Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
2C_824/2014
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Arrêt du 22 mai 2015
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffier: M. Tissot-Daguette.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par
Me Michel Chavanne, avocat,
recourante,
contre
B.________ SA, représentée par
Me Simon Othenin-Girard, avocat,
intimée.
Objet
Responsabilité de l'Etat; irrecevabilité de l'action de droit administratif,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit
public, du 25 juillet 2014.
Faits :
A.
A.________ SA est une société inscrite au registre du commerce de la République et canton de Neuchâtel. Son but social est "conception, développement, achat, vente, fabrication, commercialisation, installation et entretien de matériel industriel destiné au traitement des déch (e) ts industriels ou ménagers, ainsi que l'achat, la vente et l'exploitation industrielle et commerciale de brevets industriels".
La société B.________ SA, inscrite au registre du commerce de la République et canton de Neuchâtel, a le but statutaire suivant: " collecte, traitement, valorisation et élimination des déchets de provenance urbaine et d'autres déchets provenant de tiers; production d'énergies; construire et exploiter les installations nécessaires à son but; participer à toutes autres entreprises poursuivant un but similaire; organiser ou exploiter un service de transport à l'intention de toute ou partie de ses actionnaires ou de tiers, ce service devant contribuer à la poursuite de son but; accorder des prêts ou des garanties à des actionnaires ou à des tiers, si cela favorise ses intérêts ". Par décision d'adjudication du 11 mai 2010, cette société a adjugé un marché relatif à la livraison d'un système pour le traitement des boues de station d'épuration à la société C.________ AG, inscrite au registre du commerce du canton de Zoug. Ce marché était soumis aux dispositions sur les marchés publics du canton de Neuchâtel. Un recours contre la décision d'adjudication a été admis par le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel (actuellement la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel; ci-après: le Tribunal cantonal) le 29 octobre 2010. B.________ SA a rendu une nouvelle décision d'adjudication le 20 avril 2011, octroyant à nouveau le marché à C.________ AG. Dans cette décision, B.________ SA a relevé, " par souci de transparence ", qu'elle avait conclu un contrat avec C.________ AG le 20 mai 2010 et que celui-ci était en cours d'exécution. Sur recours de A.________ SA, le Tribunal cantonal a constaté le caractère illicite de la décision d'adjudication dans un arrêt du 21 décembre 2011. Cet arrêt est entré en force.
Le 26 avril 2012, A.________ SA a notamment adressé au Département de la gestion du territoire de la République et canton de Neuchâtel (actuellement le Département du développement territorial et de l'environnement de la République et canton de Neuchâtel; ci-après: le Département) une demande d'indemnisation pour le compte de D.________ SA, société inscrite au registre du commerce de la République et canton de Neuchâtel, en raison de l'adjudication illicite d'un marché public par la société B.________ SA. Le 21 septembre 2012, le Département a rejeté cette requête d'indemnisation.
Le 27 décembre 2012, A.________ SA a adressé au Tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz une requête de conciliation, par laquelle elle réclamait à B.________ SA le paiement des sommes de 279'436.65 fr., 206'191.70 fr. et 100'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 avril 2011, en raison de l'adjudication illicite d'un marché public par cette société. La Chambre de conciliation de ce Tribunal a déclaré la requête irrecevable par décision du 6 juin 2013. Constatant son incompétence, elle a en particulier indiqué qu'il ne lui appartenait pas de procéder à la transmission d'office de la requête à une autorité qu'elle aurait considérée comme étant compétente.
B.
Par acte du 5 juillet 2013, A.________ SA a ouvert action devant le Tribunal cantonal, concluant en substance à la condamnation de B.________ SA au versement des montants déjà réclamés devant l'autorité civile de conciliation.
Par arrêt du 25 juillet 2014, le Tribunal cantonal a déclaré la demande de A.________ SA irrecevable. Il a jugé que l'action en responsabilité, fondée sur le droit cantonal sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents, n'avait pas été introduite dans le délai de péremption légal. Il a en outre également exclu toute prolongation ou suspension de ce délai, ainsi que l'application des règles de procédure civile relatives à la litispendance en cas d'incompétence du tribunal ou de fausse procédure.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle, subsidiaire, du recours constitutionnel, A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement de déclarer l'action introduite le 5 juillet 2013 recevable et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour instruction et décision au fond; subsidiairement d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 25 juillet 2014 et de renvoyer la cause à celui-ci pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint de violation du droit fédéral, d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, de formalisme excessif et de violation du principe de l'égalité de traitement.
