Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
9C_55/2015
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Arrêt du 11 mai 2015
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes les Juges fédérales Glanzmann, Présidente, Pfiffner et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Indermühle.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Jacques Emery, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 3 décembre 2014.
Faits :
A.
A.________ a travaillé du 1
er décembre 2006 au 31 juillet 2008 en qualité de femme de ménage (personnel d'entretien) pour B.________ SA à raison de 10 heures par semaine.
A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 12 novembre 2010. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli les renseignements médicaux usuels auprès des médecins traitants, selon lesquels l'assurée souffrait de sarcoïdose de stade II avec syndrome pulmonaire restrictif, de douleurs au poignet droit et d'un état de stress post-traumatique. Il a également communiqué à l'assurée qu'aucune mesure de réadaptation d'ordre professionnel n'était indiquée (communication du 11 avril 2011).
Le 3 octobre 2013, les médecins du Service médico-régional de l'assurance-invalidité (SMR) ont procédé à un examen clinique rhumatologique, de médecine interne et psychiatrique. Les docteurs C.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, et D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu les diagnostics suivants avec répercussion durable sur la capacité de travail: une sarcoïdose avec syndrome restrictif et dyspnée au moindre effort, un syndrome rotulien bilatéral avec épanchement du genou droit dans le cadre d'une gonarthrose gauche, une périarthrite scapulo-humérale gauche avec suspicion clinique de conflit sous-acromial gauche et de tendinopathie du sus-épineux gauche et notion anamnestique de déchirure de la coiffe des rotateurs, une polyneuropathie sensitivo-motrice des membres inférieurs anamnestique, un trouble dépressif récurrent (épisode actuel moyen avec syndrome somatique) et une anxiété généralisée (sévère ). Ils concluaient en conséquence que l'assurée ne disposait d'aucune capacité de travail tant dans son ancienne activité que dans une activité adaptée pour des raisons somatiques et psychiatriques depuis le mois de juillet 2008 (rapport du 14 octobre 2013).
Une enquête économique sur le ménage a mis en évidence un empêchement dans l'accomplissement des travaux habituels de 24 % en tenant compte de l'aide qui serait exigible de la part des membres de la famille (rapport du 8 janvier 2014).
L'office AI a communiqué à l'assurée son intention de lui allouer dès le 1
er mai 2011 un quart de rente de l'assurance-invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 41 % calculé en application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité (projet de décision du 30 janvier 2014). Par courrier du 3 mars 2014, A.________ a contesté le degré d'invalidité retenu et réclamé le versement d'une rente entière de l'assurance-invalidité. Par décision du 17 avril 2014, l'office AI a mis l'assurée au bénéfice d'un quart de rente à partir du 1
er mai 2011, assortie d'une rente complémentaire pour son enfant E.________ (née en 1995),en reprenant la motivation de son projet de décision.
B.
Par jugement du 3 décembre 2014, la Chambre des assurances sociales du Tribunal cantonal de la République et canton de Genève a admis le recours formé par l'assurée, annulé la décision du 17 avril 2014 et octroyé à A.________ une rente entière d'invalidité à partir du mois de mai 2011.
C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation et requiert la confirmation de sa décision du 17 avril 2014. Il assortit son recours d'une demande d'effet suspensif.
A.________ conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit selon les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
2.1. Le litige porte sur l'étendue du droit de l'intimée à une rente de l'assurance-invalidité. Tandis que l'office AI lui a accordé un quart de rente d'invalidité, fondé sur un degré d'invalidité de 41 %, à partir du 1
er mai 2011 (décision du 17 avril 2014), la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, lui a reconnu le droit à une rente entière, fondée sur un taux d'invalidité de 100 %, à partir du 1
er mai 2011. Compte tenu des conclusions et des motifs du recours, il s'agit, en particulier, d'examiner si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en constatant que l'intimée aurait exercé une activité lucrative à 100 % sans atteinte à la santé et devait donc être considérée comme une personne active à 100 %; le degré de l'incapacité de travail (de 100 %) dans la sphère professionnelle n'est en revanche pas contesté.
2.2. Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la jurisprudence sur la notion d'invalidité, le droit à la rente d'invalidité et son étendue, ainsi que les différentes méthodes d'évaluation de l'invalidité (méthode de la comparaison des revenus, méthode spécifique et méthode mixte [ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 à 3.1.3 p. 337 s.]) et les conditions conduisant à l'application de l'une ou de l'autre d'entre elles (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338). Il suffit d'y renvoyer.
