BGer 8C_1007/2012 |
BGer 8C_1007/2012 vom 11.12.2013 |
{T 0/2}
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8C_1007/2012
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Arrêt du 11 décembre 2013 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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Mmes et M. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Heine.
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Greffière: Mme von Zwehl.
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Participants à la procédure
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G.________,
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représenté par Me Matthieu Genillod, avocat,
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recourant,
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contre
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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intimée.
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Objet
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Assurance-accidents (accidents successifs; affection psychique; causalité adéquate),
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal vaudois, Cour des assurances sociales, du 6 novembre 2012.
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Faits: |
A. |
A.a. G.________, né en 1950, a exercé divers emplois en qualité d'employé de commerce. De 1983 à 1996, il était vendeur d'automobiles pour différentes grandes marques. Par la suite, il est devenu chauffeur de poids-lourds.
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A.b. Le 20 juin 2001, alors qu'il travaillait sous contrat de mission temporaire avec la société X.________ SA, G.________ a été victime d'un accident. Il était en train de manoeuvrer un camion sur un chantier quand une partie du terrain s'est affaissée sous le poids de l'engin, qui s'est renversé sur le côté. Il a heurté sa tête contre la cabine du camion, ce qui lui a occasionné un traumatisme cranio-cérébral avec une plaie au cuir chevelu. Il a également perdu connaissance lors du choc. Il a été transporté à l'hôpital Y.________ où il a fait une crise épileptique. Il y est resté deux jours en observation. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle G.________ était assuré, a pris en charge le cas.
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Le docteur N.________, neurologue, a fait état d'une crise d'épilepsie probablement liée au traumatisme et d'un vertige paroxystique positionnel bénin d'origine traumatique. Il a estimé qu'il n'y avait pas d'indication à un traitement anticomitial étant donné la normalité du CT-scan cérébral et de l'électro-encéphalogramme. Toutefois, en raison de la crise d'épilepsie, interdiction était faite à l'assuré de conduire un camion pour une période de deux ans (rapport du 12 juillet 2001). Le 4 septembre 2001, le docteur V.________, médecin traitant, a déclaré que l'état général de son patient s'était bien amélioré, notamment au niveau psychique. Il a néanmoins prolongé l'incapacité de travail à cause de la persistance des vertiges. Par la suite, des bilans neuropsychologiques ont mis en évidence des fonctions cognitives dans les limites de la norme avec toutefois des troubles attentionnels, une certaine fatigabilité, et des difficultés dans la gestion du stress (rapports de la professeure C.________, de l'Hôpital Z.________, des 23 juillet 2002, 16 décembre 2003 et 12 avril 2005).
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A.c. Le 29 novembre 2001, G.________ a subi un second accident en faisant du vélo. Une voiture non prioritaire s'est avancée au-delà d'un stop sur la voie de circulation qu'il empruntait, l'obligeant à freiner brusquement et à dévier de sa trajectoire pour éviter de percuter le véhicule. Le prénommé a basculé par dessus son vélo et est tombé sur la chaussée. Les médecins de l'Hôpital Z.________ ont diagnostiqué une fracture du coude droit et une fracture des deux condyles de la mandibule (mâchoire inférieure), lésions qui ont été traitées conservativement. La CNA est également intervenue pour cet accident.
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En ce qui concerne le coude, en raison d'un remaniement post-traumatique de la tête radiale et un status après probable fracture occulte de la partie latérale de la trochlée cubitable constatés par IRM en février 2003, l'assuré a dû se soumettre à une arthroscopie le 16 mai 2003 puis à une reprise ambulatoire le 17 juillet suivant à cause d'un rejet des fils. Fin août 2003, le docteur A.________, chirugien orthopédiste, a considéré que le traitement était terminé. Dans un rapport du 1er juin 2004, le docteur H.________, neurologue, a constaté une mobilité du coude satisfaisante et sans provocation de douleurs importantes; il n'y avait aucune atteinte neurologique significative secondaire à l'accident en dehors d'une petite atteinte des branches sensitives superficielles innervant la face interne du coude. Pour la fracture bicondylienne, le traitement s'est achevé le 6 juin 2002 avec une évolution favorable (rapport médical intermédiaire du service ORL de l'Hôpital Z.________ du 12 février 2003).
