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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
4A_545/2014
Arrêt du 10 avril 2015
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier: M. Ramelet.
Participants à la procédure
A.________ Incorporation, représentée par Me Anton Vucurovic,
recourante,
contre
B.________ SA, représentée par
Me Carole van de Sandt,
intimée.
Objet
appel (décision partielle),
recours contre l'arrêt rendu le 13 juin 2014 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Faits :
A.
A.a. Le 18 février 2004, A.________ Incorporation (ci-après: A.________ ou la demanderesse), société dont le siège est à ..., a ouvert le compte bancaire n° xxx, qui est seul concerné par la présente procédure, ainsi que deux autres comptes auprès de la banque B.________ SA (ci-après: la banque ou la défenderesse), dont le siège se trouve à ... (VD). Elle a confié à la banque un mandat de gestion discrétionnaire et un mandat de gestion spécifique pour les investissements dans des fonds à risque en relation avec ce compte. Elle a également signé pour ce compte un document intitulé " general deed of pledge and assignment ", c'est-à-dire un acte de gage et cession général.
A.b. Dans le cadre de la gestion de ce compte bancaire, la banque a acheté, puis revendu, pour le compte de A.________, des parts du fonds de placement X.________ plc (ci-après: le fonds X.________) et du fonds de placement Y.________ Ltd (ci-après: le fonds Y.________), deux fonds qui ont alimenté la société C.________ New York (ci-après: la société C.________).
La banque a également reçu pour une société D.________ Inc, dont l'ayant droit économique est le même que celui de A.________, des montants remboursés par le fonds X.________ Equity.
La faillite de la société C.________, qui opérait frauduleusement en utilisant une " chaîne de Ponzi ", a été prononcée en décembre 2008. Le 13 juillet 2009, le trustee de la masse en faillite a ouvert une action révocatoire du droit de la faillite américain afin de récupérer des montants versés notamment au fonds Y.________ durant les six années précédant la faillite; le 5 décembre 2010, il a également déposé une plainte notamment contre le fonds X.________, cherchant à obtenir les remboursements effectués en faveur de ce fonds dans les six ans qui ont précédé la faillite.
La banque n'a pas encore été assignée par le trustee, mais celui-ci l'a informée que si le remboursement ne pouvait être obtenu du fonds X.________, il se retournerait contre elle en qualité de " subsequent transferee ".
A.c. Le 16 septembre 2010, A.________ a sollicité de la banque la restitution de ses avoirs figurant sur le compte litigieux. Le lendemain, la banque a alors résilié avec effet immédiat le contrat de gestion de ce compte, puis a informé A.________ le 30 novembre 2010 qu'elle retenait sur ses avoirs un montant de 100'000 USD à titre de garantie pour la carte de crédit, ainsi que le montant de 812'270,36 USD afin de se prémunir contre le risque de " clawback " (concernant le fonds X.________).
Entre décembre 2010 et mai 2011, la banque a restitué à A.________ des montants de plus de 3 millions de francs, lui a permis de retirer des actions, mais a conservé en garantie un montant de 350'254 USD.
A.d. Le 10 janvier 2011, sur réquisition de poursuite de A.________, l'Office des poursuites du Jura-Nord vaudois a notifié à la banque un commandement de payer n° yyy, auquel la banque a fait opposition.
B.
B.a. Le 7 juin 2011, A.________, agissant par son ayant droit économique E.________, a ouvert action en paiement contre la banque devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud, concluant au paiement de trois montants avec intérêts et à la levée de l'opposition au commandement de payer. Elle agit en exécution du contrat de gestion et demande le remboursement des avoirs déposés sur son compte. La banque a conclu au rejet des conclusions de la demanderesse (ch. 1) et à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle a valablement bloqué la somme de 350'254 USD sur le compte litigieux en garantie des engagements potentiels de A.________ au titre des " claw back claims " du trustee ou des liquidateurs des fonds X.________ et Y.________ dans lesquels elle a investi pour le compte de celle-ci (ch. 2) et à ce qu'il soit dit et constaté que le gage constitué permet en outre de couvrir les engagements potentiels de D.________ Inc. au titre des " claw back claims " du trustee ou des liquidateurs des fonds dans lesquels elle a investi pour le compte de cette société (ch. 3).
