 15), il est admis que l'administrateur de la recourante a reçu un capital de EUR 200'000.00, puis l'a mis à disposition de celle-ci. La recourante ne conteste pas valablement ces faits, se contentant d'opposer une version divergente selon laquelle elle n'aurait touché qu'une petite partie de la somme. Le fait que la reconnaissance de dette ne mentionne pas les modalités précises des versements du prêt n'est pas décisif. Pour le surplus, la cour cantonale relève à juste titre que l'administrateur a signé le "Darlehensvertrag" au nom de la société, et que la cédule garantissant le prêt grevait des immeubles de la société. A cet égard, si la date de cession de la cédule n'a pu être établie, la recourante ne démontre pas qu'elle serait postérieure à la signature de la reconnaissance. En bref, la recourante échoue à démontrer qu'elle n'a pas reçu la somme évoquée dans la reconnaissance.
La recourante plaide ensuite que la remise d'argent n'était pas un prêt, mais un investissement, dans un contexte de multiples échanges financiers entre les deux "groupes" A.________ et D.________. Il subsisterait tout au plus un solde de CHF 58'522.91 en faveur de l'intimée.
La recourante assoit son argumentation sur des faits qui s'écartent partiellement de l'arrêt attaqué. Quoi qu'il en soit, le jugement de première instance recense des transferts d'argent entre l'un ou l'autre des administrateurs A.________ et l'une ou l'autre des sociétés de D.________, ou celui-ci même. Il est précisé que dans la plupart des cas, la cause de ces flux n'a pas pu être établie (jgt de 1ère instance, p. 3 s. et p. 15 § 2). Même si l'on comprend, à la lecture des deux décisions cantonales, que les parties ne faisaient pas toujours une distinction stricte entre les sociétés et leurs administrateurs, la thèse d'un règlement global des affaires entre les deux "groupes" ne saurait être retenue. La cour d'appel retient, sans être critiquée sur ce point, que l'administrateur de la recourante est un homme d'affaires averti; elle en déduit à bon droit qu'il ne pouvait ignorer la portée d'une déclaration reconnaissant clairement l'existence d'une dette de prêt de EUR 200'000.00 envers une société bien déterminée du "groupe" A.________. La recourante ne plaide pas ni a fortiori ne démontre la simulation ou l'erreur. Les courriers rédigés après la dénonciation du prêt n'apportent pas non plus la preuve de l'inexistence de celui-ci. Au contraire, l'administrateur unique de la recourante, s'exprimant certes en son nom propre, mais en opérant une confusion manifeste avec la société dont il est l'organe (arrêt, p. 15), a admis dans un premier temps devoir à l'intimée le montant de EUR 256'269.35 et a cherché à obtenir des liquidités grâce à la cédule qui avait été remise à l'intimée pour garantir le prêt, selon les termes de la reconnaissance. Cela étant, la recourante restait libre de démontrer qu'elle-même était titulaire de créances envers l'intimée, opposables en compensation. Elle ne l'a pas fait. Elle n'a pas davantage démontré le remboursement du prêt. Tout au plus fait-elle grief à la cour cantonale d'avoir constaté l'échec de la preuve sur ce dernier point, sans démontrer où résiderait l'arbitraire. Elle se contente d'opposer encore une fois sa thèse non concluante d'un échange global de flux financiers entre deux groupes.
2.5. La recourante plaide encore que le contrat de prêt n'a pas été conclu, faute de volontés concordantes; qu'en biffant, dans le "Darlehensvertrag", la clause exigeant le cautionnement de son administrateur, elle a formulé une contre-offre qui n'a pas été acceptée par la partie cocontractante. Le silence de celle-ci ne saurait valoir acceptation.
Ce raisonnement adopte la prémisse que le prêt a été contracté simultanément à la reconnaissance de dette. Or, dans le "Darlehensvertrag", la recourante reconnaît l'existence d'un prêt octroyé "par le passé"; elle ne parvient pas à démontrer que la référence au transfert de fonds antérieur, respectivement à la détention de la cédule par l'emprunteuse, serait erronée. La cause de l'obligation apparaît donc antérieure (et non pas concomitante) à la reconnaissance de dette.