Le Tribunal cantonal et B.________ SA concluent au rejet du recours. Durant l'échange d'écritures, A.________ SA et B.________ SA ont toutes deux confirmé leurs conclusions respectives.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle donc librement la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui (ATF 136 II 470 consid. 1 p. 472).
1.1. Selon l'art. 83 let. f LTF, le recours en matière de droit public n'est recevable qu'à des conditions restrictives en matière de marchés publics. Il faut cumulativement que la valeur estimée du mandat à attribuer ne soit pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.172.052.68) et que le recours soulève une question juridique de principe (art. 42 al. 2 LTF; cf. ATF 133 II 396 consid. 2.2 p. 398 s.).
1.2. Le Tribunal fédéral n'a jamais eu l'occasion de trancher le point de savoir si, comme en l'espèce, lorsque la cause porte sur l'irrecevabilité d'une action en dommages-intérêts pour un contrat conclu ensuite d'une décision d'adjudication dont le caractère illicite a été définitivement constaté par une instance de recours, la clause d'exclusion de l'art. 83 let. f LTF trouvait application. A ce propos, la doctrine est clairement d'avis qu'un recours contre une action en dommages-intérêts qui fait suite à la conclusion d'un contrat d'adjudication illicite n'est pas soumis à l'exception de l'art. 83 let. f LTF (cf. Thomas Häberli, in Niggli/Uebersax/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2e éd. 2011, n° 154 ad art. 83 LTF; Hansjörg Seiler, in Seiler/von Werdt/Güngerich [éd.], Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n° 54 ad art. 83 LTF; Adrian Hungerbühler, in Zufferey/Stöckli [éd.], Aktuelles Vergaberecht 2008, Marchés Publics 2008, n° 9 p. 349 s.; Galli/Moser/Lang/Steiner, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd. 2013, n° 1428). C'était d'ailleurs la proposition initiale du Conseil fédéral qui, en matière de marchés publics, ne désirait ouvrir le recours ordinaire devant le Tribunal fédéral que pour les demandes de dommages-intérêts (cf. FF 2001 4281 p. 4300). Dans son message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4000 p. 4119 s.) il mentionnait ainsi qu'en cette matière, " la possibilité de déférer au Tribunal fédéral les décisions d'adjudication de soumissions peut être d'autant plus facilement abandonnée (cf. al. 1, let. e) que la loi fédérale sur le marché intérieur limite déjà considérablement le pouvoir de décision du Tribunal fédéral (art. 9, al. 3, LMI; RS 943.02) et qu'un contrôle de la mise en oeuvre par les cantons de la LMI reste possible lors de procédures en dommages-intérêts ". Un auteur se montre plus nuancé et soutient que lorsque le canton donne compétence au tribunal qui constate l'illicéité de l'adjudication de statuer simultanément sur les dommages-intérêts dans le cadre de la même procédure, le recours au Tribunal fédéral est régi par l'art. 83 let. f LTF (Florence Aubry Girardin, in Corboz et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 82 ad art. 83 LTF). Il n'est pas question d'un tel cas en l'espèce. En effet, la présente procédure de dommages-intérêts, fondée sur le droit cantonal neuchâtelois, est clairement distincte de la procédure de marché public. Cette dernière s'est terminée par une décision de constatation de l'illicéité de l'adjudication rendue le 21 décembre 2011 par le Tribunal cantonal, qui n'a pas fait l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. Par conséquent, au vu de ce qui précède, la procédure de dommages-intérêts se distinguant totalement de la procédure de marché public et étant d'ailleurs soumise en grande partie aux dispositions cantonales régissant la responsabilité de l'Etat, il convient de ne pas faire application de l'exception de l'art. 83 let. f LTF au cas d'espèce. C'est ainsi à la condition de l'art. 85 al. 1 let. a LTF, et à défaut de celle de l'art. 85 al. 2 LTF, que la recevabilité du présent recours en matière de droit public doit être examinée.
1.3. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière de droit public n'est recevable en matière de responsabilité étatique que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 85 al. 1 let. a LTF). En cas de recours contre une décision finale, cette valeur est déterminée par les conclusions - recevables - restées litigieuses devant l'autorité précédente juste avant que celle-ci prononce le jugement (art. 51 al. 1 let. a LTF; cf. arrêt 5A_765/2008 du 29 juin 2009, consid. 1.2.1). Toutefois, d'après l'art. 85 al. 2 LTF, même lorsque la valeur litigieuse n'atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe. En l'occurrence, le Tribunal cantonal a rendu une décision finale en déclarant irrecevable l'action en dommages-intérêts déposée par la recourante et tendant au versement d'un montant total de 585'628 fr. 35. La condition de valeur litigieuse prévue à l'art. 85 al. 1 let. a LTF étant remplie, le recours en matière de droit public est par conséquent ouvert et le recours constitutionnel subsidiaire irrecevable.
