Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
6B_197/2014
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Arrêt du 9 mars 2015
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffière : Mme Gehring.
Participants à la procédure
E.________,
représentée par Me Romanos Skandamis, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Ordonnance de non-entrée en matière, blanchiment d'argent, infraction préalable,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 21 janvier 2014 (ACPR/52/2014).
Faits :
A.
Le 11 octobre 2011, l'hoirie de feu X.________ (ci-après : l'hoirie) a déposé plainte pénale contre A.________, B.________ et C.________, respectivement homme de confiance, avocat et femme de ménage du défunt. L'hoirie a expliqué que celui-ci était décédé ab intestat le 24 mars 2010, laissant une quinzaine de cousins germains pour uniques héritiers. Exerçant la maîtrise sur ses biens au travers de sociétés gérées par des hommes de paille, il détenait notamment des avoirs bancaires auprès de D.________ SA par l'intermédiaire de la société E.________, dont l'ayant droit économique déclaré était A.________. Feu X.________ disposait de la signature individuelle sur le compte, tandis que A.________, B.________ et C.________ bénéficiaient de la signature à deux. De septembre 2008 à mars 2010, la valeur en compte de ces avoirs était passée de USD 8'361'060 à USD 6'962'535, alors qu'en avril 2010 le solde créditeur ne s'élevait plus qu'à USD 147'119. Les virements opérés l'avaient tous été sur ordre des personnes mises en cause.
A réception de la plainte, le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert la procédure pénale P/14350/2011, qu'il a classée faute de compétence ratione loci des autorités de poursuite pénale suisses, par décision du 21 novembre 2011.
Les transferts bancaires litigieux ont en outre entraîné l'ouverture en février 2012 d'une seconde procédure pénale P/2450/2012 à la suite des soupçons de blanchiment d'argent dont D.________ SA avait fait part au Bureau de communication (MROS). Par ordonnance du 5 novembre 2013, le ministère public a refusé d'entrer en matière sur la dénonciation, à défaut d'indice suffisant laissant entrevoir la commission d'une infraction préalable au blanchiment d'argent dénoncé, ainsi que la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève en avait décidé aux termes d'un arrêt ACPR/513/2012 rendu le 21 novembre 2012 dans la procédure P/14350/2011, le recours formé contre ce dernier au Tribunal fédéral ayant été déclaré irrecevable par arrêt 6B_37/2013 du 15 avril 2013.
B.
Par arrêt ACPR/52/2014 rendu le 21 janvier 2014, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours de la société E.________ et confirmé l'ordonnance de non-entrée en matière clôturant la procédure pénale P/2450/2012.
C.
E.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal précité dont elle requiert l'annulation, en concluant principalement au renvoi de la cause au ministère public pour entrée en matière sur la prévention de blanchiment d'argent.
Considérant en droit :
1.
La recourante conteste le prononcé de non-entrée en matière. Pour l'essentiel, elle reproche aux autorités genevoises de poursuite pénale de ne pas avoir instruit la prévention de blanchiment d'argent alors même que son compte bancaire auprès de D.________ SA a été débité de plusieurs millions de dollars américains moyennant des actes d'entrave commis par les personnes dénoncées. En effet, les avoirs en question avaient été transférés de son compte xxx auprès de D.________ SA sur un autre compte yyy du même établissement, après avoir préalablement transité par un compte zzz aux Etats-Unis et avant d'être virés sur des comptes ouverts en Suisse et en Grèce par A.________. Elle ajoute que la condition de la double incrimination prévue à l'art. 305bis al. 3 CP est réalisée, puisque les transferts litigieux ont également été dénoncés aux autorités pénales grecques. Enfin, elle argue que la force de chose jugée de l'arrêt ACPR/513/2012 rendu le 21 novembre 2012 dans la procédure P/14350/2011 ne lui est pas opposable, dès lors qu'elle n'y a pas participé. Elle en déduit que le prononcé de non-entrée en matière a été rendu au mépris du principe in dubio pro duriore et constitue un déni de justice.
2.
La question de savoir si la recourante dispose de la qualité pour recourir au regard de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, en particulier si elle est lésée en considération de l'infraction de blanchiment d'argent qu'elle invoque (cf. ATF 129 IV 322 consid. 2), peut rester ouverte vu le sort du recours.
3.
L'objet du litige est circonscrit à l'arrêt attaqué, de sorte que les critiques de la recourante relatives au considérant 3 de l'arrêt ACPR/513/2012 du 21 novembre 2012 (cf. recours p. 11 let. c) sont irrecevables (art. 80 al. 1 LTF).
4.
4.1. Selon l'art. 305bis CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 2). Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'Etat où elle a été commise (ch. 3). L'art. 305bis CP présuppose que les valeurs patrimoniales proviennent d'une infraction principale préalable constitutive de crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP.
Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore (arrêt 6B_127/2013 du 3 septembre 2013 consid. 4.1) qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 186 consid. 4.1 p. 190; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 s.).
4.2. La chambre cantonale a confirmé le prononcé de non-entrée en matière pour le motif qu'il n'existe pas d'infraction préalable au blanchiment d'argent dénoncé. En particulier, elle a exposé que les transferts de fonds dénoncés dans la communication de soupçon de blanchiment d'argent ne revêtaient pas de qualification pénale, ainsi qu'elle l'avait déjà jugé, à titre définitif, dans l'arrêt ACPR/513/2012 qui portait sur le même complexe de faits. Aux termes de ce dernier arrêt, les indices à l'appui d'une infraction pénale commise à Genève à la suite de huit transferts opérés au débit du compte de E.________ auprès de D.________ SA à Genève étaient insuffisants à rendre vraisemblables que les avoirs en question avaient été confiés au sens de l'art. 138 CP aux mis en cause (consid. 2.2). De plus, l'on ne voyait pas comment ces transferts auraient pu matérialiser un quelconque blanchiment d'argent, dès lors que ni la plainte, ni le recours ne faisaient état d'un crime préalable dont les valeurs déplacées auraient résulté (consid. 2.3). Dans le présent recours, la recourante ne conteste pas que les transferts dénoncés dans la procédure P/2450/2012 sont strictement les mêmes que ceux ayant donné lieu à la procédure P/14350/2011. L'arrêt ACPR/513/2012 ne saurait par conséquent être ignoré et c'est à juste titre que la chambre cantonale s'y est référée dans la présente procédure, sans autre mesure d'instruction. En outre, il est constant que le recours en matière pénale interjeté contre cet arrêt au Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable (arrêt 6B_37/2013 du 15 avril 2013). Ainsi entré en force de chose jugée, l'arrêt ACPR/513/2012 n'est pas susceptible d'être remis en cause, sauf motif de reprise de la procédure au sens de l'art. 323 CPP que ne constituent ni l'absence de la recourante à la procédure P/14350/2011, ni la saisine des autorités grecques de poursuite pénale d'un complexe de faits incluant les transferts litigieux, quels qu'en soient le moment et l'étendue. La juridiction cantonale a d'ailleurs observé, à juste titre, que la recourante ne se prévalait d'aucun fait ni moyen de preuve nouveau susceptible d'entraîner la reprise de la procédure préliminaire au sens de l'art. 323 CPP. Le prononcé de non-entrée en matière n'est par conséquent pas critiquable.
5.
La recourante, qui succombe, supporte les frais (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 9 mars 2015
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Gehring