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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
4A_41/2014
Arrêt du 20 mai 2014
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Kolly, Hohl, Kiss et Niquille.
Greffier: M. Piaget.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par Me Malek Adjadj, avocat,
recourante,
contre
Verein Schweizerisches Rotes Kreuz,
représentée par Me Philippe Probst, avocat,
intimée.
Objet
protection de l'emblème de la Croix-Rouge; enregistrement et utilisation d'une marque, risque de confusion,
recours contre la décision du Tribunal de Commerce du canton de Berne du 17 octobre 2013.
Faits:
A.
Le 30 mars 2000, A.________ SA a obtenu, de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), l'enregistrement de la marque suisse no bbb, pour des soins médicaux et des services d'une permanence médico-chirurgicale (classe 42 selon la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, dite Classification de Nice [RS 0.232.112.8]). Cette marque se présente de la manière suivante:
[img]
Le signe enregistré comporte, en haut à droite, la mention " a.________ s.a ". Il résulte de la marque déposée auprès de l'IPI que A.________ SA a effectué, dans sa demande d'enregistrement, une revendication partielle de couleur. Pour l'élément figuratif principal (au centre), ainsi que les deux signes plus petits situés à sa verticale (en haut et en bas), elle a revendiqué la couleur rouge vermillon. La couleur beige a été revendiquée pour le signe situé en bas à gauche, et la couleur noire pour celui situé à son opposé (décision entreprise p. 6 et complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF).
Depuis cette inscription, A.________ SA utilise l'élément figuratif " [img] " et la marque dans le cadre de son activité commerciale, en particulier en tant que signe distinctif sur ses façades ayant pignon sur rue à Genève ainsi que sur ses documents commerciaux (notamment papier à entête et site internet).
Au cours de l'année 2008, la Croix-Rouge suisse (Verein Schweizerisches Rotes Kreuzes) a été rendue attentive, par le CICR, à l'usage effectué par A.________ SA. A plusieurs reprises, elle a invité celle-ci à renoncer à l'utilisation sous toute forme de l'emblème de la Croix-Rouge dans son activité commerciale et à requérir la radiation de la marque no bbb.
Malgré plusieurs tentatives extrajudiciaires ainsi qu'une procédure de conciliation, les parties n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente.
Le 6 septembre 2010, A.________ SA a obtenu la prolongation de son enregistrement pour dix ans à partir du 30 mars 2010, soit jusqu'au 30 mars 2020.
B.
Le 3 juillet 2012, la Croix-Rouge suisse, agissant par ses organes, a déposé un mémoire de demande auprès du Tribunal de commerce du canton de Berne à l'encontre de A.________ SA. Elle a pris les conclusions suivantes:
" 1. Es sei der Beklagten zu verbieten, das nachfolgende rote Kreuz " [img] " in Alleinstellung oder als Bestandteil einer Marke, einer Enseigne oder eines sonstigen Kennzeichens im Geschäftsverkehr - insbesondere als Hinweis auf ihre Geschäftslokalitäten, auf ihrer Homepage und auf eigenen Geschäftsdrucksachen - zu gebrauchen.
2. Es seien sämtliche sich im Besitze der Beklagten befindlichen Geschäftsunterlagen - insbesondere Geschäftsdrucksachen - sowie Hinweistafeln auf die Geschäftslokalitäten, die das nachfolgende rote Kreuz " [img] " aufweisen, zu entfernen, einzuziehen und zu vernichten.
3. Das Verbot gemäss Ziffer 1 sei für den Fall der Wiederhandlung mit der Androhung der Bestrafung der Beklagten bzw. deren verantwortlichen Organen gemäss Art. 292 StGB zu verbinden.
4. Es sei festzustellen, dass die Schweizer Marke Nr. bbb (...) für alle registrierten Dienstleistungen nichtig ist.
5. Dem Institut für Geistiges Eigentum sei die Nichtigkeitserklärung der Schweizer Marke Nr. bbb (...) zwecks Löschung im Schweizer Markenregister mitzuteilen.
6. Unter Kosten- und Entschädigungsfolge zu Lasten der Beklagten."
Dans sa réponse datée du 10 septembre 2012, la défenderesse a conclu à ce que sa partie adverse soit déboutée de toutes ses conclusions et qu'elle soit condamnée au paiement des frais et dépens de la cause.
Le Tribunal de commerce, dans son jugement du 17 octobre 2013, a rendu le dispositif suivant:
" 1. constate la nullité de la marque no CH bbb (...) pour l'ensemble des services annoncés;
2. ordonne la communication du présent jugement à l'Institut de la Propriété Intellectuelle en vue d'effectuer la radiation de la marque no CH bbb (...);
3. fait interdiction à A.________ SA (...) d'utiliser après un délai de trois mois dès l'entrée en force du présent jugement l'élément figuratif suivant " [img] " de manière isolée ou comme partie d'une marque, d'une enseigne, d'une autre désignation en matière commerciale, en particulier pour désigner ses locaux, sa page internet et ses papiers d'affaires;
4. condamne A.________ SA (...) à retirer et à détruire l'ensemble du matériel, en particulier les papiers d'affaires et les enseignes de ses locaux, qui contiennent l'élément figuratif suivant " [img] " dans un délai de trois mois dès l'entrée en force du présent jugement;
5. précise qu'en cas de violation du point 3 de la présente décision par les organes de A.________ SA (...), ceux-ci s'exposent à une poursuite basée sur l'art. 292 du Code pénal (...) ".