1.4. Au surplus, interjeté par une partie qui a succombé dans ses conclusions (cf. art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme (art. 42 LTF) prévus, est recevable, puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF).
2.
Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement juridique sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit (au sens de l'art. 95 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 136 II 508 consid. 1.2 p. 511). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans la décision attaquée. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques ou explications de type appellatoire du recourant portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104).
Par conséquent, et même si la recourante affirme se référer intégralement aux faits retenus par l'autorité précédente, en tant qu'elle avance des éléments de fait ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, par exemple en relation avec les points qu'elle a obtenus dans la procédure de soumission, sans exposer en quoi les conditions qui viennent d'être rappelées seraient réunies, il n'en sera pas tenu compte. Il en va de même des éléments de fait évoqué par l'intimée qui ne figurent pas dans l'arrêt entrepris.
3.
3.1. Le Tribunal cantonal a en particulier jugé que la livraison d'un système de traitement des boues de station d'épuration constituait un marché public et relevé que ce point n'était pas contesté par les parties. Fort de ce constat, il a considéré que la responsabilité de l'intimée, en raison de l'adjudication illicite d'un tel marché, devait être examinée sur la base de l'art. 46 de la loi neuchâteloise du 23 mars 1999 sur les marchés publics (LCMP/NE; RSN 601.72) et, pour tout ce qui n'est pas réglé par cette disposition, conformément à la loi neuchâteloise du 26 juin 1989 sur la responsabilité des collectivités publiques et leurs agents (LResp/NE; RSN 150.10). Il a en outre laissé les questions indécises de savoir si une requête d'indemnisation, au sens de l'art. 10 LResp/NE, avait effectivement été déposée par la recourante le 26 avril 2012 et si la collectivité publique neuchâteloise, à l'encontre de laquelle portaient les conclusions, avait la qualité pour défendre. Le Tribunal cantonal a en effet déclaré l'action en dommages-intérêts irrecevable en raison de son dépôt tardif. Selon lui, la recourante devait introduire action dans un délai de six mois, soit à compter de la date à laquelle les prétentions ressortant de la requête d'indemnisation adressée à la collectivité publique avaient été contestées, soit après l'écoulement de trois mois si aucune prise de position n'était intervenue sur ce sujet, ce que la recourante n'avait pas fait (cf. art. 11 al. 2 LResp/NE).
3.2. En l'espèce, l'objet de la contestation est limité à l'irrecevabilité de l'action en dommages-intérêts déposée par la recourante auprès du Tribunal cantonal (cf. arrêts 2C_319/2009 du 26 janvier 2010 consid. 2.2, non publié in ATF 136 II 241; 2D_144/2008 du 23 mars 2009 consid. 3 et 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 4.1 et les références citées). L'objet du litige, délimité par les conclusions des parties (cf. art. 107 al. 1 LTF) et l'objet de la contestation, porte sur le point de savoir si c'est à tort que l'action en dommages-intérêts a été déclarée irrecevable par le Tribunal cantonal en raison de l'écoulement du délai de péremption pour introduire action et en particulier sur le respect dudit délai, prévu par le droit administratif cantonal, lors du dépôt de l'action auprès d'une autorité judiciaire civile incompétente.
En tant que la recourante se prévaut de la responsabilité de l'intimée en raison de l'adjudication illicite d'un marché public et développe les conditions de l'acte illicite, du préjudice et du lien de causalité devant exister entre le préjudice et l'acte précités, son recours est irrecevable car hors de l'objet de la contestation.
4.
La recourante invoque une violation de l' art. 63 al. 1 et 2 CPC . Selon cette disposition, si l'acte introductif d'instance retiré ou déclaré irrecevable pour cause d'incompétence est réintroduit dans le mois qui suit le retrait ou la déclaration d'irrecevabilité devant le tribunal ou l'autorité de conciliation compétent, l'instance est réputée introduite à la date du premier dépôt de l'acte (al. 1). Il en va de même lorsque la demande n'a pas été introduite selon la procédure prescrite (al. 2).
