BGer 1C_690/2013
 
BGer 1C_690/2013 vom 04.02.2014
{T 0/2}
1C_690/2013
 
Arrêt du 4 février 2014
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Sidi-Ali.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat,
recourant,
contre
Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, avenue du Grey 110, 1014 Lausanne.
Objet
retrait du permis de conduire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 1er juillet 2013.
 
Faits:
A. A.________ est détenteur d'un permis de conduire les véhicules automobiles de catégories G et M depuis 1991 et de catégories A1, B, B1, BE, D1 avec la mention "3,5 t; 106", D1E et F. Au matin du 2 juillet 2012, A.________ circulait au volant d'une voiture de livraison sur l'autoroute A1 entre Bavois et La Sarraz. Il a été interpellé par la gendarmerie après avoir suivi, sur un tronçon d'environ 2'000 mètres, un camion en maintenant une distance qui oscillait entre 10 et 15 mètres. Le véhicule paraissant surchargé, il a fait l'objet d'un pesage sur un pont à bascule qui a révélé un poids de 5'393 kilos, soit une surcharge de 1'893 kilos par rapport au poids total autorisé sur le permis de circulation, qui est fixé à 3'500 kilos. Le rapport de police indique également que le trafic était de forte densité et que la chaussée était humide.
Par décision du 27 septembre 2012, le Service vaudois des automobiles et de la navigation (SAN) a ordonné le retrait du permis de conduire de l'intéressé pour une durée de trois mois, l'infraction étant qualifiée de grave au sens des art. 16c al. 1 let. a LCR. A.________ a formé réclamation contre cette décision en concluant au prononcé d'un avertissement. Le SAN a rejeté cette réclamation par décision du 10 janvier 2013.
B. Par arrêt du 1 er juillet 2013, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par le prénommé contre cette décision. Elle a en substance considéré que la faute devait être qualifiée de grave, le conducteur circulant avec un véhicule qui souffrait d'une surcharge de 1'893 kilos, soit de 54,09 %. A.________ ne disposait en outre pas du permis de conduire nécessaire à la conduite d'une charge pareille. Dans les conditions de chaussée humide et de trafic de forte densité, la situation était dangereuse et comportait, selon le Tribunal cantonal, une probabilité élevée d'accident.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de prononcer un avertissement à son encontre. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral des routes concluent au rejet du recours en se référant aux considérants de l'arrêt attaqué.
L'effet suspensif a été accordé par ordonnance présidentielle du 11 septembre 2013.
 
