Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
9C_448/2014
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Arrêt du 4 septembre 2014
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Glanzmann et Parrino.
Greffier : M. Berthoud.
Participants à la procédure
1. A.________,
2.
Procap Suisse,
toutes les deux représentées par M
e Caroline Ledermann,
recourantes,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, Avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 1er mai 2014.
Faits :
A.
A.________ s'est annoncée à l'assurance-invalidité le 2 décembre 2008, invoquant des affections d'ordre psychique. Par décision du 9 novembre 2010, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) lui a alloué une rente entière d'invalidité pour la période s'étendant du 1
er août au 30 novembre 2008. Saisie d'un recours de l'assurée, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a renvoyé le dossier à l'office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision, par jugement du 18 avril 2011.
L'office AI a confié un mandat d'expertise psychiatrique à la doctoresse B.________. Dans son rapport du 16 décembre 2011, elle a attesté une incapacité de travail de 100 % de début 2008 à août 2008, de 50 % de septembre à octobre 2008, de 0 % de novembre 2008 à juillet 2010, de 100 % d'août à 2010 à mars 2011 (troubles mixtes de la personnalité décompensée et symptômes dépressifs sévères), de 50 % d'avril à août 2011 (épisode dépressif moyen), puis de 25 % dès août 2011 (personnalité mal compensée).
Dans un avis médical du 19 janvier 2012, le docteur D.________, médecin au SMR, s'est rallié aux conclusions de l'experte psychiatre. Par ailleurs, compte tenu d'un traitement oncologique en cours (le diagnostic d'adénocarcinome rectal avait été posé en mai 2011), le docteur D.________ a retenu une incapacité totale de travail sur le plan somatique depuis mai 2011 pour une durée indéterminée, en préconisant de solliciter des informations médicales sur le suivi de ce traitement dès juillet 2012. Par lettre du 25 janvier 2012, l'office AI a fait savoir à A.________ que l'examen de son dossier était en cours en raison de la nouvelle atteinte à la santé à instruire, laquelle entraînait un nouveau délai de carence dès mai 2011. Le 22 février 2012, l'office AI s'est référé à l'aggravation de l'état de santé, survenue en mai 2011, justifiant une incapacité de travail depuis ce moment. Par lettre du 6 mars 2012, l'assurée a demandé de procéder d'ores et déjà à une nouvelle appréciation globale de son état de santé, à teneur du jugement du 18 avril 2011, en réactualisant ses données médicales, de façon à ce que les atteintes à la santé psychique et somatique fussent prises en considération. A plusieurs reprises, l'assurée s'est enquise auprès de l'office AI de l'état d'avancement de la procédure, en versant plusieurs attestations médicales au dossier. L'office AI a rappelé à l'assurée qu'il devait poursuivre ses investigations médicales dès lors que la situation oncologique n'était pas stabilisée et qu'elle était susceptible de modifier son appréciation de la capacité de travail (lettre du 5 octobre 2012). L'assurée a rétorqué qu'une évolution future de la situation oncologique devrait faire l'objet d'une procédure de révision (lettre du 17 octobre 2012). A diverses reprises, l'office AI a requis des informations d'ordre médical (voir notamment une demande de renseignement adressée auprès de la clinique E.________ le 22 février 2013, ainsi qu'une autre demande envoyée à l'Hôpital F.________ le 4 juin 2013). Par lettres des 27 août et 24 septembre 2013, l'assurée a enjoint l'office AI de rendre une décision statuant sur son droit aux prestations.
B.
Sous pli déposé le 1
er octobre 2013, A.________ a formé un recours pour déni de justice. Elle a invité la Cour des assurances du Tribunal cantonal, avec suite de frais et dépens, à impartir un bref délai à l'office AI pour rendre une décision formelle.
Par décisions du 6 décembre 2013, qui faisaient suite à un projet de décision du 9 octobre 2013, l'office AI a alloué une rente entière d'invalidité à A.________ du 1
er août au 30 novembre 2008, puis à partir du 1
er août 2010.
Dans ses déterminations, l'assurée a observé que son recours du 1
er octobre 2013 était devenu sans objet et a conclu à l'allocation de dépens. L'office AI a conclu au rejet des conclusions en dépens.
Par jugement du 1
er mai 2014, la juridiction cantonale a déclaré le recours sans objet (ch. I du dispositif), rayé la cause du rôle (ch. II) et dit que le prononcé était rendu sans frais ni dépens (ch. III).
C.
