Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
5A_681/2014
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Arrêt du 14 avril 2015
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme Jordan.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Mathias Eusebio, avocat,
recourante,
contre
B.A.________,
représenté par Me Christophe Schaffter, avocat,
intimé.
Objet
modification de mesures protectrices de l'union conjugale,
recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura du 5 août 2014.
Faits :
A.
Par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 2 novembre 2012, B.A.________ a été astreint à verser mensuellement 1'000 fr. (allocations familiales comprises) en faveur de sa fille, née le 3 novembre 1996, et 1'600 fr. en faveur de sa femme, A.A.________.
B.
Statuant le 23 décembre 2013 sur la requête en modification déposée par B.A.________, la Juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura a réduit les contributions dues à 720 fr., respectivement à 1'300 fr., dès le 1
er janvier 2014.
Le 5 août 2014, sur appel de A.A.________, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura a partiellement modifié ce jugement en arrêtant à 1'600 fr., dès le 1
er septembre 2014, les aliments en faveur de l'épouse.
C.
Par écriture du 8 septembre 2014, A.A.________ exerce un recours en matière civile, subsidiairement un recours constitutionnel, au Tribunal fédéral. Elle demande que son mari soit condamné à verser le montant de 1'600 fr. dès le 1
er janvier 2014. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'intimé propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'autorité cantonale s'en remet à justice.
Considérant en droit :
1.
La décision de modification des mesures protectrices de l'union conjugale (art. 179 CC) est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF (ATF 133 III 393 consid. 2). Elle est finale selon l'art. 90 LTF dès lors qu'elle met fin à l'instance sous l'angle procédural (ATF 133 III 393 consid. 4). Le recours a en outre pour objet une décision rendue par une autorité cantonale supérieure de dernière instance, statuant sur recours (art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1 let. b LTF). Il a été interjeté dans le délai prévu par la loi (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions devant l'instance précédente (art. 76 al. 1 LTF).
Partant, le recours constitutionnel subsidiaire n'est pas ouvert (art. 113 LTF).
2.
Dès lors que les mesures protectrices de l'union conjugale sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393 consid. 5), seule peut être invoquée à leur encontre la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine un tel grief que s'il a été dûment invoqué et motivé (art. 106 al. 2 LTF), à savoir exposé de manière claire et détaillée (ATF 134 I 83 consid. 3.2 et les arrêts cités).
3.
La recourante se plaint d'abord d'une violation de son droit à une décision motivée tel qu'il découle de l'art. 29 al. 2 Cst. Elle prétend ne pas saisir les raisons qui ont conduit l'autorité cantonale à fixer le point de départ de la contribution due en sa faveur au 1
er septembre 2014 et non au 1
er janvier précédent, ainsi qu'elle le requerrait dans son appel.
3.1. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 127 III 193 consid. 3 et la jurisprudence citée).
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 133 I 270 consid. 3.1; 130 II 530 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b).
3.2. En l'espèce, l'arrêt attaqué répond manifestement à ces exigences. Les juges cantonaux ont expressément mentionné les motifs qui ont fondé leur décision de fixer au 1
er septembre 2014 les effets de la modification de la contribution en faveur de l'épouse, à savoir que, s'agissant de mesures provisionnelles, l'appel n'avait pas d'effet suspensif (art. 315 al. 4 CPC) et que la restitution exceptionnelle de celui-ci n'avait pas été demandée (art. 315 al. 5 CPC).
Savoir si une telle motivation est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée; dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé le juge, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation est erronée (parmi d'autres: arrêts 4A_491/2013 du 6 février 2014 consid. 2.1; 8C_352/2013 du 2 décembre 2013 consid. 2.1; 5A_793/2008 du 8 mai 2009 consid. 5.1; 5A_344/2008 du 28 juillet 2008 consid. 4.1 et les références). Il ressort, de surcroît, de son argumentation fondée sur l'arbitraire (cf. infra, consid. 4) que la recourante a compris le sens et la portée de l'arrêt déféré.
4.
La recourante taxe d'arbitraires (art. 9 Cst.) les considérations par lesquelles l'autorité cantonale a modifié le dies a quo de la contribution d'entretien - arrêté par la juge de première instance au 1
er janvier 2014 - en le fixant au 1
er septembre 2014. Elle soutient que cette question devait se régler au regard des art. 173 et 179 CC et non de l' art. 315 al. 4 et 5 CPC .
4.1. De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit censurée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2 et les arrêts cités).
4.2. La Cour civile jurassienne a considéré que la modification de la contribution devait prendre effet au 1
er septembre 2014, car l'appel n'avait pas d'effet suspensif (art. 315 al. 4 CPC) et la restitution de celui-ci n'avait pas été demandée (art. 315 al. 5 CPC).
4.3. De jurisprudence constante, la décision de modification des mesures protectrices ne déploie en principe ses effets que pour le futur, l'ancienne réglementation restant valable jusqu'à l'entrée en force formelle du nouveau prononcé. La modification peut aussi prendre effet - au plus tôt - au moment du dépôt de la requête (ou à une date ultérieure), l'octroi d'un tel effet rétroactif relevant toutefois de l'appréciation du juge (ATF 111 II 103 consid. 4; arrêts 5A_101/2013 du 25 juillet 2013 consid. 3; 5A_340/2008 du 12 août 2008 consid. 5; 5P.385/2004 du 23 novembre 2004 consid. 1.1; 5P.388/2003 du 7 janvier 2004 consid. 1.1; 5P.25/2001 du 17 avril 2001 et les références; 5P.406/1998 du 26 janvier 1999 consid. 7).
Autant que l'on admette que la critique de la recourante répond aux exigences de motivation (supra, consid. 2), elle tombe à faux. Le point de départ choisi par les juges cantonaux (1er septembre 2014) ne contrevient pas manifestement à la règle selon laquelle la modification des mesures protectrices ne déploie en principe ses effets que pour le futur, l'ancienne réglementation restant valable jusqu'à l'entrée en force formelle du nouveau prononcé. Eu égard à ce dernier point, la recourante se méprend lorsqu'elle prétend que, l'appel n'ayant pas effet suspensif, elle " n'aurait pas pu introduire une poursuite à l'encontre de son époux pour réclamer le versement des contributions pour elle-même de 1'600 fr. par mois au-delà du 31 décembre 2013 ". Certes, l'appel n'a pas d'effet suspensif en mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 CPC). Selon la jurisprudence, l'expression " pas d'effet suspensif " de cette disposition se rapporte exclusivement au caractère immédiatement exécutoire (ATF 139 III 486). Le jugement de première instance était ainsi exécutoire, mais n'était pas revêtu de la force de chose jugée formelle. En revanche, jusqu'à l'entrée en force du prononcé de modification, la décision de mesures protectrices de l'union conjugale fixant les aliments à 1'600 fr. par mois subsistait.
5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La requête d'assistance judiciaire est admise (art. 64 al. 1 LTF). L'intimé, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est admise et M
e Mathias Eusebio, avocat à Delémont, lui est désigné comme conseil d'office.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante, mais ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Une indemnité de 1'500 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens pour la procédure fédérale, est mise à la charge de la recourante.
5.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité de 1'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.
Lausanne, le 14 avril 2015
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Jordan