La cour cantonale (ch. 6 à 8 du dispositif) a fixé les frais judiciaires à 20'000 fr. (18'000 fr. à charge de A.________ SA et 2'000 fr. à charge de la Croix-Rouge suisse) et les dépens à 32'000 fr. (à charge de A.________ SA).
C.
A.________ SA exerce un recours en matière civile contre la décision cantonale du 17 octobre 2013. Elle conclut à son annulation et à ce que la Croix-Rouge suisse soit déboutée de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens. S'agissant de la procédure cantonale, elle sollicite une nouvelle répartition des frais et dépens et que ceux-ci soient arrêtés à 7'000 fr., respectivement à 12'000 fr.
L'intimée conclut au rejet total du recours, sous suite de frais et dépens.
L'effet suspensif sollicité par la recourante lui a été octroyé par ordonnance présidentielle du 18 février 2014.
Considérant en droit:
1.
1.1. Le recours est dirigé contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Le Tribunal de commerce, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence ratione materiae sur les art. 5 al. 1 let. a et 6 CPC.
Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF).
Au surplus, interjeté par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), le recours est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. c et art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et apprécie librement la portée juridique des faits (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336).
1.3. Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62), ou établies en violation du droit comme l'entend l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
En l'espèce, la description de la marque suisse no bbb, non contestée et ressortant à l'évidence du dossier, ne figure pas de manière précise dans la décision entreprise (en particulier s'agissant de la revendication partielle de couleur), alors qu'elle est nécessaire pour la compréhension du litige; le Tribunal fédéral a procédé ci-dessus au complètement d'office en application de l'art. 105 al. 2 LTF.
2.
La cour cantonale considère que la loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge (RS 232.22; ci-après: la loi sur la Croix-Rouge) n'accorde pas à la demanderesse la qualité pour agir devant les juridictions civiles en vue de faire interdire l'utilisation d'une marque par une société tierce, ou de faire constater la nullité de l'enregistrement. Elle estime toutefois qu'elle est légitimée à agir sur la base du droit des marques, par le biais de l'art. 52 LPM. Sur la question de fond, l'autorité précédente rappelle qu'il convient d'examiner si l'élément figuratif principal " [img] " de la marque peut prêter à confusion avec l'emblème de la Croix-Rouge. Elle juge que tel est le cas, le léger écart apporté à la branche située à droite du signe ne représentant pas une stylisation suffisante pour écarter toute association avec cet emblème. Partant, elle a constaté la nullité de la marque suisse no bbb (art. 2 let. d LPM et art. 7 al. 2 de la loi sur la Croix-Rouge) et ordonné la communication du jugement à l'IPI en vue d'effectuer sa radiation (art. 35 let. c LPM).
S'agissant de l'utilisation de l'élément figuratif principal " [img] ", les magistrats cantonaux sont d'avis que la demanderesse est légitimée à agir sur la base de l'art. 9 LCD et, qu'il existe un risque de confusion indirect avec l'emblème de la Croix-Rouge (art. 2 et 3 al. 1 let. d LCD). L'autorité précédente a ainsi fait interdiction à la recourante d'utiliser l'élément figuratif litigieux, l'a condamnée à retirer et détruire tout le matériel le contenant, sous peine d'une poursuite basée sur l'art. 292 CP.
3.
3.1. La loi sur la Croix-Rouge tend à prévenir et à réprimer l'emploi abusif par des tiers des emblèmes et des dénominations de la Croix-Rouge (cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 14 septembre 1953 concernant la révision de la loi pour la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, FF 1953 III 110 p. 112).
Selon l'art. 1 al. 1 de la loi sur la Croix-Rouge, l'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots " croix rouge " ou " croix de Genève " ne pourront en principe être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour signaler le personnel et le matériel protégés par la Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I ; RS 0.518.12) et la Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (CG II ; RS 0.518.23).
Selon l'art. 4 al. 1 de cette même loi, " la Croix-Rouge suisse pourra faire usage en tout temps de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, pour ses activités conformes aux principes formulés par les conférences internationales de la Croix-Rouge et à la législation fédérale. En temps de guerre, les conditions de l'emploi de l'emblème devront être telles qu'il ne puisse être considéré comme visant à conférer la protection des conventions de Genève; l'emblème sera de dimensions relativement petites et il ne pourra être apposé sur des brassards ou des toitures ". L'alinéa 2 de cette même disposition dispose que la Croix-Rouge suisse fixe dans un règlement les conditions de l'emploi, notamment prévu à l'al. 1, de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, et que ce règlement est soumis à l'approbation du Conseil fédéral.
