BGer 8C_433/2013 |
BGer 8C_433/2013 vom 03.04.2014 |
{T 0/2}
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8C_433/2013
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Arrêt du 3 avril 2014 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Maillard.
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Greffière: Mme von Zwehl.
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Participants à la procédure
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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recourante,
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contre
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S.________,
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représenté par Me Benoît Sansonnens, avocat,
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intimé.
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Objet
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Assurance-accidents,
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recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois,
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du 24 avril 2013.
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Faits: |
A. Le 18 décembre 2006, S.________, né en 1959, maçon, a chuté sur le sol d'une hauteur de quatre mètres après que l'échelle sur laquelle il se trouvait eut glissé. L'événement a été annoncé à la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle il était obligatoirement assuré contre le risque d'accidents. Un examen CT de la colonne vertébrale réalisé le jour de l'accident n'a montré aucune lésion traumatique ostéo-articulaire visible.
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Au cours de l'année 2007, des examens ont mis à jour une rupture de la coiffe des rotateurs aux épaules droite et gauche. La CNA a retenu que ces atteintes résultaient de l'accident annoncé et a pris en charge leurs suites (traitement médical et versement des indemnités journalières). L'assuré a été opéré à l'épaule droite le 7 mars 2007 par le docteur A.________, puis à l'épaule gauche le 28 janvier 2008 et une seconde fois à l'épaule droite le 9 février 2009 par le docteur K.________. S.________ s'est également plaint de douleurs à la cheville gauche, au poignet droit et au dos. Des investigations complémentaires n'ont pas montré de lésion traumatique mais des troubles dégénératifs. Le 5 octobre 2009, le prénommé a subi une intervention pour stabiliser sa colonne lombaire (spondylodèse L4-S1). La CNA n'est pas intervenue pour cette pathologie lombaire.
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Dans l'intervalle, en novembre 2007, S.________ a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité (AI). Par décision du 23 février 2009, l'Office AI du canton de Fribourg (office AI) lui a alloué une rente entière, fondée sur un degré d'invalidité de 100 %, à partir du 1er décembre 2007. Dans le cadre d'une procédure de révision, l'office AI a recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l'assuré (les docteurs L.________, K.________ et E.________). Il a également mandaté le docteur M.________, spécialiste en orthopédie, pour une expertise. Tenant compte de l'ensemble des atteintes de l'assuré (dos et épaules), ce médecin a conclu à une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée (rapport d'expertise du 22 septembre 2010). Sur cette base, l'office AI a maintenu le droit à une rente entière.
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Le 28 avril 2010, le docteur G.________, spécialiste en orthopédie de la division de médecine de la CNA, s'est prononcé sur les séquelles de l'assuré aux deux épaules. Il a sollicité un complément d'instruction au docteur K.________ (réalisation d'une arthro-IRM des deux épaules et évaluation clinique). Après avoir pris connaissance des documents demandés ainsi que de l'expertise du docteur M.________, ce médecin a rendu une nouvelle appréciation, dans laquelle il a décrit les limitations fonctionnelles qu'il fallait prendre en considération et retenu une capacité de travail complète dans une activité adaptée à ces limitations, sans perte de rendement (rapport du 22 décembre 2010).
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Sur cette base, la CNA a rendu le 24 juin 2011 une décision, par laquelle elle a alloué à l'assuré une rente LAA de 27 % dès le 1er juillet 2011, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 20 %. Pour fixer le revenu d'invalidité, la CNA s'est fondée sur cinq descriptions de poste de travail (DPT). Saisie d'une opposition, elle l'a écartée dans une nouvelle décision du 8 septembre 2011.
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B. L'assuré a recouru contre cette dernière décision devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois. Il s'est référé aux réponses apportées par les docteurs M.________ et K.________, le 15 septembre respectivement le 11 octobre 2011, aux questions de son avocat; il en ressortait que les seules atteintes à ses épaules entraînaient une diminution de son rendement de 25 %.
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Par jugement du 24 avril 2013, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours et réformé la décision litigieuse en ce sens que l'assuré a droit à une rente d'invalidité LAA fondée sur un taux de 46 %.
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C. La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut à la confirmation de sa décision sur opposition.
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L'assuré conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit: |
1. Est uniquement litigieux le taux d'invalidité de l'intimé.
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Lorsque la procédure porte sur une prestation en espèces de l'assurance-accidents - comme c'est le cas ici -, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (cf. art. 97 al. 2 LTF).
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2. |
2.1. Sur le vu des images arthro-IRM effectuées le 24 septembre 2010, le docteur G.________, de la CNA, a qualifié le résultat des interventions de très satisfaisant d'un point de vue strictement anatomique. Il a précisé que le bénéfice fonctionnel l'était moins si l'on considérait les limitations de la mobilité constatées par les docteurs M.________ et K.________, tout en notant qu'entre les évaluations respectives de ces médecins, il existait des différences d'amplitude notables qui étaient, selon lui, difficilement explicables compte tenu du court intervalle de temps séparant les deux examens. Selon le médecin de la CNA, il y avait une "certaine incongruence" entre le résultat anatomique et celui fonctionnel. Pour l'exigibilité professionnelle, il s'est néanmoins fondé sur les valeurs cliniques relevées par ses confrères. L'assuré ne pouvait plus effectuer de travail au-dessus de la tête, ni manier des outils lourds, ni manipuler ou déplacer des charges moyennes ou lourdes. Il n'y avait en revanche pas de limitation pour une activité en inclinaison du tronc ou entraînant des rotations, pour des déplacements, ou encore pour un travail en position assise, debout, ou accroupie, et également pour soulever des charges légères jusqu'à hauteur de la ceinture. Dans une activité respectant ces restrictions, le taux d'activité exigible était de 100 % sans perte de rendement (rapport du 22 décembre 2010).
