BGer 1C_234/2015 |
BGer 1C_234/2015 vom 07.10.2015 |
{T 0/2}
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1C_234/2015
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Arrêt du 7 octobre 2015 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Karlen et Chaix.
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Greffière : Mme Arn.
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Participants à la procédure
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A.________, représenté par
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Me Jean-Daniel Théraulaz, avocat,
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recourant,
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contre
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1. B.________,
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2. C.________,
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3. D.________,
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intimés,
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Municipalité de Crans-près-Céligny, 1299 Crans-près-Céligny, représentée par Me Benoît Bovay, avocat, place Benjamin-Constant 2, 1003 Lausanne.
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Objet
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permis de construire,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 16 mars 2015.
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Faits : |
A. |
A.a. Le 27 août 2010, B.________ a déposé une demande de permis de construire portant sur la réalisation de deux habitations accolées à l'habitation existante avec création de 7 places de parc, sur la parcelle n° 507 du registre foncier de la commune de Crans-près-Céligny, située en zone de faible densité. Mis à l'enquête publique du 1
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Durant l'automne 2012, B.________ a indiqué à l'autorité communale qu'il entendait modifier son projet de construction en augmentant de 6 m 2 la surface habitable, de 6 m 2 la surface non habitable et de 20 cm l'embouchature de la toiture de la villa n° 3. Cette demande d'autorisation complémentaire impliquait l'octroi d'une dérogation au coefficient d'utilisation du sol (CUS) selon l'art. 12.4 du règlement communal sur les constructions et l'aménagement du territoire, dans sa version de 1989 (RCAT). La Municipalité de Crans-près-Céligny (ci-après: la Municipalité) a estimé que ces modifications devaient être qualifiées de minime importance et dispensées de ce fait d'enquête publique. Elle a toutefois décidé d'en informer la population pendant 10 jours du 14 au 24 janvier 2013 (enquête simplifiée). De surcroît, par lettres du 10 janvier 2013, les voisins du projet litigieux, dont A.________ (propriétaire de l'immeuble adjacent n° 508-1), ont été avertis par la Municipalité qu'une demande de modification des travaux avait été formulée s'agissant du projet situé sur la parcelle n° 507; ce courrier précisait que, pour de plus amples renseignements, il y avait lieu de consulter le pilier public ou le site internet de la commune. Un permis de construire complémentaire a été délivré le 4 février 2013; ce dernier mentionne une dérogation au CUS selon l'art. 12.4 RCAT.
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A.b. Le 30 janvier 2013, C.________ et D.________ sont devenues propriétaires respectivement de l'immeuble n° 507-2 et de l'immeuble n° 507-3, B.________ restant propriétaire de l'immeuble n° 507-1.
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A.c. Le 14 mai 2013, A.________, par l'intermédiaire de son avocat, s'est adressé à la Municipalité et a requis une suspension immédiate des travaux; celui-ci s'inquiétait des importants mouvements de terre occasionnés par les travaux et considérait que le CUS excédait largement la valeur de 0,25 prévue par le règlement communal. Par courrier du 3 juin 2013, la Municipalité a expliqué à l'intéressé que le projet serait construit conformément aux plans autorisés, précisant notamment que le CUS et les mouvements de terre avaient fait l'objet d'autorisations municipales entrées en force.
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Le 1 er avril 2014, A.________ a, à nouveau, interpellé la Municipalité pour l'informer qu'au vu des plans déposés au registre foncier, le CUS n'était pas respecté. Par courrier du 8 avril 2014, l'autorité municipale lui a répondu qu'elle vérifierait sur les lieux la conformité des travaux et que pour le reste elle avait déjà répondu à l'intéressé le 3 juin 2013.
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Le 17 avril 2014, A.________ a indiqué à la Municipalité qu'un géomètre mandaté avait constaté un dépassement de 50 % de la surface brute de plancher maximale autorisée selon la réglementation (544 m 2 au lieu de 378,75 m 2 ); il l'invitait à prendre des mesures. Par correspondance du 19 mai 2014, la Municipalité a informé le prénommé que la réalisation du projet avait été contrôlée et était conforme aux plans soumis à l'enquête.