Selon l'art. 7 al. 2 de la loi sur la Croix-Rouge, les marques et les designs " contraires à la présente loi " sont exclus du dépôt. A noter que le projet " Swissness ", adopté par le Parlement le 21 juin 2013, prévoit de remplacer l'actuelle teneur de cette disposition par le texte suivant, qui ne conduirait à aucun changement d'ordre matériel : "Les signes dont l'emploi est interdit en vertu de la présente loi et les signes susceptibles d'être confondus avec eux ne peuvent être enregistrés comme marque, design, raison de commerce, nom d'association ou de fondation ni comme élément de ceux-ci" (Message du 18 novembre 2009 relatif à la modification de la loi sur la protection des marques et à la loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics, FF 2009 7711, 7821, 7875).
Enfin, l'art. 8 al. 1 de la loi prévoit des sanctions pénales à l'encontre de "celui qui, intentionnellement et contrairement aux dispositions de la présente loi [...], aura fait usage de l'emblème de la croix rouge sur fond blanc ou des mots " croix rouge " ou " croix de Genève ", ou de tout autre signe ou mot pouvant prêter à confusion".
Les dispositions de la loi sur la Croix-Rouge, qui mettent en oeuvre les règles instaurées par les Conventions de Genève, doivent être interprétées conformément à celles-ci (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411). Les commentateurs de la CG I insistent sur la nécessité d'interpréter les textes nationaux de la façon la plus favorable à la Convention de Genève et à l'institution de la Croix-Rouge (Jean S. Pictet, Le signe de la croix rouge et la répression des abus du signe de la croix rouge [commentaire du chap. VII de la CG I], 1951, p. 59; Paul Des Gouttes, Commentaire de la Convention de Genève du 27 juillet 1929, 1930, p. 200 s.).
3.2. Il résulte de l'art. 44 CG I que " l'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots " croix rouge " ou " croix de Genève " ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. (...) Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés [de secours autorisées par le gouvernement] n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa " (al. 1). En outre, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge (...) pourront en temps de paix, conformément à la législation nationale, faire usage du nom et de l'emblème de la Croix-Rouge pour leurs autres activités conformes aux principes formulés par les Conférences internationales de la Croix-Rouge. Lorsque ces activités se poursuivront en temps de guerre, les conditions de l'emploi de l'emblème devront être telles qu'il ne puisse être considéré comme visant à conférer la protection de la Convention, l'emblème sera relativement de petites dimensions et il ne pourra être apposé sur un brassard ou une toiture " (al. 2). " A titre exceptionnel, conformément à la législation nationale, et avec l'autorisation expresse de l'une des Sociétés nationales de la Croix-Rouge (...), il pourra être fait usage de l'emblème de la Convention en temps de paix, pour signaler les véhicules utilisés comme ambulances et pour marquer l'emplacement des postes de secours exclusivement réservés aux soins gratuits à donner à des blessés ou à des malades " (al. 4).
Selon l'art. 53 al. 1 CG I, "l'emploi par des particuliers, sociétés ou maisons de commerce tant publiques que privées, autres que ceux y ayant droit en vertu de la présente Convention, de l'emblème ou de la dénomination de " croix rouge " ou de " croix de Genève ", de même que tout signe ou de toute dénomination en constituant une imitation, sera interdit en tout temps, quel que soit le but de cet emploi et quelle qu'ait pu en être la date antérieure d'adoption".
3.3. Il ressort des réglementations qui viennent d'être évoquées qu'il faut distinguer deux emplois différents de l'emblème de la croix rouge sur fond blanc (cf. ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 412). Certains commentateurs laissent entendre qu'il aurait été plus approprié de créer, à l'origine, deux symboles différents, l'emblème visant deux objets qui divergent de façon profonde ( PICTET, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 40).
Dans le premier cas de figure (qui est à l'origine de l'emblème de la croix rouge et de l'institution du même nom), le signe est la manifestation visible de la protection accordée par la Convention de Genève à des personnes ou à des choses (art. 44 al. 1 CG I, art. 1, 2 et 3 de la loi sur la Croix-Rouge). Il a une valeur de protection (cf. FF 1953 III 110 p. 113; sur le " signe de protection ": Pictet, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 35 ss).
