BGer 6B_967/2013
 
BGer 6B_967/2013 vom 21.02.2014
{T 0/2}
6B_967/2013
 
Arrêt du 21 février 2014
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffière: Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________,
tous les deux représentés par Me Stefan Disch, avocat,
recourants,
contre
1.  Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. A.________ et B.________, représentés par
Me Olivier Righetti, avocat,
3. C.________,
intimés.
Objet
Gestion déloyale; indemnité; principe in dubio pro reo,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 23 juillet 2013.
 
Faits:
A. Par jugement du 29 août 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné Y.________ pour gestion déloyale à une peine privative de liberté de treize mois et dix jours, avec sursis pendant quatre ans, peine complémentaire à celle infligée le 26 juillet 2006 par le Juge d'instruction de Lausanne. Il a également reconnu X.________ coupable de gestion déloyale et l'a condamné à une peine privative de liberté de douze mois et dix-sept jours, avec sursis pendant quatre ans, peine complémentaire à celles infligées le 15 août 2006 par le Juge d'instruction de Lausanne et le 8 décembre 2011 par le Tribunal de police de l'Est vaudois.
B. Par jugement du 23 juillet 2013, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par Y.________ et X.________.
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
B.a. La société Z.________ SA était une société anonyme inscrite au registre du commerce, dont le but statutaire est la " fourniture de tout service dans le domaine de la gestion de fortune, notamment dans le domaine des devises et des valeurs mobilières, courtage de biens de toute nature, mobilier et immobilier, ainsi que de produits d'assurances ".
X.________ était l'administrateur de la société Z.________ SA. Il a suivi une formation de gestionnaire de fortune entre 2001 et 2003 et obtenu son brevet fédéral de gestionnaire de fortune. Depuis lors, il travaille dans le milieu de la finance.
Y.________ était directeur de la société. Il n'a pas de lien de parenté avec son co-prévenu. Il n'est au bénéfice d'aucun diplôme professionnel. Il travaille dans la finance et a été formé " sur le tas " en suivant notamment des séminaires de gestion de fortune.
B.b. L'activité de Z.________ SA consistait en 
Tous les clients de Z.________ SA signaient par ailleurs également des contrats avec les dépositaires et les brokers, que ce soit avec la société H.________, I.________ ou J.________.
B.c. Les contrats-types établis par Z.________ SA prévoyaient notamment ce qui suit:
- art. 1.1: " (...) Pour toutes les transactions qu'elle effectue pour le client, Z.________ agit au nom, pour le compte et aux seuls risques du client ".
- art. 1.3: " le client reçoit une confirmation d'exécution écrite par courrier. Si le client constate une différence entre ses consignes de gestion et les conditions confirmées par écrit, il en informe Z.________ par écrit dans un délai de cinq jours ouvrables. Faute de communication écrite dans ce délai, la confirmation d'exécution est considérée comme acceptée ".
- art. 3: " Risque. Le client confirme avoir reçu lors de la signature de la présente convention, les documents suivants qui le renseignent sur la nature des opérations effectuées et le risque qu'elles comportent: - les Annexes 1, 2, et 3 de la Convention de Z.________.
Le client a pris connaissance et a compris le contenu de ces documents et, le cas échéant, s'engage à réclamer à Z.________ toute information nécessaire à leur compréhension. Z.________ tient à la disposition du client le personnel qualifié nécessaire pour répondre à toute demande d'information de la part du client ".
Ces documents contenaient toute une série de dispositions relatives aux commissions prélevées, savoir une commission sous forme d'agio, une commission par  trade selon les différentes opérations réalisées et une commission sur l'éventuelle plus-value réalisée. Au chiffre 2.6, il est précisé: " Cette commission diminue le potentiel de gain du client et augmente en conséquence son risque de perte ".
Parallèlement, les clients concluaient des contrats avec les dépositaires des fonds et les brokers, que leur soumettaient aussi les vendeurs de Z.________ SA.
