Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_306/2014
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Arrêt du 3septembre 2014
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les juges Klett, présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Thélin.
Participants à la procédure
chimiste cantonal du canton du Valais,
demandeur et recourant,
contre
X.________ SA, représentée par Me Daniel Udry,
défenderesse et intimée.
Objet
action en modification d'une raison de commerce
recours contre le jugement rendu le 15 avril 2014 par la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Considérant en fait et en droit :
1.
Le 3 mars 2014, la société U.________ SA, à Sion, a modifié ses statuts sur divers points, notamment pour adopter la raison sociale X.________ SA; cette mutation a été inscrite sur le registre du commerce du Valais central et publiée le 7 du même mois dans la Feuille officielle suisse du commerce.
2.
Le 7 avril 2014, le chimiste cantonal du canton du Valais a saisi le Tribunal cantonal d'une « opposition à l'inscription d'une raison de commerce selon l'art. 162 ORC ». Le tribunal était requis de « constater le caractère illicite de l'inscription ''X.________ SA'' », d'annuler cette inscription, d'impartir à la société un bref délai pour modifier sa raison sociale, et d'inviter le préposé au registre du commerce à « prendre les mesures appropriées ».
Le chimiste cantonal exposait qu'au mois d'août 2013, il était intervenu par une décision administrative afin d'interdire la commercialisation de vins sous une appellation « X.________ » qui était contraire à la législation sur les denrées alimentaires. La nouvelle raison de commerce X.________ SA était destinée à éluder cette interdiction; elle apparaissait donc trompeuse et nuisible à l'intérêt public, et par conséquent inadmissible au regard de l'art. 944 al. 1 CO.
Le chimiste cantonal tenait le Tribunal cantonal pour compétent au regard de l'art. 162 al. 5 de l'ordonnance sur le registre du commerce (ORC), selon lequel l'opposant à une inscription déjà opérée est renvoyé à agir devant le tribunal, et de l'art. 5 al. 1 let. c CPC selon lequel un tribunal statuant en instance cantonale unique connaît des litiges portant sur l'usage d'une raison de commerce.
Par lettre du 15 avril 2014, sous la signature de l'un de ses membres, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal a déclaré la demande irrecevable. La Cour retient que la sauvegarde de l'intérêt public en cause, soit la protection du public contre une raison de commerce éventuellement trompeuse, incombe exclusivement aux autorités chargées de la tenue du registre du commerce, et que le chimiste cantonal n'a donc pas qualité pour agir en justice.
3.
Agissant par la voie du « recours en matière de droit privé », le chimiste cantonal requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du 15 avril 2014 et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
L'intimée X.________ SA conclut au rejet du recours.
Les parties ont spontanément déposé une réplique et une duplique.
4.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites. En particulier, quoique sous la forme d'une simple lettre, le Tribunal cantonal a rendu une décision finale (art. 90 LTF), et le recours en matière civile peut être exercé sans égard à la valeur litigieuse dans les contestations où une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique, telles celles relatives à l'usage d'une raison de commerce (art. 5 al. 1 let. c CPC, 74 al. 2 let. b LTF).
5.
Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement, sur chacune des prétentions en cause, qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable (ATF 136 III 365 consid. 2.1 p. 367; 126 III 59 consid. 1a p. 63; 125 III 82 consid. 1a p. 83). Parce que cette double exigence a trait au rapport juridique invoqué à l'appui de la prétention, l'action doit être rejetée si ladite exigence n'est pas satisfaite; contrairement au jugement dont est recours, il ne s'agit pas d'une condition de recevabilité de la demande en justice (mêmes arrêts; voir aussi Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, n° 447 p. 100; Simon Zingg, in Commentaire bernois, n° 171 ad art. 59 CPC).
Dans divers domaines, le droit civil prévoit que des autorités ou collectivités publiques sont habilitées à agir en justice pour imposer aux particuliers le respect des règles établies (exemples: action en dissolution d'une association, art. 78 CC; action en annulation d'un mariage, art. 106 al. 1 CC; actions en matière de concurrence déloyale, art. 10 al. 3 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale). Or, aucune disposition ne prévoit que les cantons ou leurs autorités puissent user de l'action judiciaire en vue de mettre fin à une violation de l'art. 944 al. 1 CO relatif à la formation des raisons de commerce. L'action prévue par l'art. 956 al. 2 CO peut notamment tendre à faire interdire l'usage d'une raison de commerce; elle n'appartient cependant pas à l'autorité étatique mais seulement au titulaire d'une autre raison de commerce, lésé dans son droit à l'usage exclusif de cette raison-ci (ATF 73 II 180 consid. 2 p. 181; 72 II 1 consid. 1 p. 3; Pierre-Alain Killias, La mise en oeuvre de la protection des signes distinctifs, 2002, nos 78 p. 31 et 156 p. 55).