La tâche originaire des Sociétés de la Croix-Rouge, alors auxiliaires du service de santé militaire dans de nombreux pays, s'est rapidement doublée d'une autre préoccupation, soit la mise en oeuvre d'actions secourables en temps de paix au profit de la population (cf. Jean S. Pictet, Les principes de la Croix-Rouge, thèse Genève 1955, p. 116 s.; Richard Perruchoud, Les résolutions des conférences internationales de la Croix-Rouge, thèse Genève 1979, 34 s.). L'emblème n'a alors été utilisé que pour indiquer qu'une personne ou une chose a un lien avec l'institution de la Croix-Rouge, mais sans qu'on puisse ni qu'on entende la placer sous la protection des Conventions de Genève (art. 44 al. 2 CG I, art. 4 de la loi sur la Croix-Rouge). Le signe est alors purement indicatif (cf. FF 1953 III 110 p. 113 s.; Pictet, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 40 ss). Dans ce cas, l'emblème est désigné comme le drapeau des Sociétés nationales de la Croix-Rouge pour l'ensemble de leurs activités (Pictet, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 40) ou comme un signe qui appartient à la Société nationale concernée (Des Gouttes, op. cit., p. 181). Les abus consistent à utiliser cet emblème - parfois de façon éhontée (pour écouler du matériel pseudo-sanitaire), parfois pour une activité louable (médecins et pharmaciens) - dans un but spéculatif de publicité, pour profiter du prestige de l'institution de la Croix-Rouge (Des Gouttes, op. cit., p. 199 et 201; Pictet, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 59 s.).
4.
4.1. Dans un premier grief, la recourante soutient que la loi sur la Croix-Rouge ne prévoit pas que l'intimée puisse agir civilement; elle estime qu'il s'agit d'un silence qualifié qui n'a, à tort, pas été observé par l'autorité cantonale.
4.2. On parle de silence qualifié (par opposition à la lacune) lorsque le législateur a bien identifié un problème déterminé, mais qu'il a délibérément renoncé à le réglementer dans la loi concernée (pour la définition du silence qualifié: ATF 132 III 470 consid. 5.1 p. 478; Ernst A. Kramer, Juristische Methodenlehre, 3e éd. 2010, p. 201). La validité de l'argument suppose la preuve de l'intention (négative) du législateur, qui pourra généralement être apportée par les travaux préparatoires (Paul-Henri Steinauer, Le Titre préliminaire du Code civil, TDPS, 2009, n. 368 p. 126 s., et les auteurs cités).
4.3. D'emblée, il faut observer qu'en l'espèce aucun indice dans les travaux préparatoires relatifs à la loi sur la Croix-Rouge ne permet de penser que le législateur, bien que s'étant posé la question de l'opportunité de prévoir des mesures sur le plan civil en lien avec l'utilisation de la croix rouge, aurait finalement décidé d'écarter cette voie judiciaire.
S'agissant en particulier du domaine des marques, on observe plutôt que si le législateur a repris dans la loi sur la Croix-Rouge (art. 7) la teneur de l'art. 14 al. 1 ch. 2 de l'ancienne loi du 26 septembre 1890 sur les marques de fabrique et de commerce (LMF, aujourd'hui remplacée par la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance [LPM]) - qui vise l'interdiction de déposer une marque contraire aux dispositions de la législation fédérale -, ce n'est pas pour exclure toute application de la LMF, mais pour renseigner immédiatement le lecteur de la loi sur la Croix-Rouge quant à cette interdiction (FF 1953 III 110 p. 118). Le législateur entendait ainsi simplement éviter, sur ce point précis, de renvoyer le lecteur à une autre loi fédérale (la LMF) qui continuait d'être applicable malgré l'adoption de la loi sur la Croix-Rouge.
4.4. Toujours pour tenter de démontrer l'existence d'un silence qualifié, la recourante rappelle également le contenu du Règlement de la Croix-Rouge. Elle relève que le chiffre III de ce document charge le Comité central de la Croix-Rouge suisse de la mission de contrôler le respect de l'usage de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge et qu'il prévoit, le cas échéant et en cas d'abus, la possibilité pour ce comité de déposer plainte. Elle en infère que cette réglementation ne laisse aucune place à d'autres actions et à la compétence d'un autre organe pour agir en justice en relation avec l'usage abusif de la croix rouge.
L'argumentation ne peut être suivie. Le Règlement en question vise l'emploi de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge dans le cadre de l'organisation de la Croix-Rouge (FF 1953 III 110 p. 116). Dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'une question liée à l'usage à l'intérieur de l'organisation, mais de l'utilisation par une tierce personne (la recourante) d'un signe qui pourrait, de l'avis de l'intimée, être confondu avec la croix rouge (sur cette question cf. infra consid. 5.3.3). L'argument avancé par la recourante ne permet pas de conclure que la loi sur la Croix-Rouge exclurait toute autre action que celle qui est dévolue, dans le Règlement, au Comité central.
A noter encore qu'il n'est pas contesté que la Croix-Rouge suisse, en tant qu'association au sens de l'art. 60 CC, possède la personnalité juridique et qu'elle a la capacité d'ester en justice.
Le moyen tiré de la violation de la loi sur la Croix-Rouge est infondé.
5.
La loi sur la Croix-Rouge n'empêchant pas l'intimée d'intervenir judiciairement contre l'utilisation abusive de son emblème sur la base d'autres lois fédérales protégeant les signes distinctifs, il s'agit maintenant de déterminer si elle est légitimée à agir in casu en se prévalant de l'art. 52 LPM.
5.1. L'action en constatation de droit peut être intentée par toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation (art. 52 LPM).
