Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
2C_1066/2013
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Arrêt du 27 mai 2014
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
Donzallaz et Kneubühler.
Greffier: M. Tissot-Daguette.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
tous deux représentés par Me Michel Lambelet, avocat,
recourants,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève.
Objet
Révision des impôts cantonal et communal 2001 à 2009,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, en section, du 28 août 2013.
Faits:
A.
A.A.________ et B.A.________ sont domiciliés à C.________, dans le canton de Genève. Les taxations fiscales de ces contribuables pour les années 2001 à 2009 sont entrées en force.
Le 18 janvier 2011, les époux A.________ ont déposé une demande de révision des décisions de taxation des impôts cantonal et communal pour les périodes fiscales 2001 à 2009 auprès de l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après: Administration fiscale cantonale). Cette dernière avait, selon eux, appliqué indûment l'art. 14 al. 1 let. a 2
e phrase de l'ancienne loi genevoise du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (aLIPP-V; D 3 16) et non pas l'art. 2 du règlement du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève (ci-après: Conseil d'Etat) du 1er décembre 2010 concernant la déduction en cas d'activité des 2 conjoints pour les périodes fiscales 2001 à 2009 (RDAC - 2001-2009; D 3 08 07).
Le 21 mars 2011, l'Administration fiscale cantonale a rejeté la demande de révision. Elle a constaté que le RDAC - 2001-2009 était une mesure d'exécution de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2010 du 15 novembre 2010 et que ce règlement ne déployait pas d'effet pour les décisions de taxation rendues entre 2001 et 2008. L'illégalité de l'art. 14 al. 1 let. a 2
e phrase aLIPP-V aurait pu et aurait dû être invoquée par le biais des voies ordinaires de la réclamation et du recours contre les taxations en cause. L'exigence de fait nouveau important n'était par conséquent pas remplie, aucune violation de règles essentielles de procédure n'était intervenue lors des taxations en cause et l'existence d'un crime ou délit n'avait pas été constatée par une autorité compétente.
Le 14 avril 2011, les époux A.________ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après : Tribunal administratif de première instance) contre la décision précitée.
Par décision du 23 janvier 2012, communiquée aux parties le 6 février 2012, le Tribunal administratif de première instance a rejeté le recours formé par les époux A.________, considérant qu'aucun motif de révision n'était réalisé.
Le 6 mars 2012, ceux-ci ont recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: Cour de justice) contre le jugement du 23 janvier 2012. Ils ont conclu à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de première instance, à ce que leur demande de révision soit admise et à ce que l'Administration fiscale cantonale émette de nouveaux bordereaux conformes au droit.
B.
Par arrêt du 28 août 2013, la Cour de justice a rejeté le recours des intéressés. Elle a en particulier considéré que l'adoption par le Conseil d'Etat genevois du RDAC - 2001-2009 ne constituait pas un fait nouveau pouvant mener à une révision des décisions de taxation que les intéressés auraient dû contester dans le cadre d'une procédure ordinaire. Les griefs d'inégalité de traitement, d'abus d'autorité, d'abus de droit, de violation du principe de la bonne foi, d'arbitraire et de formalisme excessif étaient rejetés. L'Administration fiscale cantonale avait appliqué le droit tel qu'il était alors en vigueur et de la même manière pour tous les contribuables. Avant l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2010 du 15 novembre 2010, qui confirmait l'incompatibilité de l'art. 14 al. 1 let. a 2
e phrase aLIPP-V avec les exigences de l'art. 9 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14), l'autorité n'avait aucune obligation de modifier la législation en vigueur. Il ne lui appartenait pas d'en constater l'inconstitutionnalité ni de refuser de l'appliquer. Il n'était donc pas arbitraire de refuser d'appliquer le RDAC - 2001-2009 aux déclarations fiscales des intéressés, car celles-ci étaient entrées en force et aucun motif de révision n'était donné.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les intéressés demandent en substance au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 28 août 2013 et de renvoyer la cause au Département des finances genevois pour que celui-ci émette de nouveaux bordereaux en application de l'art. 2 RDAC - 2001-2009. Ils se plaignent de l'établissement inexact des faits, de la violation des art. 50 et 51 LHID , de déni de justice, de la violation de leur droit d'être entendus, de la violation du principe de la bonne foi, d'inégalité de traitement, de violation de l'interdiction de l'arbitraire et de formalisme excessif.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration fiscale cantonale et l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
1.1. Le recours est dirigé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (cf. art. 82 lettre a LTF) par une autorité supérieure de dernière instance cantonale (cf. art. 86 al. 1 lettre d et al. 2 LTF) qui n'est pas concernée par les exceptions de l'art. 83 LTF. Déposé dans le délai et la forme prévus par la loi (cf. art. 42 et 100 al. 1 LTF ) par les destinataires de l'arrêt attaqué qui ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), le recours est donc en principe recevable. La voie du recours en matière de droit public est également ouverte en vertu de l'art. 73 al. 1 LHID, puisque le recours porte sur la modification des décisions entrées en force de l'impôt cantonal et communal des périodes 2001 à 2009 régies par l'art. 51 LHID (sur le rapport entre l'art. 73 al. 1 LHID et la loi sur le Tribunal fédéral, cf. ATF 134 II 186 consid. 1.3 p. 189).
