Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
5A_766/2013
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Arrêt du 8 avril 2014
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, Herrmann et Bovey.
Greffier: M. Braconi.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Nicolas Rouiller, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Michel Chevalley, avocat,
intimée,
Office des poursuites de Genève,
Objet
notification d'un commandement de payer,
recours contre la décision de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève du 26 septembre 2013.
Faits:
A.
Par ordonnance de preuve à futur du 21 mars 2013, prise sur requête de l'association B.________, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a, en particulier, enjoint à A.________ et X.________ AG de produire diverses pièces (I/II) et mis solidairement à leur charge les frais (900 fr.) ainsi que les dépens (1'890 fr.) de la procédure (IV/V). A titre préjudiciel, ce magistrat a rejeté le moyen tiré de l'absence de personnalité juridique et, partant, de capacité d'ester en justice de la requérante; il a considéré que le défaut d'inscription au registre du commerce n'avait qu'un effet déclaratif et n'entraînait pas l'inexistence de cette association, dont le but demeurerait idéal, alors même qu'elle exercerait une industrie en la forme commerciale pour l'atteindre.
B.
B.a. Le 14 juin 2013, B.________ a fait notifier à A.________ un commandement de payer les sommes de 900 fr. et de 1'890 fr., toutes deux avec intérêts à 5% dès le 7 mai 2013, dues en vertu du jugement précité (
n° xxxx de l'Office des poursuites de Genève ); cet acte est fondé sur une réquisition de poursuite enregistrée le 24 mai 2013 par l'office. Le poursuivi a formé opposition totale.
B.b. Le 24 juin 2013, le poursuivi a porté plainte au sens de l'art. 17 LP, concluant à la nullité de la réquisition de poursuite et à la radiation de la poursuite; en bref, il a fait valoir que la poursuivante était une entité inexistante, de sorte que tout acte de poursuite est nul.
Statuant le 26 septembre 2013, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites du canton de Genève a rejeté la plainte.
C.
Par mémoire du 10 octobre 2013, le poursuivi exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral; il conclut à la nullité de la réquisition de poursuite et du commandement de payer, ainsi qu'à la radiation de la poursuite litigieuse.
L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de la décision attaquée. L'autorité cantonale se réfère aux considérants de sa décision, alors que l'office s'en rapporte à l'appréciation du Tribunal fédéral et renvoie aux motifs exposés dans son rapport du 11 juillet 2013 à la juridiction précédente. Le recourant a déposé une réplique.
D.
Par ordonnance du 5 novembre 2013, le Président de la Cour de céans a attribué l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit:
1.
Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 19 LP) par une autorité de surveillance statuant en dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF; Marco Levante,
in : Basler Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 19 ad art. 19 LP); il est ouvert sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF); le plaignant, dont les conclusions ont été rejetées par l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. L'admissibilité du chef de conclusions tendant à la nullité, au sens de l'art. 22 al. 1 LP, de la «
réquisition de poursuite » prête à discussion (
cf. ATF 115 III 11 consid. 2c, où le Tribunal fédéral s'est limité à constater la nullité du
commandement de payer ), dès lors que celle-ci n'est pas un acte de poursuite, mais bien un acte de procédure du prétendu créancier (Ruedin,
in : Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 3 ad art. 67 LP). Certes, la Cour de céans a récemment censuré une décision cantonale ayant déclaré «
nul » un tel acte; cependant, la question qui se posait alors concernait sa validité au regard du droit des poursuites, non la capacité du poursuivant d'introduire valablement une procédure d'exécution forcée (arrêt 5A_363/2013 du 14 octobre 2013 consid. 3.2 et 3.3,
in : SJ 2014 I p. 123 ss). Ce point peut rester indécis, vu le sort du présent recours.
2.2. Le chef de conclusions en radiation de la poursuite est, quant à lui, recevable (ATF 115 III 11 consid. 2c).
3.
Après avoir rappelé que la poursuite ouverte par une personne morale inexistante est «
nulle de plein droit », l'autorité précédente a considéré, en substance, que l'office est tenu de procéder à un «
contrôle à première vue de la capacité d'être partie et d'ester des personnes et entités mentionnées dans les réquisitions de poursuite », et il ne peut refuser son concours qu'en présence d'un «
défaut apparemment manifeste des qualités requises pour être sujet actif et passif du droit de l'exécution forcée », son «
devoir de contrôle spontané » se résumant dès lors à un «
examen superficiel » des réquisitions qui lui parviennent; si la capacité d'être partie et celle d'ester ont été établies dans une décision judiciaire ayant acquis «
force de chose jugée », l'office est tenu d'y déférer.