Cette action, qui a pour objet de résoudre de manière définitive une situation juridique contestée (ATF 120 II 20 spéc. p. 21 s.), ne peut être exercée que si le demandeur établit un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Un tel intérêt existe lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu'une constatation judiciaire touchant l'existence et l'objet du rapport de droit pourrait l'éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d'en devenir insupportable pour lui (arrêt 4A_589/2011 du 5 avril 2012 consid. 4.1 non publié in ATF 138 III 304; Killias/de Selliers, in Commentaire romand, Propriété intellectuelle, de Werra/Gilliéron [éd.], 2013, no 56 ad art. 52 LPM, et les arrêts cités).
La notion d'intérêt juridique doit être comprise dans une acception large. Malgré la terminologie employée à l'art. 52 LPM, il n'est pas exclu de prendre en considération un intérêt de fait (ATF 61 II 377 consid. 4, cité par Killias/de Selliers, op. cit., no 58 ad art. 52 LPM).
L'action en nullité de la marque est un cas particulier d'action en constatation, qui entraîne la radiation totale ou partielle de l'enregistrement (cf. art. 35 let. c LPM).
5.2. En raison de la double signification de l'emblème de la croix rouge, la question de savoir qui en est le " véritable " propriétaire est délicate. Il serait toutefois erroné d'entreprendre l'examen sous cet angle général. Cela reviendrait à ignorer la particularité de cet emblème qui vise deux objets qui divergent de façon profonde et qu'il convient de différencier (cf. supra consid. 3.3).
En l'espèce, lorsque l'intimée reproche à la recourante d'utiliser un signe qui établit un lien avec l'institution de la Croix-Rouge, elle fait référence à l'abus de la croix rouge considérée comme un signe indicatif (cf. supra consid. 3.3). Dans cette perspective, force est de constater que la Croix-Rouge suisse, en tant que société nationale, peut utiliser le signe de façon exclusive (cf. art. 44 al. 2 CG I et art. 4 de la loi sur la Croix-Rouge) et qu'elle est seule légitimée à en autoriser l'usage par un tiers, moyennant le respect de règles strictes (art. 44 al. 4 CG I). Les commentateurs de la CG I affirment d'ailleurs que l'emblème doit être considéré comme le drapeau des Sociétés nationales, celui-là appartenant à celles-ci (cf. supra consid. 3.3).
Cela étant, l'intimée dispose d'un intérêt digne de protection évident à intenter une action en nullité de la marque contre la recourante. Certes, à l'instar de la recourante, on peut observer qu'elle ne peut disposer librement de son emblème, celui-ci étant réglementé par la loi sur Croix-Rouge (acte de recours ch. 23 p. 6). En d'autres termes, l'intimée ne peut exercer, en lien avec l'emblème, les mêmes droits que ceux conférés par une marque, notamment celui de céder le signe à un tiers. L'action en constatation prévue à l'art. 52 LPM ne sous-entend toutefois pas l'existence d'un signe comprenant un faisceau de droits aussi étendu. Affirmer le contraire reviendrait à méconnaître la logique de cette disposition ancrée dans la LPM qui octroie, par exemple, aux personnes qui sont en droit d'utiliser une indication de provenance la qualité pour agir en nullité de la marque d'un tiers qui transgresserait les art. 47 ss LPM (cf. Ivan Cherpillod, Le droit suisse des marques, 2007, p. 215 s.). Or, il est de jurisprudence que l'indication de provenance, si elle est directe, appartient au domaine public et que les personnes légitimées à l'utiliser ne peuvent pas non plus, contrairement à une marque, en disposer librement (cf. ATF 128 III 454 consid. 2.1 p. 458).
Le grief tiré de la violation de l'art. 52 LPM doit être déclaré mal fondé.
5.3. Il s'agit désormais d'examiner si la marque de la recourante est valable à la lumière de l'art. 7 al. 2 de la loi sur la Croix-Rouge, qui reflète le contenu de l'art. 2 let. d LPM, en lien avec les art. 1 et 4 de cette même loi.
5.3.1. Il est de jurisprudence que toute utilisation non autorisée de l'emblème de la croix rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à confusion est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l'utilisation (cf. ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411).
La loi sur la Croix-Rouge interdit ainsi en particulier l'utilisation de l'emblème de la croix rouge comme élément d'une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque ou aux produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l'utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les Conventions de Genève ou qu'ils puissent être mis en relation avec le Mouvement de la Croix-Rouge (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411 s.).
Il s'agit uniquement d'examiner si l'emblème protégé - de manière absolue - par la loi sur la Croix-Rouge (ou tout autre signe susceptible d'être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L'élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments - par exemple figuratifs ou verbaux - du signe déposé, de sorte que l'impression d'ensemble qui se dégage de ce signe n'entre pas en ligne de compte. Est sans importance le but dans lequel le signe déposé est utilisé, en particulier les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n'importe également que le signe soit utilisé comme " signe de protection " ou comme " signe indicatif " (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 412).
