BGer 5A_102/2014
 
BGer 5A_102/2014 vom 22.05.2014
{T 0/2}
5A_102/2014
 
Arrêt du 22 mai 2014
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière: Mme Bonvin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________ AG,
intimée.
Objet
mainlevée provisoire de l'opposition (restitution de délai),
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 13 décembre 2013.
 
Faits:
A. Par jugement du 9 novembre 2012, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A.________ contre le commandement de payer, poursuite n° xxxx, que lui avait fait notifier B.________ AG.
B. Le 10 juin 2013, le poursuivi a requis de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre civile) que le délai de recours lui soit restitué et, cela fait, que le jugement du 9 novembre 2012 soit annulé ou, subsidiairement, que la cause soit renvoyée au Tribunal de première instance pour nouvelle audience, instruction et décision. Statuant le 13 décembre 2013, la Chambre civile a rejeté cette requête.
C. Par acte du 3 février 2014, le poursuivi exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et à ce qu' " ordre [soit] donné à la Cour de Justice de [lui] impartir un délai pour s'expliquer, d'une part, sur l'identité de la personne ayant reçu la convocation à l'audience du 9 novembre 2012 ainsi que le jugement prononcé le même jour et, d'autre part, sur les moyens libératoires dont [il] dispose dans le cadre de la poursuite xxxx ".Il requiert également l'assistance judiciaire pour les frais de la procédure fédérale.
Des observations n'ont pas été requises.
 
Considérant en droit:
 
1.
1.1. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). La décision entreprise, qui refuse la restitution du délai pour recourir contre un jugement de mainlevée provisoire, est une décision finale (art. 90 LTF; cf. arrêt 5A_253/2013 du 12 août 2013 consid. 1.1 à propos d'un refus de restitution du délai pour demander la motivation d'une décision) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF), de nature pécuniaire (cf. arrêt 5A_253/2013 précité), dont la valeur litigieuse atteint largement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recourant, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 et 2 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable.
1.2. Le recours en matière civile des art. 72 ss LTF étant une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF), le recourant ne peut, en principe, se borner à demander l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'instance cantonale; il doit également, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait exception à cette règle que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 382; 133 III 489 consid. 3.1 p. 489 s.).
En l'occurrence, cette exception est réalisée dans la mesure où le recourant, invoquant la violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), reproche en substance aux juges précédents de ne pas lui avoir offert la possibilité de s'expliquer sur différents éléments qu'il juge pertinents pour l'issue du litige. L'admission de ce grief impliquerait nécessairement l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Les conclusions cassatoires du recourant sont donc exceptionnellement admissibles.
2. Il ressort de l'arrêt entrepris que, selon le suivi des envois de La Poste, le pli recommandé contenant la convocation à l'audience de mainlevée du 9 novembre 2012 a été distribué au guichet de la poste le 23 octobre 2012, et que celui contenant le jugement du 9 novembre 2012 l'a été le 3 décembre 2012. Par arrêt de la Chambre civile du 17 octobre 2013, le recourant a été invité à se prononcer, dans un délai de 10 jours, sur les faits qui précèdent. Il ne s'est toutefois pas exprimé dans le délai imparti.
Selon l'autorité cantonale, qui se réfère à l'attestation médicale produite par l'intéressé, celui-ci s'est trouvé en incapacité de travail complète à compter du 7 décembre 2012; tant la notification de la convocation à l'audience que celle du jugement du 9 novembre 2012 sont antérieures à cette date. La cour cantonale a également retenu que le recourant n'a pas allégué, ni rendu vraisemblable, qu'il aurait été victime avant cette date d'une maladie " subite ", ni qu'il aurait été empêché de mettre en place, avant son hospitalisation et nonobstant sa dépression, une organisation permettant de recevoir ses courriers et assurer un suivi de ses affaires. Au demeurant, le fait que les plis recommandés précités ont été dûment délivrés à l'intéressé ou à une personne autorisée tend à démontrer qu'une telle organisation avait bel et bien été mise en place. Pour ces motifs, l'autorité cantonale a considéré que les conditions d'une restitution de délai au sens de l'art. 148 al. 1 CPC n'étaient pas réunies.
 
