Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_122/2014
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Arrêt du 16 décembre 2014
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière : Mme Monti.
Participants à la procédure
F.________ SA, représentée par
Me Gérald Mouquin,
recourante,
contre
C.________ société coopérative, représentée par Me Dominique Brandt,
intimée,
D.________ SA, représentée par Me Baptiste Rusconi,
B.________ SA en liquidation, représentée par Me Henri Baudraz,
A.________ SA,
Objet
contrat d'assurance,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 12 août 2013 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Faits :
A.
A.a. La commune de Lausanne était propriétaire de la parcelle xxx située à la rue ... à Lausanne. La société B.________ SA, désormais en liquidation, était propriétaire de la parcelle contiguë yyy, sur laquelle était édifié un bâtiment d'habitation.
En 1993, la commune a proposé à C.________ société coopérative d'ériger des logements subventionnés sur sa parcelle. Ladite société (ci-après: la constructrice) a accepté. En janvier 1995, celle-ci a signé un contrat d'architecte global avec A.________ SA (ci-après: l'atelier d'architecture). En octobre 1995, elle a conclu un contrat d'ingénieur avec D.________ SA; cette entité (ci-après: le bureau d'ingénieurs) était notamment chargée de diriger les travaux préparatoires et de terrassement.
Un rapport réalisé en juillet 1996 par le bureau d'études géotechniques E.________ SA a mis en évidence une couche de limon sableux et graveleux d'origine morainique, à quelque 11 mètres de profondeur; la molasse sous-jacente était arrivée à cet emplacement par une instabilité probablement très ancienne. Le bureau d'études préconisait diverses mesures de sécurisation en relation avec les travaux projetés. En particulier, il recommandait la pose d'ancrages avant le début des terrassements pour assurer la stabilité des murs de soutènement des bâtiments existants sur les parcelles voisines.
Par acte notarié du 7 janvier 1997, la commune a octroyé à la constructrice un droit de superficie à titre de droit distinct et permanent pour une durée maximale de 99 ans, moyennant redevance. La commune déclarait n'assumer aucune garantie quant à la nature du sol (art. 14 al. 3 du contrat).
A.b. La constructrice a conclu une assurance pour la responsabilité civile du maître d'ouvrage prenant effet le 14 janvier 1997. La partie cocontractante était G.________, laquelle a ultérieurement été reprise par F.________ SA (ci-après: la compagnie d'assurance). Le contrat renvoyait aux conditions générales d'assurance (CGA). L'art. 5 let. d CGA excluait de l'assurance les prétentions fondées sur une responsabilité contractuelle excédant les prescriptions légales. Selon l'art. 7 CGA, l'assureur devait payer les indemnités dues lors de prétentions justifiées et contester les réclamations injustifiées. Ses prestations incluaient notamment les intérêts du dommage, les frais d'expertise, d'avocat et de justice et les dépens à la partie adverse; elles étaient limitées par la somme d'assurance prévue par la police. En l'occurrence, la limite a été fixée à 2 millions de francs, après déduction d'une franchise de 5'000 fr.
A.c. Les travaux d'excavation ont débuté le 12 février 1997. Les 2 et 3 mars 1997, des fissures sont apparues sur les bâtiments voisins de la fouille, dont celui appartenant à B.________ SA. Les travaux de terrassement ont été interrompus le 4 mars 1997. Le 7 mars 1997, les fissures se sont encore élargies. Un remblayage d'urgence (1'500 m3 de terre) a dû être exécuté.
La couche de terre qui stabilisait l'ancienne masse de glissement située sous le bâtiment propriété de B.________ SA a été déblayée sans être remplacée par un dispositif d'ancrages. L'ancienne masse de glissement a recommencé à se déplacer, tout d'abord lentement durant le mois de février 1997, puis brusquement les 2 et 3 mars 1997. Le bâtiment situé sur cette parcelle yyy s'est progressivement dégradé, au point que ses occupants ont dû être évacués en juillet 1997; il était devenu inhabitable. Sa solidité était moindre et sa durabilité diminuée. La meilleure solution était de le détruire et d'en reconstruire un nouveau, ce qui a été fait. La cause directe de ce glissement de terrain est due à l'absence de sécurisation préalable des travaux d'excavation.
