BGer 1C_578/2013
 
BGer 1C_578/2013 vom 10.02.2014
{T 0/2}
1C_578/2013
 
Arrêt du 10 février 2014
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________ et C.________,
3. D.________et E.________,
4. F.________,
5. G.________et H.________,
recourants,
contre
I.________, représenté par Me Benoît Bovay, avocat,
intimé,
Municipalité de Féchy, place du Saugey 11, 1173 Féchy, représentée par Me Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat,.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 6 mai 2013.
 
Faits:
A. I.________ est propriétaire des parcelles n° 48 et 703 du registre foncier de la commune de Féchy, sises en "zone de villas B" selon le plan communal des zones. Ces deux biens-fonds adjacents ont l'un et l'autre une surface de 3'000 m 2. En novembre 2011, I.________ a déposé une demande de permis de construire pour deux villas identiques de deux appartements (avec une seule entrée principale) et avec un parking souterrain.
Soumis à l'enquête publique du 17 janvier au 16 février 2012, ce projet de construction a suscité les oppositions notamment de A.________ et consorts, propriétaires de maisons dans le voisinage. Par décisions du 19 avril 2012, la Municipalité de Féchy (ci-après: la Municipalité) a informé les opposants qu'elle délivrerait le permis de construire à I.________. Elle a écarté les oppositions en relevant que les plans avaient été modifiés pour rendre réglementaire la pente des toits et en précisant qu'il ne s'agissait pas de villas jumelles mais de villas identiques sur deux parcelles distinctes.
B. A.________ et consorts ont recouru devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) contre les décisions municipales du 19 avril 2012. Après avoir procédé à une inspection locale le 12 décembre 2012 et avoir entendu les parties lors d'une séance d'instruction, le Tribunal cantonal a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité, par arrêt du 6 mai 2013. Il a considéré en substance que les constructions litigieuses étaient conformes à l'art. 31 ch. 4 du règlement du plan général d'affectation de la commune de Féchy (RPGA), entré en vigueur le 18 mars 2002.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et consorts demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 6 mai 2013 et les décisions du 19 avril 2012 en ce sens que l'autorisation de construire litigieuse est refusée ou annulée. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Ils se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus ainsi que d'une application arbitraire du règlement communal.
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué et renonce à se déterminer. I.________ conclut au rejet du recours et la Municipalité de Féchy à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet. Les recourants ont répliqué par courrier du 12 septembre 2013.
Par ordonnance du 2 juillet 2013, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par les recourants.
 