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Par courrier du 11 juin 2014, A.________ a à nouveau invité la Municipalité à constater le dépassement du CUS et à ordonner la démolition des mètres carrés excessifs, ajoutant qu'il agirait pour déni de justice si la Municipalité ne lui répondait pas. Par courrier du 4 juillet 2014, cette dernière a signifié à l'intéressé avoir clairement exprimé sa position dans ses courriers précédents et a confirmé que la construction avait été réalisée conformément aux plans autorisés.
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A.d. A.________ a interjeté recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale) au motif que la Municipalité refusait d'entrer en matière sur le fond et de statuer sur sa demande de contrôle de la réglementarité du bâtiment.
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B. Par arrêt du 16 mars 2015, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de l'intéressé. En substance, il a considéré que la Municipalité n'avait pas refusé de statuer; il ressortait de ses courriers qu'elle avait implicitement refusé de procéder au réexamen de la décision d'octroi du permis. L'instance précédente a ensuite estimé que les conditions d'un réexamen, respectivement d'une révocation du permis de construire n'étaient pas remplies en l'espèce.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal, de renvoyer la cause à la Municipalité pour qu'elle rende une décision formelle concernant le respect ou non du CUS concernant les bâtiments édifiés, et enfin de révoquer le permis de construire délivré et d'ordonner la démolition des bâtiments édifiés sans droit. L'intéressé invoque une violation de son droit d'être entendu et une application arbitraire du droit cantonal (art. 85 et 85a de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 [LATC; RSV 700.11]).
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Le Tribunal cantonal renonce à déposer une réponse et se réfère aux considérants de l'arrêt entrepris. La Municipalité conclut au rejet du recours aux termes de ses déterminations.
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Considérant en droit : |
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
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Le recourant, qui a pris part à la procédure cantonale de recours, est propriétaire du bien-fonds jouxtant celui sur lequel sont érigés les bâtiments litigieux; il invoque notamment un dépassement du CUS autorisé et l'irrégularité de la procédure d'enquête publique simplifiée. Il dispose ainsi de la qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF contre l'arrêt entrepris qui refuse le réexamen, respectivement la révocation du permis de construire délivré aux intimés.
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Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.
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2. Le Tribunal fédéral condu it son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 s.).
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Dans la partie de son mémoire intitulée " FAITS ", le recourant présente sa propre version des faits. Une telle argumentation, dans la mesure où elle s'écarte des faits constatés dans l'arrêt attaqué ou les complète, sans qu'il soit indiqué ni démontré que ceux-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 s.; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322). Il n'y a dès lors pas lieu de prendre en considération d'autres faits que ceux retenus dans ladite décision.
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3. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 Cst.). Il fait grief à la Municipalité de ne pas avoir informé clairement les voisins du projet de l'existence d'une demande de dérogation au CUS lors de la mise à l'enquête publique simplifiée.
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3.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit de toute partie de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s. et les références citées).
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Par ailleurs, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88).
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3.2. Dans l'arrêt entrepris, le Tribunal cantonal a constaté que la Municipalité avait considéré que les travaux réalisés ne pouvaient plus être remis en cause dès lors qu'ils étaient conformes au permis de construire délivré, refusant ainsi implicitement de procéder au réexamen de la décision d'octroi du permis de construire. Le Tribunal cantonal a en l'espèce confirmé que les conditions d'un réexamen (art. 64 al. 2 LPA-VD), respectivement d'une révocation de la décision d'autorisation de construire n'étaient pas remplies.
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A l'appui de son grief, le recourant reproche à la Municipalité de ne pas lui avoir clairement indiqué, dans le cadre de la mise à l'enquête publique simplifiée, que les modifications apportées au projet impliquaient une dérogation au CUS; il se plaint également du fait que l'autorité municipale n'aurait pas examiné si le projet de construction respectait le règlement communal s'agissant du CUS, comme il l'avait pourtant demandé.