Sur proposition du juge délégué, les parties ont accepté de limiter la procédure à la question de l'existence ou non d'un droit de gage de la banque sur les avoirs de la demanderesse et, par ordonnance " de preuves " du 22 novembre 2012, la procédure a été limitée à cette question.
Par jugement incident du 1er mai 2014, la Chambre patrimoniale a prononcé que la défenderesse est au bénéfice d'un droit de gage sur les avoirs de la demanderesse.
La Chambre patrimoniale a estimé que ce droit de gage permet à la banque de bloquer le compte de la demanderesse afin de garantir toutes ses créances résultant de leur relation d'affaires, y compris ses créances non exigibles. En bref, elle a considéré qu'en vertu des art. 1 et 5 de l'acte de gage et cession général, le gage de la banque porte sur tous les actifs détenus directement ou indirectement par la défenderesse et que la créance garantie concerne toutes les dettes et obligations, présentes ou futures, qui découlent de la relation concernant le compte litigieux; la banque, en tant que représentante indirecte de sa cliente, ne doit subir aucune perte dans le cadre de son activité au profit de son mandant et dispose donc d'une créance fondée sur l'art. 402 al. 1 CO, voire sur l'art. 62 CO; certes la créance de la banque est incertaine, éventuelle et future, mais il n'est pas exclu qu'elle ne naisse, les actions intentées par le trustee contre les fonds étant en cours et la défenderesse étant sérieusement exposée à des poursuites judiciaires en tant que subsequent transferee au cas où les montants ne pourraient être récupérés auprès des fonds; conséquemment, l'objet du gage n'a pas à être restitué.
Cette décision est assortie de l'indication qu'un appel peut être formé dans le délai de 30 jours.
B.b. La demanderesse a interjeté appel contre cette décision, concluant principalement à sa réforme en ce sens que la banque doit lui payer immédiatement les sommes de 338'002 fr. 52 avec intérêts à calculer selon des modalités qu'elle précise, de 26'043 fr. 80 et de 3'241,17 USD avec intérêts, l'opposition au commandement de payer étant levée à concurrence de 364'046 fr. 32 avec intérêts selon les modalités précisées; subsidiairement, elle a requis l'annulation du jugement incident et le renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par arrêt du 13 juin 2014, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a déclaré l'appel irrecevable Elle a considéré que la décision de première instance n'est pas une décision finale, qu'elle n'est pas une décision partielle, la Chambre patrimoniale n'ayant pas statué sur un chef de conclusions ou sur une partie de l'objet du litige qui serait indépendante de celle qui reste à juger, et qu'elle n'est pas non plus une décision incidente de l'art. 237 al. 1 CPC, car une décision contraire ne mettrait pas fin au litige. La cour cantonale l'a qualifiée de décision sur une question préalable, qui porte sur l'existence ou non d'un droit de gage de la défenderesse sur les avoirs de la demanderesse. Elle en a conclu que l'appel n'est pas recevable. Quant au recours de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, il serait irrecevable, l'existence d'un préjudice difficilement réparable n'étant pas démontrée.
C.
Contre cet arrêt, la demanderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle prenne une décision sur le fond. Elle fait valoir que la décision prise par la Chambre patrimoniale est une décision incidente au sens de l'art. 237 CPC, qui doit faire l'objet d'un appel immédiat (art. 237 al. 2 CPC). Elle invoque que la décision de refus d'entrer en matière de la cour cantonale est susceptible de lui causer un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
Tout en s'en rapportant à justice, l'intimée soutient qu'il ne s'agit pas d'une décision sur une demande reconventionnelle en constatation d'un droit de gage, mais d'une décision sur une question préjudicielle, qui ne peut pas faire l'objet d'un appel immédiat, mais seulement d'un appel avec la décision finale.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 139 III 252 consid. 1; 139 V 42 consid. 1 p. 44).