2.3. Pour résoudre la question litigieuse, il faut se référer à l'ensemble des circonstances personnelles, familiales, sociales, financières et professionnelles du cas d'espèce (ATF 130 V 393 consid. 3.3 p. 395 s., 125 V 146 consid. 2c p. 150 et les références). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'intimée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt 9C_352/2014 du 14 octobre 2014 consid. 3.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360 s.). Elle relève d'une question de fait dans la mesure où il s'agit d'une appréciation concrète des circonstances et non de l'application des conséquences tirées exclusivement de l'expérience générale de la vie (ATF 133 V 504 consid. 3.2 p. 507 et les références). Les constatations de la juridiction cantonale sur le statut de l'intimée lient donc le Tribunal fédéral tant qu'elles ne sont pas manifestement inexactes, ni contraires au droit au sens de l'art. 95 LTF, en particulier au principe de l'interdiction de l'arbitraire. L'appréciation des preuves est arbitraire non seulement lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier ou contraire au sens de la justice et de l'équité, mais également si le juge interprète les pièces de manière insoutenable, méconnaît des preuves pertinentes ou se fonde exclusivement sur une partie des moyens de preuve à disposition (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références).
3.
3.1. L'autorité cantonale de recours a constaté qu'au vu de la formation professionnelle de l'intimée, de l'activité professionnelle exercée dans son pays d'origine, des atteintes à la santé l'ayant vraisemblablement empêchée de travailler en Suisse à un taux d'occupation plus élevé que deux heures par jour à partir de 2006 (alors que sa fille née d'une deuxième union avait dix ans révolus) et de la situation financière de la famille, l'intimée aurait exercé une activité à plein temps dès le mois de juin 2011, si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé. En effet, à partir de cette date, son mari avait pris sa retraite et percevait une rente de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) de 1'700 fr., ce qui ne couvrait de loin pas les besoins d'une famille de trois personnes; les prestations complémentaires, qui complétaient ce revenu, auraient sans doute été calculées en fonction d'un revenu hypothétique du conjoint si l'intimée n'avait pas été incapable de travailler, comme cela semblait avoir été le cas au moment où avait été effectuée l'enquête économique sur le ménage (le 7 janvier 2014), l'intimée ayant indiqué que son époux bénéficiait alors de l'aide sociale.
3.2. L'office recourant reproche aux premiers juges d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte et d'avoir procédé à une appréciation arbitraire de ceux-ci en retenant le statut de personne active à 100 %. Selon lui, aucun des éléments pris en considération par la juridiction cantonale - passage à la retraite de l'époux, situation financière difficile, atteintes à la santé - n'était suffisant en soi pour reconnaître ce statut à l'intimée. Par ailleurs, la juridiction cantonale se serait substituée au corps médical en retenant de manière arbitraire que les pathologies psychiques et physiques dont souffrait l'intimée l'avaient vraisemblablement empêchée, entre 2006 et 2008, de chercher du travail à un taux plus élevé que celui de 23 % exercé pendant ces années. De plus, la simple déclaration de l'intimée, selon laquelle elle aurait travailler à 100 % si elle n'avait pas été atteinte dans sa santé, ne suffisait pas non plus, parce qu'aucun élément du dossier ne venait corroborer l'intention de l'intimée: de septembre 2006 à juillet 2008, elle n'avait travaillé que deux heures par jour, cinq jours par semaine, sans chercher une activité à un taux plus élevé, alors que sa fille était âgée de onze ans. L'office recourant fait valoir que, pendant cette période, la situation financière de l'intimée était déjà précaire, sans qu'elle n'eût fait de recherches d'emploi en vue d'augmenter son temps de travail.
3.3. L'intimée se rallie aux considérants du jugement entrepris. Les premiers juges ont selon elle dûment pris en considération toutes les circonstances familiales et personnelles dans leur appréciation globale, que l'argumentation de l'office recourant, qui s'en prend à chaque élément particulier sans examiner l'ensemble de la situation, ne parvient pas à remettre en cause.
4.
4.1. Comme le relève à juste titre l'intimée, l'argumentation de l'office recourant consistant à qualifier d'insoutenable l'appréciation de la juridiction cantonale quant au statut de l'intimée, en exposant que chacune des circonstances prises en considération par les premiers juges n'est en soi pas suffisante, n'est pas pertinente. La juridiction cantonale a en effet procédé à une appréciation globale des circonstances personnelles, familiales, sociales et financières de l'intimée pour en déduire que la volonté que celle-ci avait exprimée devant le collaborateur de l'office recourant lors de l'enquête économique sur le ménage, puis en audience cantonale - sans atteinte à la santé, elle aurait augmenté son taux d'activité jusqu'à 100 % -, était confortée par suffisamment d'indices extérieurs.
4.2. Cette appréciation n'apparaît pas insoutenable, quoi qu'en dise l'office recourant. On précisera à cet égard qu'une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais également dans son résultat (ATF 140 III 16 consid. 2.1 p. 18 s.). Tel n'est pas le cas en l'espèce.
