BGer 4A_238/2015
 
BGer 4A_238/2015 vom 22.09.2015
{T 0/2}
4A_238/2015
 
Arrêt du 22 septembre 2015
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Niquille et Abrecht, juge suppléant.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Thierry Amy,
demandeur et recourant,
contre
1. B.________ SA, représentée par
Me Daniel Tunik,
défenderesse et intimée.
2. Caisse cantonale genevoise de chômage,
intervenante et intimée.
Objet
contrat de travail,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 12 mars 2015 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Faits :
 
A.
A.a. A.________ a tout d'abord travaillé du 1
A.b. Au cours du deuxième semestre 2010, E.________, employée de B.________ SA, a été licenciée au motif qu'elle était soupçonnée du vol de l'argent provenant de la vente de tickets restaurant dont elle était chargée. Elle a alors dénoncé B.________ SA auprès de l'Office cantonal genevois de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), se plaignant notamment des pressions exercées par son employeuse.
A.c. Par courrier du 28 octobre 2011, réceptionné le 31 octobre 2011, B.________ SA a licencié A.________ avec effet au 30 avril 2012 et l'a libéré de son obligation de travailler. Ce licenciement était motivé par le fait que A.________ avait participé sans l'autorisation de sa hiérarchie à une réunion le 8 septembre 2011 à ... avec G.________, président du conseil d'administration de la société H.________ Inc., qui souhaitait proposer une offre de coopération entre sa société et B.________ SA. Celle-ci considérait que cette réunion allait à l'encontre de ses intérêts, dès lors que G.________ était connu pour avoir suscité en avril 2011 une polémique dans les journaux au sujet de B.________ SA.
 
B.
B.a. Le 18 février 2013, A.________ a assigné B.________ SA devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève en paiement de huit fois le montant brut de 19'507 fr. 70 à titre de salaires, de 12'205 fr. 10 bruts à titre de 13
B.b. Interrogé en tant que partie (cf. art. 191 CPC) durant les débats de première instance, A.________ a expliqué qu'il avait négocié son réengagement directement avec D.________. Il avait indiqué à celui-ci que la politique de B.________ SA était de compter les années d'ancienneté d'un emploi précédent dans la société, raison pour laquelle il souhaitait que cela figure dans son contrat, ce que D.________ avait accepté. Le contrat avait été négocié en anglais et donc rédigé dans cette même langue par I.________, sur instruction de D.________. A sa connaissance, un contrat en français avait été pris pour modèle, stipulant que les années d'ancienneté étaient reprises en cas de réengagement.
Le représentant de B.________ SA, également interrogé comme partie, a contesté ces explications.
Plusieurs témoins ont en outre été entendus.
B.c. Par décision du 25 juin 2014, le Tribunal des prud'hommes a condamné B.________ SA à payer à A.________ les sommes brutes de 148'061 fr. 60 et de 12'205 fr. 10, intérêts en sus, B.________ SA étant invitée à opérer les déductions sociales et légales usuelles. Cette dernière a en outre été condamnée à payer à la Caisse cantonale genevoise de chômage le montant total net de 41'751 fr. 10 plus intérêts, ce montant devant être porté en déduction de la somme précitée de 148'061 fr. 60 due à A.________. Les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions.
B.d. Statuant par arrêt du 12 mars 2015 sur appel de B.________ SA, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a réformé la décision attaquée en ce sens qu'elle a entièrement rejeté les conclusions du demandeur et de l'intervenante et partiellement admis les conclusions reconventionnelles de la défenderesse, condamnant A.________ à verser à B.________ SA les montants de 3'150 fr. plus intérêts et de 350 fr.
 
C.
 
 Considérant en droit :
 
Erwägung 1
1.1. La partie demanderesse ayant succombé entièrement dans ses conclusions en paiement et partiellement sur les conclusions reconventionnelles de la défenderesse a la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Dirigé contre un arrêt rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse - y compris pour l'action reconventionnelle - dépasse le seuil de 15'000 fr. requis par l'art. 74 al. 1 let. a LTF en matière de droit du travail, le recours est par principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours et ne traite donc pas celles qui ne sont plus discutées par les parties, sous réserve d'erreurs manifestes (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). Le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).
1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). En tant que cour suprême, il est instance de révision du droit, et non juge du fait. Il peut certes, à titre exceptionnel, rectifier ou compléter les faits s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - et pour autant que la correction soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). Cette exception ne permet toutefois pas aux parties de rediscuter dans leurs mémoires les faits de la cause comme si elles plaidaient devant un juge d'appel. La partie recourante qui entend faire rectifier ou compléter un fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une telle modification seraient réalisées (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 I 184 consid. 1.2 p. 187), au même titre que la partie qui invoque une violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).
 
