BGer 4A_261/2014 |
BGer 4A_261/2014 vom 14.01.2015 |
{T 0/2}
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4A_261/2014
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Arrêt du 14 janvier 2015 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
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Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Niquille.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure
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X.________, représenté par Me Christian Canela,
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demandeur et recourant,
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contre
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Z.________ SA,
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défenderesse et intimée.
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Objet
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assurance d'indemnités journalières en cas de maladie
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recours contre l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève.
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Faits : |
A. X.________ s'est consacré à l'exploitation d'une teinturerie à Genève. Avec Z.________ SA, il a conclu un contrat d'assurance portant sur des indemnités journalières en cas de maladie. Les indemnités étaient dues pendant sept cent trente jours sous déduction d'un délai d'attente de trente jours.
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L'assureur a fourni ses prestations à raison d'une incapacité de travail complète, puis partielle, puis à nouveau complète qui a débuté le 16 avril 2012. L'incapacité de travail était attestée par le docteur A.________, médecin généraliste. L'indemnité journalière complète s'élevait à 263 francs.
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Sur le conseil du docteur A.________, X.________ a consulté la doctoresse B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
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A la demande de l'assureur, X.________ s'est soumis à une expertise psychiatrique confiée au docteur C.________. Après réception du rapport d'expertise, l'assureur a communiqué qu'il réduirait ses indemnités au taux de 50% dès le 1er janvier 2013 et qu'il les suspendrait entièrement dès le 1er février.
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B. Le 6 mars 2013, X.________ a ouvert action contre Z.________ SA devant la Cour de justice du canton de Genève. La défenderesse devait être condamnée à payer « dès janvier 2013 » la somme mensuelle de 8'153 fr. (soit 31 x 263 fr.) « intérêts moratoires en sus, jusqu'à épuisement complet de la couverture d'assurance ».
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La défenderesse a conclu au rejet de l'action. Elle a fait valoir que selon le rapport du docteur C.________, un traitement médicamenteux était propre à entraîner une diminution des symptômes, d'abord, puis une guérison complète, de sorte que le demandeur pouvait recouvrer sa capacité de travail.
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A l'audience du 5 novembre 2013, le juge instructeur a interrogé la doctoresse B.________. Celle-ci a déclaré soigner le demandeur depuis juin 2012; à l'intention de la défenderesse, elle avait déjà établi un rapport le 12 juillet 2012. Elle a confirmé le diagnostic d'un état dépressif moyen à sévère, d'où il était résulté une incapacité de travail de 50% d'abord, devenue totale plus tard. Elle s'est expliquée au sujet des traitements médicamenteux qui entraient en considération, appliqués par elle ou recommandés par le docteur C.________; en dépit de la médication, l'état dépressif se prolongeait sans amélioration. La doctoresse ne pouvait pas expliquer la durée de cette maladie, sinon en rappelant qu'elle est plus difficile à traiter pour un patient d'âge excédant cinquante ans et qu'elle peut se prolonger une année et demie sans amélioration.
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La Chambre des assurances sociales de la Cour de justice a statué le 11 mars 2014. Elle a retenu que l'expertise du docteur C.________ n'était pas concluante et que l'incapacité de travail totale du demandeur était établie par des certificats du docteur A.________ jusqu'au 30 juin 2013. La Cour alloue donc au demandeur l'indemnité journalière de 263 fr. du 1er février au 30 juin 2013; elle ajoute des intérêts moratoires au taux de 5% par an dès la date de réception présumée de chacun de ces certificats médicaux par la défenderesse. Faute de certificats médicaux, elle rejette l'action pour la période postérieure au 30 juin 2013. La défenderesse est ainsi condamnée à verser les sommes ci-après:
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- 7'364 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 9 mars 2013;
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- 8'153 fr. avec intérêts dès le 29 mars 2013;
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- 7'890 fr. avec intérêts dès le 1er mai 2013;
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- 8'153 fr. avec intérêts dès le 21 mai 2013;
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- 7'890 fr. avec intérêts dès le 31 mai 2013.
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C. Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce sens qu'il soit « mis au bénéfice d'indemnités journalières jusqu'au 15 avril 2014 ». Le demandeur a introduit ce recours par l'entremise de son avocat.
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Invité à verser des sûretés en garantie des frais judiciaires, le demandeur a présenté une demande d'assistance judiciaire qu'il a limitée à la dispense de ces frais car son avocat avait alors cessé de le représenter; le Tribunal fédéral a accueilli cette demande par ordonnance du 21 octobre 2014.
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Dans son mémoire de réponse, la défenderesse conclut principalement au rejet du recours et subsidiairement à la « révision » de l'arrêt de la Cour de justice. Elle fait état d'une expertise médicale exécutée sur mandat de l'office cantonal de l'assurance-invalidité, selon laquelle l'incapacité de travail du demandeur a pris fin le 31 janvier 2013. Elle produit une décision de l'office cantonal datée du 25 septembre 2014, fondée sur cette expertise, par laquelle l'office rejette une demande de rente d'invalidité présentée par le demandeur.
