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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1B_231/2014
Arrêt du 8 août 2014
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
Karlen et Chaix.
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Jacques Emery, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Refus de nomination d'un avocat d'office,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 27 mai 2014.
Faits :
A.
Le 24 février 2014, le Ministère public du canton de Genève a rendu une ordonnance pénale à l'encontre du ressortissant mauritanien A.________: d'une part, il l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr; RS 142.20) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours; d'autre part, il l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup; RS 812.121) et l'a condamné à une amende de 100 fr. En outre, le Procureur a révoqué le sursis qu'il avait accordé le 8 mai 2013 à la peine de 120 jours-amende à 30 fr. le jour pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr et contravention à la LStup.
En temps utile, A.________ a formé opposition à cette ordonnance et demandé que Me Jacques Emery lui soit désigné comme défenseur d'office. Par ordonnance du 31 mars 2014, le Procureur a refusé de nommer un avocat d'office. Le 3 avril suivant, il a décidé de maintenir son ordonnance pénale et a transmis la procédure à l'autorité de jugement.
Saisie par A.________, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours dirigé contre le refus de désignation d'un défenseur d'office par arrêt du 27 mai 2014. Elle a estimé que l'affaire ne présentait pas de difficulté nécessitant le concours d'un défenseur.
B.
A.________ recourt auprès du Tribunal fédéral. A titre principal, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 27 mai 2014, requérant l'octroi de l'assistance judiciaire et la désignation de Me Jacques Emery en qualité de défenseur d'office. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour accorder l'assistance judiciaire et nommer son conseil en qualité de défenseur d'office.
La cour cantonale renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de sa décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire gratuite est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office est susceptible de causer au prévenu un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338 et les références).
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
2.
Le recourant, dont l'indigence n'est pas mise en doute, prétend que les conditions posées à l'octroi d'un avocat d'office, au sens de l'art. 132 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0), sont réunies. Il expose que la cause présente, sur le plan des faits et du droit, des difficultés que seul un avocat peut résoudre.
2.1. En dehors des cas de défense obligatoire, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet à deux conditions le droit à l'assistance d'un défenseur d'office: le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance. Cette seconde condition s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP).
La cour cantonale a retenu que le cas n'est, en l'espèce, pas de peu de gravité au sens de l'art. 132 al. 3 CPP. Dès lors, la seule question encore litigieuse est celle relative à la complexité de l'affaire en fait et en droit (art. 132 al. 2 in fine CPP). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose ainsi de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi - qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes - ferait ou non appel à un avocat. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte de la personne du requérant, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire et de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées).
2.2. La difficulté de la cause, telle qu'alléguée par le recourant, est liée à l'application de l'art. 115 al. 1 let. b LEtr.
A teneur de cette disposition, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé. Le Tribunal fédéral a précisé que cette disposition doit être interprétée conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en rapport avec la directive du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 16 décembre 2008 sur le retour: en d'autres termes, pour être applicables, les dispositions pénales nationales - telles que l'art. 115 LEtr - supposent que les autorités administratives ont entrepris toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour mais que la procédure de retour a échoué en raison du comportement de l'intéressé (arrêt 6B_173/2013 du 19 août 2013 consid. 1.4). Il ressort aussi de la jurisprudence européenne que les ressortissants de pays tiers ayant, outre le délit de séjour irrégulier, commis un ou plusieurs autres délits, peuvent être soustraits au champ d'application de la directive précitée sur le retour: en application de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a ainsi statué que la directive n'est pas applicable à un ressortissant libyen qui, en plus du séjour irrégulier, est condamné pour infraction aux art. 19a LStup et 286 CP (arrêt 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 3.2).
2.3. La cour cantonale a estimé qu'il ne se posait dans la présente procédure qu'une "pure question de fait"; selon elle, il s'agissait uniquement de déterminer si la procédure administrative de renvoi du recourant avait été menée à son terme sans succès et si le recourant demeurait sur le territoire suisse sans motif justifié de non-retour.
Comme le relève le recourant, la procédure ne contient à ce stade aucun élément relatif à la question de savoir si des mesures administratives ont été prises à l'encontre du prévenu en vue d'exécuter une éventuelle décision d'expulsion du territoire suisse. A fortiori, on ignore si l'intéressé s'est opposé à une telle mesure. Sur le plan juridique, la question de savoir si la directive européenne sur le retour s'oppose à une condamnation pour infraction à l'art. 115 LEtr n'a pas été abordée. Au vu de la jurisprudence fédérale citée ci-dessus, cette question présente objectivement des difficultés que le recourant, dénué de toute formation juridique, n'est pas en mesure de surmonter seul.
En considérant que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire à la défense du prévenu, la cour cantonale a donc violé l'art. 132 al. 2 CPP.
3.
Le recours doit par conséquent être admis. L'arrêt du 27 mai 2014 est annulé. Le Tribunal fédéral statue lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF) et désigne Me Jacques Emery comme avocat d'office pour la procédure pénale ouverte contre A.________.
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure cantonale et fédérale, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 et 5 LTF). Dans ces conditions, sa demande d'assistance judiciaire pour la présente procédure est sans objet. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Me Jacques Emery est désigné comme avocat d'office pour la procédure pénale ouverte contre A.________.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de 2'500 francs est allouée au mandataire du recourant, à titre de dépens pour la procédure cantonale et fédérale, à charge de l'Etat de Genève.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 8 août 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : La Greffière :
Merkli Arn