A.d. Par télécopie du 8 août 1997, la compagnie d'assurance a fait savoir à la constructrice assurée qu'elle estimait grossièrement le dommage à 3,5 millions de francs. Elle a assumé divers frais concernant notamment des travaux destinés à éviter l'effondrement du terrain, des indemnités pour les locataires de l'immeuble sinistré et des expertises privées. Au total, elle a versé 674'650 fr. 50.
Le 14 mai 1998, la compagnie d'assurance a écrit à la constructrice qu'elle refusait de prendre en charge le sinistre et l'invitait à rembourser les prestations déjà versées. Elle expliquait que le terrain semblait être une des causes importantes du dommage et que la constructrice, en acceptant d'exonérer la commune de toute responsabilité quant à la nature du sol (art. 14 al. 3 du contrat de superficie), avait assumé un risque qui ne lui incombait pas légalement; or, l'art. 5 let. d CGA excluait de l'assurance les prétentions fondées sur une responsabilité contractuelle excédant les prescriptions légales.
B.
B.a. Le 19 août 1998, B.________ SA (ci-après: la propriétaire lésée) a ouvert action contre la constructrice et la commune devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle concluait à ce que les deux défenderesses soient solidairement condamnées à lui payer 3'970'000 fr. plus intérêts. La constructrice a appelé en cause la compagnie d'assurance, l'atelier d'architecture, le bureau d'ingénieurs et le bureau d'études géotechniques.
Par jugement du 19 mai 2011, la Cour civile a condamné la constructrice à payer à la propriétaire lésée la somme totale de 3'017'825 fr., intérêts en sus. Elle a considéré que la constructrice, comme titulaire du droit de superficie, répondait seule des immissions excessives causées par les travaux d'excavation ayant conduit à endommager le bâtiment de la demanderesse ( art. 679 et 684 CC ). Quant à la compagnie d'assurance, elle devait couvrir la constructrice en raison du contrat d'assurance responsabilité civile. L'art. 5 let. d CGA, qui excluait la prise en charge des prétentions contractuelles dépassant les obligations légales, était inapplicable en l'espèce; en effet, la responsabilité de la constructrice pour le dommage causé aux immeubles voisins découlait d'une prescription légale, plus précisément de l'interprétation donnée à l'art. 679 CC par le Tribunal fédéral. Au demeurant, la cause du dommage subi par la propriétaire lésée résultait non pas de la nature du sol, mais du fait d'avoir excavé sans sécurisation préalable.
La compagnie d'assurance devait payer la somme assurée maximale, soit 2 millions de francs, dont à déduire une franchise de 5'000 fr. et la somme déjà versée (674'650 fr. 50). Elle se trouvait dans un rapport de solidarité imparfaite avec le bureau d'ingénieurs et l'atelier d'architecture, qui avaient enfreint leurs obligations de mandataires. En bref, elle devait être condamnée, solidairement avec ces deux débiteurs, à relever la constructrice de tout montant versé à la propriétaire lésée, à concurrence de 1'320'349 fr. 50 plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er octobre 1997.
B.b. La compagnie d'assurance et trois autres parties ont déféré ce jugement à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal, laquelle a rendu son arrêt le 12 août 2013. Seul l'appel de la compagnie d'assurance a été partiellement admis, le point de départ de l'intérêt étant fixé au 14 mai 1998 au lieu du 1er octobre 1997.
C.
La compagnie d'assurance saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile. Elle requiert la réforme de l'arrêt sur appel, en ce sens que le montant (1'320'349 fr. 50) à concurrence duquel elle doit relever la constructrice pour les versements en faveur de la propriétaire lésée porte intérêts à 5 % l'an "dès le jour où cette prestation d'assurance sera devenue exigible", et non pas dès le 14 mai 1998 comme le retient la Cour d'appel.