La IIe Cour civile du Tribunal cantonal retient donc à bon droit que le chimiste cantonal n'a pas qualité pour rechercher la société X.________ SA devant les tribunaux civils.
6.
Les art. 940 al. 1 CO et 28 ORC prévoient un contrôle préalable, par l'office du registre du commerce et au regard des conditions légales, de toute inscription demandée sur ce registre; l'office doit ainsi refuser, notamment, l'inscription de raisons de commerce prohibées par les art. 944 al. 1 CO et 26 ORC parce que trompeuses ou contraires à l'intérêt public. S'il advient qu'une inscription illicite échappe à ce contrôle et soit néanmoins opérée, l'office doit ouvrir une procédure administrative sur la base de l'art. 152 al. 1 let. b ORC, tendant à la suppression ou à la rectification forcée de cette inscription. Cette dernière règle vise en effet, parmi d'autres cas, une « inscription [qui] ne correspond pas [...] aux prescriptions juridiques ». Dans sa teneur antérieure à la révision générale de 2007, l'ordonnance prévoyait avec davantage de clarté que les inscriptions opérées « au mépris » des exigences légales devaient être assainies par la voie administrative (art. 38 al. 2 aORC; RS 2 p. 672, 681; ATF 65 I 269 consid. 3 p. 274).
Chacun peut dénoncer une irrégularité à l'office du registre du commerce en vue de provoquer la suppression ou la rectification d'une inscription (ATF 130 III 707 consid. 2 p. 709); toutefois, un particulier n'a en principe pas qualité pour recourir si l'office refuse de donner suite à sa démarche (ATF 101 Ib 212; 84 I 83 consid. 2 p. 85). Le dénonciateur qui se prétend lésé dans ses droits privés doit agir devant le juge civil; pour sa protection, l'art. 162 ORC prévoit seulement le blocage provisionnel du registre à l'encontre d'une inscription non encore opérée au registre journalier. C'est pourquoi l'art. 162 al. 5 ORC, invoqué par le chimiste cantonal dans sa demande en justice, prévoit que l'opposant à une inscription déjà opérée doit être renvoyé à saisir le tribunal.
Les autorités administratives peuvent elles aussi dénoncer des irrégularités à l'office du registre du commerce; s'il y a lieu, celui-ci donne suite à leur intervention et fait modifier ou supprimer la raison de commerce nuisible à l'intérêt public et donc contraire à l'art. 944 al. 1 CO (démarche du chimiste cantonal bernois: ATF 117 II 192; autres exemples: ATF 105 II 135; 100 Ib 29; arrêt A.531/1983 du 24 janvier 1984, RSPI 1986 II 293). L'office est alors tenu de donner suite à une dénonciation fondée; à la différence du particulier qui se prétend lésé dans ses droits privés, l'autorité administrative dénonciatrice ne doit pas et elle ne peut pas être renvoyée à agir devant le juge civil (ATF 65 I 269 consid. 2 p. 273). Comme on l'a vu, cette autorité n'aurait d'ailleurs pas qualité pour intenter une action judiciaire.
A l'appui du recours en matière civile, le chimiste cantonal valaisan se réfère erronément à l'arrêt ATF 65 I 269 ci-mentionné. Contrairement à son argumentation, il n'en ressort pas que l'autorité administrative ait qualité pour agir en justice sur la base de l'art. 944 al. 1 CO, mais plutôt qu'elle peut, afin d'obtenir le respect de cette disposition légale, mettre en oeuvre la voie administrative en s'adressant à l'office du registre du commerce. Il ressort également de l'arrêt qu'au regard de la législation alors en vigueur, l'autorité dénonciatrice avait au besoin qualité pour recourir au Tribunal fédéral (ATF 65 I 269 consid. 1 p. 271). Il n'est pas nécessaire d'examiner en l'état, au regard du droit actuel, si un droit de recours devrait être reconnu au chimiste cantonal pour la sauvegarde de l'intérêt public.
7.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. Le canton du Valais, dont le chimiste cantonal est une autorité, est dispensé de l'émolument judiciaire; il doit acquitter les dépens auxquels l'intimée peut prétendre.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Le canton du Valais versera une indemnité de 2'000 fr. à l'intimée, à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 3 septembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente : Le greffier :
Klett Thélin