En l'occurrence, la juridiction précédente a constaté que, pour accepter la réquisition de poursuite de l'association poursuivante, l'office s'était fondé sur une ordonnance de preuve à futur rendue le 21 mars 2013 par le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, ce magistrat ayant admis «
préalablement que ladite association jouissait de la personnalité juridique ». Cette ordonnance - qui ne constitue pas une simple ordonnance d'instruction - est définitive, faute de recours, et ne devait pas être validée, de telle sorte «
qu'elle est entrée en force de chose jugée à l'échéance du délai d'appel de 10 jours applicable et que cette décision ne peut plus être remise en question sur aucun de ses aspects ». Au demeurant, l'office n'eût-il pas été en possession de l'ordonnance précitée lorsqu'il a reçu la réquisition de poursuite «
que la solution apportée à la présente plainte n'en serait pas différente au vu de la teneur et de la portée claires de cette ordonnance ».
4.
4.1. De jurisprudence constante, une poursuite introduite, ou continuée (ATF 73 III 61 consid. 1), au nom d'une personne inexistante est nulle au sens de l'art. 22 al. 1 LP (ATF 32 I 570 consid. 1; 62 III 134 p. 135; 65 III 97 consid. 2; 105 III 107 consid. 2; 120 III 11 consid. 1b; 114 III 62 consid. 1a); sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte en l'occurrence (
cf. à ce propos: Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9e éd., 2013, § 8 n° 3, avec les exemples mentionnés), tel est le cas lorsque le
poursuivant n'a pas la personnalité juridique (par exemple: ATF 43 III 176 [société simple]; 115 III 11 consid. 2a et 16 consid. 1 [fonds de placement]). Ce principe s'applique aussi à la poursuite dirigée contre un
poursuivi qui n'est pas (ATF 28 I 293; 40 III 445; 51 III 64; 100 III 19 consid. 3; 102 III 63 consid. 2; 135 III 229), ou plus (ATF 120 III 39 consid. 1a [débiteur déjà décédé à la date du dépôt de la requête de séquestre]), une personne physique ou morale existante. La doctrine est du même avis (
cf. parmi les auteurs récents: Acocella,
in : Basler Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 27 ad art. 38 LP; Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5e éd., 2012, nos 338 et 608; Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, 2000, n
os 29/30 ad art. 22 LP; Marchand, Précis de droit des poursuites, 2e éd., 2013, p. 32).
Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que la sanction de la nullité n'impliquait «
nullement que les autorités de poursuite doivent toujours, d'office ou sur requête, examiner si les parties à une poursuite sont sujets de droit et ont la capacité d'ester en justice »; une instruction et une décision sur ce point ne s'imposent que lorsque la qualité de sujet de droit du créancier ou du débiteur «
peut être sérieusement mise en doute sur le vu des pièces du dossier » (ATF 105 III 107 consid. 2; dans le même sens: arrêt 7B.89/2002 du 26 juillet 2002 consid. 2.2; pour la capacité de discernement du poursuivi: ATF 99 III 4 consid. 3; 104 III 4 consid. 2).
4.2. La nullité d'une mesure peut être constatée par l'office qui l'a prise (Lorandi,
ibid., nos 122/123, avec les références). Celui-ci est, en outre, habilité à refuser de donner suite à une réquisition de poursuite quand l'incapacité du requérant est patente (
cf. pour le poursuivant incapable de discernement: ATF 99 III 4 consid. 3). Il lui incombe également de rechercher de son propre chef, en consultant le site Internet du registre du commerce (lettre de la Chambre des poursuites et des faillites aux autorités cantonales supérieures de surveillance du 6 décembre 2004,
in : ATF 130 III 763 ss n° 104), si une société poursuivie qui n'acquiert sa personnalité juridique que par l'inscription au registre du commerce existe véritablement (ATF 40 III 445).
La décision attaquée n'apparaît pas critiquable en tant qu'elle concerne l'
office. Comme le souligne l'autorité précédente, celui-ci avait en main une décision judiciaire passée en force qui reconnaissait expressément la personnalité juridique de l'association poursuivante, dont la qualité n'inspirait, dès lors, aucun «
doute sérieux » à la lecture des pièces du dossier (
cf.
supra, consid. 4.1).
4.3. Lorsque le commandement de payer a été notifié au poursuivi en dépit de la cause de nullité dont il est affecté, il incombe à l'autorité de surveillance de constater la nullité de cet acte (par exemple: décision de l'Autorité de surveillance de Bâle-Ville du 10 juillet 1998,
in : IWIR 1998 p. 170 [poursuite requise par une communauté héréditaire]).