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Par ailleurs, G.________ a dû faire remplacer les prothèses dentaires totales qu'il portait au moment de l'accident de vélo, celles-ci s'étant cassées lors du choc. En janvier 2002, le docteur O.________, médecin dentiste, a confectionné un nouvel appareillage qui a dû être réadapté six mois après. Dans un rapport du 22 mars 2004, ce dentiste a déclaré que son patient présentait actuellement de grandes difficultés à la mastication, qui générait des douleurs allant en s'amplifiant depuis une année. Après avoir examiné G.________ en avril 2005, le docteur L.________, de la CNA, a conclu que les prothèses mises en place ne remplissaient pas leur fonction de façon optimale et qu'il était nécessaire d'en confectionner de nouvelles. Il s'est chargé lui-même du traitement avec l'accord de l'assuré en été 2005. L'appareillage ne donnant toujours pas satisfaction, l'intéressé s'est adressé au docteur T.________, qui a proposé de refaire un nouveau jeu de prothèses maintenues cette fois par des implants (6 au total), traitement réalisé en juin et octobre 2006. En avril 2007, la CNA a demandé au docteur J.________, du service maxillo-facial de l'Hôpital Z.________, de se prononcer sur les séquelles dentaires de l'accident du 29 novembre 2001. Ce médecin a expliqué que la fracture bicondylienne avait entraîné un remodelage articulaire sous la forme d'une néo-articulation dont la fonction était moins bonne qu'une articulation normale. Cependant, grâce au dernier traitement, l'état dentaire était actuellement meilleur qu'avant le traumatisme. Il n'existait pas réellement d'incapacité fonctionnelle masticatoire et l'atteinte à l'intégrité était inférieure à 5% (rapport du 4 juin 2007).
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A.d. Entre-temps, le 21 janvier 2002, G.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (AI). Au vu des renseignements fournis par le docteur V.________ selon lesquels la reprise d'une activité de chauffeur était contre-indiquée en raison des troubles mis en évidence par le bilan neuropsychologique, et de la volonté de l'assuré de ne plus conduire un camion, l'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a examiné l'opportunité d'une réadaptation professionnelle dans l'activité initiale d'employé de commerce de l'intéressé. Après un stage d'évaluation des compétences qui s'est déroulé de septembre à décembre 2003 et s'est révélé concluant, l'office AI a accordé à l'assuré des mesures professionnelles sous la forme d'une formation de comptabilité et de commerce auprès de l'école M.________ durant l'année 2004. Dans l'intervalle, il lui a également alloué une rente d'invalidité entière du 1er juin au 31 octobre 2002, puis une demi-rente du 1er novembre 2002 au 31 décembre 2003. G.________ a bien réussi la formation qui a été suivie d'un stage de réadaptation à 80% auprès de la Compagnie d'assurances U.________ du 1er novembre 2005 au 31 octobre 2006. A partir du 1er novembre 2006, il a été engagé par cette compagnie d'assurances comme gestionnaire des sinistres pour les assurances de personnes avec un salaire correspondant à un taux d'activité de 50% pour un taux de présence de 80%. L'office AI a repris le versement de la demi-rente d'invalidité dès le 1er novembre 2006.
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A.e. À l'issue de l'instruction médicale du cas, la CNA a mis un terme au paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière au 31 mai 2007. Par décision du 8 juin 2007, partiellement modifiée par décision sur opposition du 25 mars 2008, elle a octroyé à l'assuré, pour les séquelles de l'accident du 20 juin 2001, une rente LAA fondée sur une incapacité de gain de 54%, dès le 1er juin 2007, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 17,5% (troubles neuropsychologiques modérés [10%] et perte partielle de l'odorat [7,5%]). La CNA a en revanche refusé d'octroyer une indemnité pour atteinte à l'intégrité pour l'accident du 29 novembre 2001 (décision du 16 août 2007, confirmée sur opposition le 16 novembre 2007 et entrée en force à la suite du jugement du 8 janvier 2010 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois).
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A.f. À partir du 11 février 2008, G.________ a été mis en incapacité de travail totale par le docteur E.________, psychiatre, qui a fait état d'un syndrome post-commotionnel et d'un état dépressif grave par épuisement professionnel et burn out. L'employeur a résilié les rapports de travail au 30 septembre 2008. Après avoir ordonné une expertise psychiatrique auprès des docteurs F.________ et D.________, du département de psychiatrie de l'Hôpital Z.________, l'office AI a procédé à une révision de la rente et mis l'assuré au bénéfice d'une rente d'invalidité entière dès le 1er juin 2008.