La constructrice assurée conclut au rejet du recours, tout comme la propriétaire lésée, qui a déposé une réponse spontanée. Le bureau d'ingénieurs et l'atelier d'architecture n'ont déposé aucune écriture dans le délai qui leur avait été imparti. L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
Deux autres recours ont été déposés contre l'arrêt sur appel, l'un par la constructrice (4A_126/2014), l'autre par l'atelier d'architecture (4A_128/2014).
Par ordonnances du 13 juin 2014, la Présidente de la cour de céans a octroyé l'effet suspensif aux trois recours.
Considérant en droit :
1.
En appel, le litige portait sur le montant de la créance de l'assurée et sur le point de départ de l'intérêt y relatif. La valeur litigieuse concernant le capital excédait 30'000 fr., tout comme celle afférente à l'intérêt. La recevabilité du recours est de toute façon acquise (art. 74 al. 1 let. b LTF). Peut rester indécise la question de savoir ce qu'il serait advenu si le litige sur le capital avait été inférieur à 30'000 fr. (cf. Annette Dolge, in Bundesgerichtsgesetz, Praxiskommentar, 2e éd. 2013, n° 17 ad art. 51 LTF, pour qui le montant du litige sur le capital semble déterminant en raison de l'art. 51 al. 3 LTF).
2.
Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF). Il apprécie librement la portée juridique des faits sans être lié par l'argumentation des parties, ni par la motivation retenue dans l'arrêt attaqué. Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation que pose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 115 consid. 2; 134 III 102 consid. 1.1; 133 II 249 consid. 1.4.1).
3.
3.1. La recourante, soit la compagnie d'assurance, reproche à la Cour d'appel d'avoir alloué un intérêt moratoire sur la créance de l'assurée alors même que cette prétention ne serait pas encore née, ni exigible. Dans le cas d'une assurance RC, le droit d'être indemnisé par l'assureur naîtrait seulement lorsque l'assuré est condamné par un jugement définitif et exécutoire à dédommager le tiers lésé; la recourante se prévaut à cet égard de la jurisprudence concernant la notion de "fait d'où naît l'obligation", au sens de l'art. 46 LCA qui régit la prescription. La prestation de l'assureur ne serait exigible que quatre semaines après le jugement définitif, conformément au délai prévu à l'art. 41 al. 1 LCA concernant l'exigibilité de la prétention; l'intérêt moratoire pourrait commencer à courir dès ce moment au plus tôt. L'assurée ne saurait nier sa responsabilité en justice pendant 16 ans et bénéficier d'une rente d'intérêt sur l'indemnité qu'elle aurait pu toucher de suite si elle avait d'emblée reconnu sa responsabilité. La recourante précise encore ne pas contester le montant de la créance en capital dans l'hypothèse où la responsabilité civile de l'assurée serait confirmée par un jugement définitif.
3.2. L'intimée plaide l'irrecevabilité du grief. Elle reproche à la compagnie d'assurance de développer pour la première fois une argumentation juridique détaillée au sujet du point de départ de l'intérêt, alors qu'elle n'avait jusque-là jamais invoqué les art. 41 et 46 LCA .
En réalité, le grief de la recourante est bel et bien recevable. Contrairement à ce qu'affirme l'intimée, l'art. 99 LTF ne prohibe pas l'introduction d'arguments juridiques nouveaux, sauf si cela implique un complètement de l'administration des preuves et de l'état de fait (ATF 136 V 362 consid. 4.1; 134 III 643 consid. 5.3.2), hypothèse non réalisée en l'occurrence. En appel, la recourante avait déjà contesté devoir un intérêt. La cour cantonale a réfuté cette thèse en se référant à l'art. 41 al. 1 LCA. Le grief ayant été rejeté, rien ne s'opposait à ce que la recourante étoffe son argumentation juridique.
