Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1C_735/2013
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Arrêt du 13 mai 2014
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Philippe Pont, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Bernard Détienne, avocat,
intimé,
Commune de Chermignon, Administration communale, 3971 Chermignon,
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
Objet
autorisation de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 12 juillet 2013.
Faits:
A.
Le 15 septembre 2008, B.________ a présenté une demande d'autorisation de construire portant sur un chalet résidentiel de 19 appartements sur cinq niveaux (soit 1601 m2 de surface brute de plancher utile) sur les parcelles n° 314, 413 et 564 du cadastre de la commune de Chermignon. Les parcelles sont situées au lieu-dit Tsarbouye, en zone 3 et 3B de densité 0,5. Le projet nécessitait des transferts d'indice de densité provenant de quatre autres parcelles. Le 27 juin 2011, l'Assemblée primaire de Chermignon a décidé de soustraire le projet au règlement intercommunal des quotas et du contingentement (RQC) en raison de l'intérêt public prépondérant. L'opposition formée par A.________, copropriétaire dans un bâtiment situé à une cinquantaine de mètres du projet, a été écartée par le Conseil municipal, lequel a considéré que l'intéressée n'avait pas qualité pour former opposition.
B.
Par décision du 10 octobre 2012, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté le recours formé par A.________. Sur le fond, il a considéré que les transferts de densité en faveur de la parcelle n° 314 étaient admissibles et qu'ils ne nécessitaient pas l'inscription préalable d'une servitude. L'application du RQC avait été valablement écartée par le législatif communal et l'art. 75b Cst. ne faisait pas obstacle à la délivrance du permis de construire.
C.
Par arrêt du 12 juillet 2013, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais a également rejeté le recours interjeté par A.________. Certains transferts de densité provenaient de parcelles non contiguës, contrairement à ce que prévoyaient les art. 13 al. 3 de la loi cantonale sur les constructions (LC) et 7 al. 1 de l'ordonnance cantonale sur les constructions (OC). Toutefois, un remembrement suffirait à remédier à cette situation. En outre, les biens-fonds faisaient partie d'un même secteur destiné à un aménagement d'ensemble, leurs formes particulières les rendant pratiquement inutilisables. Certaines parcelles avaient déjà fait l'objet d'un transfert de densité, mais le solde pouvait à son tour être utilisé au profit d'une autre parcelle. En soi, la réalisation d'une promotion privée n'était pas d'intérêt public; toutefois, le projet faisait suite à un arrangement qui avait permis la réalisation du parcours de golf voisin, infrastructure de première importance pour la station de Crans-Montana. La cour cantonale a également considéré que l'art. 75b Cst. ne s'appliquait pas à un projet autorisé avant le 11 mars 2012.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler le permis de construire, subsidiairement d'annuler l'arrêt cantonal et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants.
La cour cantonale a renoncé à se déterminer. Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. B.________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. La Municipalité de Chermignon conclut au rejet du recours. Des observations complémentaires ont été déposées par la recourante et par l'intimé.
L'effet suspensif a été accordé par ordonnance du 17 octobre 2013.
Considérant en droit:
1.
La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est ouverte contre une décision confirmée par une autorité cantonale de dernière instance dans une contestation portant sur l'application du droit des constructions.
1.1. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final (art. 90 LTF).
1.2. Aux termes de l'art. 89 LTF, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Selon la jurisprudence, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. Il en va de même s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions touchant spécialement les voisins (ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285; arrêt 1C_33/2011 du 12 juillet 2011 consid. 2.3 in DEP 2012 p. 9). Dans tous les cas, le recours formé dans l'intérêt général n'est pas recevable (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 33-34; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252, 468 consid. 1 p. 470).
1.2.1. Le tribunal fédéral examine certes d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 I 90 consid. 1). Toutefois, lorsque la qualité pour agir ne ressort pas clairement du dossier ou des faits constatés dans la décision attaquée, il appartient au recourant de fournir les indications nécessaires pour juger de la recevabilité du recours (cf. ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95 et les arrêts cités).
1.2.2. En l'occurrence, le chalet où se trouve l'appartement de la recourante est distant d'environ cinquante (selon l'arrêt cantonal) à soixante mètres (selon l'intimé et la Municipalité) du projet litigieux. Il en est séparé par un autre chalet, de mêmes dimensions, et les trois bâtiments sont implantés pratiquement en enfilade. Il est dès lors peu probable que le nouveau chalet soit suffisamment visible depuis la propriété de la recourante. Alors que sa qualité pour agir est contestée par l'intimé et par la commune, la recourante n'apporte guère d'indications à ce sujet et ne fait pas valoir d'autres inconvénients qui pourraient résulter de la construction litigieuse. Sa qualité pour agir apparaît ainsi douteuse. La question peut toutefois demeurer indécise compte tenu du sort du recours sur le fond. Pour la même raison, l'inspection locale requise par l'intimé apparaît superflue.
2.
La recourante se plaint d'une application arbitraire des art. 13 al. 1 LC et 7 al. 1 OC, dispositions selon lesquelles un transfert d'indice est autorisé dans la mesure où les parcelles sont contiguës et situées dans la même zone. Elle relève qu'en vertu du principe de la légalité, une interprétation extensive de ces dispositions ne serait pas admissible.