En l'espèce, l'autorité cantonale s'est limitée à vérifier si la décision de l'office de donner suite à la réquisition de poursuite était justifiée, mais elle ne s'est pas interrogée sur sa
propre compétence pour connaître du moyen tiré de la nullité de la poursuite, paraissant ainsi calquer son pouvoir d'examen sur celui de l'office. Encore que la jurisprudence ne soit pas très claire à cet égard (
cf.
supra, consid. 4.1), une telle position ne peut être approuvée. L'office est un organe administratif qui agit sur requête unilatérale du prétendu créancier (ATF 130 III 285 consid. 5.1, avec les citations), dont il est fondé, sauf doutes sérieux, à présumer la qualité de sujet de droit (ATF 105 III 107 consid. 2). Ces considérations ne s'appliquent pas à l'autorité de surveillance, qui statue dans le cadre d'une procédure contradictoire, régie par la maxime inquisitoire (art. 20a al. 2 ch. 2 LP), néanmoins tempérée par l'obligation de collaborer des parties (ATF 123 III 328 consid. 3, avec les références). Elle ne saurait, à l'instar de l'office, réserver son contrôle à l'hypothèse où la qualité de sujet de droit du poursuivant «
peut être sérieusement mise en doute sur le vu des pièces du dossier », sauf à renvoyer le poursuivi à faire trancher cette question par le juge civil, par exemple à l'occasion de la procédure de mainlevée (art. 80 ss LP) ou dans l'action en annulation de la poursuite (art. 85a LP). Or, abstraction faite de l'éventualité où elle est indubitable («
ausser Zweifel »: ATF 96 III 111 consid. 4b), ou «
d'emblée manifeste » (ATF 96 III 31 consid. 2), la nullité d'une mesure de l'office ne peut pas être constatée par le juge; pareille compétence appartient aux autorités de surveillance (Lorandi,
ibid., n° 137, avec les citations).
En l'occurrence, la décision du juge vaudois est une ordonnance qui
admet une requête de preuve à futur au sens de l'art. 158 CPC. Il n'est pas besoin de rechercher si - comme l'affirme sans discussion la cour cantonale - une telle décision est susceptible d'un appel au regard de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (
cf. sur cette question, notamment: Fellmann,
in : Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2e éd., 2013, nos 43 ss ad art. 158 CPC, avec les citations); il suffit de constater que, même passée en force, cette ordonnance a été prise dans un contexte provisionnel ( art. 158 al. 2 et 261 ss CPC ), où l'examen des questions juridiques est sommaire (ATF 139 III 86 consid. 4.2). Par surcroît, le juge civil n'a statué qu'à titre
préjudiciel sur la personnalité juridique de l'association poursuivante, en sorte que - quoi que semble en penser la juridiction précédente - ses motifs ne jouissent pas de l'autorité de la chose jugée sur cette question et ne lient pas l'autorité de surveillance appelée ultérieurement à se prononcer sur la qualité de sujet de droit du poursuivant (
cf. à ce sujet: Rüetschi, Vorfragen im schweizerischen Zivilprozess, 2011, p. 157 ss nos 348 ss et les citations; sur l'hypothèse inverse: arrêt 5A_681/2013 du 19 février 2014 consid. 2.2).
4.4. Il résulte des motifs qui précèdent que, contrairement à l'office des poursuites, l'autorité cantonale de surveillance ne pouvait pas admettre la qualité de sujet de droit de l'association poursuivante en se référant uniquement à l'ordonnance de preuve à futur rendue par le président du tribunal civil. Faute de constatations suffisantes, il n'appartient pas à la Cour de céans de débattre du point de savoir si l'intéressée est une «
personne morale existante »; cela étant, les arguments des parties sur son but s'avèrent dépourvus de pertinence.
5.
En conclusion, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et l'affaire renvoyée à la juridiction précédente pour nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF). Bien que l'issue du litige soit incertaine, les frais et dépens de l'instance fédérale incombent à l'intimée (art. 66 al. 1; art. 68 al. 1 et 2 LTF ; arrêt 5A_450/2012 du 23 janvier 2013 consid. 4, avec la jurisprudence citée), laquelle a, par ailleurs, conclu au rejet du recours (ATF 119 Ia 1 consid. 6b).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et l'affaire est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites de Genève et à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites du canton de Genève.
Lausanne, le 8 avril 2014
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: von Werdt
Le Greffier: Braconi