C'est de manière intentionnelle que la loi sur la Croix-Rouge ne donne pas de définition précise ni de la forme des emblèmes protégés, ni de leur nuance de rouge, ni de leur fond blanc. Selon la jurisprudence, la loi sur la Croix-Rouge interdit l'utilisation de toute croix rouge de forme et de nuance quelconques sur un fond blanc quelconque (ATF 134 III 406 consid. 3 p. 409 s. et 5.2 p. p. 412).
5.3.2. La recourante reproche à la cour cantonale de s'être contentée d'un risque de confusion abstrait entre sa marque et l'emblème de la croix rouge, soutenant que l'intimée n'a avancé aucune circonstance qui permette de retenir que celle-ci aurait été concrètement entravée ou qu'elle serait menacée de l'être par l'existence de sa marque. En ce sens, elle ajoute que la cour cantonale aurait dû tenir compte de l'absence de toute confusion concrète en 13 ans (soit depuis la date d'enregistrement de la marque).
A la lumière de la jurisprudence évoquée ci-dessus, il faut d'emblée observer que la critique de la recourante, présentée sous l'angle de l'utilisation concrète de la marque, tombe à faux.
Quant au rapport de concurrence qui, selon la recourante, devrait exister entre les parties, cette critique se révèle, pour les mêmes raisons, sans consistance.
C'est également en vain que la recourante sous-entend que, sa marque ayant été inscrite au registre suisse tenu par l'IPI, il est exclu de considérer qu'il existerait un risque de confusion entre cette marque et l'emblème de la Croix-Rouge. La décision de l'IPI ne lie en effet pas le juge civil qui peut (et doit) statuer, sur la base des conclusions prises, sur la validité de la marque litigieuse (ATF 128 III 447 consid. 1.4 p. 450; arrêt 4A_36/2012 du 26 juin 2012 consid. 2.3, publié in sic! 10/2012 p. 627; Eugen Marbach, Markenrecht, SIWR III/1, 2e éd. 2009, n. 196 p. 60).
5.3.3. La recourante, qui n'exclut pas que le public puisse faire une association d'idées avec l'institution de la Croix-Rouge, reproche à la cour cantonale de s'être contentée d'une hypothétique possibilité d'attribution à cet organisme alors qu'elle aurait dû examiner une probabilité de confusion entre l'élément figuratif litigieux de la marque et la Croix-Rouge.
La recourante tente ici de mettre en évidence un extrait, certes un peu imprécis, de la motivation cantonale pour en tirer une conclusion allant dans le sens de sa thèse. On ne saurait la suivre dans sa démarche. Il résulte en effet de l'ensemble du raisonnement de l'autorité précédente qu'elle s'est bien fondée sur le critère juridique adéquat. La cour cantonale souligne que " l'impression générale laissée par cet élément figuratif (...) crée une confusion claire avec l'emblème protégé ", ce qui montre qu'elle a retenu un risque de confusion patent, cette impression, souligne-t-elle, étant " du reste renforcée par la disposition de l'élément figuratif, sa couleur et le domaine médical dans lequel la [recourante] est active " (arrêt entrepris p. 16 s.).
Contrairement à ce que laisse entendre la recourante, il ne s'agit d'ailleurs pas de savoir s'il existe un risque de confusion entre le signe litigieux (la " croix démembrée " dont l'une des branches est séparée du reste [acte de recours ch. 53 p. 9]) et l'institution de la Croix-Rouge, mais bien entre le signe litigieux et une croix rouge sur fond blanc (en tant que motif) (cf. infra consid. 5.3.1).
A cet égard, il n'est pas contesté que le léger écart entre la branche droite de l'élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la croix rouge. En raison de la proximité de l'élément en forme de carré rouge (branche droite) avec l'autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l'image d'une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge.
Un autre élément, pris en compte par la cour cantonale, corrobore cette conclusion. Si l'emblème de la croix rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu'en l'espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et services d'une permanence médico-chirurgicale ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l'emblème de la croix rouge.
L'existence d'un risque de confusion doit être retenu et le moyen tiré de la transgression de l'art. 2 let. d LPM est, déjà pour ce motif, infondé.
On peut au demeurant relever que si la recourante nie l'existence d'un risque de confusion avec la croix rouge, elle ne conteste pas que le public peut faire une " association d'idées " avec l'institution de la Croix-Rouge (acte de recours ch. 53 et 59 p. 10 et ch. 88 p. 14). Elle concède ainsi avoir choisi une marque qui permet au public de faire un rapprochement entre le signe litigieux et la Croix-Rouge; on ne voit pas pour quelle raison, sauf à vouloir profiter de la réputation de cet organisme, intrinsèquement liée à celle de son emblème (cf. supra consid. 3.3), la recourante ne pouvait pas remplacer sa propre marque par un signe nettement différent (sur la détermination de l'intention de l'usager de l'emblème de la croix rouge cf. Pictet, op. cit., Le signe de la croix rouge, p. 59). L'emblème de la Croix-Rouge bénéficiant d'une reconnaissance très large dans le public et jouissant d'un crédit important, on peut se demander, en partant de l'observation qui vient d'être faite, si l'intimée, pour faire constater la nullité de la marque litigieuse et faire cesser son utilisation, ne pourrait pas également invoquer une protection de même niveau que celle résultant de l'art. 15 LPM (marque de haute renommée). On peut toutefois renoncer à entreprendre une analyse approfondie sous cet angle, la question de la nullité de la marque étant tranchée et l'utilisation du signe litigieux par la recourante devant quoi qu'il en soit être interdite sur la base des art. 28 s. CC (cf. infra consid. suivant).