1.1. Une décision est finale au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elle met fin à la procédure, que ce soit pour un motif tiré du droit matériel ou de la procédure.
Une décision est partielle au sens de l'art. 91 LTF ( i.e. partiellement finale), et doit être attaquée immédiatement, lorsqu'elle statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a) ou met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (let. b).
Une décision est préjudicielle ou incidente au sens de l'art. 93 LTF, et peut être entreprise immédiatement, si elle peut causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Si le recours n'est pas ouvert, faute de remplir ces conditions, ou qu'il n'a pas été utilisé, la décision préjudicielle ou incidente peut être attaquée avec la décision finale dans la mesure où elle influe sur le contenu de celle-ci (art. 93 al. 3 LTF) (sur l'ensemble de ces notions, cf. ATF 134 III 426 consid. 1.1; 133 III 629 consid. 2.1; 133 V 477 consid. 4.1).
Pour déterminer quel type de décision est en jeu, il ne faut pas se baser sur la décision d'irrecevabilité du recours rendu par le tribunal supérieur, mais sur la décision de première instance.
1.2. En l'espèce, dans le dispositif de son jugement, la Chambre patrimoniale a prononcé que " la défenderesse... est au bénéfice d'un droit de gage sur les avoirs de la demanderesse... ". Sous son aspect formel, décisif pour la recevabilité du recours en matière civile, la décision de la Chambre patrimoniale doit être qualifiée de décision partielle au sens de l'art. 91 LTF, puisqu'elle statue sur les chefs de conclusions reconventionnelles de la banque en constatation de l'existence d'un droit de gage sur les avoirs de la demanderesse et que, comme on le verra ci-dessous, la constatation de ce droit aurait pu faire l'objet d'un procès séparé.
Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le présent recours en matière civile, les autres conditions de recevabilité ne posant pas problème.
2.
L'intimée soutient que, sous l'angle matériel, la décision de la Chambre patrimoniale ne serait pas une décision partielle, alors que la recourante allègue qu'il s'agirait d'une décision incidente, qui doit faire l'objet d'un appel immédiat (art. 237 CPC).
2.1. Le Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC) détermine si et sur quel objet le juge peut rendre une décision, quelles décisions rendues peuvent être attaquées par l'une ou l'autre des voies de recours (appel ou recours limité au droit) et à quelles conditions.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande, respectivement de la reconvention, et le fond du litige, le CPC prévoit que le tribunal statue soit par décision finale (art. 236 CPC), soit par décision incidente (art. 237 CPC). Les conditions auxquelles ces décisions peuvent faire l'objet d'un appel ou d'un recours limité au droit sont réglées aux art. 308 ss et 319 ss CPC.
La notion de décision finale de l'art. 236 CPC correspond à celle de l'art. 90 LTF (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [ci-après: Message], FF 2006 I 6841 ss, 6951 ad art. 232-236 CPC). Une décision est finale lorsqu'elle met fin à la procédure, que ce soit par une décision au fond - pour un motif tiré du droit matériel - ou par une décision d'irrecevabilité - pour un motif de procédure (cf., à propos de l'art. 90 LTF, cf. ATF 134 III 426 consid. 1.1 déjà cité).
