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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
1C_434/2014
Arrêt du 18 juin 2015
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par Me Anne-Catherine Lunke Paolini, avocate,
recourante,
contre
B.B.________ et C.B.________, représentés par Me Jean-Claude Schweizer, avocat,
intimés,
Commune de Saint-Aubin-Sauges, rue de la Gare 4, case postale 170, représentée par Me Pierre Heinis, avocat,
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, Le Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel.
Objet
mise en conformité d'une route d'accès à des immeubles,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 5 août 2014.
Faits :
A.
Le 7 mars 2005, le Conseil communal de Saint-Aubin-Sauges (ci-après: Conseil communal) a accordé à la société A.________ SA un permis de construire quatre villas mitoyennes et huit garages sur les parcelles n° 3002 à 3009 du cadastre de la commune de Saint-Aubin. Une route d'accès était prévue par le nord depuis la rue de l'Hôpital sur le bien-fonds n° 3010.
B.
Les époux B.B.________ et C.B.________, copropriétaires du bien-fonds n° 1673 contigu à la parcelle n° 3010, ont indiqué en 2006 au Conseil communal que la route d'accès réalisée n'était pas conforme aux plans sanctionnés. Le 30 octobre 2007, A.________ SA a déposé une demande de permis de construire pour la mise en conformité de la route d'accès, demande qu'elle a renouvelée le 19 janvier 2009 après que le Conseil d'Etat a annulé la décision du Conseil communal qui renonçait notamment à mettre les plans à l'enquête publique. Cette demande du 19 janvier 2009 a fait l'objet d'une opposition des époux précités qui affirmaient notamment que les gabarits du mur de soutènement de la route forjetaient sur leur parcelle, à savoir présentaient une saillie hors de l'alignement (ci-après: forjet), ce à quoi ils s'opposaient.
Par décision du 7 janvier 2013, le Conseil communal a admis l'opposition des époux et a refusé de sanctionner les plans modifiés s'agissant de la route d'accès; l'autorité communale a également ordonné à A.________ SA de modifier cette route sur tout le tronçon pour lequel le gabarit du mur de soutènement forjetait sur le bien-fonds voisin afin de correspondre aux plans sanctionnés le 7 mars 2005. Cette décision communale était notamment fondée sur le préavis du 25 février 2011 du Service de l'aménagement du territoire (SAT) qui confirmait - après avoir effectué une vision locale le 2 septembre 2010 - que le gabarit du mur de soutènement délimitant la première partie de la route forjetait sur la parcelle des opposants et que ce forjet n'était possible qu'avec l'accord des propriétaires du fonds concerné.
Le 14 août 2013, le Conseil d'Etat a admis partiellement le recours déposé par A.________ SA contre la décision communale en ce sens que la demande de sanction des plans modifiés du 19 janvier 2009 était admise uniquement pour la partie de la route dont les gabarits du mur de soutènement ne forjetaient pas sur le bien-fonds n° 1673 et qu'il était ordonné à A.________ SA de modifier, dans un délai de 4 mois, la route d'accès de la cote 472.73 à la cote 469.90 sur le plan P 20 du 26 octobre 2007 afin que celle-ci corresponde aux plans sanctionnés le 7 mars 2005.
La Cour de droit public du Tribunal cantonal (ci-après: Tribunal cantonal ou cour cantonale) a, par arrêt du 5 août 2013, confirmé cette décision. L'ordre de modification de la route d'accès privée sur tout le tronçon pour lequel le gabarit du mur de soutènement forjetait sur le bien-fonds n° 1673 respectait le principe de proportionnalité. Les intérêts publics et privés en cause l'emportaient en effet sur les intérêts financiers de A.________ SA.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'admettre la sanction des plans du 19 janvier 2009 pour l'intégralité de la route d'accès litigieuse. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente ou à la Municipalité pour nouvelle décision au sens des considérants. La recourante se plaint d'une constatation arbitraire des faits et s'oppose à l'ordre de remise en état qu'elle juge disproportionné.
Par ordonnance du 9 octobre 2014, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante.
Le Tribunal cantonal et le Conseil d'Etat concluent au rejet du recours sans formuler d'observations. Les intimés concluent au rejet du recours. Par courrier du 17 novembre 2014, la recourante renonce à présenter des observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
La recourante, qui a pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme un ordre de mise en conformité d'une route d'accès dont elle est la destinataire. Elle a donc la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont par ailleurs réunies.