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A.g. Par décision du 12 avril 2011, confirmée sur opposition le 20 juin 2011, la CNA a refusé d'augmenter la rente LAA versée à l'assuré, motif pris de l'absence d'une relation de causalité adéquate entre les troubles psychiques constatés et l'événement accidentel du 20 juin 2001, respectivement celui du 29 novembre 2001.
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B. G.________ a déféré la décision sur opposition de la CNA du 20 juin 2011 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois, qui a rejeté son recours par jugement du 6 novembre 2012. En bref, les juges cantonaux ont procédé à un examen séparé de la causalité adéquate pour chacun des deux événements accidentels. Ils ont classé celui du 20 juin 2001 à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne et considéré qu'aucun des critères jurisprudentiels déterminants pour admettre un tel lien de causalité adéquate n'était réuni. Ils sont parvenus à la même conclusion pour le deuxième accident.
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C. G.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Sous suite de frais et dépens, il conclut, principalement, à l'allocation d'une rente d'invalidité LAA pour les suites psychiques des accidents des 20 juin et 29 novembre 2001; subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale ou la CNA pour nouvelle décision au sens des considérants.
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La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit: |
1. Le litige porte sur le point de savoir si la CNA est tenue de prendre en charge les conséquences des troubles psychiques développés par le recourant et, éventuellement, de lui allouer une rente LAA plus élevée.
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Lorsque la procédure de recours concerne une prestation en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (cf. art. 97 al. 2 LTF).
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2. |
2.1. Dans le rapport d'expertise psychiatrique ordonnée par l'office AI (du 16 avril 2010), les docteurs D.________ et F.________ ont retenu un état dépressif sévère sans symptômes psychotiques présents depuis fin 2007 et des modifications durables de la personnalité après expérience de catastrophe en évolution depuis fin 2001. Ces médecins ont justifié ce dernier diagnostic - dont ils ont relevé qu'il était généralement réservé à des personnes ayant subi des stress traumatiques dans un contexte de guerre, de torture ou d'emprisonnement - par "le caractère exceptionnellement violent et la dimension successive des deux accidents de 2001 accompagnés d'une intense peur de mourir" qui avaient enclenché chez l'assuré un processus post-traumatique actuellement cristallisé sous la forme d'une labilité émotionnelle, d'une hypersensibilité aux stimulations externes, de troubles de la concentration, d'une anxiété avec ruminations et reviviscences des scènes accidentelles, ainsi que de crises d'angoisses. Ajoutés à cela, les efforts marqués que l'assuré avait fournis dans le cadre des traitements médicaux liés aux deux accidents et dans sa tentative de reclassement professionnelle, ainsi que les pertes successives qu'il avait vécues (divorce en 2005 après 25 ans de mariage, échec du reclassement, incapacité à jouer du saxophone), avaient conduit celui-ci dans un état dépressif sévère entraînant une incapacité de travail totale.
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2.2. Compte tenu de ces explications, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les diagnostics psychiques posés et les accidents des 20 juin et 29 novembre 2001 ne prête pas à discussion. Par ailleurs, même si le premier accident a causé un traumatisme cranio-cérébral - pour lequel le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence particulière en matière de causalité (ATF 117 V 369) -, c'est à juste titre que les juges cantonaux ont examiné ici le caractère adéquat des troubles psychiques à l'aune des règles applicables en cas d'accident ayant entraîné une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 consid. 6 p. 138 ss et 403 consid. 5 p. 407 ss). En effet, le Tribunal fédéral a jugé de manière constante que lorsque les troubles psychiques apparus après l'accident constituent clairement une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique consécutif à un traumatisme cranio-cérébral, il faut en revenir à la jurisprudence en matière de troubles psychiques (RAMA 2001 n° U 412 p. 79 consid. 2b [U 96/00]; cf. également ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125 sv.; arrêts 8C_957/2008 du 1er mai 2009 consid. 4.2, 8C_124/2007 du 20 mai 2008 consid. 3.2, et 8C_591/2007 du 14 mai 2008 consid. 3.1). En l'occurrence, le tableau clinique décrit par les docteurs D.________ et F.________ au terme de leur examen dépasse largement le cadre de la réaction anxio-dépressive évoquée par le docteur V.________ dans les suites immédiates de l'accident du 20 juin 2001 (voir son rapport médical intermédiaire du 31 juillet 2001; cf. également les rapports de la professeure C.________). Par ailleurs, un important intervalle de temps sépare le diagnostic de dépression sévère de celui de traumatisme cranio-cérébral.
