Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_577/2014
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Arrêt du 13 janvier 2015
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente, Kolly et Hohl.
Greffière : Mme Monti.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Reynald P. Bruttin,
recourant,
contre
B.________ SA,
intimée.
Objet
contrat d'assurance; réticence,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 26 août 2014 par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève.
Faits :
A.
A.________ (l'assuré), né en 1958, a souscrit une assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale auprès de B.________ SA (la compagnie d'assurance). Le 28 mai 2013, il avait retourné à celle-ci une proposition d'assurance dans laquelle il répondait négativement à la question: "êtes-vous actuellement ou avez-vous été en traitement au cours des cinq dernières années auprès d'un médecin?"; il indiquait prendre de l'aspirine cardio à titre préventif, en réponse à cette question: "prenez-vous actuellement des médicaments ou en avez-vous pris durant les cinq dernières années régulièrement?".
Quelques mois plus tard, en octobre 2013, l'assuré a annoncé à la compagnie d'assurance qu'il devait subir le 6 janvier 2014 une intervention chirurgicale pratiquée par un spécialiste en urologie. Interrogé par la compagnie d'assurance, ce dernier a donné les explications suivantes: l'assuré souffrait d'une hypertrophie prostatique - c'est-à-dire une augmentation de la taille de la prostate - et d'un marqueur sanguin PSA élevé; l'assuré avait eu connaissance du diagnostic précis en 2004; les premiers symptômes perceptibles par le patient étaient apparus environ en 2006, et le premier traitement pour cette affection était intervenu en 2008. L'urologue a ajouté qu'il envisageait une résection endoscopique de la prostate - c'est-à-dire l'enlèvement de la partie centrale de la prostate responsable d'une gêne à l'évacuation de la vessie - ainsi qu'une biopsie; il a aussi précisé que des biopsies faites en 2006 et 2008 avaient été négatives. Il s'est avéré que le médicament Pradif T, qui atténue les troubles apparaissant lors d'hypertrophie prostatique, avait été prescrit à l'assuré.
Par courrier du 18 novembre 2013, la compagnie d'assurance a relevé que l'affection de la prostate dont l'assuré souffrait depuis des années n'avait pas été mentionnée dans la proposition d'assurance et a informé l'assuré qu'elle résiliait le contrat d'assurance complémentaire au 30 novembre 2013 pour cause de réticence. L'assuré a contesté la résiliation. Il a nié avoir fait une déclaration inexacte en précisant que le questionnaire avait été rempli par son médecin-traitant.
Dans une lettre du 14 janvier 2014 adressée à l'assurance protection juridique de l'assuré, l'urologue a écrit ce qui suit: "L'affection dont souffre Monsieur A.________ (hypertrophie prostatique) est une affection bénigne, extrêmement fréquente (jusqu'à deux tiers de la population avec l'âge) et qui ne met pas en jeu le pronostic vital. Il faut souligner que l'évolution de cette hypertrophie est individuelle et imprédictible et que rien ne pouvait laisser prévoir en 2004 et 2008 que Monsieur A.________ devrait être opéré en 2013 de cette affection. Parallèlement, il présente une élévation d'un marqueur sanguin, le PSA, qui n'est très probablement due qu'à cette hypertrophie prostatique. Dans certains cas, l'élévation de ce marqueur peut éventuellement être liée à un cancer de la prostate. Nous avons écarté cette possibilité par des biopsies il y a quelques années mais j'avais prévu de profiter de l'intervention de son hypertrophie pour refaire des biopsies par sécurité."
Le 13 janvier 2014, la compagnie d'assurance a informé l'assuré qu'elle maintenait sa décision de résilier l'assurance complémentaire au 30 novembre 2013. Elle a encore confirmé cette position le 29 janvier 2014.
B.
Le 3 mars 2014, l'assuré a interjeté recours auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice genevoise. Il concluait à ce que la résiliation soit déclarée nulle et la compagnie d'assurance astreinte à prendre en charge ses frais d'hospitalisation conformément au contrat. L'intéressée a conclu au rejet.
La Chambre a rejeté le "recours" valant demande au sens de l'art. 244 CPC par arrêt du 26 août 2014. Elle a admis qu'il y avait eu réticence, en soulignant les éléments suivants: l'hypertrophie prostatique avait été diagnostiquée en 2004; elle avait été traitée une première fois en 2008; le médicament Pradif T atténuant les troubles liés à l'hypertrophie avait été prescrit à l'assuré; il importait peu que cette prescription soit intervenue pour des motifs de prévention.
C.