A.________ et l'association Procap Suisse (Procap) interjettent conjointement un recours en matière de droit public ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire contre ce jugement dont elles demandent l'annulation, avec suite de frais et dépens; elles concluent à ce qu'il soit constaté que l'office AI a commis un déni de justice et, partant, à ce qu'une indemnité de dépens soit allouée à Procap pour la procédure cantonale, le dossier étant renvoyé à la juridiction cantonale afin qu'elle fixe le montant de l'indemnité de dépens.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public réalise les conditions de recevabilité posées par les art. 82 à 85 LTF. Partant, en raison de son caractère subsidiaire, le recours constitutionnel n'est pas recevable (art. 113 LTF).
2.
Procap soutient que les prestations de son service juridique sont en partie refinancées par les indemnités de dépens octroyées et que ses interventions judiciaires ne sont pas subventionnées. Dès lors que son but statutaire est la défense des intérêts de ses membres, Procap estime être touchée de manière idéale par le jugement du 1
er mai 2014 et avoir qualité pour recourir en son nom contre celui-ci, en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF.
Ce point de vue ne saurait être partagé. Comme Procap n'a pas pris part à la procédure devant l'autorité précédente et n'a pas été privée de la possibilité de le faire, elle ne remplit pas la condition de l'art. 89 al. 1 let. a LTF ( FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la LTF, 2
e éd., § 4.1.2 ad art. 89). Au demeurant, à teneur du texte de la procuration du 24 novembre 2010, A.________ avait mandaté Maîtres Franziska Lüthy et Caroline Ledermann (et non Procap) pour la représenter dans l'affaire "LAI", auxquelles elle avait cédé toute prétention en remboursement de frais et dépens. Le recours de Procap est ainsi irrecevable.
A.________ était partie à la procédure devant la juridiction cantonale de recours. Comme elle seule pourrait être créancière d'une éventuelle indemnité de dépens si l'existence d'un retard injustifié était admise, la question de l'assistance judiciaire ne se posant pas, elle a seule qualité pour recourir contre le jugement du 1
er mai 2014 conformément à l'art. 89 al. 1 let. a, b et c LTF.
3.
A.________ a saisi la Cour des assurances du Tribunal cantonal du canton de Vaud d'un recours pour déni de justice, en vertu de l'art. 56 al. 2 LGPA, au motif que l'office intimé tardait à statuer. Dès lors que l'intimé a rendu une décision, le recours est devenu sans objet, si bien que la cause a été rayée du rôle. Le litige porte ainsi uniquement sur le droit de la recourante à des dépens pour la procédure cantonale de recours qu'elle a initiée, à charge de l'intimé. Des dépens sont dus, en principe, si le grief d'un retard injustifié est avéré, ce qu'il sied d'examiner.
4.
4.1. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause et, entre autres critères, sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'assuré ainsi que le comportement de celui-ci et des autorités intimées. A cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques "temps morts", celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 p. 331 s. et les références).
Selon l'art. 56 al. 2 LPGA, le recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décisions sur opposition. Cette disposition vise le refus de statuer et le retard à statuer d'un assureur ou d'une autorité administrative. Il y a retard injustifié de la part de l'autorité lorsqu'elle diffère sa décision au-delà de tout délai raisonnable. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause. Il faut notamment prendre en considération l'ampleur et la difficulté de celle-ci, ainsi que le comportement du justiciable, mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 125 V 191 consid. 2a). Sur ce point, la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur de la loi demeure applicable, la LPGA n'ayant apporté aucune modification à la notion du déni de justice (cf. KIESER, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, ch. 10, 13 et 14 ad art. 56).
4.2. A titre d'exemple, dans une affaire où il s'était écoulé moins de six mois entre la requête de l'assuré à l'office AI et sa plainte pour déni de justice, et moins de neuf mois jusqu'aux nouvelles décisions administratives, la jurisprudence a admis que l'administration n'avait pas violé le principe de la célérité ni statué avec un retard injustifié (arrêt du 15 juin 2005, I 241/04).