Dans la mesure où les recourants demandent le renvoi de la cause au fisc pour nouvelle décision, leurs conclusions ont un caractère réformatoire. Le Tribunal fédéral a toutefois jugé que de telles conclusions sont recevables, car l'art. 73 al. 3 LHID doit céder le pas devant l'art. 107 al. 2 LTF, qui confère au Tribunal fédéral un pouvoir général de réforme quel que soit le recours interjeté devant lui (cf. ATF 134 II 207 consid. 1 p. 209).
1.2. Les conclusions et griefs dirigés contre d'autres décisions d'autres instances que l'arrêt attaqué sont irrecevables en raison de l'effet dévolutif du recours auprès de la Cour de justice et au vu de l'exigence d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 86 al. 1 let. d LTF). Ainsi, les griefs de déni de justice, de violation du droit d'être entendu, de violation de la bonne foi, d'interdiction de l'arbitraire et de formalisme excessif (mémoire p. 12, 13, 20, 22 et 23), tous dirigés contre la décision de l'Administration fiscale cantonale, sont irrecevables (cf. arrêt 2C_449/2013 du 21 février 2014 consid. 1.3 et les arrêts cités).
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 50 LHID. Toutefois, le Tribunal fédéral ne voit pas en quoi l'art. 50 LHID aurait été mal appliqué par l'instance précédente. Les recourants ne l'expliquent par ailleurs pas.
2.
La présente cause fait suite à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2010 du 15 novembre 2010. Dans cette décision, le Tribunal fédéral avait considéré que l'art. 14 al. 1 let. a 2
e phrase aLIPP-V, qui disposait que le rabais d'impôt comprenait un montant déterminant de base pour chacun des époux vivant en ménage commun et que le montant en question était augmenté de 3'640 fr. (montant en vigueur en 2005 pour les contribuables dont les revenus bruts du couple dépassaient 52'000 fr.) pour les époux vivant en ménage commun et exerçant tous deux une activité lucrative, était incompatible avec les exigences de l'art. 9 LHID. Le Tribunal fédéral avait en substance relevé que la déduction pour double activité des conjoints n'était pas considérée comme une déduction sociale relevant de la compétence tarifaire des cantons, mais comme une déduction sociopolitique. Elle ne se référait pas au statut social du contribuable, mais à des frais effectifs qu'engendre la double activité des conjoints. Le message du Conseil fédéral relatif à la loi d'harmonisation fiscale excluait expressément le mécanisme d'une déduction fixe appliquée au montant de l'impôt lui-même.
A la suite de cet arrêt, le Conseil d'Etat a édicté le RDAC - 2001-2009. A teneur de l'art. 1 RDAC - 2001-2009, l'article 14 al. 1 let. a 2
e phrase aLIPP-V n'est plus appliqué. L'art. 2 RDAC - 2001-2009 dispose nouvellement que lorsque les époux vivent en ménage commun, il est déduit du produit du travail le plus bas qu'obtient l'un des conjoints pour une activité indépendante de la profession, du commerce ou de l'entreprise de l'autre, et à concurrence de ce produit, un montant s'élevant à: a) 5'000 fr. pour les périodes fiscales 2001 à 2004; b) 5'200 fr. pour les périodes fiscales 2005 à 2008; c) 5'500 fr. pour la période 2009 (al. 1). Une déduction analogue est accordée lorsque l'un des conjoints seconde l'autre de manière importante dans sa profession, son commerce ou son entreprise (al. 2). En outre, à l'art. 3 RDAC - 2001-2009, le Conseil d'Etat a fixé l'entrée en vigueur du règlement au lendemain de sa publication dans la Feuille d'avis officielle, c'est-à-dire, en l'occurrence, au 9 décembre 2010.
