BGer 9C_93/2014 |
BGer 9C_93/2014 vom 20.05.2014 |
{T 0/2}
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9C_93/2014
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Arrêt du 20 mai 2014 |
IIe Cour de droit social |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Pfiffner et Parrino.
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Greffière : Mme Moser-Szeless.
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Participants à la procédure
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Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue des Gares 12, 1201 Genève,
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recourant,
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contre
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A.________,
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représenté par Me Monique Stoller Füllemann, avocate,
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intimé.
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Objet
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Assurance-invalidité (rente d'invalidité; procédure de première instance),
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recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 10 décembre 2013.
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Faits: |
A. Par décision du 4 septembre 2012, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de prestations de l'assurance-invalidité présentée par A.________.
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B. |
B.a. Statuant le 1
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B.b. Par acte daté du 6 novembre 2013, l'office AI a saisi la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice genevoise d'une requête en interprétation du jugement rendu le 1
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Par arrêt du 10 décembre 2013, la Chambre des assurances sociales a rejeté la demande en interprétation.
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C. L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre le jugement cantonal, dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à ce que la cause soit retournée à la juridiction cantonale pour nouvel arrêt en interprétation. A titre subsidiaire, il requiert la confirmation de sa décision du 4 septembre 2012. Il conclut, plus subsidiairement, à l'annulation des jugements du 10 décembre 2013 et du 1 er octobre 2013 et à la confirmation de sa décision du 4 septembre 2012.
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Sous suite de dépens, A.________ conclut principalement au rejet du recours; à titre subsidiaire, il requiert que les conclusions subsidiaires de l'office AI soient déclarées irrecevables et son recours rejeté pour le surplus. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit: |
1. |
1.1. L'objet du recours en matière de droit public est le jugement d'interprétation rendu par la juridiction cantonale le 10 décembre 2013. L'interprétation d'une décision d'un tribunal cantonal des assurances n'est réglée par le droit fédéral que dans la mesure où le droit d'exiger l'interprétation d'un jugement dans certaines limites doit être considéré comme un principe inhérent au droit fédéral tiré du principe d'égalité (art. 8 al. 1 Cst.), au même titre que le droit à la rectification de fautes de calcul (ATF 130 V 320 consid. 2.2 in fine et 2.3 p. 325). Au-delà de cette garantie, la procédure en interprétation relève exclusivement du droit cantonal (art. 61 LPGA ab initio; ATF 130 V 320 consid. 1.1 p. 323 et 3 p. 326; arrêt I 172/06 du 26 avril 2006 consid. 1).
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1.2. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit suisse tel qu'il est délimité à l'art. 95 LTF, soit notamment le droit fédéral et les droits constitutionnels cantonaux. Sauf dans les cas expressément cités par cette disposition, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral - en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 138 V 67 consid. 2.2 p. 69; 134 II 349 consid. 3 p. 351 et la jurisprudence citée). A cet égard, le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF).
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2. Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, singulièrement de l'art. 84 al. 1 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; RSG E 5 10). Il soutient que le jugement cantonal du 1 er octobre 2013 contenait de nombreuses incohérences juridiques et des contradictions flagrantes que les premiers juges auraient été tenus, sous peine d'arbitraire, d'interpréter.
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2.1. Selon l'art. 84 al. 1 LPA/GE, la juridiction qui a statué interprète sa décision à la demande d'une partie, lorsqu'elle contient des obscurités ou des contradictions dans le dispositif ou entre le dispositif et les considérants. Les cas d'interprétation sont analogues à ceux prévus par l'art. 129 al. 1 LTF. D'après la jurisprudence relative à l'art. 129 LTF, l'interprétation tend à remédier à une formulation peu claire, incomplète, équivoque ou en elle-même contradictoire du dispositif de la décision rendue. Elle peut, en outre, se rapporter à des contradictions existant entre les motifs de la décision et le dispositif. Les considérants ne peuvent cependant faire l'objet d'une interprétation que si et dans la mesure où il n'est possible de déterminer le sens du dispositif qu'en ayant recours aux motifs. Ne sont pas recevables les demandes d'interprétation qui tendent à la modification du contenu de la décision ou à un nouvel examen de la cause. L'interprétation a en effet uniquement pour objet de reformuler clairement et complètement une décision qui n'a pas été formulée de façon distincte et accomplie alors même qu'elle a été clairement et pleinement pensée et voulue. Il n'est pas admissible de provoquer, par la voie ou la demande d'interprétation, une discussion d'ensemble de la décision entrée en force relative, par exemple, à la conformité au droit ou à la pertinence de celle-ci (voir par ex. arrêts 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 3.2.2 et 5G_1/2008 du 17 novembre 2008 consid. 1.1; PIERRE FERRARI, Commentaire de la LTF, 2009, n. 4 s. ad art. 129 LTF).
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2.2. |
2.2.1. Dans le dispositif de son arrêt du 1
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Au considérant 9 de son jugement, l'autorité cantonale de recours a examiné les rapports des 17 septembre 2012 et 15 mars 2013 du docteur B.________. Elle a retenu que même s'ils avaient été établis postérieurement à la décision litigieuse (du 4 septembre 2012), le médecin y avait fait état d'une aggravation survenue depuis l'expertise du docteur C.________ du 21 juillet 2010 (sur laquelle s'était fondé l'office AI pour nier à l'assuré tout droit à des prestations de l'assurance-invalidité, en fonction d'une capacité de travail entière dans une activité sédentaire adaptée à son état de santé). Elle a relevé que le docteur B.________ n'avait cependant considéré que l'aggravation alléguée engendrait une incapacité de travail de 60 %, dans une activité adaptée, que dans son rapport du 15 mars 2013, alors qu'il avait jusque-là indiqué un taux de 60 % d'incapacité de travail dans l'activité antérieurement exercée. Le médecin n'avait par ailleurs fait état de certaines limitations qu'à partir du moment où l'assuré avait contesté le projet de décision de l'administration du 22 juin 2012.