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Celui-ci a spontanément déposé une réplique; il en ressort que l'expertise est contestée et qu'un recours est pendant contre la décision du 25 septembre 2014.
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Considérant en droit : |
1. Selon la jurisprudence relative à l'art. 42 al. 1 LTF, les conclusions présentées dans une contestation relative à une somme d'argent doivent être chiffrées (ATF 134 III 235 consid. 2). Celles présentées en l'espèce par le demandeur ne satisfont pas à cette exigence; on comprend cependant d'emblée, au regard de la décision attaquée, que ce plaideur réclame en sus des prestations déjà obtenues l'indemnité journalière au taux de 263 fr. du 1er juillet 2013 au 15 avril 2014. Le Tribunal fédéral peut donc exceptionnellement entrer en matière.
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Cette contestation porte sur les prestations d'une assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale; elle a été tranchée en instance cantonale unique comme le prévoit l'organisation judiciaire genevoise en relation avec l'art. 7 CPC. Le recours en matière civile est donc recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF; ATF 138 III 799).
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En vertu de l'art. 99 al. 1 LTF, la défenderesse n'est pas recevable à introduire de nouveaux moyens de preuve. Elle n'est pas non plus recevable à réclamer devant le Tribunal fédéral la révision de la décision attaquée; la demande correspondante doit être introduite, s'il y a lieu, devant l'autorité qui a rendu cette décision (ATF 138 II 386 consid. 7 p. 392), en l'occurrence devant la Cour de justice.
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2. Il est constant que les parties se sont liées par un contrat soumis à la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA).
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A teneur de l'art. 33 LCA, l'assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue. Selon la jurisprudence, il incombe en principe à l'assuré d'alléguer et de prouver, dans le procès, l'événement ouvrant le droit à l'indemnité qu'il revendique; la preuve stricte n'est toutefois pas exigée et il suffit à l'assuré d'établir la vraisemblance prépondérante de l'événement. Au stade de la contre-preuve, l'assureur peut faire échec à cette preuve en éveillant des doutes sérieux à l'encontre de l'allégation (ATF 130 III 321 consid. 3.5 p. 327).
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En matière d'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale, le juge statue selon les règles de la procédure civile simplifiée et il établit les faits d'office (art. 243 al. 2 let. f, 247 al. 2 let. a CPC). Sous réserve de la protection contre l'arbitraire, son appréciation des preuves échappe au contrôle du Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 et 2 LTF; ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). En règle générale, le Tribunal fédéral ne tient pas compte de faits nouveaux ni de preuves nouvelles (art. 99 al. 1 LTF).
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Au sujet de l'appréciation des preuves et de la constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).
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3. La Cour de justice a statué le 11 mars 2014. Les conclusions du recours en matière civile tendent au versement de l'indemnité journalière au taux de 263 fr. aussi après cette date, soit du 12 mars au 15 avril 2014. Or, l'auteur du recours ne tente pas de démontrer que le contrat d'assurance l'autorise à exiger par avance l'indemnité, avant même l'écoulement du jour correspondant et avant que sa survie et son incapacité complète de travail, pendant ce même jour, soient des faits établis (cf. ATF 139 III 263 consid. 2.5 p. 271, concernant une rente d'invalidité). Au contraire, de toute évidence, la Cour de justice n'aurait pas pu allouer ces indemnités futures conformément au contrat, d'où il résulte que le recours est d'emblée privé de fondement pour ce laps de trente-cinq jours.
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4. La Cour de justice retient que les certificats du docteur A.________ ne font preuve de l'incapacité complète de travail que jusqu'au 30 juin 2013; faute de certificats pour les jours suivants, elle refuse d'allouer les indemnités afférentes à ces jours.
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Devant le Tribunal fédéral, le demandeur fait valoir que depuis mai 2012 et jusqu'au dépôt du recours en matière civile, il a chaque mois et régulièrement adressé un certificat médical d'incapacité de travail à la défenderesse, sous pli recommandé. Il fait grief à la Cour d'avoir omis arbitrairement de prendre en considération les certificats afférents à juillet 2013 et aux mois suivants. Il ne prétend cependant pas avoir produit ces certificats aussi devant la Cour, alors que l'art. 229 al. 3 CPC l'autorisait à introduire des preuves nouvelles, concernant notamment la prolongation de son incapacité de travail, jusqu'à la délibération de l'autorité. Celle-ci n'encourt évidemment pas le reproche d'avoir apprécié arbitrairement des documents qui ne lui ont pas été présentés.