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3. En vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, il faut d'abord classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même.
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En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; 403 consid. 5c/aa p. 409) :
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- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident;
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- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques;
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- la durée anormalement longue du traitement médical;
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- les douleurs physiques persistantes;
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- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident;
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- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
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- le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.
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Il n'est pas nécessaire que soient réunis dans chaque cas tous ces critères. Suivant les circonstances, un seul d'entre eux peut être suffisant pour faire admettre l'existence d'une relation de causalité adéquate. Il en est ainsi lorsque l'accident considéré apparaît comme l'un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves, ou encore lorsque le critère pris en considération s'est manifesté de manière particulièrement importante (ATF 115 V 133 consid. 6 c/bb p. 140; 403 consid. 5 c/bb p. 409).
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4. Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir procédé à un examen séparé de la causalité adéquate pour chacun des deux événements accidentels. Il fait valoir qu'un tel procédé en cas d'accidents successifs ne se justifie qu'en cas de blessures tout à fait distinctes sur différentes parties du corps. Dans son cas, il avait été essentiellement blessé à la tête lors des deux accidents. Or des blessures successives à la tête proches dans le temps étaient propres à entraîner des troubles psychiques. Les experts psychiatres avaient d'ailleurs clairement mis en évidence que le syndrome dépressif et la modification durable de la personnalité dont il était affecté étaient étroitement liés au fait qu'il avait subi deux accidents successifs dans un intervalle rapproché au cours desquels il avait eu une intense peur de mourir. Cet élément était à prendre en compte dans l'examen des critères jurisprudentiels. Ainsi, le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident devait être admis vu le caractère successif et violent des blessures à la tête occasionnées par les deux événements accidentels. Il en allait de même pour le critère de la gravité et de la nature particulière des lésions physiques compte tenu du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques. C'était à tort que les juges cantonaux avaient nié ce critère notamment en considération de la longue période de latence entre les accidents et les diagnostics psychiques posés. Les rapports médicaux au dossier mentionnaient des signes évocateurs d'un état anxieux et dépressif depuis le début. En ce qui concernait le traitement médical des suites accidentelles, il s'était étendu sur de longues années, en tout cas pour l'accident du 29 novembre 2001. Ce n'était en effet qu'au cours de l'année 2006 que la CNA avait considéré la situation en relation avec ses problèmes dentaires suffisamment stabilisée pour examiner la question d'une éventuelle atteinte à l'intégrité. Quant aux douleurs qu'il avait endurées, dues aux difficultés de mastication, elles avaient été minimisées par les juges cantonaux. Enfin, il avait été en incapacité de travail totale de 2001 à 2003 et n'avait jamais recouvré une pleine capacité de travail par la suite. En résumé, il réunissait tous les critères pour que le caractère adéquat de ses troubles psychiques doive être reconnu et qu'une rente d'invalidité LAA, fondée sur une incapacité de gain de 100%, lui soit allouée.
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5. |
5.1. Selon la jurisprudence, lorsqu'à la suite de deux ou plusieurs accidents apparaissent des troubles psychiques, l'existence d'un lien de causalité adéquate doit, en principe, être examinée en regard de chaque accident considéré séparément. Cette règle s'applique en particulier dans les cas où les accidents ont porté sur différentes parties du corps et occasionné des atteintes diverses (ATF 115 V 138 ss consid. 6, 407 ss consid. 5; RAMA 1996 n° U 248 p. 177 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a jugé que le principe d'un examen séparé de la causalité adéquate vaut également dans les cas où la personne assurée a subi plus d'un accident ayant entraîné un traumatisme du type "coup du lapin" ou un traumatisme analogue. Il n'a cependant pas écarté qu'il soit tenu compte de la survenance d'atteintes successives à une même partie du corps dans l'examen des critères jurisprudentiels lorsque les conséquences des différents événements ne peuvent pas être distinguées les unes des autres sur le plan des symptômes douloureux et/ ou de l'incapacité de travail. Cette circonstance est à considérer dans le cadre de l'appréciation des critères de la gravité et la nature des lésions, du degré et de la durée de l'incapacité de travail, respectivement du traitement médical (arrêt 8C_477/ 2008 du 19 décembre 2008 consid. 6.1 et les références citées).