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2.2. Dans son expertise du 22 septembre 2010, le docteur M.________ s'est prononcé sur l'ensemble des troubles dont l'assuré est affecté. D'après les informations figurant au chapitre "Extraits du dossier" de son rapport, cet expert avait à disposition le dossier instruit par l'AI mais non pas celui de la CNA. En ce qui concerne les épaules, il a relevé une nette amélioration des douleurs mais un résultat objectif mitigé, les mobilités actives et passives atteignant à peine l'horizontale; pour expliquer ce résultat, il a évoqué une probable capsulite rétractile bilatérale. Au plan de l'exigibilité professionnelle, il a retenu les limitations suivantes au niveau des membres supérieurs: éviter les travaux lourds et/ou répétitifs, ainsi que tous les travaux se faisant au-dessus de l'horizontale; au niveau lombaire: possibilité d'alterner les positions assis-debout et pas de port de charge au-delà de 10 kg. Il a conclu qu'un travail à la demi-journée était exigible dans une activité adaptée à toutes ces limitations. Dans sa lettre du 15 septembre 2011 adressée à l'avocat de l'assuré, retenant (à tort) que le docteur K.________ attestait une capacité de travail de 50 % en ne prenant en considération que le problème des épaules alors que le docteur G.________ admettait une capacité de travail entière, il a exprimé sa position comme suit: "Sans vouloir procéder à une appréciation salomonique, je pense qu'on peut admettre que l'incapacité de travail est due à part égales à la pathologie vertébrale (25 %) et à la pathologie des épaules (25 %)."
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2.3. Quant au docteur K.________, il ne s'est pas exprimé dans le cadre de la procédure administrative LAA mais seulement à la demande de l'office AI dans un rapport du 18 janvier 2010, où il a conclu à une diminution de rendement de 50 % dans une activité adaptée. Interpellé également par l'avocat de l'assuré, il a déclaré que son estimation tenait compte de l'ensemble de la situation et qu'il fixait la diminution de rendement due aux deux épaules à environ 25 %. Il s'en est expliqué par le fait que l'atteinte touchait les deux épaules, situation qui était, à ses yeux, nettement plus difficile dans le cadre d'un travail manuel, même adapté, que si la personne disposait au moins d'un membre entièrement valide (lettre du 11 octobre 2011).
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3. En l'espèce, la juridiction cantonale a privilégié les conclusions du docteur M.________ au détriment de celles du docteur G.________ pour les raisons suivantes. En tant qu'expert mandaté par l'AI, le docteur M.________ était le seul médecin indépendant des parties. Par ailleurs, l'avis de cet expert lui apparaissait "particulièrement plausible" compte tenu de l'évolution des atteintes à l'épaule de l'assuré qui avaient nécessité trois opérations - dans ce contexte, la juridiction a encore précisé que le docteur G.________ avait reconnu que la situation était difficile à apprécier, et qu'il existait une limitation des amplitudes articulaires des deux épaules. A cela s'ajoutait que l'opinion du docteur M.________ était partagée par le docteur K.________, chirurgien traitant. Enfin, aucun médecin n'avait fait état de facteurs étrangers pouvant influencer le résultat clinique.
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La CNA considère en substance que les premiers juges n'avaient aucun motif valable pour s'écarter de l'avis du docteur G.________.
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4. Contrairement à la recourante et aux premiers juges, on ne voit pas comment lever la divergence de vue entre le médecin de la CNA et les docteurs M.________ et K.________ relative au rendement de l'assuré dans une activité adaptée à ses limitations autrement que par la mise en oeuvre d'un complément d'instruction. D'une part, on constate que les DPT retenues par la CNA se rapportent toutes à des activités manuelles répétitives. Or le docteur M.________ a inclus les activités répétitives dans les limitations à retenir, et le docteur K.________ a fait état d'une difficulté supplémentaire pour un travail manuel du fait que les deux membres supérieurs de l'assuré sont atteints. Sous cet angle, une certaine diminution de rendement paraît effectivement plausible. D'autre part, on ne peut pas non plus totalement disqualifier les conclusions du docteur G.________, qui a observé qu'il existait une discrépance importante entre les évaluations cliniques de ses deux confrères, ainsi qu'entre le résultat fonctionnel et celui anatomique. Dans ce sens, le recours se révèle bien fondé.
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Il convient par conséquent d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle complète l'instruction sur la capacité de travail résiduelle de l'intimé sous la forme d'une expertise judiciaire, et se prononce à nouveau sur le droit éventuel de celui-ci à une rente LAA supérieure à 27 %.
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5. L'intimé, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'a pas non plus droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est partiellement admis. La décision de la Cour des assurances du Tribunal cantonal fribourgeois du 24 avril 2013 est annulée. La cause est renvoyée à cette juridiction pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois, et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 3 avril 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Leuzinger
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La Greffière: von Zwehl
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