Selon l'art. 1 let. a CPC, le code de procédure civile règle la procédure applicable devant les juridictions cantonales aux affaires civiles contentieuses, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, la présente cause est entièrement soumise au droit public cantonal neuchâtelois et sort donc du champ d'application du CPC (cf. Vock/Nater, in Spühler/Tenchio/Infanger [éd.], Schweizerische Zivilprozessordnung, Basler Kommentar, 2e éd. 2013, n° 4 ad art. 1 CPC; Markus Schott, in Oberhammer/Domej/Haas [éd.], Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 1 CPC). Pour cette raison, l'art. 63 CPC ne peut revêtir tout au plus que la qualité de droit cantonal supplétif (cf. arrêts 2C_1022/2011 du 22 juin 2012 consid. 9, non publié in ATF 138 I 367; 2C_940/2011 du 23 novembre 2011 consid. 5.1). En tant que la recourante invoque une violation du droit fédéral fondée sur cette norme, son grief doit donc être rejeté.
5.
La recourante fait grief au Tribunal cantonal d'avoir appliqué arbitrairement le droit cantonal, en particulier la loi neuchâteloise du 27 juin 1979 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA/NE; RSN 152.130) et l'art. 63 CPC à titre de droit cantonal supplétif. Elle se plaint également de formalisme excessif et de violation de l'égalité de traitement.
5.1. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. d LTF), les dispositions cantonales ne peuvent pas être attaquées directement comme telles devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que leur application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels (cf. ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF. Cela est le cas en l'occurrence puisque la recourante se prévaut en particulier d'arbitraire et de formalisme excessif (cf. ATF 133 III 639 consid. 2 p. 639 s.; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254).
5.2. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5 et les arrêts cités).
5.3. Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; 132 I 249 consid. 5 p. 253; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183; 128 II 139 consid. 2a p. 142). En tant qu'elle sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, l'interdiction du formalisme excessif poursuit le même but que le principe de la bonne foi consacré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. Ce principe commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsqu'elle pouvait s'en rendre compte suffisamment tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170; arrêts 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1; 2C_373/2011 du 7 septembre 2011 consid. 6.1).
6.
6.1. Il ressort de l'arrêt entrepris que la décision par laquelle la société B.________ SA a adjugé un marché public de traitement des boues de station d'épuration était illicite. Suite à cette constatation, la recourante a en particulier adressé au Département une demande d'indemnisation. Celui-ci a rejeté la requête le 21 septembre 2012, indiquant que l'acte illicite en cause avait été commis par une entreprise privée et que le traitement des déchets était du ressort des communes. Pour le Département, cette société n'accomplissait pas une tâche publique cantonale. Le 27 décembre 2012, la recourante a donc adressé une requête de conciliation contre B.________ SA auprès du Tribunal régional civil compétent à raison du lieu. Celui-ci a déclaré la requête de conciliation irrecevable le 6 juin 2013, rappelant notamment que la responsabilité de l'adjudicateur d'un marché public était régie par des règles de droit public et non de droit privé et qu'il revenait ainsi au Tribunal cantonal de traiter de cette affaire. La recourante a ouvert action devant ce Tribunal le 5 juillet 2013. Ce dernier n'a pas pris en compte la date du dépôt de l'action devant l'autorité civile pour statuer et l'a déclarée irrecevable car tardive.
6.2. Dans le canton de Neuchâtel, l'art. 9 al. 1 LPJA/NE, applicable aux autorités appelées à prendre des décisions administratives et à celles statuant sur recours contre de telles décisions (art. 1 al. 1 et 2 LPJA/NE), dispose que l'autorité qui se tient pour incompétente doit transmettre l'affaire à l'autorité compétente. Est ainsi déterminant pour le respect d'un éventuel délai (de recours), le moment du dépôt auprès de l'autorité incompétente (Robert Schaer, Juridiction administrative neuchâteloise, 1995, p. 67). Le principe, selon lequel les délais sont considérés comme respectés si une partie dépose un acte en temps voulu auprès d'une autorité incompétente, a été reconnu par le Tribunal fédéral comme principe général valant pour tous les domaines du droit (ATF 140 III 636 consid. 3.5 p. 641 s.; 121 I 93 consid. 1d p. 95; 118 Ia 241 consid. 3c p. 243 s.; cf. par exemple pour la procédure administrative fédérale, art. 21 al. 2 en relation avec art. 8 al. 1 PA [RS 172.021], ainsi que pour la procédure devant le Tribunal fédéral, art. 48 al. 3 LTF; cf. ATF 130 III 515 consid. 4). Ce principe permet d'éviter tout formalise excessif et concrétise celui de l'interdiction du déni de justice (ATF 140 III 636
ibidem; 121 I 93
ibidem ). Il ne saurait toutefois être invoqué par la partie qui s'adresse à une autorité qu'elle sait être incompétente (ATF 140 III 636
ibidem; arrêt 2C_610/2010 du 21 janvier 2011 consid. 2.5, s'agissant en particulier de l'application de l'art. 48 al. 3 LTF).