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5.2. On doit constater qu'en examinant la causalité adéquate pour chaque accident pris isolément, la juridiction cantonale n'a fait que procéder à une application stricte de la jurisprudence précitée. Bien qu'ils concernent la région de la tête, un traumatisme cranio-cérébral et une fracture de la mâchoire inférieure constituent des atteintes à la santé distinctes. Cela étant, même si l'on suivait le recourant et que l'on effectuait un examen d'ensemble du caractère adéquat du lien de causalité entre les accidents successifs subis et les troubles psychiques, le résultat auquel a abouti la juridiction cantonale ne s'en trouverait pas modifié comme on le verra ci-après. En ce qui concerne la manière d'appliquer les critères jurisprudentiels déterminants dans ce cas de figure, on peut renvoyer à ce qui a été décrit ci-dessus. On peut d'ores et déjà relever que le critère des circonstances particulièrement dramatiques ou impressionnantes entourant l'événement accidentel doit, comme ce critère l'indique, être examiné séparément pour chaque accident et ne saurait être admis du seul fait que le recourant a été victime de deux accidents successifs dans un intervalle de temps rapproché. Il ne s'agit pas d'additionner les faits mais de procéder à une appréciation globale des circonstances seulement si la nature du critère à considérer le permet (pour un exemple voir ATF 115 V 399).
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5.3. |
5.3.1. Sont seules déterminantes pour apprécier le degré de gravité d'un accident les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies - qui constitue l'un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité - ne doit être prise en considération à ce stade de l'examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l'accident (arrêts 8C_816/2012 du 4 septembre 2013 consid. 7.2 et 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n
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5.3.2. S'agissant du premier accident (du 20 juin 2001), c'est à juste titre que les premiers juges ont tenu compte, dans leur appréciation, du fait que le camion roulait à basse vitesse au moment où il s'est renversé. Cependant, vu le poids et la hauteur d'un tel engin, le choc qui en est résulté ne saurait être rapproché à un événement de faible intensité comme le montre d'ailleurs le fait qu'il a entraîné pour l'assuré un traumatisme cranio-cérébral avec une plaie au cuir chevelu et une perte de connaissance. Il se justifie par conséquent de ranger l'accident du 20 juin 2001 parmi les accidents de gravité moyenne stricto sensu.
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5.3.3. Le 29 novembre 2001, le recourant, qui portait un casque, a chuté par dessus son vélo sur la chaussée se fracturant le coude et la mâchoire, après avoir dû freiner brusquement sa bicyclette pour éviter une collision avec une voiture. Il s'agit tout au plus d'un accident de gravité moyenne.
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5.4. |
5.4.1. La survenue d'un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit pas en soi à conduire à l'admission de ce critère. En l'occurrence, ni l'un ni l'autre des événements considérés objectivement n'ont eu un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, quand bien même le recourant a exprimé avoir ressenti une peur intense de mourir aux experts psychiatres de l'Hôpital Z.________. A titre de comparaison, ce critère a été reconnu en présence d'un accident de la circulation dans un tunnel impliquant un camion et une voiture avec plusieurs collisions contre le mur du tunnel (arrêt 8C_257/2008 du 4 septembre 2008, consid. 3.3.3), d'un carambolage de masse sur l'autoroute (8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1), ou encore dans le cas d'une conductrice dont la voiture s'est encastrée contre un arbre entraînant le décès de la mère de celle-ci, qui occupait le siège passager (arrêt U 18/07 du 7 février 2008). Il a par ailleurs été nié dans plusieurs cas de chutes à vélo sur la chaussée consécutives à un freinage brusque sans collision avec un autre véhicule (arrêts 8C_105/2012 du 23 juillet 2012 consid. 5.4, U 127/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.2.1 et U 282/02 du 10 février 2004 consid. 6.2.4).