6.
6.1. La cour cantonale admet, sous l'angle de l'art. 9 LCD, la légitimation active de l'intimée en observant que les parties sont dans un certain rapport de concurrence, étant donné qu'elles sont toutes deux actives dans le domaine médical compris de manière large.
La recourante considère que le raisonnement de la cour cantonale viole l'art. 9 al. 1 LCD. Elle est d'avis que l'exploitation d'une clinique ne peut en aucune façon avoir une influence sur les activités humanitaires de la Croix-Rouge. Selon elle, la réputation, la clientèle, le crédit, les affaires ou, de manière générale, les intérêts économiques de l'intimée ne peuvent être affectés par ses propres activités, de sorte que l'une des conditions d'application de l'art. 9 al. 1 LCD n'est pas remplie.
En l'occurrence, la question peut rester indécise, les explications déjà fournies quant à la double signification de l'emblème de la Croix-Rouge (cf. consid. 3.3) suggérant de traiter cette question plutôt sous l'angle du droit au nom et aux signes d'identification.
6.2. La protection du nom est assurée par l'art. 29 CC. Cette règle est complétée par l'art. 28 CC, qui couvre tous les signes d'identification individuelle qui ne sont pas visés par l'art. 29 CC (ATF 120 III 60 consid. 3a p. 63; 102 II 161 consid. 3 p. 166).
La question de savoir si un signe distinctif figuratif (et non verbal) est protégé par l'art. 28 CC ou l'art. 29 CC est controversée (cf. Roland Bühler, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 4e éd. 2010, no 26 ad art. 29 CC et les auteurs cités). Il n'est par contre pas contesté que la protection conférée par les art. 28 et 29 CC couvre aussi les armoiries et les emblèmes ou tout autre signe visant à désigner une personne (ATF 45 II 623; Daniel Lack, Privatrechtlicher Namensschutz, thèse Berne 1992, p. 105 ss; Bühler, ibidem; Pierre Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, 1984, n. 448 p. 65). Il n'est donc pas utile, en l'espèce, de désigner laquelle des deux normes trouve application, la protection conférée n'étant pas dépendante de cette désignation (cf. ATF 102 II 161 consid. 3 p. 166).
Celui qui se prétend titulaire du signe qui sert à l'individualiser (nom ou emblème) doit démontrer avoir sur ce signe un droit exclusif (cf. Tercier, op. cit., n. 445 s. p. 64; en droit allemand: Karl-Heinz Fezer, Markenrecht, 4e éd. 2009, no 71 ad § 15 MarkenG).
S'agissant de l'intérêt à faire cesser l'atteinte sur la base des art. 28 s. CC (cf. ATF 120 III consid. 3a et 3b p. 63), la protection du nom (comme celle du signe d'identification) ne suppose pas que des intérêts patrimoniaux aient été lésés; des intérêts purement idéaux sont également protégés (ATF 102 II 161 consid. 4a p. 168).
Les dispositions précitées protègent aussi bien les personnes physiques que les personnes morales (cf. ATF 128 III 353 consid. 4 p. 358).
6.3. La question de savoir qui est le " véritable " propriétaire de l'emblème de la croix rouge n'est pas déterminante et il n'y a pas lieu d'en débattre (cf. déjà supra consid. 5.2). Cet emblème, dans son acception indicative, consiste en un signe qui sert à individualiser la Croix-Rouge et la Croix-Rouge suisse a sur ce signe un droit exclusif. Il appartient d'ailleurs à cette dernière, en fonction de règles strictes, d'autoriser l'entrée d'un nouveau membre au sein de la " famille de la Croix-Rouge " (cf. supra consid. 5.2; Pictet, op. cit., Les principes, p. 145).
Cela étant, on ne voit aucun motif qui empêcherait d'assimiler l'emploi de l'emblème à titre indicatif (soit l'usage du drapeau de la Croix-Rouge suisse, association au sens de l'art. 60 CC) à l'utilisation par une association " ordinaire " de son nom et de ses armoiries (en droit allemand, cf. la décision prise, sur la base de l'art. 12 BGB, par le BGH du 23 juin 1994, publiée in GRUR 11/1994 p. 844 ss, consid. II/2/a p. 845; relevant la similarité entre le droit allemand et le droit suisse concernant la protection du nom: Lack, op. cit., p. 139).
Il en résulte que la Croix-Rouge suisse a un intérêt juridique manifeste à pouvoir intenter une action visant à écarter tout risque de confusion ou d'association entre le signe qui permet de l'individualiser (et sur lequel elle a de par la loi un droit exclusif) et le signe utilisé par un tiers, et à éviter la perte de la force distinctive de son emblème, afin de préserver le prestige qui s'y attache.
