BGer 9C_642/2014 |
BGer 9C_642/2014 vom 22.12.2014 |
{T 0/2}
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9C_642/2014
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Arrêt du 22 décembre 2014 |
IIe Cour de droit social |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Kernen, Président, Pfiffner et Glanzmann.
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Greffière : Mme Moser-Szeless.
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Participants à la procédure
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Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
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Avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
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recourant,
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contre
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A.__________,
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intimée.
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Objet
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Assurance-invalidité (rente d'invalidité; révision),
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 3 juillet 2014.
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Faits : |
A. |
A.a. Par décision du 18 avril 2008, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a mis A.__________ au bénéfice d'un quart de rente d'invalidité, fondé sur un degré d'invalidité de 48 %, à partir du 1er juillet 2004. Il a notamment considéré que l'assurée était empêchée à raison de 50 % d'exercer son activité d'employée de maison à l'Hôpital B.__________, en raison avant tout de lombo-pygio-sciatalgies bilatérales prédominant à droite sur troubles dégénératifs étagés; en réduisant à 50 % son activité habituelle (dont elle avait déjà diminué le taux de 100 à 80 % dès février 2001 à cause de douleurs lombaires), l'intéressée exploitait au mieux et selon son choix sa capacité de gain (cf. rapport du Service de réadaptation de l'office AI du 11 avril 2007).
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A.b. Au cours de la procédure de révision initiée par l'office AI le 2 février 2010, A.__________ a indiqué que son état de santé s'aggravait depuis six mois et qu'elle poursuivait son activité lucrative à un taux de 70 %. Selon le docteur C.__________, généraliste et médecin traitant, l'état de sa patiente s'aggravait modérément, alors qu'elle subissait une incapacité de travail de 30 %, médicalement attestée depuis 2006 dans l'activité habituelle. Après avoir recueilli l'avis du docteur D.__________, médecin auprès de son Service médical régional (SMR), du 7 juin 2010 et pris des renseignements auprès de l'employeur de l'assurée (courrier du 30 juillet 2010), l'office AI a informé A.__________ qu'il comptait supprimer son droit au quart de rente (projet de décision du 6 août 2010). L'assurée s'est opposée à la suppression de son droit, en faisant valoir qu'au moment de recevoir la décision d'octroi du quart de rente, elle avait envisagé une nouvelle réduction de son temps de travail, mais que le collaborateur en charge de son dossier auprès de l'office AI avait préconisé à l'attention de son employeur le maintien de l'activité lucrative à 70 %. Elle précisait avoir négocié un avenant à son contrat de travail prévoyant la réduction de son taux d'activité à 50 % dès janvier 2011.
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Le 21 février 2011, l'office AI a rendu une décision par laquelle il a supprimé le droit de l'assurée à un quart de rente à partir du 1er avril 2011. En bref, il a retenu que l'assurée avait été en mesure de poursuivre son activité habituelle à 70 %, de sorte qu'elle présentait un degré d'invalidité de 30 %, insuffisant pour le maintien du droit à une rente.
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B. Saisi d'un recours de A.__________ contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a confié une expertise au Département de chirurgie de l'Hôpital E.__________. Rendant leur rapport le 19 juillet 2012, les docteurs F.__________, G.__________ et I.__________, respectivement médecins adjoints et médecin interne auprès de l'Hôpital E.__________, ont conclu à une capacité de travail de 50 %, avec une diminution de rendement de l'ordre de 20 %, dans l'activité habituelle comme dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites. L'office AI a produit un avis de la doctoresse H.__________, spécialiste en médecine interne et médecine du sport et médecin auprès du SMR, du 5 septembre 2012, qui a été soumis aux experts judiciaires. Ceux-ci ont complété leurs conclusions par un rapport du 22 avril 2013, que l'administration a contesté en versant à la procédure un avis du docteur J.__________, médecin auprès du SMR, du 21 mai 2013.
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Par jugement du 3 juillet 2014, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours; elle a réformé la décision du 21 février 2011 en ce sens que le droit à une demi-rente d'invalidité est reconnue à A.__________ à compter du 1er avril 2011.
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C. L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il demande l'annulation. À titre principal, il conclut à la confirmation de sa décision du 21 février 2011; subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à la juridiction de première instance pour instruction complémentaire et nouveau jugement.
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A.__________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se prononcer.
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Considérant en droit : |
1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire de manière arbitraire et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références).