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5. Le demandeur fait aussi grief à la Cour de ne l'avoir pas invité à compléter ses preuves et, en particulier, à fournir les certificats médicaux propres à établir la prolongation de l'incapacité de travail. L'autorité a prétendument violé l'art. 247 al. 2 let. a CPC qui lui imposait d'établir les faits d'office.
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Dans les contestations qui lui sont soumises, cette disposition prévoit la maxime inquisitoire dite sociale ou atténuée, que le droit fédéral, dans diverses matières, imposait déjà avant l'entrée en vigueur du code de procédure civile unifié (en particulier: art. 274d al. 3 et 343 al. 4 aCO; assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale: art. 85 al. 2 de la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurance). En raison de cette continuité, la jurisprudence relative aux règles correspondantes est donc transposable à l'art. 247 al. 2 let. a CPC (Denis Tappy, in Code de procédure civile commenté, 2011, nos 17, 21 et 22 ad art. 247 CPC; voir aussi Stephan Mazan, in Commentaire bâlois, 2e éd., 2013, n° 13 ad art. 247 CPC; Laurent Killias, in Commentaire bernois, n° 30 ad art. 247 CPC). Ainsi, il n'appartient pas au juge d'instruire d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position; il doit en revanche interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont lacunaires, le juge doit inviter cette partie à compléter ses moyens (ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238; voir aussi ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 107).
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La décision attaquée ne précise pas pour quels motifs de fait ou de droit la Cour de justice attribue une portée décisive aux certificats du docteur A.________, alors que celui-ci n'est pas un spécialiste de la maladie en cause et que d'autres praticiens ont fourni des avis autorisés et circonstanciés. On comprend néanmoins que ces documents situaient l'incapacité de travail dans des limites temporelles précises et que la Cour les a pour ce motif jugés nécessaires au dénombrement exact des indemnités journalières à allouer.
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Le demandeur a lui-même discerné la nécessité de documenter de manière rigoureuse la prolongation de son incapacité de travail puisque, selon ses affirmations et pendant l'instance, il a continué d'adresser régulièrement des certificats médicaux à la défenderesse. Les indemnités à percevoir étaient d'ores et déjà l'objet de l'action judiciaire; il s'imposait donc, pour maximiser les chances d'aboutir à un jugement favorable, d'adresser cette documentation non seulement à l'adverse partie mais aussi au tribunal saisi. Le demandeur étant assisté d'un avocat, cela ne pouvait guère lui échapper. Dans ce contexte particulier, contrairement à l'argumentation développée sur la base de l'art. 247 al. 2 let. a CPC, la Cour de justice n'était pas tenue d'inviter le demandeur à compléter la série des certificats déjà présents au dossier.
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6. Le demandeur fait valoir qu'indépendamment des certificats du docteur A.________, d'autres preuves attestent d'une incapacité de travail prolongée au delà du 30 juin 2013; il se réfère notamment au témoignage de la doctoresse B.________ et il reproche à la Cour de justice d'avoir arbitrairement omis de le prendre en considération.
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La Cour a jugé ce témoignage concluant à l'encontre de l'expertise du docteur C.________, au sujet des perspectives de parvenir rapidement à une guérison. Le témoignage ne portait pas directement sur l'incapacité de travail mais sur la maladie qui en était la cause, sur les traitements médicamenteux à appliquer et sur la durée présumable de ces traitements. Néanmoins, il ressort sans équivoque de cette déposition, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante ici déterminant, que l'incapacité de travail complète s'est prolongée sans interruption après le début de 2013 et jusqu'à l'époque de l'audience, soit jusqu'au 5 novembre 2013. Cet élément est passé entièrement sous silence dans la décision attaquée. Le demandeur est fondé à se plaindre d'arbitraire; il y a lieu de compléter les constatations de la Cour en application de l'art. 105 al. 2 LTF. Cela conduit à réformer la décision attaquée en ce sens que le demandeur obtient cent vingt-huit indemnités de 263 fr., du 1er juillet au 5 novembre 2013, soit 33'664 fr. en sus des montants déjà alloués par la Cour de justice.
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Le Tribunal fédéral étant lié par les conclusions présentées (art. 107 al. 1 LTF), ces indemnités supplémentaires seront allouées sans intérêts.
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7. A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est partiellement admis et l'arrêt de la Cour de justice est réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à payer au demandeur les sommes suivantes:
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- 7'364 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 9 mars 2013;
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- 8'153 fr. avec intérêts dès le 29 mars 2013;
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- 7'890 fr. avec intérêts dès le 1er mai 2013;
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- 8'153 fr. avec intérêts dès le 21 mai 2013;
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- 7'890 fr. avec intérêts dès le 31 mai 2013;
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- 33'664 fr. sans intérêts.
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2. La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
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3. La défenderesse versera une indemnité de 2'500 fr. au demandeur à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 14 janvier 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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