BGer 6B_1242/2013
 
BGer 6B_1242/2013 vom 17.07.2014
{T 0/2}
6B_1242/2013
 
Arrêt du 17 juillet 2014
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Denys et Rüedi.
Greffière: Mme Livet.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Agrippino Renda, avocat,
recourant,
contre
1.  Ministère public de la République et canton de Genève,
2. A.________ SA,
3. B.________,
toutes les 2 représentées par Me Serge Rouvinet,
intimés.
Objet
Escroquerie, in dubio pro reo ; droit d'être entendu,
Objet
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève du 4 novembre 2013.
 
Faits:
A. Par jugement du 7 février 2013, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné X.________ et C.________ pour escroquerie, respectivement à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 30 fr. et 90 jours-amende à 30 fr., sous déduction de la détention subie avant jugement, avec sursis pendant trois ans et a mis un tiers des frais à la charge de chacun.
B. Par arrêt du 4 novembre 2013, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté les appels formés par X.________ et C.________.
En bref, il en ressort les éléments suivants.
En 2005 et 2006, X.________ était administrateur et actionnaire des sociétés D.________ SA et E.________ SA, actives, puis dormantes selon les périodes, dans le domaine de l'organisation de tournois de poker à l'étranger. En substance, il lui est reproché d'avoir engagé différentes personnes à des salaires sans commune mesure avec leurs activités réelles et ne correspondant pas aux salaires réellement perçus et d'avoir ensuite faussement annoncé divers cas d'incapacité de travail, pour lui-même, son épouse C.________ ou d'autres employés, auprès des assurances pertes de gains percevant ainsi, pour lui-même ou pour ses employés, des indemnités indues.
C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et qu'une indemnité lui est allouée conformément à sa requête du 24 septembre 2013. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris. Il requiert par ailleurs l'assistance judiciaire.
Invités à déposer des observations sur le recours, A.________ SA, B.________ et la cour cantonale y ont renoncé, cette dernière se référant aux considérants de son arrêt. Le Ministère public a conclu à son rejet. X.________ s'est déterminé sur ces écritures par courrier du 23 juin 2014, lequel a été communiqué à titre de renseignements à A.________ SA, B.________, la cour cantonale et au Ministère public le 26 juin 2014.
 
Considérant en droit:
1. Le recourant prétend que la cour cantonale a violé la présomption d'innocence, le principe in dubio pro reo et son droit d'être entendu.
1.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 10 CPP, 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées).
1.1.1. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de l'intéressé. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond condamne l'accusé au motif que son innocence n'est pas établie, s'il a tenu la culpabilité pour établie uniquement parce que le prévenu n'a pas apporté les preuves qui auraient permis de lever les doutes quant à son innocence ou à sa culpabilité ou encore s'il a condamné l'accusé au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (cf. ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88, 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Cela étant, le juge du fond ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37).
1.1.2. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).
1.1.3. Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont été violés en tant que règles sur le fardeau de la preuve. Il examine uniquement sous l'angle de l'arbitraire la question de savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle de l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88). Sous peine d'irrecevabilité, l'arbitraire allégué doit être démontré conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).
1.2. Selon l'art. 112 al. 1 let. b LTF, les décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral doivent indiquer « les motifs déterminants de fait et de droit » sur lesquels l'autorité s'est fondée. Si la décision attaquée ne satisfait pas à ces exigences, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l'autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l'annuler (art. 112 al. 3 LTF). Cette disposition concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 par. 1 CEDH) dont la jurisprudence a déduit le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt 6B_101/2011 du 14 février 2012 consid. 3.1).
1.3. En vertu de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 p. 213 s.).
2. En substance, la cour cantonale a retenu que le nombre important d'arrêts de travail prescrits, leur proximité temporelle, l'opacité du système mis en place et la démesure des salaires des collaborateurs ne laissaient planer aucun doute sur la culpabilité du recourant. Celui-ci, son épouse et les autres collaborateurs des sociétés D.________ SA et E.________ SA s'étaient vu prescrire entre le mois d'août 2005 et le mois de septembre 2006 pas moins de dix-neuf arrêts de travail, alors que les sociétés avaient compté en tout et pour tout six collaborateurs, travaillant à des moments différents pour les deux sociétés. Un cercle restreint de cinq médecins avait été consulté. Il n'était pas impossible que certains arrêts de travail prescrits soient légitimes. Toutefois, il n'était pas crédible que la majorité ait une raison médicale suffisante eu égard au rapprochement temporel entre les entrées en service et les demandes d'indemnisation pour arrêt de travail.
S'agissant du dommage, la cour cantonale a estimé que le préjudice subi par les assureurs était important. Le montant des indemnités versées était admis par toutes les parties. Bien qu'il ne fût pas établi que le dommage était égal à toutes les compensations versées, il était plus probable qu'il s'en approche.
2.1. La motivation cantonale n'est pas conforme à l'art. 112 LTF. Elle ne permet pas de savoir dans quel cas, c'est-à-dire pour quel (s) employé (s) et pour quel (s) arrêt (s) de travail, elle a estimé qu'il y avait tromperie. En l'occurrence, pour qu'il y ait tromperie, il faut soit que l'arrêt de travail annoncé à l'assurance ait été injustifié, voire partiellement injustifié dans le pourcentage d'incapacité de travail ou dans la durée, soit que le salaire annoncé n'ait pas correspondu au salaire perçu par les employés. Or, la cour cantonale ne distingue pas les différents cas ayant fait l'objet de la feuille d'envoi du 20 novembre 2009 et dont elle était encore saisie. En retenant qu'il n'était pas impossible que certains arrêts de travail soient légitimes, la cour cantonale semble vouloir exclure certains cas. On ignore lesquels. Son appréciation pourrait ainsi procéder d'une violation du principe in dubio pro reo dès lors que la cour pourrait avoir condamné le recourant pour des faits pour lesquels elle éprouvait un doute. Ainsi, l'arrêt cantonal doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle examine pour quels cas de la feuille d'envoi du 20 novembre 2009, dont elle est encore saisie à la suite du jugement de première instance, les éléments constitutifs de l'escroquerie sont réalisés. Il en va de même s'agissant de l'établissement du dommage. La cour cantonale devra établir, pour chacun des cas, le montant du dommage qui devra correspondre à l'enrichissement du recourant ou du tiers en faveur de qui il a agi.
2.2. Au vu du sort du recours, les autres griefs du recourant deviennent sans objet.
3. Le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64 al. 2 LTF). Les intimées A.________ SA et B.________ ne s'étant pas déterminées, il n'y a pas lieu de leur faire supporter des frais et des dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le canton de Genève versera au conseil du recourant une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4. La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 17 juillet 2014
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Mathys
La Greffière: Livet