Cela étant, il importe peu de savoir si le "Darlehensvertrag" rédigé par l'intimée constituait une offre de contracter un prêt, ou une offre de modifier les conditions du prêt. Dans l'un ou l'autre cas, la solution est la même. L'intimée avait déjà remis les fonds à la recourante et détenait déjà une cédule en garantie. Si le refus opposé au cautionnement demandé représentait pour l'intimée un obstacle à la continuation du contrat de prêt, respectivement à la conclusion du prêt, elle aurait dû réagir à réception du document modifié, ce qu'elle n'a pas fait. Dans de telles circonstances, il faut admettre que le silence de l'intimée valait acceptation de la contre-proposition qui lui avait été soumise. La recourante ne plaide pas que les parties avaient réservé la forme écrite. Lorsque la recourante a exigé, quelque deux mois plus tard, que l'intimée lui retourne le "
Darlehensvertrag " signé, un délai raisonnable s'était écoulé, de sorte que le contrat était réputé conclu.
2.6. En bref, la cour cantonale n'a pas enfreint le droit fédéral en considérant que la cause sous-tendant la reconnaissance de dette était un contrat de prêt valablement conclu. Pour le surplus, la cour d'appel a considéré que le montant supplémentaire de EUR 56'269.35 correspondait "probablement" aux intérêts. La recourante ne conteste pas que le montant correspond effectivement aux intérêts et qu'elle doit les payer.
La recourante échoue ainsi à rapporter la preuve qu'elle ne doit pas la somme de EUR 256'269.35.
3.
3.1. La recourante dénonce enfin une violation de l'art. 84 CO. Elle relève que le prêt a été accordé en euros et que le remboursement devra être fait dans cette même monnaie. Le rejet de l'action en libération de dette a pour effet de "valider" la mainlevée de l'opposition; or, celle-ci exprime le montant de la créance en francs suisses (CHF 425'207 fr. 20), ce qui serait contraire à l'art. 84 CO.
3.2. Lorsqu'une obligation est exprimée en monnaie étrangère, elle doit en principe être payée dans cette monnaie. Toutefois, aux conditions de l'art. 84 al. 2 CO, le débiteur - et lui seul - a la faculté alternative de payer en francs suisses. Le dispositif d'un jugement qui ne serait libellé qu'en monnaie nationale n'apparaît pas admissible (arrêt 4C.191/2004 du 7 septembre 2004 consid. 6, in SJ 2005 I 174).
Autre est la question de l'exécution forcée en Suisse d'une créance stipulée en monnaie étrangère (ATF 134 III 151 consid. 2.3). La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite impose que le montant de la créance en poursuite soit désigné en valeur légale suisse (art. 67 al. 1 ch. 3 LP). Cette règle d'ordre public, fondée sur des motifs pratiques, n'a toutefois pas pour effet de nover en une dette de francs suisses celle que les intéressés ont librement fixée en devises étrangères: le débiteur doit simplement tolérer que, dans la procédure d'exécution, ses biens situés en Suisse soient soumis à l'exécution pour un montant qui, en valeur suisse, correspond à la dette de monnaie étrangère (ATF 135 III 88 consid. 4.1; 125 III 443 consid. 5a).
Il s'ensuit que dans une procédure tendant à faire reconnaître l'existence d'une créance libellée en monnaie étrangère, le tribunal ne peut prononcer une condamnation pécuniaire que dans cette monnaie-là, étant entendu que s'il doit dans le même temps accorder la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, celle-ci sera libellée en francs suisses, à des fins d'exécution forcée (ATF 134 III 151 consid. 2.4).
3.3. En l'occurrence, la recourante a introduit une action en libération de dette en exprimant la somme litigieuse en euros et en francs suisses. L'action a été rejetée; la défenderesse n'avait pas pris de conclusions reconventionnelles condamnatoires. Ainsi, la question du libellé de la créance en monnaie suisse ou étrangère ne se posait pas.
Dans la poursuite intentée le 28 octobre 2008, la société luxembourgeoise a converti en francs suisses la créance revendiquée (EUR 256'969.35), conformément à l'art. 67 LP. Les autorités compétentes pour prononcer la mainlevée provisoire ont utilisé un autre taux de conversion (1,6547 au lieu de 1,6835), retenant ainsi, pour l'exécution forcée, une créance de CHF 425'207.20 au lieu des CHF 432'607.90 indiqués dans la réquisition de poursuite. Elles n'ont pas enfreint le droit fédéral en libellant la créance en francs suisses dans la décision de mainlevée provisoire, mainlevée qui devient
ipso iure définitive si l'action en libération de dette est rejetée (art. 83 al. 3 LP; Daniel Staehelin, in Basler Kommentar, 2e éd. 2010, n° 63 ad art. 83 LP).
Le dernier grief se révèle mal fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 20 septembre 2013
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Monti