B.d. Vu la volatilité du marché, les prévenus ont adopté des stratégies mensuelles, c'est-à-dire impliquant des transactions fréquentes. En conséquence, ils ont prélevé des commissions totales d'une importance telle qu'elles amputaient considérablement le capital des clients, les gains ne suffisant pas à compenser les ponctions.
Il ressort du dossier que Z.________ SA a notamment encaissé des commissions de:
- 43'737.17 dollars américains sur un capital investi par D.________ de 100'000 dollars américains, pour vingt mois d'activité entre le 19 janvier 2006 et le 19 septembre 2007, ce qui représente un pourcentage annuel de 26,24 %,
D.________ a déposé une plainte le 11 février 2008 et l'a retirée le 13 janvier 2009 après avoir été entièrement désintéressée.
- 10'370.66 dollars américains sur un capital investi par E.________ de 57'424.67 dollars américains, pour quatorze mois d'activité entre le 14 décembre 2006 et le 13 mars 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 15,47 %,
E.________ a déposé une plainte le 7 avril 2008 et l'a retirée le 4 juin 2009 à la suite d'une transaction.
- 29'065.33 dollars américains sur un capital investi par F.________ de 362'553.92 dollars américains, pour cinq mois d'activité entre le 25 mai et le 13 novembre 2007, ce qui représente un pourcentage annuel de 5,01 %,
F.________ a déposé une plainte le 3 juillet 2008 et l'a retirée le 1er décembre 2008 après avoir trouvé un accord à la satisfaction des deux parties.
- 130'669.86 dollars américains sur un capital investi par A.________ et B.________ de 500'000 dollars américains, pour sept mois d'activité entre le 18 septembre et le 21 avril 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 26,13 %,
A.________ et B.________ ont déposé une plainte le 22 janvier 2010.
- 93'114 dollars américains sur un capital investi par C.________ de 545'609 dollars américains, pour dix mois d'activité entre le 29 novembre 2007 et le 25 septembre 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 17,6 %,
C.________ a déposé une plainte le 9 mars 2010. Il a conclu une transaction aux débats de première instance sans retirer sa plainte.
- 57'297 dollars américains sur un capital investi par G.________ de 87'344 dollars américains, pour six ans et sept mois d'activité entre le 26 novembre 2002 et le 29 juin 2009, ce qui représente un pourcentage annuel de 9,96 %,
G.________ a déposé une plainte le 22 mars 2010. Elle a signé un accord avec les prévenus aux débats de première instance et a retiré sa plainte.
Les prévenus se sont rendu compte que leur système de commissionnement posait problème en cas de mauvaise conjoncture, mais n'y ont rien changé, ni à leur stratégie.
C. Contre le jugement cantonal, X.________ et Y.________ ont déposé un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Ils concluent, principalement, à la réforme du jugement en ce sens qu'ils sont tous les deux libérés du chef d'accusation de gestion déloyale et qu'il leur soit accordé une indemnité selon l'art. 429 CPP; à titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité d'instruction pour la mise en oeuvre d'une expertise et/ou de toute autre mesure d'instruction utile.
 
Considérant en droit:
1. Le Tribunal fédéral a retenu l'escroquerie dans des situations où le calcul des commissions n'avait pas été clairement précisé (ATF 135 IV 76; arrêt 6S.69/2005 du 22 juillet 2005). Dans le présent cas, il a été admis que les clients ont autorisé les recourants à exécuter les transactions sur des produits dérivés, à savoir des produits hautement spéculatifs, et qu'ils ont signé des documents qui expliquaient le calcul des commissions. Les clients n'ont donc été trompés ni sur le caractère spéculatif des opérations ni sur le calcul des commissions; c'est ainsi que le chef d'accusation d'escroquerie (art. 146 CP) a été abandonné. La cour cantonale reproche uniquement aux recourants de ne pas avoir adapté leur mode de commissionnement à l'évolution, notoirement défavorable dès 2007, voire peu avant, du cours de la bourse et d'avoir de la sorte prélevé des commissions disproportionnées par rapport au capital investi. Selon elle, ce comportement tombe sous le coup de la gestion déloyale (art. 158 CP).