La décision est incidente, à teneur de l'art. 237 al. 1 CPC, si l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable. Une telle décision ne statue pas définitivement sur l'action, mais elle préjuge de la décision finale en ce sens qu'elle influe sur celle-ci au point qu'une décision contraire pourrait entraîner une décision finale immédiate et qu'elle lie l'instance qui l'a rendue de telle sorte que celle-ci ne la reverra plus lorsqu'elle rendra sa décision finale (cf. sur le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi: ATF 140 III 466 consid. 4.2.1; arrêt 4A_542/2014 du 17 février 2015 consid. 1). Il s'agit normalement de décisions rendues sur des conditions de recevabilité de la demande ou de la reconvention, ou sur des questions de fond jugées séparément, à la condition que l'instance de recours puisse mettre fin à l'action elle-même et que cela permette d'économiser du temps et des frais. L'art. 237 al. 1 CPC ne s'applique donc pas chaque fois que le tribunal a décidé, pour simplifier le procès, de limiter d'abord la procédure à des questions ou des conclusions déterminées conformément à l'art. 125 let. a CPC. Il ne faut pas confondre la limitation de l'instruction et des débats et la faculté de rendre une décision incidente remplissant les conditions de l'art. 237 al. 1 CPC. Si, dans le régime de la LTF, le recourant a le choix entre recourir immédiatement contre la décision incidente ou attendre la décision finale avec laquelle il remettra en cause la décision incidente (art. 93 al. 3 LTF), dans le régime du CPC il doit l'attaquer immédiatement (art. 237 al. 2 CPC); en d'autres termes, si les conditions de l'art. 237 al. 1 CPC sont remplies, le tribunal peut rendre une décision séparée, et s'il le fait, le recours immédiat est obligatoire, cette décision ne pouvant plus être attaquée ultérieurement dans le recours contre la décision finale (art. 237 al. 2 CPC).
Le CPC ne réglemente pas spécialement la décision partielle, le législateur ayant estimé cela superflu puisqu'elle est en réalité une décision finale qui met un terme à l'instance relativement aux demandes ou aux consorts concernés. Comme à l'art. 91 LTF, il y a décision partielleen cas de cumul objectif d'actions, lorsque le tribunal statue d'abord sur une partie des différentes demandes, ainsi qu'en cas de cumul subjectif d'actions (consorité), lorsque le tribunal ne met fin à la procédure qu'à l'égard d'une partie des consorts (Message, FF 2006 I 6951/6952 ad art. 232-236 CPC).
2.2. En l'espèce, la demanderesse a conclu à la condamnation de la défenderesse au paiement de trois montants avec intérêts, ainsi qu'à la levée de l'opposition au commandement de payer. La défenderesse a conclu au rejet des conclusions de la demanderesse et à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle a valablement bloqué la somme de 350'254 USD en garantie des engagements potentiels de la demanderesse au titre des " claw back claims " du trustee ou des liquidateurs des fonds de placement dans lesquels elle a investi pour le compte de la demanderesse et que le gage constitué permet en outre de couvrir les engagements potentiels de D.________ Inc. au titre des " claw back claims" du trustee ou des liquidateurs desdits fonds dans lesquels la banque a investi pour cette société.
La Chambre patrimoniale a décidé, en accord avec les plaideurs, de limiter la procédure à la question de l'existence ou non d'un droit de gage de la banque sur les avoirs de la demanderesse. Par décision séparée sur cette question, elle a, dans le dispositif de celle-ci, prononcé que la défenderesse est au bénéfice d'un droit de gage sur les avoirs de la demanderesse. Dans ses motifs, elle a estimé que la défenderesse disposait d'un droit de gage lui permettant de bloquer le compte de la demanderesse afin de garantir toutes ses créances résultant de la relation d'affaires conclue avec elle, y compris ses créances non encore exigibles.
Il s'ensuit que la Chambre patrimoniale, en tout cas formellement, a statué sur les conclusions reconventionnelles de la défenderesse.
2.3. Il y a lieu d'examiner encore si elle a également statué matériellement sur des conclusions reconventionnelles, dès lors que, selon la jurisprudence, le juge n'a pas à statuer sur une question préjudicielle dans le dispositif de son jugement et que, si, par erreur, il le fait, ce point ne participe pas de l'autorité de la chose jugée (ATF 103 II 155 consid. 2 et les arrêts cités).
2.3.1. La défenderesse soutient qu'elle n'a pas formulé de conclusions reconventionnelles et reproche à la cour cantonale d'avoir commis l'arbitraire en l'admettant.