2.
La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits ainsi que d'une violation de son droit d'être entendue, en particulier de son droit à l'administration des preuves en raison du refus du Tribunal cantonal de procéder à une inspection locale.
2.1. Le Tribunal fédéral fonde en principe son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend critiquer les constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 139 II 404 consid. 10.1 p. 444 s.; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356 et les arrêts cités).
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429; 119 Ib 492 consid. 5b/bb pp. 505 s.; cf. également ATF 137 III 208 consid. 2.2 p. 210). Il appartient au recourant de démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
2.2. La recourante fait tout d'abord grief à l'instance précédente de ne pas avoir constaté que le mur de soutènement litigieux était constitué de deux, voire trois pierres de Hauterive, d'une hauteur d'environ un mètre, que les locaux au rez-de-chaussée ouest de la villa des intimés étaient borgnes et donnaient sur un abri baptisé "outils jardin" et des caves, que le chemin d'accès se trouvait à une hauteur supérieure à celui du mur de soutènement et qu'un petit talus en pente végétalisé reliait le haut dudit mur à la limite du chemin d'accès et, enfin, que le mur de soutènement n'était pas visible depuis le premier étage de la villa (balcon et cuisine). La recourante prétend que ces éléments factuels d'importance ressortiraient des dossiers officiels. Elle ne se réfère toutefois à aucune pièce précise du dossier de la présente cause. La recourante se contente en l'occurrence d'affirmer que ces éléments seraient déterminants pour procéder à la pondération des intérêts, sans entreprendre de démontrer en quoi l'arrêt attaqué serait entaché d'arbitraire. Sa critique, essentiellement appellatoire, apparaît dès lors irrecevable. Quoi qu'il en soit, les éléments invoqués par la recourante ne sont pas, pour les motifs exposés ci-dessous (cf. consid. 3), susceptibles d'influer sur le sort de la cause. Il n'y a dès lors pas lieu de compléter les faits établis dans l'arrêt attaqué.
Quant à la critique de la recourante relative à la violation de son droit d'être entendue, elle doit également être écartée. En effet, le Tribunal cantonal a rejeté la proposition de procéder à une vision locale au motif que les pièces du dossier lui permettaient de statuer. Or la recourante ne démontre pas en quoi le refus du Tribunal cantonal serait arbitraire. Elle se contente simplement d'avancer qu'une visite des lieux aurait permis à l'instance précédente de mettre en évidence des faits qui ont été purement et simplement négligés. Sa critique ne satisfait dès lors pas aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. En tout état de cause, il apparaît que les documents et plans figurant au dossier sont suffisants pour trancher le litige.
3.
La recourante se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité.
3.1. Conformément à l'art. 46 al. 1 let. d de la loi sur les constructions du 25 mars 1996 (RS/NE 720.0, LConstr), lorsqu'une construction ou une installation n'est pas conforme aux prescriptions de la LConstr ou aux autorisations délivrées, les instances compétentes peuvent ordonner la remise en état, l'entretien, la suppression ou la démolition.
Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction édifiée sans droit et pour laquelle une autorisation ne peut être accordée n'est en soi pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6 p. 35 ; 123 II 248 consid. 3a/bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224 s.; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69). Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité. Toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224 et la jurisprudence citée).
3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que la route d'accès litigieuse ne respecte pas les termes de l'autorisation de construire, ni que la trace du gabarit du mur de soutènement de cette route forjette sur la parcelle des époux en violation des dispositions relatives aux gabarits, ni encore que le forjet en question commence à la cote 472.73 selon le plan P20 du 29 octobre 2007 et se poursuit le long du mur de soutènement jusqu'à la cote 469.90 (soit sur une distance de plus de 15 m.). Il en va de même du fait que la profondeur du forjet au sol du gabarit de ce mur mesure de 60 à 80 cm.