En conclusion sur ce point, il y a lieu de considérer que la Croix-Rouge suisse, en tant qu'association, est légitimée à invoquer la protection découlant des art. 28 s. CC.
6.4. L'usage du nom d'autrui (ou de son signe d'identification) est illicite lorsque l'appropriation du nom (ou du signe) entraîne un danger de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l'esprit du public, par une association d'idées, un rapprochement qui n'existe pas en réalité entre le titulaire du nom (ou du signe) et le tiers qui l'usurpe sans droit. On se trouve également en présence d'une usurpation inadmissible de nom (ou de signe) quand celui qui l'usurpe crée l'apparence que le nom (ou le signe) repris a quelque chose à voir avec son propre nom (ou signe) ou sa propre entreprise ou encore que des relations étroites, sur un plan personnel, idéologique, intellectuel ou commercial, sont nouées entre les parties, alors qu'il n'en est rien (sous l'angle de l'art. 29 al. 2 CC cf. ATF 112 II 369 consid. 3b et les arrêts cités).
Le degré de l'atteinte requis par la loi est encore réalisé lorsqu'une association d'idées implique le titulaire du nom (ou du signe) dans des relations qu'il récuse et qu'il peut raisonnablement récuser (cf. ATF 128 III 353 consid. 4 p. 358 s.; 112 II 369 ibidem).
Il n'est pas nécessaire que des confusions se soient effectivement produites (sous l'angle de l'art. 29 al. 2 CC: ATF 116 II 463 consid. 3b p. 469 et l'arrêt cité).
6.5. Selon les constatations cantonales, le signe (" croix démembrée ") de la recourante s'accompagne généralement des termes " groupe médical de chantepoulet " ou " permanence médico-chirurgicale de chantepoulet sa ". L'élément figuratif litigieux renvoie sans conteste à l'emblème de l'intimée (en particulier du fait de l'utilisation de la couleur rouge sur fond blanc). Associé aux termes décrivant les activités de la recourante, il donne à penser que l'intimée accorde son soutien à ces activités; à tout le moins, il est de nature à susciter dans l'esprit du public, par une association d'idées, un rapprochement qui n'existe pas en réalité entre le titulaire du nom et le tiers qui l'usurpe sans droit (cf. la décision du BGH précitée, consid. II/2/d p. 845 s.; cf. aussi la décision du 23 juin 1998 de l'OLG de Nürnberg, publiée in GRUR 1/1999, p. 68 s.).
Il y a donc lieu, par substitution de motifs, de confirmer les ch. 3 à 5 du dispositif de la décision entreprise.
7.
Dans un dernier moyen, la recourante est d'avis que les frais et dépens de l'instance cantonale doivent être recalculés, la valeur litigieuse retenue par celle-ci (300'000 fr., notamment en raison de la " très haute renommée " de l'emblème de l'intimée) ayant été estimée en violation de l'art. 91 CPC. Elle estime qu'il convenait de fixer la valeur litigieuse (à maximum 100'000 fr., soit la valeur attribuée par la jurisprudence à une marque secondaire) en fonction de la valeur de sa marque, et non en prenant en considération celle de l'emblème de la Croix-Rouge.
Il faut noter au préalable que les observations fournies par la recourante au cours de la procédure ne sont pas exemptes de contradictions. Elle allègue que sa marque " est indéniablement secondaire ", mais elle fait valoir en même temps, parlant de sa marque et " de [son] élément figuratif principal ", qu'elle " représente une valeur élevée pour [elle] qui a formé son image pendant douze ans sur ces éléments ".
L'argument soulevé par la recourante quant au signe pris en compte pour déterminer la valeur litigieuse est sans consistance. Il ne s'agit pas de réfléchir sur la base de ses seuls intérêts (en tant que défenderesse) (cf. Matthias Stein-Wigger, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somm et al. (éd.), 2e éd. 2013, no 26 ad art. 91 CPC; Martin H. Sterchi, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, no 21a ad art. 91 CPC). L'élément figuratif litigieux (la croix rouge) est au coeur du litige et c'est l'utilisation de cet élément, intégré dans la marque de la recourante, que l'intimée (demanderesse) entend faire cesser. Il est indéniable que la croix rouge, au vu de sa renommée, ne peut être comparée à une simple marque secondaire et on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir retenu la valeur litigieuse fixée par la demanderesse (300'000 fr.), soit la valeur conférée en principe à une marque d'entreprise bien établie (cf. Leonz Meyer, Der Streitwert in Prozessen um Immaterialgüterrechte und Firmen, sic! 2001, p. 559 ss; sur la définition de la marque d'entreprise: Lukas David, Lexikon des Immaterialgüterrechts, SIWR I/3, 2005, p. 151).
Le moyen est infondé.
8.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal de Commerce du canton de Berne.
Lausanne, le 20 mai 2014
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Piaget