L'existence d'un retard injustifié a également été niée dans l'arrêt 5A.8/2000 du 6 novembre 2000. Dans cette affaire, il s'était écoulé environ quinze mois entre le moment où l'assurée avait requis la prise en charge de son reclassement professionnel et la décision de la Caisse suisse de compensation. Pendant ce laps de temps, cette autorité avait procédé à une trentaine d'interventions, qui s'étaient échelonnées à un rythme soutenu d'une à plusieurs mesures par mois (envoi de questionnaires, production de pièces, consultation du dossier de l'assurance accident, soumission du cas au médecin-conseil, examen de divers problèmes: capacité résiduelle, comparaison des revenus, éventuel droit à une rente). La cause revêtait en outre une certaine complexité en raison de la nationalité et du domicile de l'assurée ainsi que de l'application d'une convention internationale de sécurité sociale. Le Tribunal fédéral avait rappelé que l'exigence de célérité ne pouvait l'emporter sur la nécessité d'une instruction complète (ATF 119 Ib 311 consid. 5b p. 325). Il avait considéré que, tout au plus, on aurait pu reprocher à la Caisse de compensation d'avoir mené ses investigations de façon peu systématique. Il était ainsi étonnant qu'il ait fallu cinq mois pour constituer un dossier complet à l'intention du médecin-conseil. Une étude préalable et approfondie du cas aurait permis d'éviter les démarches ultérieures en complément d'informations et production de radiographies et, partant, de gagner un certain temps. Ces atermoiements n'avaient cependant, à ce stade, pas retardé de façon intolérable la procédure, ce d'autant plus qu'ils étaient en partie imputables à l'assurée.
5.
En l'occurrence, la juridiction cantonale a considéré qu'en l'absence de carence dans l'instruction au plan de l'administration, le retard à statuer devait s'apprécier non pas depuis la date du dépôt de la demande de prestations, respectivement depuis la date d'ouverture du droit à la rente, mais depuis le moment où l'office intimé était en mesure de statuer, soit dans les semaines qui avaient suivi la réception de l'avis du SMR du 19 janvier 2012. Compte tenu des circonstances, la Cour des assurances a admis que l'intervalle d'environ vingt mois qui subsistait jusqu'au dépôt du recours (le 1
er octobre 2013) était encore admissible, ce qui l'a conduite à nier le droit de la recourante à une allocation de dépens.
6.
La recourante se plaint d'une violation des art. 5 al. 3 Cst. et 29 al. 1 Cst. ainsi que de la jurisprudence rendue en application de cette dernière disposition constitutionnelle, ainsi que d'une violation des art. 17 et 61 let . g LPGA. A son avis, la juridiction cantonale a considéré à tort qu'un intervalle d'environ vingt mois entre la réception de l'avis du SMR du 19 janvier 2012 et le dépôt de son recours pour déni de justice était en l'espèce encore admissible. Elle soutient que la seule chose qui restait à faire depuis le 19 janvier 2012 était d'établir un projet de décision, puisque toute l'instruction avait déjà été effectuée. La recourante estime que le seul motif invoqué par l'intimé pour surseoir à statuer, soit le fait d'attendre une stabilisation de l'état de santé, ne peut en aucun cas être reconnu comme une raison valable pour différer la décision.
7.
L'attitude de la recourante est contradictoire. Elle se plaint du fait que l'intimé aurait retardé sa prise de décision en instruisant inutilement le volet oncologique, alors qu'elle lui avait elle-même demandé, le 6 mars 2012, qu'il fût procédé à une nouvelle appréciation globale de son état de santé, à teneur du jugement du 18 avril 2011, en réactualisant ses données médicales de façon à ce que les atteintes à la santé psychique et somatique fussent prises en considération.
Par ailleurs, il sied de rappeler que l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (art. 43 al. 1 LPGA). Si l'assuré peut certes refuser de se soumettre à des examens médicaux ou techniques qui ne sont pas nécessaires ou qui ne peuvent raisonnablement être exigés (art. 43 al. 2 LPGA), il ne saurait en revanche dicter à l'administration la façon dont elle doit instruire le cas, c'est-à-dire lui indiquer les actes d'instruction qu'elle doit accomplir ou ceux dont elle doit s'abstenir.
Dans le cas d'espèce, les investigations mises en oeuvre par l'intimé n'apparaissaient pas superflues au point de constituer un déni de justice, d'autant que l'intimé a finalement pu rendre une décision en toute connaissance de cause. De plus, l'intimé a activement mené son instruction, ainsi que cela ressort des rapports médicaux régulièrement versés au dossier jusqu'au dépôt du recours pour déni de justice. Le grief de retard injustifié est infondé.
8.
Les recourantes, qui succombent, supporteront les frais de la procédure ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours de Procap Suisse est irrecevable.
3.
Le recours de A.________ est rejeté.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge des parties.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 4 septembre 2014
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kernen
Le Greffier : Berthoud