BGer 2C_652/2014 |
BGer 2C_652/2014 vom 24.12.2014 |
2C_652/2014
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{T 0/2}
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Arrêt du 24 décembre 2014 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
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Seiler et Donzallaz.
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Greffier: M. Tissot-Daguette.
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Participants à la procédure
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X.________,
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représenté par Me Clément Emery, avocat,
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recourant,
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contre
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Commission du Barreau du canton de Genève.
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Objet
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Avertissement disciplinaire à l'encontre d'un avocat,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 27 mai 2014.
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Faits : |
A. X.________ exerce la profession d'avocat et est inscrit au barreau de Genève. Le 26 juin 2012, il a été désigné défenseur d'office d'un prévenu se trouvant en détention provisoire. Jusqu'à la fin du mois de février 2013, l'intéressé a déposé huit demandes de mise en liberté, toutes refusées.
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B. Le 18 mars 2013, le Procureur général a déposé auprès de la Commission du barreau de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission) une dénonciation visant X.________. Il lui reprochait de violer ses obligations professionnelles.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande en substance au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement d'annuler l'arrêt du 27 mai 2014 de la Cour de justice et d'ainsi renoncer à prononcer l'avertissement à son encontre; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants, plus subsidiairement à son renvoi à la Commission pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il se plaint de violation du droit fédéral.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 |
1.1. Le présent litige concerne une sanction disciplinaire infligée à un avocat sur la base de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61), qui relève du droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte. Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est par conséquent recevable, sous réserve de ce qui suit.
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1.2. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 135 I 119 consid. 4 p. 122; arrêts 2C_490/2014 du 26 novembre 2014 consid. 1.2; 2C_199/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3, non publié in ATF 137 II 383). Dans la mesure où le recourant conclut, parallèlement à l'annulation de l'arrêt du 27 mai 2014 de la Cour de justice, à ce qu'il soit dit et constaté "que Monsieur X.________ n'a pas violé l'art. 12 lit. a LLCA", il formule une conclusion constatatoire qui est irrecevable.
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1.3. La conclusion du recours tendant à l'annulation de la décision rendue en première instance est irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (ATF 136 II 539 consid. 1.2 p. 543; concernant spécifiquement Genève, arrêts 8C_47/2013 du 28 octobre 2013 consid. 4.2; 2C_886/2012 du 29 juin 2013 consid. 1, non publié in ATF 139 II 529).
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2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). La notion de "manifestement inexacte" correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 447 consid. 2.1 p. 450).
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3. Il est reproché au recourant d'avoir écrit le 4 février 2013 au Tribunal des mesures de contrainte que le Ministère public avait une approche au caractère purement raciste de l'affaire relative à son client. Le recourant concède que le discours tenu dans son courrier fait montre d'une certaine exagération. Toutefois, il estime qu'il avait le devoir de relever le caractère inapproprié des propos du Ministère public, qu'il n'était pas de mauvaise foi, qu'il ne visait pas nommément un procureur et qu'il n'avait pas adopté une forme attentatoire à l'honneur. Pour ces raisons, il est d'avis que l'avertissement qui a été prononcé à son encontre viole l'art. 12 let. a LLCA.
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3.1. Le Tribunal fédéral revoit librement le point de savoir s'il y a eu violation des règles professionnelles (arrêts 2C_247/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.1; 2P.156/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.3, in Pra 2007 n° 87 p. 587), soit des règles de droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), en fonction du comportement concret de la personne mise en cause au regard de la situation qui se présentait à elle au moment des faits (arrêt 2C_1180/2013 du 24 octobre 2014 consid. 2.1).
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3.2. L'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, qui ne se limite pas aux rapports professionnels de l'avocat avec ses clients, mais qui englobe ceux avec ses confrères, ainsi qu'avec toutes les autorités (ATF 130 II 270 consid. 3.2 p. 276 ss; arrêt 2C_1138/2013 du 5 septembre 2014 consid. 2.1).
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3.3. Dans un courrier du 29 novembre 2012, le procureur en charge de la procédure pénale ouverte à l'encontre du client du recourant a écrit à ce dernier pour refuser de donner suite à une "demande de vérification". Il a en particulier motivé son refus en expliquant que l'existence de velléités de vengeance semblait inhérente au milieu roumain auquel appartenaient les personnes impliquées. Par la suite, le 4 février 2013, dans une prise de position adressée au Tribunal des mesures de contrainte, le recourant s'est opposé à une demande de prolongation de la détention de son client demandée par le Ministère public en expliquant en particulier que le risque de représailles évoqué par celui-ci ne reposait sur aucun élément concret, mais ressortait d'une approche au caractère purement raciste exprimée par écrit et portant sur la violence inhérente au milieu roumain.
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4. Compte tenu de l'issue du recours, il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Ayant obtenu gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, le recourant a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Le recourant ayant été considéré comme succombant entièrement devant l'instance précédente, il y a lieu de renvoyer la cause à cette dernière pour qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle (art. 67 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt de la Cour de justice du 27 mai 2014 annulé.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. La République et canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
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4. La cause est renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
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5. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Commission du Barreau du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et au Département fédéral de justice et police.
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Lausanne, le 24 décembre 2014
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Zünd
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Le Greffier : Tissot-Daguette
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