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2. Le litige porte sur la modification, par la voie de la révision, du droit de la recourante à un quart de rente à partir du 1er avril 2011. Alors que la juridiction cantonale a admis une augmentation à une demi-rente à partir de cette date, l'office AI avait supprimé la prestation à compter de la même date. Le jugement entrepris expose de manière complète les règles légales et les principes jurisprudentiels sur la notion d'invalidité et son évaluation, sur la révision au sens de l'art. 17 LPGA, ainsi que sur la valeur probante des rapports médicaux et le principe de la libre appréciation des preuves. Il suffit d'y renvoyer.
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3. Se fondant sur l'expertise du 19 juillet 2012, complétée le 22 avril 2013, les premiers juges ont constaté que l'assurée disposait "désormais" d'une capacité de travail de 50 % dans toutes activités, avec une probable baisse de rendement consécutive aux restrictions fonctionnelles liées à ses pathologies somatiques. Ils en ont déduit qu'en comparaison des éléments sur lesquels reposait la décision du 18 avril 2008, l'état de santé de l'intimée s'était modifié dans une mesure susceptible d'influer sur ses droits au sens de l'art. 17 LPGA. De plus, la situation financière de l'intimée avait connu une modification puisqu'elle avait requis la réduction de son temps de travail à compter du 1er janvier 2011. Ce changement d'ordre économique justifiait d'autant plus le réexamen des droits de la recourante sous l'angle de l'art. 17 LPGA.
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Évaluant ensuite le taux d'invalidité de l'assurée en fonction de sa situation professionnelle concrète, soit compte tenu du fait qu'elle continuait à travailler pour l'Hôpital B.__________ à 50 %, la juridiction cantonale a fixé à 50 % l'incapacité de gain subie (qui se confondait avec le taux d'incapacité de travail). Aussi a-t-elle admis le droit à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er avril 2011, soit à l'issue d'un délai de trois mois suivant la réduction effective du temps de travail au sens de l'art. 88a al. 2 RAI.
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4. Se plaignant à la fois d'une constatation arbitraire des faits et d'une violation du principe de la libre appréciation des preuves, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir admis une modification de la capacité de travail de l'intimée au 1er janvier 2011 et de ne pas avoir discuté les arguments soulevés à l'encontre d'une hypothétique aggravation des troubles dorsaux, dont la date de la survenance n'était du reste pas connue.
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4.1. Comme le fait valoir à juste titre le recourant, la constatation de la juridiction cantonale relative à une incapacité de travail de 50 % dans toutes activités à partir du 1er janvier 2011 (correspondant à une incapacité de gain du même taux) est manifestement inexacte, voire arbitraire. Elle repose en effet sur les conclusions de l'expertise judiciaire, selon lesquelles l'assurée disposait d'une capacité résiduelle de travail de 50 %, avec une diminution de rendement de 20 % dans l'activité exercée jusqu'alors (mais respectant les limitations fonctionnelles décrites), de même que dans une activité sédentaire adaptée à celles-ci. Or les experts judiciaires ont attesté une telle capacité de travail seulement à partir de la date où ils ont examiné l'assurée. Interpellés sur l'évolution du degré d'incapacité de travail, respectivement sur le moment à partir duquel la capacité de travail de l'assurée avait diminué au taux retenu, ils ont indiqué qu'une quantification de l'évolution de l'incapacité de travail n'était pas réalisable a posteriori et qu'ils se prononçaient par conséquent à la date de l'expertise, soit le 22 février 2012 (complément du 22 avril 2013). Quoi qu'en dise l'intimée, la reconnaissance par les experts d'une péjoration de son état depuis 2006 ne modifie pas la date à partir de laquelle ils ont attesté d'une diminution correspondante de la capacité de travail à 50 %, en février 2012.
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Aussi, les médecins du Département de chirurgie de l'Hôpital E.__________ se sont-ils exprimés sur une période qui sort du cadre de l'objet du litige, puisque la juridiction cantonale avait à se prononcer sur une éventuelle modification des circonstances survenue entre la date de la décision initiale (du 18 avril 2008) jusqu'à la date de la décision administrative litigieuse (le 21 février 2011). Leurs conclusions ne sauraient donc servir de fondement aux constatations de fait déterminantes pour le litige.
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4.2. Le dossier ne comprend par ailleurs aucune autre pièce qui permettrait de confirmer la constatation de fait litigieuse.