Erwägung 2
2.1. Se référant à la pratique antérieure au CPC connue sous le nom de «nicht ohne Not Praxis» dans certains cantons dont celui de Berne, le demandeur soutient d'abord que la Cour de justice aurait méconnu les exigences des art. 310 CPC, 318 al. 2 CPC et 112 LTF en se contentant de motiver son arrêt avec sa version des faits et son raisonnement juridique, sans faire siennes les constatations de fait de l'autorité inférieure et sans détailler les raisons sérieuses qui la conduisaient à s'écarter en fait et en droit de la décision de première instance. Le demandeur relève en particulier que la plupart des faits jugés pertinents en première comme en deuxième instance ont été établis par des témoignages recueillis devant le Tribunal des prud'hommes; il en déduit que la Cour de justice devait faire preuve de retenue dans son appréciation des preuves, considérant que seuls les premiers juges avaient eu un accès direct aux parties et aux témoins et avaient ainsi pu se forger une conviction sur la base d'éléments qui ne ressortiraient qu'imparfaitement des procès-verbaux, lesquels ne contiendraient d'ailleurs pas la retranscription complète des déclarations des parties et témoins.
2.2. L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). La jurisprudence a toutefois admis, avant l'entrée en vigueur du CPC, que l'autorité de recours dotée d'un plein pouvoir d'examen peut faire preuve d'une certaine réserve lorsque la nature de l'affaire s'oppose à un réexamen complet de la décision attaquée; tel est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'apprécier des questions locales, personnelles ou techniques sur lesquelles l'autorité de première instance, en raison de sa proximité avec l'affaire et de ses connaissances spécialisées, est mieux à même de porter une appréciation (arrêt 5A_198/2012 du 24 août 2012 consid. 4.2; cf., en matière de droit public, ATF 115 la 5 consid. 2b et 131 II 680 consid. 2.3.2).
2.3. En l'espèce, contrairement à ce que tente de soutenir le demandeur, on ne se trouve manifestement pas dans une affaire impliquant une appréciation de questions locales, personnelles ou techniques que l'autorité de première instance, en raison de sa proximité avec l'affaire et de ses connaissances spécialisées, serait mieux à même d'effectuer et que l'autorité d'appel ne devrait revoir qu'avec retenue. Le seul fait que la Cour de justice n'ait pas entendu elle-même les témoins ne l'empêche nullement de revoir les constatations de fait opérées par le Tribunal de prud'hommes sur la base des preuves administrées en première instance, et notamment des témoignages et des déclarations des parties tels qu'ils ont été dûment consignés au procès-verbal (cf. art. 176 al. 1 et 193 CPC). L'argument du demandeur consistant à dire que les éléments pertinents ne ressortiraient qu'imparfaitement des procès-verbaux, lesquels ne contiendraient pas la retranscription complète des déclarations des parties et témoins, tombe à faux: il appartient aux parties, en l'occurrence dûment assistées, de veiller à ce que toutes les déclarations pertinentes soient consignées au procès-verbal. Au demeurant, le demandeur n'expose pas quels éléments ne ressortant pas des procès-verbaux auraient été pris en compte par le Tribunal de prud'hommes et omis à tort par la Cour de justice.
 
Erwägung 3
3.1. Le demandeur reproche d'abord aux juges cantonaux d'avoir retenu inexactement que le témoin I.________ était employée du département juridique de la défenderesse, alors qu'elle était en réalité employée du département des ressources humaines. Selon le demandeur, il s'agirait là d'un fait important pour déterminer s'il existait au sein de la défenderesse une pratique consistant à reprendre les années d'ancienneté des collaborateurs réengagés; une employée des ressources humaines telle que le témoin I.________ serait en effet plus à même d'attester de l'existence d'une pratique en matière de gestion du personnel qu'un employé du service juridique ou que d'autres employés n'ayant aucune expérience particulière en la matière, tels que les témoins J.________ et K.________.
3.2. Le demandeur soutient que seule le témoin I.________, employée du département des ressources humaines de la défenderesse, pouvait valablement attester de l'existence d'une pratique en matière de reprise des années d'ancienneté pour les personnes réengagées par la défenderesse; les juges cantonaux auraient privilégié à tort le témoignage d'employés n'ayant jamais eu aucun lien avec la gestion du personnel de la défenderesse pour retenir que la pratique alléguée par le demandeur n'était pas établie.
3.3. On précisera encore que le demandeur reproche vainement à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte des déclarations du témoin I.________ selon lesquelles «[I]ors de l'implémentation du logiciel ..., en 2005, nous avons demandé, en sus du champ 'date d'entrée', l'ajout d'un champ 'date d'entrée technique', afin de pouvoir tenir compte de l'ancienneté d'un contrat précédent». En effet, l'adjonction dans le système informatique de la défenderesse d'un champ intitulé «date d'entrée technique», afin de pouvoir tenir compte de l'ancienneté découlant d'un contrat précédent, n'étaie en rien l'affirmation du demandeur selon laquelle une telle ancienneté était prise en considération pour calculer la durée du délai de protection des employés contre les congés.
3.4. Il résulte de ce qui précède que les conditions auxquelles l'art. 105 al. 2 LTF permet un complètement ou une rectification de l'état de fait de l'arrêt entrepris ne sont pas réalisées. Le Tribunal fédéral statuera dès lors sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).
 