2.1. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il faut encore que cette solution soit insoutenable non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
2.2. Contrairement à ce que soutient la recourante, une interprétation extensive d'une norme, pour autant qu'elle repose sur des motifs objectifs, ne viole ni l'interdiction de l'arbitraire ni le principe de la légalité. Or en l'occurrence, la recourante ne conteste pas que les zones 3 et 3B peuvent être assimilées puisque les dispositions qui les régissent sont identiques. La cour cantonale a reconnu que certaines parcelles n'étaient pas contiguës au n° 314, mais elle a considéré que certaines d'entre elles (soit les nos 315, 565, 566 et 431) pourraient faire l'objet d'un remembrement dès lors que le constructeur semblait pouvoir en disposer. La recourante conteste cette dernière considération, mais celle-ci ne saurait être qualifiée d'arbitraire puisque le constructeur peut manifestement bénéficier d'un transfert d'indice de la part de ces biens-fonds. Ces derniers sont contigus entre eux et forment une bande de terrain en bordure du périmètre qui, prise dans son ensemble, jouxte la parcelle n° 314. Ils pourraient effectivement se prêter à un remembrement de manière à rendre l'ensemble contigu à la parcelle n° 314. La cour cantonale a aussi relevé que la majorité des parcelles concernées faisait partie d'un plan de quartier aujourd'hui abandonné, de sorte qu'il avait été envisagé, de longue date, de lier le sort de ces parcelles de manière à permettre l'aménagement du quartier. La dérogation accordée en faveur du constructeur repose ainsi sur des éléments objectifs et ne saurait, dans ces circonstances particulières, être qualifiée d'arbitraire dans ses motifs ou son résultat. Le grief doit par conséquent être écarté.
3.
La recourante invoque ensuite l'art. 5 al. 2 RQC, qui prévoit que les projets présentant un intérêt public prépondérant, approuvés par l'assemblée primaire, ne sont pas soumis à la réglementation sur les quotas et le contingentement. La cour cantonale a retenu l'existence d'un intérêt public en se fondant sur une convention passée au début des années 1980 entre la commune et le constructeur, permettant de réaliser le parcours de golf. Ce dernier constituerait une infrastructure publique de première importance. La recourante estime que l'existence d'une telle convention ne serait pas démontrée et que le projet litigieux serait une promotion purement privée.
3.1. Le Tribunal fédéral examine en principe librement l'existence d'un intérêt public au sens de l'art. 36 al. 2 Cst. (ATF 122 I 236 consid. 4a p. 244; 120 Ia 67 consid. 3b p. 72, 74 consid. 5 p. 79). Il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit avant tout d'un problème d'appréciation ou de circonstances locales que les autorités cantonales connaissent mieux ou sont mieux à même d'évaluer. En outre, dès lors que l'intérêt public constitue en l'occurrence un simple critère retenu par la réglementation intercommunale, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se trouve réduit à l'arbitraire.
3.2. La convention entre la commune et le constructeur est déjà évoquée dans le permis de construire: celui-ci indique qu'en 1984, le constructeur avait accepté de mettre à disposition des terrains nécessaires à l'aménagement de trois trous de golf et à financer ces derniers. En contrepartie, la municipalité appuyait les projets de constructions dans le secteur, concrétisés dans un premier temps par un PLQ. Référence à cette convention avait aussi été faite lors de l'assemblée primaire du 27 juin 2011 au cours de laquelle a été votée l'exception au RQC. L'existence de cette convention (finalement produite par la Municipalité avec ses observations du 25 octobre 2013) a par la suite été invoquée durant la procédure de recours devant le Conseil d'Etat et la cour cantonale, tant par l'autorité communale que par le constructeur, et la recourante ne prétend pas avoir valablement soulevé de contestation à ce sujet. Dès lors, les faits retenus sur ce point dans l'arrêt cantonal ne sauraient être considérés comme arbitraires et lient le Tribunal fédéral (art. 105 LTF).
3.3. Rappelant que le développement de la station était, depuis le début du XX
e siècle, intimement lié à la pratique du golf, la commune a admis l'existence d'un intérêt public. Compte tenu du pouvoir d'appréciation qui doit être reconnu aux autorités communales s'agissant des circonstances locales ou de pures questions d'opportunité ou d'appréciation (ATF 132 II 408 consid. 4.3 p. 415 et les arrêts cités), l'existence d'un intérêt public ne saurait être niée dans le cas particulier. La recourante ne remet d'ailleurs pas en cause l'importance pour la commune des activités liées au golf. Dans la mesure où il faut y voir une contrepartie à la mise à disposition de terrains pour cette activité, le projet pouvait sans arbitraire être considéré comme revêtant un intérêt public suffisant au sens de l'art. 5 al. 5 let. c RQC.
4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, en tant qu'il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe, de même qu'une indemnité de dépens allouée à l'intimé B.________, lequel a procédé par l'entremise d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté en tant qu'il est recevable.
2.
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à l'intimé B.________, à la charge de la recourante.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Chermignon, au Conseil d'Etat du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public.
Lausanne, le 13 mai 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz