BGer 8C_537/2013
 
BGer 8C_537/2013 vom 16.04.2014
8C_537/2013 {T 0/2}
 
Arrêt du 16 avril 2014
 
Ire Cour de droit social
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Maillard.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
Office cantonal de l'emploi, Service juridique, Rue des Gares 16, 1201 Genève,
recourant,
contre
R._________,
intimé.
Objet
Assurance-chômage
(suspension du droit à l'indemnité de chômage, quotité),
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 26 juin 2013.
 
Faits:
A. R._________ bénéficie d'un délai-cadre d'indemnisation de l'assurance-chômage courant du 27 février 2012 au 26 février 2014.
Par décision du 25 février 2013, l'Office régional de placement (ORP) a sanctionné l'assuré pour recherches d'emploi "nulles" durant le mois de janvier 2013 et prononcé une suspension du droit à l'indemnité d'une durée de cinq jours. Cette décision était motivée par le fait que l'intéressé n'avait pas remis en temps voulu la preuve de ses recherches d'emploi.
Le 26 février 2013, R._________ a formé opposition à cette décision en exposant avoir dûment envoyé le 2 février 2013, par courrier postal à l'adresse habituelle, le formulaire relatif à ses recherches (au nombre de cinq) pour janvier 2013. Il a joint à son écriture une copie de ce document. Par décision du 4 mars 2013, l'Office cantonal de l'emploi (OCE) a rejeté l'opposition.
B. R._________ a recouru contre cette dernière décision devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales.
La juridiction cantonale a partiellement admis le recours en ce sens qu'elle a réduit la suspension du droit à l'indemnité de chômage à trois jours (jugement du 26 juin 2013).
C. L'OCE interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation.
R._________ conclut implicitement au rejet du recours. Quant au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), il a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit:
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2. En l'espèce, l'assuré a allégué avoir envoyé, le 2 février 2013, le formulaire de ses recherches d'emploi (pour le mois de janvier 2013) à l'adresse habituelle. L'ORP a dit ne pas avoir reçu cette liste.
Le principe inquisitoire, applicable en droit des assurances sociales, dispense les parties de l'obligation de prouver, mais ne les libère pas du fardeau de la preuve: en cas d'absence de preuve, il s'agit de savoir qui en supporte les conséquences. En matière d'indemnités de chômage, l'assuré supporte les conséquences de l'absence de preuve en ce qui concerne la remise des pièces nécessaires pour faire valoir le droit à l'indemnité, notamment la liste de recherches d'emploi (cf. arrêt C 294/99 du 14 décembre 1999 consid. 2a, in DTA 2000 n o 25 p. 122; cf. aussi arrêt 8C_591/2012 du 29 juillet 2013 consid. 4). En pareil cas, l'administration était fondée à considérer que les pièces ne lui sont pas parvenues, ou pas en temps utile, et à en tirer les conséquences juridiques sur les droits de l'assuré.
3. Le jugement entrepris expose les dispositions légales relatives à la suspension du droit aux indemnités de chômage (art. 30 al. 1 let. c LACI; RS 837.0) et à l'obligation des assurés d'apporter la preuve de leurs efforts en vue de retrouver un emploi (art. 17 al. 1 LACI). On peut y renvoyer sur ces points.
On rappellera qu'aux termes de l'art. 26 al. 2 OACI (RS 837.02), dans sa teneur en vigueur dès le 1er avril 2011 (RO 2011 1179), l'assuré doit remettre la preuve de ses recherches d'emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. A l'expiration de ce délai, et en l'absence d'excuse valable, les recherches d'emploi ne sont plus prises en considération.
Dans un arrêt récent publié aux ATF 139 V 164, le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi du nouvel article 26 al. 2 OACI (qui ne prévoit plus l'octroi d'un délai de grâce comme dans son ancienne version). Il a jugé que la loi n'impose pas de délai supplémentaire et que, sauf excuse valable, une suspension du droit à l'indemnité peut être prononcée si les preuves ne sont pas fournies dans le délai de l'art. 26 al. 2 OACI; peu importe qu'elles soient produites ultérieurement, par exemple dans une procédure d'opposition.
4. La juridiction cantonale a considéré que l'intimé n'avait pas été en mesure de prouver qu'il avait bien déposé sa feuille de recherches d'emploi pour le mois de janvier 2013 dans le délai prescrit par l'art. 26 al. 2 OACI. Par conséquent, l'administration était fondée à prononcer une sanction. S'écartant du barème du SECO (cinq jours de suspension en pareil cas), les premiers juges en ont réduit la durée à trois jours.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 17 al. 1 LACI, 26 al. 2 et 45 al. 2 OACI.
 
5.
5.1. La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité ( THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sichereit, SBVR, Vol. XIV, 2ème éd., n. 855 p. 2435). En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt 8C_ 601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références).
5.2. La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (arrêt 8C_601/2012 précité consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).
6. En l'espèce, la juridiction cantonale a motivé la réduction de la suspension du droit à l'indemnité par le fait que l'assuré avait bel et bien effectué cinq recherches d'emploi en janvier 2013 (dont il avait communiqué la copie en annexe à son opposition). Par ailleurs, l'intéressé avait auparavant toujours remis ses offres de service dans le délai prévu depuis son inscription au chômage en février 2012. Ces motifs ne constituent cependant pas des critères d'évaluation pertinents pour fixer la durée de la suspension du droit à l'indemnité (pour des cas comparables cf. arrêts 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 et 8C_601/2012 du 26 février 2013). Le présent cas se distingue de l'arrêt 8C_64/2012 du 26 juin 2012, dans lequel le Tribunal fédéral a confirmé une réduction de la suspension au minimum prévu par l'art. 45 al. 3 OACI, au motif que l'intéressé avait remis la preuve de ses recherches d'emploi avec un jour de retard seulement et pour la première fois (cf. aussi arrêt 8C_33/2012 du 26 juin 2012). Or, dans le cas particulier, il n'a pas été établi que l'intimé ait remis spontanément les pièces requises en temps voulu. On doit ainsi retenir qu'il l'a fait seulement au moment de son opposition (26 février 2013). Dans ces conditions on doit admettre qu'il y a abus du pouvoir d'appréciation de la part de la juridiction cantonale. Il n'y avait donc pas de raison de s'écarter du barème du SECO. Le recours est ainsi bien fondé.
7. Selon l'art. 66 al. 1 LTF, en règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés (art. 66 al. 3 LTF). En l'espèce, le Tribunal cantonal a statué contrairement à la jurisprudence fédérale rendue antérieurement dans une constellation identique concernant également une affaire genevoise (voir en particulier le consid. 4.3 non publié de l'ATF 139 V 164 [arrêt 8C_601/2012 du 26 février 2013]). Il convient, dans ces circonstances, de mettre les frais judiciaires à la charge de la République et canton de Genève (art. 66 al. 3 LTF; ATF 133 V 402 consid. 5 p. 407 et les références).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est admis. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 26 juin 2013 est annulée et la décision sur opposition de l'Office cantonal de l'emploi du 4 mars 2013 confirmée.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du canton de Genève.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
Lucerne, le 16 avril 2014
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Leuzinger
La Greffière: Berset