Erwägung 4
 
Erwägung 4.1
4.1.1. En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Le juge doit ainsi rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait (art. 105 al. 1 LTF; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 129 III 664 consid. 3.1 p. 667).
4.1.2. Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance, en recherchant comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF 133 III 675 consid. 3.3. p. 681).
4.1.3. Subsidiairement, si l'interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter en défaveur de celui qui les a rédigées, en vertu de la règle «in dubio contra stipulatorem» (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 p. 69; 122 III 118 consid. 2a p. 121).
4.1.4. Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral. En revanche, l'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611). Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, qui relèvent du fait (ATF 131 III 268 consid. 5.1.3 p. 276). Le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve de l'existence et du contenu d'une volonté subjective qui s'écarte du résultat de l'interprétation objective (ou normative) sont à la charge de la partie qui s'en prévaut (arrêt 4A_116/2014 du 17 juillet 2014 consid. 5.1 in fine; ATF 121 III 118 consid. 4b/aa p. 123 et les références citées; cf. également ATF 123 III 35 consid. 2b p. 40).
 
Erwägung 4.2
4.2.1. Le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que la réelle et commune intention des parties au sujet de la portée de l'art. 3.3 du contrat n'était pas prouvée, comme il ne résultait pas du dossier, en particulier d'une quelconque déclaration de l'un des représentants de la défenderesse, que cette dernière ait eu la volonté, lors de la signature du contrat, de conférer une portée générale à l'art. 3.3 du contrat, dont le sens littéral était dépourvu d'ambiguïté. Le demandeur fait valoir à cet égard que si le témoin I.________ n'a certes pas participé aux négociations, c'est elle, cependant, qui a préparé un brouillon de contrat lors du réengagement du demandeur, sur instructions de L.________, en prenant pour modèle un contrat en français qu'elle a adapté en anglais avant de le transmettre au service juridique pour révision. Selon le demandeur, il faudrait retenir que le témoin I.________, en ayant voulu intégrer au contrat une clause de reprise des années d'ancienneté pour laquelle elle a déclaré s'être inspirée d'une formule en français telle que celle qui apparaît dans le contrat du témoin J.________ («Vos années de service effectuées précédemment chez B.________ SA sont reprises intégralement dans votre décompte d'ancienneté»), aurait entendu retranscrire fidèlement la volonté authentique des parties.
4.2.2. Ces griefs sont dénués de pertinence. Le fait que le témoin I.________, simple employée chargée de préparer le projet de contrat du demandeur, ait déclaré s'être inspirée, pour rédiger en anglais l'art. 3.3 du contrat, d'une formule en français telle que celle figurant dans le contrat du témoin J.________ ne permet nullement de constater une quelconque volonté de la défenderesse - s'exprimant par ses cadres ayant négocié le contrat avec le demandeur (soit D.________), respectivement signé ledit contrat (soit C.________ et N.________) - d'aller au-delà du sens littéral clair de l'art. 3.3 du contrat.
 
Erwägung 4.3
4.3.1. Le demandeur soutient que même si l'interprétation subjective du contrat devait se révéler impossible, une interprétation objective conduirait aussi à admettre la version qu'il défend.
4.3.2. Comme les juges cantonaux l'ont observé à juste titre, le sens littéral de la clause litigieuse est dépourvu d'ambiguïté. Le terme de «seniority premium» désigne en effet clairement la prime d'ancienneté, et aucun élément du texte ne suggère une portée plus générale. On ne voit en particulier pas en quoi le fait que cette clause figure sous la rubrique «début et durée du contrat» et non sous celle ayant trait à la rémunération du travailleur - laquelle, contrairement à ce qu'affirme le demandeur, ne comprend d'ailleurs aucune disposition relative aux primes - permettrait d'en conclure qu'elle doit être interprétée de manière contraire à sa lettre.
4.3.3. En définitive, il ne résulte pas du contexte de la signature du contrat ou des circonstances ayant précédé ou accompagné ce moment que l'art. 3.3 devrait être interprété de manière plus générale que ne le prévoit son sens littéral clair. L'arrêt attaqué échappe ainsi à la critique en tant qu'il retient que selon l'interprétation objective de l'art. 3.3 du contrat, la durée de la précédente activité du demandeur auprès de la défenderesse ne pouvait être prise en considération que dans le cadre du calcul de la prime d'ancienneté, spécifiquement régie par le Règlement du personnel de l'employeur, et non pour déterminer le délai de protection contre les congés.
4.3.4. Le demandeur soutient en dernier ressort que s'il n'était pas possible de se livrer à une interprétation objective du contrat, il conviendrait d'appliquer le principe «in dubio contra stipulatorem».
 
Erwägung 5
5.1. Dans un dernier grief, le demandeur reproche aux juges cantonaux d'avoir violé l'art. 321e CO en le condamnant à verser 3'500 fr. à la défenderesse, soit l'équivalent de ce que celle-ci a été condamnée judiciairement à payer à son ancienne employée E.________.
5.2. En vertu de l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence.
En l'occurrence, l'arrêt attaqué retient que l'employée E.________ a été licenciée au cours du deuxième semestre 2010 au motif qu'elle était soupçonnée du vol de l'argent provenant de la vente de tickets restaurant dont elle était chargée. Il est constaté que l'employée a souffert d'une dépression résultant du manque d'objectivité de l'enquête menée par B.________ SA, et plus particulièrement d'un entretien donné le 28 mai 2010 par le demandeur et le responsable des services généraux, au cours duquel ceux-ci s'étaient montrés excessivement insistants et de parti pris vis-à-vis de l'employée. En outre, les soupçons contre elle n'étaient pas restés confidentiels et avaient été communiqués à d'autres collaborateurs. B.________ SA a été condamnée à une indemnité de 3'000 fr. pour tort moral, intérêts en sus, et à 150 fr. de frais de justice.
En droit, l'autorité précédente a jugé que l'employeuse pouvait attendre du demandeur, en tant que directeur des ressources humaines ayant de surcroît traité personnellement l'affaire, qu'il gère le cas de cette employée de manière plus adéquate, en n'exerçant pas sur elle une pression disproportionnée et en ne laissant pas les soupçons de vol pesant sur elle se répandre au sein du département en cause. Le demandeur avait ainsi violé son devoir de diligence.
5.3. Contrairement à l'analyse de l'autorité précédente, ces faits ne sont pas suffisamment caractérisés pour retenir, comme elle l'a fait, une violation fautive du devoir de diligence qui serait en rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'atteinte à la santé de l'ex-employée, respectivement avec la condamnation de la défenderesse au paiement d'une indemnité pour tort moral. A la lecture de l'arrêt attaqué, le seul fait précis qui est reproché au demandeur personnellement est d'avoir interrogé l'employée avec trop d'insistance et de partialité. Cela ne suffit pas à réaliser les conditions de l'art. 321e CO. Dans sa réponse, la défenderesse ne prétend pas qu'il faudrait compléter l'état de fait de l'arrêt attaqué, dont découlerait clairement, selon elle, la responsabilité du demandeur. Le jugement de première instance n'apporte pas de précisions supplémentaires.
5.4. Les considérations qui précèdent impliquent l'admission du grief. L'action reconventionnelle de la défenderesse doit ainsi être entièrement rejetée.
6. En définitive, le recours doit être très partiellement admis, soit sur le dernier grief examiné ci-dessus. Il doit être rejeté pour le surplus.
Le demandeur succombe ainsi sur l'essentiel, puisqu'il perd entièrement sur ses propres prétentions salariales et n'obtient gain de cause que sur la question très marginale, financièrement parlant, de la prétention reconventionnelle de la défenderesse.
En conséquence, les frais de la présente procédure, arrêtés à 5'000 fr., seront mis par 4'900 fr. à la charge du demandeur et par 100 fr. à la charge de la défenderesse (art. 66 al. 1 LTF). La même clé de répartition (98% / 2%) sera appliquée aux dépens, fixés à 6'000 fr., qui seront compensés dans cette mesure (art. 68 al. 1 et 2 LTF; cf. Corboz, op. cit., n. 42 ad art. 68 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est partiellement admis.
2. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'action du demandeur, l'action de l'intervenante et l'action reconventionnelle de la défenderesse sont rejetées.
3. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
4. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du demandeur par 4'900 fr., le solde de 100 fr. étant supporté par la défenderesse.
5. Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 5'760 fr. à titre de dépens réduits.
6. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 22 septembre 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
La Greffière : Monti