3.3. A ce stade, il est acquis que la constructrice assurée peut tout au plus prétendre à un intérêt moratoire (art. 104 CO) sur sa créance de 1'320'349 fr. 50, à l'exclusion d'un intérêt compensatoire (sur ces deux types d'intérêt, cf. par ex. ATF 131 III 12 consid. 9.1; 130 III 591 consid. 4; 122 III 53 consid. 4a). En effet, l'assurance RC a été plafonnée à 2 millions de fr., montant qui inclut les "intérêts du dommage" selon l'art. 7 CGA, c'est-à-dire l'intérêt compensatoire. Or, selon les constatations de l'autorité précédente, ce plafond était déjà atteint le 1er octobre 1997, puisqu'en date du 8 août 1997, la compagnie d'assurance estimait le dommage à 3,5 millions de fr.; il était ainsi exclu d'allouer un intérêt compensatoire une fois ce plafond atteint.
3.4.
3.4.1. Le créancier a droit à un intérêt moratoire de 5 % l'an lorsque le débiteur est en demeure de payer une somme d'argent (art. 104 al. 1 CO). Pour qu'il y ait demeure, il faut que l'obligation soit exigible, qu'elle n'ait pas été exécutée, que l'exécution soit encore possible et que le créancier ait interpellé le débiteur, sauf cas spéciaux (art. 102 CO). La jurisprudence admet, par application analogique de l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation est superflue lorsque le débiteur manifeste clairement qu'il ne s'exécutera pas (ATF 97 II 58 consid. 5).
Selon les règles générales du Code des obligations, l'obligation est exigible dès qu'elle a pris naissance; les parties peuvent toutefois convenir d'un terme ultérieur (art. 75 CO). L'exigibilité de l'obligation fait partir le délai de prescription (art. 130 al. 1 CO).
3.4.2. La loi sur le contrat d'assurance (LCA - RS 221.229.1) contient une réglementation spéciale en matière d'exigibilité et de prescription.
Selon l'art. 41 LCA, la créance qui résulte du contrat d'assurance est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention (al. 1). Est nulle la clause prévoyant que la prétention n'est échue qu'après avoir été reconnue par l'assureur ou constatée par un jugement définitif (al. 2).
L'art. 46 al. 1 LCA énonce que les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans
à dater du fait d'où naît l'obligation (
nach Eintritt der Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet; dal fatto su cui è fondata l'obbligazione ).
L'exigibilité de la créance ne joue ici aucun rôle sur le point de départ de la prescription. En effet, dans la LCA, l'exigibilité dépend des renseignements donnés par l'assuré, et le législateur ne voulait pas que celui-ci puisse influer sur le départ de la prescription. A donc été choisi comme moment déterminant le "fait d'où naît l'obligation". La doctrine critique cette notion en raison de son imprécision (cf. ATF 139 III 263 consid. 1.2 p. 265; Jean-Benoît Meuwly, La durée de la couverture d'assurance privée, 1994, p. 223 s.; cf. aussi Roland Brehm, Le contrat d'assurance RC, 1997, n° 763).
Selon la jurisprudence, le droit d'être indemnisé par l'assureur RC commence à se prescrire lorsque l'assuré a été condamné par un jugement définitif et exécutoire - ou par une transaction - à verser des dommages-intérêts au tiers lésé. Il s'agit d'éviter que les prétentions contre l'assureur puissent se prescrire alors que le procès entre l'assuré et le tiers lésé dure encore; il n'est pas souhaitable que l'assuré doive interrompre la prescription en déposant des commandements de payer ou citations en conciliation à l'encontre de l'assureur (ATF 61 II 197 spéc. p. 199; plus récemment, arrêt 4A_645/2010 du 23 février 2011 consid. 2.2, rés. in JdT 2012 II 135; ATF 127 III 268 consid. 2b; 126 III 278 consid. 7a p. 279).
3.4.3. Il s'avère que l'art. 46 LCA, dont la recourante voudrait se prévaloir, définit le point de départ de la prescription. Il ne dit pas quand naît la créance contre l'assureur RC, ni quand elle devient exigible, cette dernière question relevant de l'art. 41 LCA. Même si la terminologie peut être source de confusion, la notion de "fait d'où naît l'obligation", qui marque le départ de la prescription, ne coïncide pas nécessairement avec la naissance de l'obligation de l'assureur. C'est donc à tort que la recourante invoque la jurisprudence relative à l'art. 46 LCA, jurisprudence qui, en matière d'assurance RC, a dû repousser le plus loin possible le départ de la prescription, en raison des caractéristiques de ce type d'assurance.