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Tel qu'il est formulé, le grief du recourant doit être écarté. En effet, le recourant ne saurait se prévaloir de l'art. 29 Cst. pour remettre en cause la décision d'octroi du permis de construire contre laquelle il a omis de s'opposer. De plus, il ressort de l'arrêt entrepris - sans que cela ne soit contesté - que la consultation du dossier soumis à l'enquête publique simplifiée - dont il avait été personnellement informé par la Municipalité - permettait de prendre connaissance de l'existence d'une dérogation au CUS. Pour le surplus, sa critique se confond avec celle tirée d'une violation du droit cantonal, examinée ci-après.
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4. Enfin, le recourant fait valoir une application arbitraire et excessive des art. 85 et 85a LATC. Il critique ainsi le refus de révoquer l'autorisation de construire.
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Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain, ce qu'il appartient au recourant de démontrer par une argumentation qui réponde aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351 s.; 133 II 249 consid de 1.4.2 p. 254 et les références). Le recourant doit ainsi indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer par une argumentation précise en quoi consiste la violation. En outre, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).
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En l'occurrence, l'instance précédente a exposé pour quels motifs la révocation du permis de construire en raison d'un dépassement du CUS n'entrait pas en considération en l'espèce (cf. arrêt entrepris consid. 2c). Elle a notamment expliqué que le bénéficiaire du permis de construire avait fait usage de l'autorisation qui en outre avait été délivrée au terme d'une procédure durant laquelle les divers intérêts avaient fait l'objet d'un examen approfondi. L'intérêt public à l'exacte concrétisation du droit, à savoir le respect de l'art. 5.9 RCAT concernant le CUS n'était pas prépondérant, notamment en raison du fait qu'aucun bien de police n'était en jeu. Cette appréciation s'imposait même si le CUS selon le projet s'élevait à 0.35, ce qui n'était au demeurant pas avéré selon l'instance précédente. Enfin, le fait que la demande de dérogation n'avait pas été mise à l'enquête publique selon les modalités de l'art. 109 LATC (art. 85a LATC) ne constituait pas in casu une informalité d'une gravité telle qu'elle entraînait la nullité du permis de construire complémentaire. Cette demande de modification du projet - avec dérogation au CUS - avait en effet fait l'objet d'une " mise à l'enquête simplifiée " de 10 jours et les propriétaires voisins - dont le recourant - avaient été informés directement de l'existence d'une enquête publique complémentaire. De surcroît, la consultation du dossier mis à l'enquête permettait d'avoir connaissance de l'existence d'une dérogation au règlement communal s'agissant du CUS.
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Par rapport à cette argumentation, le recourant se limite à affirmer de manière purement péremptoire qu'il ne fait aucun doute qu'il n'existe aucun intérêt public ni aucune circonstance objective justifiant d'autoriser un dépassement aussi important du CUS et que la demande de dérogation nécessitait une enquête publique au sens de l'art. 85a LATC. Ce faisant, le recourant ne propose aucune démonstration du caractère arbitraire de l'appréciation de l'instance précédente qui a expliqué de manière détaillée pour quels motifs la révocation du permis de construire en raison de la non-réglementarité de la construction (dépassement du CUS) et de l'absence d'une enquête publique respectant les exigences de l'art. 109 LATC n'entrait pas en considération en l'espèce (cf. arrêt entrepris consid. 2). Formulée de manière exclusivement appellatoire, l'argumentation du recourant est irrecevable.
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5. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux intimés qui n'ont pas déposé de réponse, ni même à la Municipalité conformément à l'art. 68 al. 3 LTF.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Il n'est pas alloué de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Municipalité de Crans-près-Céligny et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
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Lausanne, le 7 octobre 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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La Greffière : Arn
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