L'assuré (recourant) a interjeté un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Il conclut principalement à ce que la résiliation soit déclarée nulle et le contrat valide, et à ce que la compagnie d'assurance (intimée) soit astreinte à prendre en charge les frais d'hospitalisation conformément au contrat. L'intimée conclut au rejet. L'autorité précédente renonce à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint uniquement d'une violation du droit matériel fédéral, plus précisément des art. 4 et 6 LCA (loi fédérale sur le contrat d'assurance; RS 221.229.1).
L'autorité précédente a dans le détail présenté les dispositions légales topiques et la jurisprudence du Tribunal fédéral y afférente. Il peut être renvoyé à cet exposé, que le recourant ne conteste pas. Le litige porte uniquement sur l'application de ces principes au cas concret.
Le recourant souffre d'une hypertrophie prostatique diagnostiquée en 2004 pour laquelle il a suivi un premier traitement en 2008; un médicament atténuant les troubles liés à cette hypertrophie lui a été prescrit. Malgré cela, il a d'une part nié être ou avoir été en traitement auprès d'un médecin les cinq années précédant la proposition d'assurance, et d'autre part nié prendre des médicaments et/ou en avoir pris régulièrement les cinq dernières années (hormis de l'aspirine cardio). Ces réponses à des questions précises ne correspondent pas à la réalité.
Le recourant objecte que ces éléments n'étaient pas importants; il invoque l'avis exprimé à ce sujet par son urologue et son médecin-traitant, qui aurait rempli le questionnaire pour lui. Sur ce dernier point, l'autorité cantonale souligne à juste titre que l'assuré supporte la responsabilité des indications non conformes à la vérité apposées par des tiers sur le questionnaire de santé. Le recourant ne saurait de bonne foi prétendre qu'il ne comprenait pas le sens des questions précises qui étaient posées. Celles-ci, en particulier celle concernant la prise de médicaments, portaient sur des faits réputés importants de par la loi (art. 4 al. 3 LCA). Il appartenait au recourant de démontrer le contraire, à savoir que l'assureur aurait conclu le contrat, et aux mêmes conditions, s'il avait eu connaissance du fait que l'assuré a omis de déclarer, ou inexactement déclaré.
Le recourant insiste sur les explications de son urologue, selon lesquelles l'hypertrophie prostatique est bénigne. Il ne s'agit effectivement pas d'une atteinte maligne qui mettrait en jeu le pronostic vital. Elle peut néanmoins entraver l'écoulement de la vessie et exiger un traitement médical, voire une intervention chirurgicale. Nonobstant son caractère en soi bénin, elle est susceptible d'entraîner des coûts médicaux, et peut partant influer sur la décision de l'assureur de conclure une assurance à des conditions données.
Le recourant met en exergue le fait que l'hypertrophie prostatique est répandue chez les personnes âgées; il en déduit qu'elle ne saurait être qualifiée d'importante, sous risque d'exclure deux tiers de la population de la possibilité de conclure une assurance complémentaire. Or, il n'existe pas de droit à conclure une assurance complémentaire indépendamment de son état de santé; l'argument n'est pas déterminant. Au demeurant, l'assureur peut contracter en émettant une réserve pour une ou plusieurs maladies déterminées.
Lorsque l'assureur conclut une assurance avec un homme, il accepte le risque de devoir fournir des prestations pour le cas où cet homme devrait ultérieurement développer une hypertrophie prostatique nécessitant un traitement. C'est un risque très général qui existe pour de nombreuses autres maladies et qui peut être pris en compte par l'assureur lorsqu'il calcule ses primes. Le risque que l'assureur prend est bien plus important lorsqu'il assure un homme qui, comme le recourant, a déjà dû être traité pour cette affection et s'est vu prescrire un médicament, serait-ce à titre préventif. Le recourant ne peut pas se prévaloir du risque général de développer une hypertrophie prostatique pour dénier toute pertinence à l'hypertrophie prostatique qu'il a déjà développée et dû soigner avant la conclusion du contrat.
Peu importe par ailleurs l'absence de signes dont on aurait pu inférer la nécessité d'une intervention chirurgicale peu après la conclusion du contrat. Les réponses aux questions servent à évaluer les risques, cas échéant à en exclure certains, et pas uniquement à éviter des dépenses futures plus ou moins certaines. Quant à la déclaration de l'urologue selon laquelle l'évolution de l'hypertrophie est individuelle et non prédictible, elle montre qu'il existait manifestement une incertitude sur l'évolution future de l'hypertrophie traitée, et donc que l'information était importante pour la compagnie d'assurance.
En retenant qu'il y a eu réticence, l'autorité précédente n'a pas violé le droit fédéral.
2.
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la présente procédure (art. 66 LTF). L'intimée n'étant pas représentée, il n'est pas alloué de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 13 janvier 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
La Greffière : Monti