4.2.1. L'office recourant reproche en vain à la juridiction cantonale d'avoir ignoré, pour évaluer la situation financière de la famille de l'intimée, que le montant des prestations complémentaires de 3'163 fr. dont bénéficiaient l'intimée et son époux avait sans doute été calculé sans prendre en considération un gain hypothétique de l'intimée et de n'avoir procédé à aucune vérification à ce sujet. Le montant mentionné se rapporte en effet à la situation des conjoints au cours de la procédure cantonale, soit à une période où le droit de l'intimée à une rente de l'assurance-invalidité - ce qui suppose l'existence d'une atteinte à la santé ayant des répercussions sur la capacité de gain d'un assuré ayant exercé une activité professionnelle jusque-là - était établi. Les considérations de la juridiction cantonale sur un éventuel revenu hypothétique dont aurait tenu compte l'organe d'exécution des prestations complémentaires ont cependant trait à la situation dans laquelle l'intimée n'aurait pas été atteinte dans sa santé; dans cette éventualité, les premiers juges pouvaient admettrequ'un revenu hypothétique aurait vraisemblablement été retenu à titre de "revenu déterminant du conjoint", conformément à ce que prévoit l'art. 9 al. 2 LPC et la jurisprudence y relative (ATF 134 V 53 consid. 4.1 p. 61).
Dans ce cadre, les constatations des premiers juges sur la baisse importante des revenus du couple à partir du moment où l'époux de l'intimée a pris sa retraite n'apparaissent pas manifestement inexactes, puisqu'au lieu d'un salaire de 3'200 fr., celui-ci ne disposait plus que d'une rente de vieillesse s'élevant à 1'700 fr. par mois. Au regard de la péjoration de la situation financière du couple, la déclaration de l'intimée selon laquelle elle aurait repris une activité professionnelle à plein temps apparaît vraisemblable, l'appel à l'aide sociale invoqué par l'office recourant ne constituant qu'une solution de dernier recours qui n'aurait pu remplacer la recherche d'un emploi.
4.2.2. En ce qui concerne les raisons retenues par l'autorité judiciaire de première instance qui expliqueraient le fait que l'intimée n'avait pas cherché à augmenter son temps de travail entre 2006 et 2008, fondées sur les atteintes à la santé dont celle-ci souffrait vraisemblablement déjà alors, elles n'ont pas l'importance décisive que lui accorde l'office recourant. D'une part, dans leur rapport du 3 octobre 2013 ("Appréciation consensuelle du cas", p. 8), les médecins du SMR ont indiqué que "quelques années avant 2008", l'intimée avait développé des problèmes thyroïdiens, se sentait très fatiguée, n'arrivait pas à marcher en raison d'une dyspnée et de tuméfaction des deux genoux, et avait continué, après une opération du tunnel carpien en 2001, à souffrir de douleurs des deux mains. Ainsi, même s'ils ont attesté une incapacité de travail de 100 % pour des raisons somatiques et psychiatriques à partir du mois de juillet 2008 seulement, il ressort de leurs constatations que l'intimée souffrait déjà, d'un point de vue subjectif à tout le moins, de problèmes de santé susceptibles de l'empêcher de viser une augmentation de son temps de travail. D'autre part, la doctoresse F.________, spécialiste en médecine générale, a fait état d'une maladie psychique remontant à cinq ans environ avant la rédaction de son rapport transmis à l'administration le 26 avril 2011. Les constatations de la juridiction cantonale sur l'existence de problèmes de santé antérieure à 2008 n'apparaissent dès lors pas insoutenables.
Par ailleurs, lors de son audition en instance cantonale, l'intimée a justifié son temps de travail réduit de 2006 à 2008 par le fait qu'elle devait élever sa fille. Ce motif suffit en soi à justifier l'absence de recherches de travail à un taux supérieur à celui qu'elle effectuait, puisque sa fille, alors âgée de onze ans, requérait certainement un soutien éducatif d'une certaine ampleur de la part de sa mère, que l'on ne saurait nier, comme le fait l'office recourant, en se référant à la scolarisation de l'enfant.
4.3. Finalement, on ne voit pas - l'office recourant ne motivant pas plus avant son grief - que la juridiction cantonale aurait violé le droit fédéral en fixant au mois de mai 2011, et non au mois de juin 2011, le moment à partir duquel le statut d'active à 100 % devait être reconnu à l'intimée. Il n'y a pas de "totale contradiction" à retenir le mois précédant celui du début de la retraite du conjoint de l'intimée au lieu du mois de juin 2011, puisque le couple pouvait alors déjà envisager la baisse imminente de ses revenus et anticiper (théoriquement) les effets de celle-ci de quatre semaines.
5.
Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé et doit, par conséquent, être rejeté.
Vu le présent arrêt, la requête d'effet suspensif présentée par l'office recourant devient sans objet.
6.
Etant donné l'issue du litige, l'office recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1, 1ère phrase, LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'400 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 11 mai 2015
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Glanzmann
La Greffière : Indermühle