3.
3.1. Le recourant affirme que son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC) a été violé, dans la mesure où il n'aurait " pas été autorisé à démontrer que les personnes ayant pris réception de la convocation, d'une part, et du jugement, d'autre part, ne sont pas des personnes qu'[il] connai[t] ". Il ressort également de ses conclusions que l'autorité cantonale aurait dû l'entendre sur les moyens libératoires qu'il souhaite invoquer pour démontrer que la créance réclamée par l'intimée est éteinte.
Le grief de violation du droit d'être entendu, qui touche à la violation d'une garantie procédurale de nature formelle, doit être examiné en premier (ATF 137 I 195 consid. 2.2).
3.2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que, par arrêt du 17 octobre 2013, dont le recourant ne prétend pas qu'il ne l'aurait pas reçu, la Chambre civile a expressément fourni au recourant la possibilité de s'exprimer sur les faits relatifs à la notification de la convocation et du jugement, l'intéressé s'étant toutefois abstenu de se déterminer dans le délai imparti. Dans ces conditions, le recourant ne saurait invoquer une violation de son droit d'être entendu. Par ailleurs, en tant qu'il soutient que son droit d'être entendu a été violé pour le motif qu'il n'aurait pas pu faire valoir ses moyens libératoires, le recourant ne peut être suivi, puisqu'il s'agit d'éléments qui n'étaient pas pertinents pour l'issue du litige (cf. infra consid. 5; ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270).
4. Le recourant critique les constatations de fait de l'arrêt entrepris. Selon lui, la convocation à l'audience de mainlevée de même que le jugement du 9 novembre 2012 ne lui ont pas été notifiés personnellement, ni à l'un de ses familiers, ni à une personne vivant à son domicile, mais à une personne qu'il ne connaît pas. Il soutient au surplus que, contrairement à ce qui a été retenu, lorsque les plis ont été retirés, il était déjà gravement atteint dans sa santé.
4.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 III 268 consid. 1.2 p. 278), doit démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2 p. 246).
Les faits et moyens de preuve nouveaux sont prohibés (art. 99 al. 1 LTF); il n'y a exception à cette règle que lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve, ce qu'il appartient au recourant de démontrer (ATF 133 III 393 consid. 3 p. 395).
4.2. En l'occurrence, en tant qu'il prétend que les notifications litigieuses auraient été faites en mains d'une personne qui lui est inconnue, le recourant se contente d'exposer sa propre version des faits, sans démontrer que ceux-ci auraient été établis d'une manière manifestement inexacte (cf. supra consid. 4.1), de sorte que sa critique est irrecevable. Au demeurant, sur ce point, le recourant présente des faits nouveaux, dont il ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, qu'ils seraient admissibles au regard de l'art. 99 al. 1 LTF (cf. supra consid. 4.1). Enfin, s'agissant de son état de santé, les allégations du recourant ne sont, quoi qu'il en soit, pas de nature à démontrer qu'il était arbitraire de se fonder sur le certificat médical qu'il a produit pour établir le début de son incapacité de travail; le contenu de ce certificat n'est au surplus pas contesté. Au demeurant, le recourant ne conteste pas qu'il n'a pas rendu vraisemblable avoir été empêché de mettre en place, avant son hospitalisation, une organisation permettant de recevoir son courrier, pas plus qu'il n'expose que les éléments pris en compte ne seraient pas pertinents et que, partant, l'art. 148 CPC aurait été violé. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ces questions (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2 p. 88 ss).
5. Le recourant affirme enfin qu'il dispose de moyens libératoires aptes à démontrer l'extinction de la créance que lui réclame l'intimée. Quand bien même cette allégation serait fondée, il faut relever qu'elle concerne le fond du litige; elle est dénuée de pertinence aux fins de la présente affaire, qui n'a trait qu'à la restitution du délai de recours. Par conséquent, le grief est rejeté.
6. Pour ces motifs, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il en va de même de la requête d'assistance judiciaire, les conclusions du recourant étant d'emblée dépourvues de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 22 mai 2014
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: von Werdt
La Greffière: Bonvin