3.
3.1. Conformément à l'art. 51 LHID, l'art. 55 de la loi genevoise du 4 octobre 2001 de procédure fiscale (LPFisc; D 3 17), dont la teneur est identique, prévoit qu'une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b), lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc). La demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 56 LPFisc). La révision d'une décision ou d'un prononcé est de la compétence de l'autorité qui a rendu cette décision ou ce prononcé (art. 57 al. 1 LPFisc).
3.2. Lorsque, comme en l'espèce, la disposition de droit fiscal fédéral est semblable à celle du droit harmonisé il y a lieu, en vue d'une harmonisation verticale (voir à ce sujet ATF 130 II 65 consid. 5.2 p. 71 ss; arrêt 2C_620/2012 précité, consid. 3.3), d'interpréter cette dernière de la même manière que celle relative à l'impôt fédéral direct, dont elle reprend la teneur. Selon une jurisprudence constante en relation avec l'impôt fédéral direct, le Tribunal fédéral, dans l'intérêt de la sécurité du droit, refuse de corriger des décisions de taxation entrées en force pour d'autres motifs que ceux énumérés à l'art. 147 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11). Cette jurisprudence vaut également pour l'art. 51 LHID (arrêt 2A.710/2006 du 23 mai 2007 consid. 3.3 et les références citées).
3.3. La procédure de révision au sens des art. 51 LHID et 55 LPFisc vise à corriger des erreurs procédurales ou de fait, non pas à prendre en considération un autre point de vue juridique qui se serait développé dans l'intervalle. Par conséquent, une nouvelle appréciation juridique de l'état de fait, une nouvelle jurisprudence ou la modification d'une jurisprudence existante ne constituent pas des cas de révision (cf. arrêt 2A.710/2006 du 23 mai 2007 consid. 3.2 et les arrêts cités). Au demeurant, il n'y a pas d'inégalité de traitement lorsque survient une modification de pratique ou un changement de jurisprudence (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3
e édition 2013, n. 1078). Une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (ATF 135 II 78 consid. 3.2 p. 85; 132 II 153 consid. 5.1 p. 159; 122 I 57 consid. 3c/bb p. 59 s.). Pour la sécurité du droit, il ne saurait être question d'application rétroactive automatique aux décisions entrées en force. En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (cf. arrêt 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1 et les arrêts cités).
4.
Les recourants dénoncent une violation de l'art. 51 LHID ainsi que de l'art. 55 LPFisc. Ils soutiennent que l'instance précédente aurait dû admettre une révision des décisions de taxation 2001 à 2009. Cependant, leurs arguments sont fondés sur l'existence d'éléments qui, comme on l'a vu précédemment, ne sont pas susceptibles de créer un cas de révision. Il ne saurait être question de faits nouveaux lors d'un changement de jurisprudence tel que celui intervenu avec l'arrêt du Tribunal fédéral du 15 novembre 2010, pas plus que d'un cas d'inégalité de traitement qui constituerait une violation d'une règle essentielle de procédure. Par ailleurs, l'Administration fiscale cantonale se devait d'appliquer le droit qui était alors en vigueur. Il n'existe dès lors pas de violation des art. 55 LPFisc et 51 LHID, comme l'avait retenu à juste titre la Cour de justice. Il n'existe pas non plus de cas de révision facilitée puisque la jurisprudence du Tribunal fédéral exclut ce type de révision (cf. consid. 3.2 ci-dessus). Le recours, sur ce point, doit donc être rejeté.
5.
Invoquant encore l'art. 97 al. 1 LTF, les recourants soutiennent que c'est de manière arbitraire que la Cour de justice n'a retenu que certains éléments de fait contenus dans leur mémoire de recours.
Or, pour autant que leurs griefs à ce propos constituent effectivement des contestations relatives à l'établissement de faits et non pas à l'application de droit, comme la question de l'égalité de traitement entre les contribuables, il faut relever qu'au vu des considérants qui précèdent, et contrairement à l'avis des recourants, les faits qu'ils avancent, comme l'existence d'un rapport d'expert par exemple, ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause. Les conditions de l'art. 97 al. 1 LTF ne sont donc pas réunies et les griefs y relatifs doivent être rejetés.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Succombant, les recourants doivent supporter un émolument judiciaire, solidairement entre eux ( art. 65 et 66 al. 1 et 5 LTF ). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 27 mai 2014
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Zünd
Le Greffier: Tissot-Daguette