6.3. En l'espèce, le Tribunal cantonal a déclaré irrecevable l'action en dommages-intérêts de la recourante car celle-ci n'aurait pas respecté le délai de six mois prévu par l'art. 11 al. 2 LResp/NE. Il n'a toutefois pas tenu compte du dépôt, par la recourante, d'une action auprès du Tribunal régional. Or, selon le principe général développé ci-avant, un tel dépôt auprès d'une autorité incompétente, s'il est effectué en temps voulu, respecte le délai prévu à l'art. 11 al. 2 LResp/NE. Le fait que la jurisprudence topique ait été développée en relation avec des délais de recours n'y change rien. En outre, force est d'admettre que la recourante ne pouvait être sûre de la voie judiciaire à emprunter, notamment en raison du rejet, par le Département, de sa requête d'indemnisation. Il ne saurait par conséquent lui être reproché d'avoir sciemment déposé son acte auprès d'une autorité incompétente. Partant, l'arrêt d'irrecevabilité, en ce qu'il refuse de considérer la date du dépôt de l'action en dommages-intérêts devant le Tribunal civil, constitue un cas de formalisme excessif, sans préjudice du point de savoir si ce délai était respecté au moment du dépôt devant ce Tribunal, l'autorité précédente ayant laissé indécise la question du
dies a quo du délai de six mois de l'art. 11 al. 2 LResp/NE.
7.
Compte tenu de ce qui précède, le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la cause renvoyée à l'autorité précédente afin qu'elle rende un nouvel arrêt. Celle-ci prendra notamment en compte l'art. 20 LPJA/NE, prévoyant que les dispositions du CPC relatives aux délais et à la restitution sont applicables par analogie (droit cantonal supplétif). Même si le chapitre 3 du titre 9 du CPC est intitulé " Délais, défaut et restitution " et que l'art. 63 CPC n'en fait pas partie, cette dernière disposition traite, à tout le moins indirectement, d'une question de délai. En fixant le début de la litispendance, elle permet de déterminer si un délai pour introduire instance a été respecté ou non (cf. ATF 140 III 636 consid. 3.6 p. 642 s.). Il faut donc admettre que le renvoi de l'art. 20 LPJA/NE s'applique aussi à l'art. 63 CPC. Contrairement à ce que semble penser l'intimée, le fait que dans sa jurisprudence le Tribunal cantonal ait exclu l'art. 101 CPC de ce renvoi n'y change rien (cf. RJN 2012 p. 496). En appliquant par analogie l'art. 63 CPC à la procédure administrative neuchâteloise par renvoi de l'art. 20 LPJA/NE, on remédie ainsi à l'éventuelle absence de transmission d'office d'un acte par une autorité civile à une autorité administrative, tout en respectant le principe constitutionnel de l'interdiction du formalisme excessif. La recourante, ensuite de la décision d'irrecevabilité de l'autorité civile incompétente, dispose donc d'un mois pour réintroduire son action auprès de l'autorité administrative compétente (cf. art. 63 al. 1 CPC). Il convient encore de mentionner que l'autorité administrative applique d'office le droit aux faits qui auront été constatés selon l'art. 14 LPJA/NE (cf. Robert Schaer, op. cit., p. 81) et qu'en l'espèce, les faits et conclusions invoqués, respectivement déposées par la recourante étaient les mêmes devant le Tribunal civil et devant le Tribunal cantonal.
8.
Au vu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de l'intimée, organisation chargée de tâches de droit public ayant pris des conclusions et dont l'intérêt patrimonial est en cause (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF ). Celle-ci supportera également les dépens dus à la recourante (cf. art. 68 al. 1 LTF). Le Tribunal cantonal procédera en outre à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant lui ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière de droit public est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt rendu le 25 juillet 2014 par le Tribunal cantonal est annulé.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
3.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
5.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au mandataire de l'intimée et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public.
Lausanne, le 22 mai 2015
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Zünd
Le Greffier : Tissot-Daguette