Considérant en droit:
1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est ouverte contre une décision de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) au sujet d'une mesure administrative de retrait du permis de conduire (art. 82 let. a LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à l'annulation de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est recevable.
2. Le recourant se plaint d'une constatation inexacte des faits au motif que le Tribunal cantonal n'aurait pas retenu l'attestation du constructeur pour déterminer le poids garanti du véhicule. Or, il n'est pas contesté que le recourant a produit une attestation, postérieure à la mise en service du véhicule, selon laquelle le poids garanti pour le véhicule en question est de 5'200 kilos. Est en réalité seule litigieuse la question de savoir si ce document peut prévaloir sur le poids garanti de 3'500 kilos figurant sur le permis de circulation du véhicule, question qui relève du droit.
3. Pour le recourant, le Tribunal cantonal a retenu à tort le poids garanti figurant sur le permis de circulation du véhicule. La cour cantonale n'a pas ordonné d'expertise permettant de définir exactement le poids garanti du véhicule. Le recourant y voit une violation de son droit d'être entendu, en particulier son droit à la preuve (art. 29 Cst.), une appréciation anticipée arbitraire des preuves, ainsi qu'une violation de la présomption d'innocence.
3.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 et les références). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 p. 376; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236; 131 I 153 consid. 3 p. 157). S'agissant plus particulièrement de la décision de retrait de sécurité du permis de conduire, elle constitue une atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 133 II 384 consid. 3.1 p. 388; cf. également ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84; 127 II 122 consid. 3b p. 125).
L'art. 34 al. 3 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RSV 173.36), qui prévoit que l'autorité doit examiner les allégués de fait et de droit et administrer les preuves requises si ces moyens n'apparaissent pas d'emblée dénués de pertinence, n'offre pas de garantie supplémentaire au justiciable.
3.2. La définition des caractéristiques techniques permettant la mise en circulation des véhicules automobiles nécessite une procédure stricte. En effet, selon l'art. 12 al. 1 LCR, une réception par type est nécessaire pour la mise en circulation des véhicules automobiles et leurs remorques fabriqués en série. Conformément à l'art. 2 let. b de l'ordonnance sur la réception par type des véhicules routiers (ORT; RS 741.511), il s'agit de l'attestation officielle selon laquelle un type de véhicule est conforme aux exigences techniques requises en la matière et se prête à l'usage auquel il est destiné. Il appartient au constructeur de fournir une garantie concernant le poids maximal du véhicule techniquement autorisé (art. 41 al. 2 de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers [OETV; RS 741.11]). Cette garantie technique n'est admise qu'aux conditions de l'art. 41 al. 2bis OETV.
3.3. En l'espèce, pour déterminer le poids garanti du véhicule, le Tribunal cantonal s'est fondé sur l'attestation officielle selon laquelle le type de véhicule auquel appartient la voiture de livraison du recourant est conforme aux exigences techniques requises et se prête à l'usage auquel il est destiné (art. 2 let. b ORT). La cour cantonale n'a pas retenu une attestation du constructeur présentée postérieurement par le recourant, non soumise à la procédure d'admission prévue aux art. 2 let. b ORT ainsi que 41 al. 2 et 2bis OETV, et qui ne figurait pas dans les documents fournis par le constructeur dans le cadre de la procédure de réception par type. Elle a pris acte de l'attestation produite par le recourant, mais a estimé que seule la fiche de réception par type établie selon la procédure prévue par la loi était pertinente. Ce raisonnement n'est pas critiquable: les prescriptions de l'ORT et de l'OETV sont précises et ne laissent pas place à une détermination de la charge totale du véhicule au cas par cas, moins encore 
4. Retenant le poids garanti qui figure sur la fiche technique fournie par le SAN, le Tribunal cantonal a confirmé la décision de retrait de permis de trois mois pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 16c let. a LCR). Le recourant estime que cette décision conduit à un résultat disproportionné, seule une faute légère pouvant être retenue à son encontre.
4.1. Commet une infraction grave selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Conformément à l'art. 16c al. 2 let. a LCR, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum. Si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale ne peut pas être réduite, à teneur de l'art. 16 al. 3 LCR. Selon la jurisprudence, la gravité de l'infraction pour conduite d'un véhicule surchargé varie selon les circonstances du cas d'espèce. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que conduire un semi-remorque présentant un excès du poids garanti de 46,54 % constituait une infraction moyennement grave (arrêt 1C_456/2011 du 28 février 2012). Dans un autre cas, un dépassement du poids autorisé du véhicule de 26,69 % avec une charge utile plus de trois fois supérieure au maximum autorisé a été qualifié d'infraction grave (arrêt 1C_353/2010 du 12 janvier 2011).
4.2. En l'occurrence, le recourant conduisait son véhicule de livraison qui souffrait d'une surcharge de 1'893 kilos, correspondant à un excès de poids de 54,09 %, en violation de l'art. 30 al. 2 LCR: une surcharge de poids entraîne nécessairement des pressions accrues sur les différentes composantes du véhicule, notamment les pneumatiques et les essieux, augmentant le risque d'une défaillance technique. Une surcharge de poids modifie également considérablement les réactions du véhicule, notamment la distance de freinage. A cela s'ajoute qu'au moment des faits, le recourant ne disposait pas du permis adéquat. Le recourant a également enfreint l'art. 34 al. 4 LCR en roulant sur un tronçon de 2000 mètres à une distance de 10 à 15 mètres du camion qui le précédait. Le rapport de police fait état d'une chaussée glissante et d'un trafic dense. Le comportement du recourant était dangereux et le risque d'accident élevé. Au vu de l'ensemble des circonstances, le raisonnement du Tribunal cantonal retenant une mise en danger abstraite grave, confirmant le retrait du permis de conduire pour une durée de trois mois, soit le minimum légal (art. 16c al. 2 let. a LCR), n'est pas critiquable et doit être confirmé.
5. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Office fédéral des routes.
Lausanne, le 4 février 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Sidi-Ali