2. Les recourants s'en prennent, d'abord, à l'état de fait, qu'ils considèrent comme ayant été établi de manière manifestement inexact sur plusieurs points.
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer la constatation des faits, susceptibles d'avoir une influence sur l'issue du litige, que si ceux-ci ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire (cf. ATF 136 II 447 consid. 2.1, p. 450). On peut renvoyer, sur la notion d'arbitraire, aux principes maintes fois exposés par le Tribunal fédéral (voir par ex: ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 379; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat.
2.2. Les recourants font valoir que la cour cantonale est tombée dans l'arbitraire, dans la mesure où le jugement attaqué ne retiendrait pas clairement qu'ils proposaient aux clients des " strategy composites " et des " strategy profile ", stratégies qui indiquaient la perte et le profit potentiels réalisables ainsi que le coût de la stratégie, comprenant le montant des commissions.
La cour cantonale a condamné les recourants pour gestion déloyale. Aucune tromperie ne leur est donc reprochée, celle-ci ne constituant pas un élément constitutif de la gestion déloyale. Il n'est donc pas pertinent de déterminer si les contrats étaient suffisamment explicites en matière de commission ou si les stratégies détaillaient suffisamment le système de commissionnement. Le grief soulevé est donc infondé.
2.3. Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire, dans la mesure où le jugement ne constaterait pas que les contrats signés avec les clients mentionnaient que la commission est indépendante du succès ou de l'échec des transactions effectuées par la société pour le compte du client.
Ce grief est infondé. En effet, la cour cantonale, reprenant les contrats et annexes, a mentionné que " cette commission diminue le potentiel de gain du client et augmente en conséquence son risque de perte " (jugement attaqué p. 15). Au demeurant, ce grief n'est pas pertinent, dans la mesure où il n'est pas reproché aux recourants d'avoir présenté le système de rétribution de manière opaque.
2.4. Les recourants se plaignent d'arbitraire lorsque la cour cantonale ne retient pas que le 
Ce grief est mal fondé. En effet, la cour cantonale a admis que les clients recevaient des décomptes (jugement attaqué p. 16).
2.5. Les recourants reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir retenu qu'il était extrêmement facile pour le client d'obtenir en tout temps et pour la période désirée le total des commissions prélevées grâce à une des fonctions du programme informatique utilisé par le 
Ce grief tombe à faux dans la mesure où la cour cantonale a précisé que les clients pouvaient consulter l'état de leur compte en tout temps sur internet (jugement attaqué p. 16, 20 s.).
2.6. Les recourants font grief à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que le contrat prévoyait une commission de 25 % tous les six mois, pour autant que la contre valeur du compte soit en progression par rapport au semestre précédent.
Là aussi, la critique est infondée, puisque la cour cantonale a fait référence à une commission sur l'éventuelle plus-value réalisée (jugement attaqué p. 15).
3. L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, il faut, donc, que l'auteur ait un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement; le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé.
3.1. L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1 p. 126). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b p. 21).
Le gérant de fortunes constitue un exemple type de gérant au sens de l'art. 158 CP (ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 193). La doctrine admet que l'  introducing broker, à savoir l'intermédiaire entre le client investisseur et le gestionnaire (  broker ), revêt la qualité de gérant, même si les fonds à gérer ne passent pas par son intermédiaire, mais que celui-ci est habilité à donner des ordres d'achat ou de vente au broker pour le compte de l'investisseur (cf. DANIEL STOLL, Le mandat de l'introducing broker: un contrat " pénalement répréhensible " ?, Mélanges en l'honneur de François Dessemontet, 2009, p. 351 ss, p. 361).