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5.4.2. Le recourant a subi un traumatisme cranio-cérébral associé à une crise d'épilepsie unique. Ce traumatisme a été suivi cinq mois plus tard d'une chute à vélo dont il est résulté une fracture du coude et de la mâchoire inférieure. À cette occasion, les prothèses dentaires de l'assuré se sont brisées. Quoi qu'en dise le recourant, ces lésions physiques successives ne sont pas d'une gravité ou d'une nature particulière telles qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques (pour un rappel de la casuistique où ce critère a été admis voir le consid. 6.2 de l'arrêt 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 publié dans SVR 2013 UV n° 3 p. 7). En effet, le recourant n'a jamais dû craindre pour sa vie ni n'a été sévèrement touché à un organe important. Du traumatisme cranio-cérébral, il a gardé des séquelles sous la forme de troubles neuropsychologiques légers à modérés et d'une perte partielle de l'odorat, qui ne l'ont toutefois pas empêché de mener à bien le processus de réadaptation initié avec le soutient de l'office AI; quant aux autres symptômes liés à ce traumatisme (vertiges et céphalées), ils ont complètement disparu dans les mois qui ont suivi l'accident. Pour elles-mêmes, les fractures causées par le deuxième accident ont eu des suites simples. C'est avant tout la problématique dentaire qui a entraîné des conséquences pénibles pour l'assuré dans la mesure où il n'a pas pu s'alimenter tout à fait normalement dans les premiers temps. Sans nier que la dimension successive de ces lésions ait eu un impact psychique sur le recourant, on est fondé à tenir compte du fait que la dépression sévère, qui a motivé la demande de révision de la rente LAA, est apparue fin 2007 seulement, soit plus de six ans après les événements accidentels, alors que les atteintes physiques étaient guéries depuis quelques années déjà et que l'assuré avait repris une activité professionnelle adaptée à ses troubles résiduels.
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5.4.3. Pour l'examen du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N'en font pas partie les mesures d'instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). Par ailleurs, l'aspect temporel n'est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêts 8C_755/2012 du 23 septembre 2013 consid. 4.2.3, 8C_361/2007 du 6 décembre 2007 consid. 5.3, et U 92/06 du 4 avril 2007 consid. 4.5 avec les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêts 8C_361/2007 consid. 5.3 et U 380/04 du 15 mars 2004 consid. 5.2.4 in RAMA 2005 n° U 549 p. 239).
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En l'espèce, les suites du traumatisme cranio-cérébral et des fractures n'ont pas donné lieu à des soins particulièrement longs. Le traitement principal prodigué au recourant a résidé dans la reconstruction de prothèses dentaires qu'il fallait adapter à la perte des rapports articulaires entre la partie capitale de la mandibule et la partie glénoïde du temporal causée par la fracture bicondylienne (cf. expertise du professeur J.________). Il s'est étendu, il est vrai, sur plusieurs années puisqu'il y a eu trois traitements chez trois dentistes différents en 2002, 2005 et 2006 jusqu'à ce que la solution parfaitement adéquate pour compenser les séquelles de la fracture bicondylienne n'ait été trouvée avec le docteur T.________ (prothèses retenues par des implants). Il y a cependant lieu de tenir compte du fait qu'il s'est agi de traitements dentaires qui se sont déroulés sur de courtes périodes espacées dans le temps. En outre, de tels traitements, bien qu'ils présentent un caractère désagréable, ne sauraient être assimilés à des interventions chirurgicales en milieu hospitalier nécessitant une longue convalescence. Dans cette mesure, les traitements dentaires appliqués au recourant ne peuvent être qualifiés comme un traitement anormalement long au sens de la jurisprudence précitée.
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5.4.4. La circonstance que les deux premiers traitements de reconstruction dentaire n'ont pas apporté le confort fonctionnel et esthétique attendu ne permet pas encore de conclure à un processus de guérison caractérisé par des difficultés et des complications importantes. En outre, aucune erreur médicale entraînant une aggravation notable des séquelles accidentelles n'est à déplorer.
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5.4.5. Quant aux douleurs liées aux troubles de la mastication, certes documentées au dossier (cf. rapport du docteur O.________), elles n'ont pas perduré. Il n'en est plus fait état du tout après le traitement prodigué par le docteur T.________.
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5.4.6. En revanche, le critère de la longue durée de l'incapacité de travail en raison des atteintes physiques est réalisé puisque l'assuré n'a jamais recouvré une capacité de travail entière. Ce critère ne se manifeste toutefois pas de façon particulièrement importante étant donné que les séquelles physiques résiduelles sont compatibles avec l'exercice d'une activité lucrative adaptée à un rendement de 50% par rapport à un plein temps.
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5.5. Au regard de l'ensemble des circonstances, un seul des critères peut être retenu (l'incapacité de travail). Cela ne suffit pas pour reconnaître un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques apparus fin 2007 et les accidents assurés. Il s'ensuit que la juridiction cantonale était fondée à confirmer le refus de la CNA d'augmenter de la rente d'invalidité LAA.
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Le recours doit être rejeté.
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6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais de justice, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal vaudois, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 11 décembre 2013
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Leuzinger
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La Greffière: von Zwehl
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