Considérant en droit:
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 lit. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 lit. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. B.________ et C.________ ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que propriétaires de parcelles immédiatement voisines du projet, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué confirmant l'octroi d'un permis de construire pour un projet de construction qu'ils tiennent en particulier pour non conforme au règlement communal. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils ont dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La question de savoir s'il en va de même pour les autres recourants peut dès lors demeurer indécise.
Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2. Le Tribunal fédéral s'estime suffisamment renseigné pour statuer en l'état du dossier. Il n'y a par conséquent pas lieu de donner suite à la réquisition de preuve sollicitée par les recourants, à savoir la production par la Municipalité de tous les travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption de l'art. 31 RPGA (cf. art. 37 PCF, applicable par renvoi de l'art. 55 al. 1 LTF).
3. Dans la première partie de leur écriture, les recourants présentent certains faits qui ne ressortent pas de l'état de fait retenu par le Tribunal cantonal. Or, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Les recourants ne peuvent critiquer la constatation de faits qui importent pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4135), ce qu'il leur appartient de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF.
En l'espèce, le recours ne comporte aucune démonstration du caractère arbitraire de l'état de fait de la décision attaquée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération d'autres faits que ceux retenus dans ladite décision.
4. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, au motif qu'ils n'ont pas obtenu la production de toutes les preuves qu'ils avaient requises, soit de tous les travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption de l'art. 31 RPGA. Ils reprochent au Tribunal cantonal d'avoir accepté que la Municipalité n'ait remis qu'un extrait du "rapport sur les projets de nouveau plan général d'affectation et de nouveau règlement communal sur ce plan et la police des constructions pour la commune de Féchy" du 30 juillet 1999 (ci-après: le rapport du 30 juillet 1999). Ils font valoir une violation des art. 29 et 30 Cst., 27 de la constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (RSV 101.01) et 34 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du canton de Vaud du 28 octobre 2008 (LPA; RSV 173.36).
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Le refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.3 p. 236; 131 I 153 consid. 3 p. 157; sur la notion d'arbitraire: ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
En l'espèce, le Tribunal cantonal a mentionné les passages du rapport du 30 juillet 1999 relatifs aux zones de villas mais n'a pas fondé son raisonnement sur une interprétation historique nécessitant la production de tous les documents sollicités par les recourants. Ce faisant, la cour cantonale a procédé à une appréciation anticipée des preuves pour renoncer à administrer les preuves requises. Les recourants se contentent d'avancer que "certains documents ou passages qui n'ont pas été produits auraient pu servir [leur] cause" et qu'ils auraient pu faire valoir des moyens et des preuves supplémentaires. Ainsi, ils ne démontrent pas l'arbitraire de l'appréciation anticipée des preuves opérée par l'instance précédente. Le grief de violation du droit d'être entendu doit par conséquent être écarté.
5. Invoquant les art. 29 et 30 Cst., les recourants dénoncent, pour la première fois devant le Tribunal de céans, l'absence d'indépendance, de neutralité et d'impartialité de la Municipalité, au motif qu'elle aurait fondé sa décision sur un avis de droit produit par le constructeur. Fût-il recevable, ce grief devrait être rejeté dans la mesure où le simple fait que la Municipalité ait octroyé un permis de construire, alors que le constructeur avait produit un avis de droit, ne suffit manifestement pas à établir une éventuelle prévention de ses membres.
6. Les recourants font ensuite valoir une application arbitraire de l'art. 31 ch. 4 RPGA.
6.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit communal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 379 s.; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
6.2. Le règlement communal distingue la "zone de villas A" de la "zone de villas B". Pour la "zone de villas A", l'art. 14 RPGA prévoit notamment que cette zone est destinée aux villas et aux maisons familiales, celles-ci comptant au maximum deux appartements et un studio (appartement d'une pièce) dont la surface ne dépassera pas le tiers de la surface du plus grand appartement. L'art. 16 RPGA précise que des villas jumelles sont autorisées et que les deux parties doivent être construites simultanément. L'ensemble doit disposer de la surface minimum définie à l'art. 15. Chaque unité peut comprendre un appartement plus un studio de maximum 30 m
S'agissant de la "zone de villas B", l'art. 31 RPGA expose que toutes les règles de la "zone de villas A" (chapitre IV) sont applicables sauf que :
1. la surface minimum des parcelles est de 2'900 m 2 par bâtiment d'habitation (2'400 m 2 dans la zone hachurée) ;
2. la surface bâtie ne peut dépasser le 1/10 de la surface de la parcelle (surfaces cédées pour des accès publics comprises le cas échéant et surfaces de forêt exclues);
3. la distance jusqu'en limite de propriété est de 3 mètres au minimum pour toutes les dépendances de peu d'importance ;
4. les villas jumelles et les villas à plusieurs logements présentant les mêmes caractéristiques sont interdites ;
5. la largeur hors tout des lucarnes ne dépassera pas 2 mètres.
6.3. Le Tribunal cantonal a d'abord tiré d'une interprétation littérale et systématique des art. 14 et 16 RPGA que la notion de "villa jumelle" n'était pas un synonyme de celle de "villa ou maison familiale comportant deux appartements"; en d'autres termes, une villa pouvait compter deux appartements sans pour autant être qualifiée de villa jumelle. Il en a déduit que l'interdiction ancrée à l'art. 31 ch. 4 RPGA ne saurait a priori signifier que toutes les villas sises dans la "zone villas B" comptant deux appartements étaient interdites.
Il s'est ensuite fondé sur le critère de l'aspect extérieur et de la structure des bâtiments. Il a considéré, en rappelant une jurisprudence cantonale constante, que chacune des deux villas litigieuses, avec deux appartements superposés et non pas juxtaposés, avec des locaux communs au sous-sol n'était pas "une villa présentant les mêmes caractéristiques" que des villas jumelles. La cour cantonale en a déduit que les constructions litigieuses échappaient à l'interdiction prévue à l'art. 31 ch. 4 RPGA.
6.4. Quant aux recourants, ils reprochent à l'instance précédente d'avoir interprété la disposition précitée selon les éléments objectifs liés à la structure des bâtiments et non pas selon une interprétation téléologique et historique du règlement communal. Ils soutiennent que les objectifs du nouveau RPGA de 1999 étaient notamment de limiter l'expansion démographique et partant de limiter le nombre de nouvelles constructions à plusieurs logements. Ils se réfèrent au rapport du 30 juillet 1999 et à l'audition de la personne mandatée par la Municipalité pour élaborer le nouveau RPGA.
Ces critiques - essentiellement appellatoires - ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation de l'instance précédente. Les recourants se contentent en effet d'opposer leur propre interprétation à celle de l'instance précédente, sans chercher à démontrer le caractère arbitraire du jugement. Ils se bornent à affirmer que "l'interprétation du RPGA faite par la Municipalité est insatisfaisante et ne saurait valablement fonder une décision de justice". Même si la formulation de l'art. 31 ch. 4 RPGA n'est pas parfaite, il n'apparaît pas insoutenable de considérer que les villas qui par leur composition structurelle peuvent être assimilées à des villas jumelles sont celles qui sont composées d'unités juxtaposées ou accolées. Il n'est pas déraisonnable d'en déduire, en se fondant sur l'aspect extérieur de la construction et en rappelant une jurisprudence cantonale constante, qu'une villa comportant deux appartements - et formant un tout en termes de volume - n'est pas une "villa à plusieurs logements présentant les mêmes caractéristiques (qu'une villa jumelle) ". Dès lors que l'application du règlement communal défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas arbitraire, cette interprétation doit être confirmée, même si une autre solution paraît possible.
6.5. Les recourants dénoncent enfin qu'avec le doublement du nombre de leurs voisins, "toutes les nuisances résultant d'une activité humaine" doubleront indûment. Ils se contentent cependant de soutenir qu'ils subissent un préjudice du fait que la tranquillité de leur parcelle ne pourrait plus être garantie, ce qui causerait une diminution de la valeur de leur immeuble. Là encore, ils ne critiquent pas l'argumentation du Tribunal cantonal sur le sujet. L'instance précédente a en effet rappelé que les nuisances de bruit dénoncées n'étaient pas contraires au droit fédéral et que les autres inconvénients liés au passage journalier de quelques véhicules devaient être tolérés dans une zone résidentielle.
L'analyse de la cour cantonale ne paraît pas déraisonnable. Faute d'exposer en quoi ce raisonnement serait arbitraire, le grief doit être rejeté.
7. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les recourants qui succombent supporteront les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Ils verseront en outre une indemnité à titre de dépens à l'intimé, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La Municipalité de Féchy n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge des recourants.
3. Une indemnité de 3'500 francs est allouée à l'intimé à titre de dépens, à la charge des recourants, pris solidairement entre eux.
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, de l'intimé et de la Municipalité de Féchy ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
Lausanne, le 10 février 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Tornay Schaller