A l'appui de son grief, la recourante prétend que la dérogation à la règle serait minime dès lors que la construction litigieuse aurait pu être autorisée si les intimés avaient donné leur accord et que cette problématique du forjet aurait pu être réglée par l'application des règles de droit privé (art. 674 al. 3 CC). L a recourante estime que les intérêts privés des voisins ne seraient ni établis ni étayés (perte d'intimité, émissions de bruit et de gaz d'échappement); elle relève en particulier que le rez-de-chaussée de la villa serait borgne et que la fenêtre ouest et le balcon sud-ouest seraient situés au-dessus du mur de soutènement; par ailleurs, le déplacement de moins d'un mètre du chemin d'accès ne modifierait de toute évidence pas, selon elle, le problème lié à la perte d'intimité, au bruit et au gaz d'échappement. Elle se prévaut enfin du fait que l'assise d'un chemin privé peut être déterminée librement par un propriétaire sur son bien-fonds.
3.3. Ces considérations ne sont pas de nature à tenir l'arrêt attaqué pour arbitraire ou non conforme au principe de la proportionnalité. La cour cantonale pouvait sans arbitraire considérer que l'atteinte portée aux intérêts publics en cause ne pouvait pas être minimisée, même si la nature de la violation du droit matériel consistait dans un problème de gabarit. Il existe en effet un intérêt public important - lié à des motifs de sécurité du droit et d'égalité de traitement - au respect des règles du droit public des constructions, ainsi qu'au respect des décisions de l'autorité, en particulier des termes des autorisations de construire. Par ailleurs, comme relevé par l'instance précédente, les dispositions relatives aux gabarits tendent précisément à protéger les intérêts privés des voisins. Aussi, dans la mesure où le mur de soutènement est situé à environ deux mètres de la villa des intimés, on ne saurait nier l'intérêt de ces derniers au respect de ces dispositions. Le fait que le rez inférieur (ou sous-sol) de la villa soit actuellement borgne du côté de la route d'accès litigieuse et que la hauteur du mur de soutènement soit modeste ne saurait modifier cette appréciation. Par ailleurs, compte tenu de la proximité entre la route d'accès et la villa des intimés, ceux-ci peuvent se prévaloir d'un intérêt privé à la mise en conformité de la route aux plans sanctionnés en 2005, même si elle se caractérise par un éloignement de moins d'un mètre.
L'intérêt purement économique de la recourante ne saurait en l'occurrence prévaloir sur les intérêts publics et privés précités. L'instance précédente pouvait en effet sans arbitraire considérer que le montant des travaux de remise en état - estimé dans un premier temps par la recourante à 50'000 puis à 74'000 francs - était certes important mais qu'il devait être relativisé au vu de la valeur des quatre villas mitoyennes avec garages construites sur le Littoral neuchâtelois et des investissements consentis par la recourante pour l'exécution de ce projet immobilier. La recourante ne donne aucun élément susceptible de modifier cette appréciation. Elle ne saurait en particulier se prévaloir du fait que la valeur exacte des villas et de son investissement n'ont pas été établis: conformément à son devoir de collaboration, il lui appartenait de les indiquer dès lors qu'il s'agissait de faits qu'elle connaissait mieux que quiconque.
Enfin, quoi qu'en pense la recourante, il n'apparaît pas disproportionné d'exiger non seulement le respect des règles concernant les gabarits mais également la mise en conformité de la route d'accès au plan sanctionné en 2005. La recourante a d'ailleurs elle-même affirmé que le simple fait de raboter lesdits blocs de pierre - pour respecter les règles sur les gabarits - n'était pas envisageable car la masse de soutien du talus serait alors insuffisante (cf. arrêt du Conseil d'Etat du 14 août 2013 consid. 3.3). La recourante ne saurait en outre invoquer dans le cadre de la procédure administrative les règles de droit civil concernant les constructions empiétant sur le fonds d'autrui, en particulier l'inscription d'une servitude d'empiétement (art. 674 CC), étant en particulier relevé que les intimés ont toujours refusé de donner leur accord au forjet litigieux. Enfin, dans la mesure où la recourante ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi, elle devait s'attendre à ce que la Municipalité favorise le respect d'une situation conforme au droit.
3.4. En définitive, la mesure ordonnée, confirmée par le Tribunal cantonal, n'apparaît pas disproportionnée.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 LTF). La Municipalité n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera aux intimés la somme de 2'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Saint-Aubin-Sauges ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 18 juin 2015
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
La Greffière : Arn