En l'espèce, les recourants étaient autorisés à exécuter toutes les transactions de produits financiers sur tous titres et avoirs du client déposés sur le compte, en son nom et pour son compte auprès d'un dépositaire. Ainsi, même si les fonds étaient déposés auprès d'un dépositaire, il n'est pas douteux que les recourants revêtaient la qualité de gérant.
3.2. Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c p. 22). Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêt 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.2; arrêt 6B_446/2010 du 14 janvier 2010 consid. 8.4.1) .
3.2.1. Les clients ont confié aux recourants la gestion de leur fortune, ou d'une partie de celle-ci. Il revenait aux recourants de décider tant de la stratégie de placement que de l'exécution de chaque opération en particulier. Il s'agit donc principalement de gestion de fortune, à laquelle s'appliquent les règles du mandat concernant les obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO; cf. ATF 124 III 155). Le devoir de fidélité oblige le mandataire à s'abstenir de toute démarche qui pourrait nuire aux intérêts de son mandant. Le gérant doit éviter tout agissement qui cause un préjudice au client. Ainsi, il ne peut pas entreprendre des placements inutiles dans le seul but de débiter à ce dernier des commissions pour les transactions effectuées. Il ne peut effectuer des mouvements dans le portefeuille du client qui ne se justifient nullement au vu des intérêts de celui-ci, mais qui ont pour unique but de fonder des commissions, ce que la pratique qualifie de " churning " ou barattage. Un tel procédé, qui porte gravement atteinte aux intérêts du client, a été considéré comme tombant sous le coup de l'art. 158 CP (arrêt 4C.149/1998 du 28 juillet 1998, consid. 3b, in SJ 1999 I 126; arrêt 1A.247/1999 du 24 janvier 2000; cf. DANIEL STOLL, op. cit., p. 351 ss, spéc. 363).
En l'espèce, il n'est certes pas établi que les recourants ont procédé à des multitudes d'opérations  sans justificationet il ne leur est donc pas reproché de s'être livrés à du barattage. Toutefois, du fait de la volatilité du marché, ils ont adapté leur stratégie régulièrement, ce qui a occasionné beaucoup d'opérations et il en est résulté des commissions disproportionnées par rapport au capital investi. Ainsi, dans les cas D.________, E.________, A.________, B.________ et C.________, les commissions ont atteint plus de 15 %, voire plus de 20 %; elles sont un peu moins excessives pour les cas F.________ et G.________, quoi qu'approchant dans ce dernier cas le montant de 10 %. Pour juger de la disproportion, il faut comparer le taux appliqué aux taux habituellement applicables qui se situent entre 0,3 à 1 % du capital investi ou entre 7 et 15 % des bénéfices (STOLL, op. cit., p. 361). Malgré l'impact désastreux du nombre d'opérations et de leurs coûts sur la masse à gérer, les recourants ont poursuivi leur stratégie, continuant à se payer, tout en s'accommodant des pertes pour leurs clients. Ils n'ont pas adapté le système de commissionnement qui, en cas de volatilité du marché, entraînait des commissions excessives et empêchait donc pratiquement toute fructification du capital, faisant ainsi passer leur propre intérêt avant celui du client. En suivant des stratégies de placement de courte durée sans tenir compte de l'augmentation significative des commissions en résultant, ils ont manqué à leur obligation de veiller aux intérêts de leurs clients, de sorte que leur comportement tombe sous le coup de la gestion déloyale.