La défenderesse joue sur les mots. Dans sa réponse au recours, elle a fait valoir qu'en requérant que l'existence de son droit de gage soit constatée, elle a invoqué un simple moyen de défense lui permettant de refuser, en tout cas provisoirement, les prétentions en paiement de la demanderesse. Il est indéniable que par cette défense, tendant à la constatation qu'elle dispose d'un droit absolu pour refuser paiement à sa partie adverse, elle a bel et bien pris des conclusions reconventionnelles en fixation de droit. Dans ces circonstances, on ne voit pas où réside l'arbitraire invoqué.
2.3.2. La défenderesse soutient que, lorsqu'elle requiert qu'il soit constaté qu'elle dispose d'un droit de gage sur les avoirs de la demanderesse, elle forme une conclusion qui n'a aucune portée indépendante et qui n'aurait pas pu faire l'objet d'un procès séparé, étant donné qu'elle n'avait aucun intérêt à la constatation indépendamment de l'action intentée par la demanderesse. A l'en croire, la question de l'existence d'un droit de gage ne serait qu'un préalable à la décision sur la prétention de la demanderesse. La Chambre patrimoniale n'aurait ainsi pas rendu une décision partielle, car elle n'a pas définitivement tranché une partie du litige ou statué sur l'une des prétentions en cause; elle aurait tranché uniquement la question préalable de l'existence d'un droit de gage.
L'action (ou la reconvention) en constatation de droit de l'art. 88 CPC n'est recevable que si le demandeur y a un intérêt digne de protection, comme le prévoit l'art. 59 al. 2 let. a CPC. Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la question de savoir si les conditions restrictives de l'ancienne jurisprudence demeurent applicables à l'intérêt digne de protection au sens de cette disposition (arrêt 4A_414/2014 du 16 janvier 2015 consid. 2.3, destiné à la publication). En effet, le titulaire d'un droit de gage fait valoir un droit réel et, si ce droit est contesté, même si ce n'est en l'état que par sa partie adverse, il a un intérêt digne de protection à ce que son droit soit constaté dans le dispositif du jugement, ne serait-ce que pour pouvoir l'opposer, si nécessaire, à un éventuel créancier séquestrant ou à l'éventuelle masse en faillite de sa cliente. Dès lors que la constatation de son droit de gage lui accorde une protection plus étendue que celle qui découle du jugement sur la prétention de la demanderesse, en d'autres termes qu'elle a une portée au-delà du jugement rendu sur l'action de la demanderesse, la banque créancière gagiste a un intérêt digne de protection à former une demande reconventionnelle en constatation de droit.
Contrairement à ce que croit la défenderesse, la constatation de ce droit aurait pu faire l'objet d'un procès séparé. C'est donc à tort qu'elle nie avoir intérêt à la constatation de son droit de gage indépendamment de l'action intentée par la demanderesse. Certes, elle aurait pu ne pas prendre de conclusions reconventionnelles et se contenter d'opposer une objection (Einwendung) tirée de l'existence de son droit de gage, ce qui aurait eu pour conséquence que le tribunal n'aurait eu à statuer sur cette question préjudicielle que dans les motifs de son jugement. Tel n'est toutefois pas le choix qu'elle a fait, du moment qu'elle a formulé des conclusions reconventionnelles.
2.3.3. En conclusion, la Chambre patrimoniale a statué matériellement sur les conclusions reconventionnelles de la défenderesse, et non simplement sur une question préjudicielle.
2.4. Il s'ensuit que la Chambre patrimoniale a rendu une décision partielle, puisqu'elle a statué sur les conclusions reconventionnelles de la défenderesse en constatation de l'existence de son droit de gage. Une telle décision peut et doit être remise en cause immédiatement devant l'instance de recours, comme une décision finale (art. 236 CPC).
Partant, c'est à tort que la cour cantonale a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la demanderesse. La cause lui sera renvoyée pour qu'elle entre en matière sur le fond de l'appel.
3.
Bien qu'elle s'en soit formellement rapportée à justice dans ses conclusions, l'intimée a néanmoins développé toute une argumentation propre en faveur du rejet du recours. Il s'ensuit que les frais de la procédure et les dépens doivent être mis à sa charge (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour examen de l'appel.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
Lausanne, le 10 avril 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Ramelet