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Les juges cantonaux en ont déduit que les conclusions du docteur C.________ restaient dès lors applicables en l'état, aucun élément ne permettant de les remettre en cause. Ils ont ajouté que: "Demeure cependant réservée la question d'une éventuelle aggravation de l'état de santé. Cette question devra faire l'objet d'une instruction complémentaire par l'OAI, auquel la cause sera renvoyée". Procédant ensuite (consid. 10) à l'évaluation du taux d'invalidité présenté par le recourant (en mettant en évidence un revenu sans invalidité inférieur au revenu après invalidité), la juridiction cantonale a constaté que l'assuré présentait en l'état un degré d'invalidité insuffisant pour ouvrir le droit à des mesures de réadaptation professionnelle ou à une rente d'invalidité. Aussi, le recours ne pouvait-il être que rejeté.
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2.2.2. Dans l'arrêt entrepris, l'autorité cantonale de recours a rejeté la demande d'interprétation de l'administration. Elle a considéré que le renvoi de la cause à celle-ci pour instruction complémentaire était justifié au regard d'une aggravation de l'état de santé de l'assuré dont avait fait état un rapport médical du docteur B.________. Cet avis médical avait certes été établi postérieurement à la décision administrative litigieuse, mais était destiné à prouver un fait survenu antérieurement à celle-ci. Il n'y avait dès lors pas lieu, dans le cadre d'une demande en interprétation, de motiver ou d'expliquer davantage le renvoi ordonné.
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2.3. Il ressort en l'occurrence du ch. 2 du dispositif du jugement du 1
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En formulant ensuite une décision de renvoi de la cause à l'office AI (ch. 3 du dispositif), l'autorité cantonale introduit une certaine contradiction avec le rejet du recours (et, partant, la confirmation implicite de la décision du 4 septembre 2012). En fonction des considérants auxquels se réfère le dispositif de l'arrêt cantonal, on peut cependant comprendre qu'elle voulait limiter l'instruction de la cause ordonnée à la période postérieure à la décision du 4 septembre 2012. Les premiers juges ont en effet constaté, après avoir discuté des rapports du docteur B.________ des 17 septembre 2012 et 15 mars 2013, que les conclusions du docteur C.________ restaient applicables en l'état, aucun élément ne permettant de les remettre en cause. On rappellera, à cet égard, que le cadre temporel sur lequel porte l'examen du juge quant à la légalité de la décision attaquée s'étend jusqu'au moment où la décision administrative litigieuse a été rendue (in casu, le 4 septembre 2012), les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, devant en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 132 V 215 consid. 3.1.1. p. 220; 121 V 362 consid. 1b p. 366 et les références). Dès lors que la juridiction cantonale constatait qu'"en l'état", les conclusions du docteur C.________ restaient valables - et n'étaient donc pas remises en cause par un autre élément du dossier, en particulier les rapports du docteur B.________ -, l'instruction complémentaire évoquée ensuite ne pouvait concerner que des faits postérieurs au 4 septembre 2012.
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Dans un second temps, l'autorité cantonale de recours a toutefois indiqué dans les considérants de l'arrêt en interprétation du 10 décembre 2013 que les rapports du docteur B.________ constituaient des moyens de preuve destinés à prouver un fait survenu antérieurement à la décision litigieuse. Cette considération semble indiquer que les premiers juges entendaient faire porter l'instruction complémentaire de l'office AI sur la période antérieure au 4 septembre 2012. Or, si tel était le sens à donner au considérant du jugement du 1 er octobre 2013 sur la nécessité d'une instruction complémentaire (consid. 9 in fine), les ch. 2 et 3 de son dispositif entreraient en contradiction l'un avec l'autre.
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Dans ces circonstances, on constate qu'à la lecture des deux jugements cantonaux, le recourant est confronté à une première décision dont le dispositif est équivoque, voire même contradictoire, alors que la seconde décision ajoute encore à la confusion. Aux termes de ces jugements, on ne sait en effet pas à partir de quel moment l'office AI doit examiner la survenance d'une éventuelle aggravation de l'état de santé de l'assuré, singulièrement s'il doit inclure des faits antérieurs à la décision du 4 septembre 2012 (ce qui suppose que celle-ci ne puisse pas être maintenue) ou postérieurs à celle-ci (ce qui suppose que le dossier de l'assuré soit transmis à l'administration pour qu'elle examine la survenance éventuelle de nouveaux faits déterminants à partir de cette date). Le Tribunal fédéral ne saurait maintenir un tel résultat contradictoire, qui repose sur une mauvaise application du droit cantonal constitutive d'arbitraire et conduisant à une violation du droit fédéral (art. 9 Cst.). Il convient par conséquent d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu'ils procèdent à l'interprétation de leur décision du 1 er octobre 2013, en application de la réglementation cantonale en matière d'interprétation, et reformulent ainsi clairement leur volonté.
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Les conclusions principales du recours sont, partant, bien fondées, étant précisé que les conclusions subsidiaires sont irrecevables, à défaut déjà d'être motivées conformément aux exigences de l'art. 42 LTF.
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3. Vu l'issue de la procédure, les frais de justice y afférents sont mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant ne peut prétendre de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 10 décembre 2013 est annulée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 20 mai 2014
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : La Greffière :
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Kernen Moser-Szeless
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