C'est en vain que les recourants font valoir qu'après chaque opération, le dépositaire envoyait au client une confirmation du  trade, avec toutes les informations sur l'opération, notamment le montant des commissions prélevées. C'est également en vain qu'ils soutiennent que le client pouvait en tout temps aller consulter l'état de son compte sur internet. En effet, les conseillers ou intermédiaires en investissement qui sont spécialisés dans le négoce en bourse de produits dérivés sont soumis, à côté d'un devoir d'information, à un  devoir de conseil et de mise en garde (art. 398 al. 2 CO; ATF 124 III 155 consid. 3a p. 162). Ces devoirs existent non seulement lors des pourparlers, mais également pendant l'exécution du contrat. Ainsi, le gérant est tenu de renseigner le client quand certains faits nouveaux pourraient amener le client soit à retirer le mandat, soit à en préciser le contenu. Il doit notamment informer le client sur toutes les pertes importantes survenues, sur les risques de conflits d'intérêts ou sur des changements de politique dans les placements ( ALESSANDRO BIZZOZERO, Le contrat de gérance de fortune, Fribourg 1992, p. 105 s.). Il doit avertir le client si l'importance de la rémunération est telle qu'elle influe sur le résultat de la gestion ( CARLO LOMBARDINI, La protection de l'investisseur sur le marché financier, 2012, p. 727, n° 13 ad chap. XXXV; ATF 124 III 155 consid. 3a p. 163). Or, en l'espèce, l'envoi de décompte et la possibilité de consulter son compte sur internet ne suffisent pas à satisfaire à l'obligation de mise en garde et, partant, à disculper les recourants. En effet, même si les clients approuvaient les décomptes de chaque transaction, ils ne pouvaient saisir leur portée au regard de l'ensemble des opérations financières. Quant aux informations figurant sur internet, elles supposaient que le client prenne lui-même l'initiative de se renseigner. Pour satisfaire à leur obligation de mise en garde, les recourants auraient dû prendre contact eux-mêmes avec leurs clients pour les aviser de l'évolution défavorable de la situation, ce qu'ils n'ont pas fait.
3.3. La notion de « dommage » au sens de cette disposition doit être comprise comme pour les autres infractions contre le patrimoine, en particulier l'escroquerie (ATF 122 IV 279 consid. 2a p. 281). Ainsi, le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 129 IV 124 consid. 3.1 p. 125 s.; 123 IV 17 consid. 3d p. 22). Il n'est pas nécessaire que le dommage corresponde à l'enrichissement de l'auteur, ni qu'il soit chiffré; il suffit qu'il soit certain (arrêt 6B_986/2008 du 20 avril 2009, consid. 4.1).
En l'espèce, le comportement des recourants a entraîné, pour les clients, une diminution du capital investi. Le dommage subi n'est pas dû aux pertes de la bourse ni à des opérations incohérentes ou injustifiées, mais au fait que les recourants n'ont pas adapté leur système de commissionnement à la volatilité du marché.
3.4. Il faut enfin que l'auteur ait agi intentionnellement. La conscience et la volonté de l'auteur doivent englober la qualité de gérant, la violation du devoir de gestion et le dommage. Le dol éventuel suffit; vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, la jurisprudence se montre toutefois restrictive, soulignant que le dol éventuel doit être strictement caractérisé (ATF 123 IV 17 consid. 3e p. 23).
En l'espèce, les recourants savaient qu'ils agissaient en tant que gérant de fortune, et ils s'étaient rendu compte que leur stratégie, consistant à multiplier les opérations, avait pour effet secondaire l'augmentation des commissions, alors même que le capital diminuait. Ils ont néanmoins poursuivi dans cette voie, sans avertir les clients. Ils ont donc agi intentionnellement, au moins sous la forme du dol éventuel.
La circonstance aggravante de l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP est réalisée, dès lors que la stratégie des recourants leur a profité directement et à eux seuls.
3.5. En conclusion, les éléments constitutifs de la gestion déloyale sont réalisés, et c'est à juste titre que la cour cantonale a condamné les recourants en application de l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP.
3.6. La conclusion des recourants tendant au versement d'une indemnité en cas d'acquittement (art. 429 CP) doit ainsi être rejetée.
4. Le recours doit être rejeté.
Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice, à parts égales et solidairement (art. 66 al. 1 et 5 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge des recourants, qui devront les supporter à parts égales et solidairement entre eux.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 21 février 2014
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
La Greffière: Kistler Vianin