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Si, à l'époque de la décision initiale, la capacité de travail de l'intimée dans son activité habituelle avait certes été évaluée à 50 % (cf. rapport du docteur K.__________ du SMR du 10 mai 2006), l'assurée a toutefois été en mesure de mettre en oeuvre une capacité de travail de 70 % à partir du 1er juillet 2008. Selon les constatations de la juridiction cantonale, qui lient le Tribunal fédéral (consid. 1 supra), l'intimée a exercé son activité lucrative dans cette mesure sans diminution de rendement et sans que son employeur n'eût acquitté des éléments de salaire social. Au cours de la procédure de révision, le docteur D.__________ a indiqué que l'intimée était capable d'assumer son activité antérieure à un taux de 70 %, même si le docteur C.__________, médecin traitant, faisait état d'une capacité de travail de 30 %; celle-ci était contredite par le taux d'activité de 70 % effectivement mis en oeuvre par l'intéressée (avis du 7 juin 2010). À cet égard, le rapport du docteur C.__________ (du 16 mars 2010) est effectivement contradictoire et ne saurait donc être suivi. Le médecin traitant fait état d'une incapacité de travail de 30 % dès 2006 dans la dernière activité exercée, tout en indiquant que celle-ci est encore exigible à 50 %. Or une telle exigibilité est remise en cause par les indications de l'employeur de la recourante. Sur requête de l'office recourant, l'Hôpital B.__________ a expliqué que l'assurée avait poursuivi son activité d'aide d'exploitation à un taux d'activité de 70 % et perçu un salaire correspondant au rendement (courrier du 30 juillet 2010).
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On constate par conséquent que l'intimée disposait d'une capacité de travail de 70 % dans sa profession à partir du 1er juillet 2008 et qu'une diminution de celle-ci n'a pas été attestée médicalement jusqu'à la date du prononcé litigieux, le 21 février 2011. Dès lors, le fait que l'assurée a réduit son temps de travail de 70 % à 50 % à partir du 1er janvier 2011 n'a pas eu pour effet une baisse de la capacité résiduelle de travail qui aurait dû être prise en considération du point de vue de l'assurance-invalidité; aucun élément médical au dossier ne permet de retenir que cette capacité (hypothétique) de travail ne correspondait plus, dès le 1er janvier 2011, au taux de 70 % mis en oeuvre par l'assurée jusqu'alors. Dans sa réponse au recours, comme au cours de la procédure administrative, l'intimée n'a du reste invoqué aucune raison liée de manière précise à ses atteintes à la santé, mentionnant uniquement que son travail lui était pénible. Elle a expliqué qu'elle avait réduit son taux d'activité à 70 % en été 2008, d'entente avec son employeur, qu'elle n'avait pas compris qu'elle pouvait réduire son activité à 50 % et qu'elle avait pu rediscuter de la situation à la suite du projet de décision du 6 août 2010, en exposant à son employeur qu'il lui était nécessaire de réduire son taux d'activité à 50 %, ce qu'elle avait obtenu à partir du 1er janvier 2011 (courrier à l'office AI du 28 octobre 2010).
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4.3. La capacité de travail de 70 % dans l'activité habituelle qui doit ainsi être retenue à partir du 1er juillet 2008 et au-delà du 1er janvier 2011 relève d'une modification des circonstances par rapport à la situation prévalant au moment de la décision initiale de rente où une capacité de travail de 50 % avait été admise. Cette modification a une influence sur le taux d'invalidité au sens de l'art. 17 LPGA: l'incapacité de travail de 30 % dans l'activité habituelle (considérée par le recourant comme étant celle dans laquelle l'assurée était la mieux à même de mettre en valeur sa capacité de travail) se confond avec une incapacité de gain de 30 %, insuffisante pour maintenir le droit à un quart de rente.
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Partant, la décision du 21 février 2011, par laquelle le droit à cette prestation a été supprimé avec effet au 1er avril 2011 était conforme au droit. Le recours doit donc être admis et le jugement entrepris annulé.
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4.4. Cela étant, selon les experts mandatés par la juridiction cantonale, il semblerait que l'état de santé de l'intimée se soit aggravé postérieurement à la date de la décision administrative litigieuse. Il convient par conséquent de transmettre le dossier à l'office recourant, pour qu'il examine le changement éventuel de la situation de l'intimée et, le cas échéant, les effets de celui-ci sur le droit à une rente de l'assurance-invalidité.
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5. Vu l'issue de la procédure, les frais de justice seront mis à la charge de l'intimée pour trois-quarts et du recourant pour un quart (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant ne peut prétendre de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 3 juillet 2014 est annulée et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 21 février 2011 confirmée. Le recours est rejeté pour le surplus.
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2. Le dossier est transmis à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud pour qu'il procède conformément aux considérants.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 200 fr. à la charge du recourant et pour 600 fr. à la charge de l'intimée.
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4. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais de la procédure antérieure.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 22 décembre 2014
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Kernen
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La Greffière : Moser-Szeless
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