3.5. Selon l'arrêt attaqué, la compagnie d'assurance a fait savoir le 8 août 1997 qu'elle chiffrait grossièrement le dommage à 3,5 millions de francs; elle pouvait ainsi constater que le plafond de la couverture d'assurance (2 millions de fr.) était manifestement dépassé. Dans son recours, elle objecte que cet élément ne suffisait pas à faire courir le délai de 4 semaines prévu à l'art. 41 LCA et à rendre la créance d'assurance exigible; encore fallait-il qu'elle puisse se convaincre de la responsabilité civile de la constructrice assurée. Un tel "renseignement", au sens de l'art. 41 LCA, ne pourrait découler que d'un jugement définitif et exécutoire, dès lors que l'assurée elle-même conteste sa responsabilité.
L'argument est inopérant. Les "renseignements" au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré - et de celle du tiers lésé, dans le cadre d'une assurance RC (Brehm, op. cit., nos 512 et 515 s.). La recourante a identifié la cause du dommage dans son courrier du 14 mai 1998; elle a refusé de prendre en charge le sinistre en invoquant indûment l'art. 5 let. d CGA. Dans son mémoire, elle ne développe aucun argument destiné à contester la responsabilité civile de la constructrice (concernant le sort du recours de celle-ci, cf. arrêt 4A_126/2014). Or, lorsque l'assureur conteste à tort son obligation, comme en l'espèce, la créance devient exigible dès ce moment, le délai de réflexion de 4 semaines prévu par l'art. 41 LCA étant privé de sens (Jürg Nef, in Basler Kommentar, 2001, n° 16 ad art. 41 LCA). De même, la demeure est immédiatement réalisée du moment que l'assureur signifie clairement et définitivement qu'il ne s'exécutera pas (Nef, op. cit., n° 20 ad art. 41 LCA et Grolimund/Villard, in Basler Kommentar, Nachführungsband 2012, n° 20 ad art. 41 LCA).
Quant à l'argument selon lequel l'assurée devrait assumer les conséquences financières du retard occasionné par le procès qu'elle a décidé d'engager, il n'est pas fondé. Il ressort de l'art. 19 CGA (cf. art. 105 al. 2 LTF) que la compagnie d'assurance s'est octroyé le droit de gérer le sinistre, de verser l'indemnité directement au lésé sans déduction d'une éventuelle franchise et de conduire le procès civil contre le lésé. En l'occurrence, elle a considéré à tort que l'assurance contractée ne couvrait pas cet événement et a refusé toute prestation, renonçant notamment à assumer la conduite du procès pour le compte de l'assurée. Elle doit supporter les conséquences de son analyse juridique erronée.
3.6. La recourante ne formule pas d'autre argument s'opposant à ce que l'intérêt moratoire coure dès le 14 mai 1998. La cour de céans n'a pas à en rechercher d'office (cf. supra, consid. 2).
4.
En définitive, le recours de la compagnie d'assurance doit être rejeté.
La recourante supportera les frais du présent recours, arrêtés à 12'000 fr. (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée C.________ société coopérative obtient gain de cause; elle a droit à une indemnité de 8'000 fr., fixée dans les limites du tarif, mais en-deçà de la pratique forfaitaire du Tribunal fédéral, eu égard au travail accompli ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ; art. 3 al. 1 et art. 4 du Règlement sur les dépens alloués à la partie adverse - RS 173.110.210.3; sur ladite pratique, cf. Bernard Corboz, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 35 ad art. 68 LTF).
Aucune indemnité de dépens n'est due à la propriétaire lésée, qui n'a pas été invitée à déposer de réponse, faute d'intérêt direct à l'issue du présent litige.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 12'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de dépens de 8'000 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 16 décembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Klett
La Greffière : Monti