Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
5A_903/2015
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Arrêt du 22 décembre 2015
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme Gauron-Carlin.
Participants à la procédure
A.A.________,
représenté par Me Inès Feldmann, avocate,
recourant,
contre
B.A.________,
représentée par Me Jérôme Bénédict, avocat,
intimée.
Objet
demande de révision de l'arrêt cantonal (mesures protectrices),
recours contre l'arrêt de la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 1er octobre 2015.
Faits :
A.
A.A.________ et B.A.________, tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1996 en France. Deux enfants sont issus de cette union, nés en 2000 et 2003.
Les époux, qui se sont installés en Suisse en 2008, vivent séparés depuis le mois de mai 2011 et les modalités de leur séparation sont organisées depuis le 23 mai 2011 par diverses décisions suisses rendues au titre de mesures protectrices de l'union conjugale.
A.a. Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 3 août 2012, la Présidente du Tribunal d'arrondissement a astreint l'époux à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement d'une pension mensuelle de 19'000 fr., dès le 1
er mars 2012.
Par arrêt du 21 novembre 2012, sur appel, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé cette ordonnance et astreint l'époux à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement mensuel de 15'000 fr., dès le 1
er octobre 2011, puis de 13'000 fr., dès le 1
er février 2012, sous déduction des montants qui auraient été payés directement jusqu'au mois de février 2012 par le mari pour le loyer et les primes d'assurance-maladie des siens.
Les recours déposés par les deux parties à l'encontre de cet arrêt ont été rejetés par le Tribunal fédéral le 19 juillet 2013 (arrêts 5A_48/2013 et 5A_55/2013).
A.b. Dans l'intervalle, le 18 novembre 2011, l'époux a engagé une procédure en divorce en France, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris (ci-après : TGI). Par ordonnance de non-conciliation du 30 mars 2012, le Juge aux affaires familiales du TGI s'est déclaré compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre époux, mais incompétent s'agissant de la contribution à l'entretien des enfants.
Par arrêt du 28 mars 2013, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance et a condamné le mari à verser à son épouse le montant mensuel de 2'500 euros, à titre de pension alimentaire, dès le 30 mars 2012.
A.c. Le 22 février 2013, l'épouse a déposé une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale devant les juridictions suisses. Le 16 avril 2013, le mari a pris des conclusions reconventionnelles tendant au paiement d'une contribution d'entretien de 3'000 fr. en faveur de son épouse et de 900 fr. pour chacun de ses enfants, dès le 30 mars 2012.
Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013, le Président du Tribunal d'arrondissement a rejeté la conclusion de l'épouse, ainsi que les conclusions reconventionnelles du mari et a astreint l'époux à contribuer à l'entretien des siens à concurrence de 10'604 fr. par mois, déduction faite de 2'500 euros.
Statuant par arrêt du 14 novembre 2013, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a réformé l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013 en ce sens qu'elle a astreint l'époux à contribuer à l'entretien des siens par le versement mensuel d'un montant de 7'550 fr., sous déduction de 2'500 euros, dès le paiement effectif de cette somme à son épouse.
Le recours au Tribunal fédéral interjeté par l'époux contre ce jugement a été déclaré irrecevable au fond par arrêt du 14 août 2014 (5F_13/2014).
A.d. Par jugement du 21 février 2014, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a rejeté la requête présentée par l'époux tendant à ce que soit reconnu et déclaré exécutoire en Suisse l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris.
Le 5 juin 2014, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours contre ce refus.
Par arrêt du 16 mars 2015 (5A_817/2014), le Tribunal fédéral a admis le recours du mari, annulé l'arrêt cantonal et l'a réformé en ce sens que l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris est reconnu et déclaré exécutoire en Suisse.
A.e. Le 18 février 2014, le mari a déposé une requête de mesures provisionnelles tendant à ce que la pension de son épouse soit fixée par les autorités françaises et à ce qu'il verse, dès le 1
er février 2014, à chacun de ses enfants, une contribution d'entretien mensuelle de 900 fr., éventuelles allocations familiales en sus.
Par ordonnance du 12 mai 2015, le Président du Tribunal d'arrondissement a dit que la contribution d'entretien en faveur de l'épouse était fixée par les autorités françaises et a astreint le mari à contribuer à l'entretien de ses enfants à raison de 2'000 fr. par mois chacun, dès le 1
er février 2014.
B.
Le 6 juillet 2015, l'époux a demandé la révision de l'arrêt du Juge délégué de la Cour d'appel civile du 14 novembre 2013, en ce sens que l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013 est réformée, le mari étant astreint, dès le 30 mars 2012, à contribuer à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle de 3'000 fr., et à l'entretien de chacun de ses enfants à raison de 900 fr. par mois.
Statuant par arrêt du 1
er octobre 2015, communiqué aux parties le 13 octobre 2015, la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande de révision.
C.
Par acte du 12 novembre 2015, A.A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et, principalement, à sa réforme en ce sens que l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013 est réformée, le mari étant astreint, dès le 30 mars 2012, à contribuer à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle de 3'000 fr., et à l'entretien de chacun de ses enfants à raison de 900 fr. par mois, subsidiairement, au renvoi de la cause au Juge délégué de la Cour d'appel civile. Au préalable, il sollicite l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
Invitées à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, l'intimée a conclut au rejet de la demande et la Juge déléguée de la Cour d'appel civile s'en est remise à justice.
D.
Par ordonnance du 3 décembre 2015, le Président de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif.
Des observations sur le fond n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt de la Juge déléguée de la Cour d'appel civile rejetant la demande de révision d'une ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale est une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 5A_240/2015 du 28 mai 2015 consid. 1) rendue en matière matrimoniale (art. 72 al. 1 LTF) par l'autorité cantonale ayant statué en dernière instance sur l'arrêt dont la révision est requise (art. 328 al. 1 CPC et art. 75 al. 2 let. a LTF). L'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale participe de la nature de la décision dont la rétraction est requise (arrêts 5A_382/2014 du 9 octobre 2014 consid. 1; 5A_289/2012 du 18 juin 2012 consid. 1.2, avec les références), en sorte que la cause - qui a pour objet la contribution d'entretien en faveur de l'épouse et des enfants - est de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse est supérieure au seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recours est en outre formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF) par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt à son annulation ou à sa modification (art. 76 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable.
2.
Les mesures protectrices de l'union conjugale sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5.1). La décision portant sur la révision de mesures protectrices de l'union conjugale est également considérée comme une décision de nature provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (arrêts 5A_240/2015 du 28 mai 2015 consid. 2 et 5A_59/2012 du 26 avril 2012 consid. 1.2 non publié
in ATF 138 III 382), en sorte que seule peut être invoquée à son encontre la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 133 III 393 consid. 5; 133 IV 286 consid. 1.4).
3.
Le recours a pour objet la prise en considération, dans le cadre de la demande de révision de l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale rendue par le Juge délégué de la Cour d'appel civile le 14 novembre 2013, en qualité de fait nouveau, de l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mars 2015 reconnaissant et déclarant exécutoire en Suisse le jugement du 28 mars 2013 de la Cour d'appel de Paris condamnant le mari à verser à son épouse le montant mensuel de 2'500 euros, à titre de pension alimentaire, dès le 30 mars 2012.
En substance, la Juge déléguée de la Cour d'appel civile a considéré que l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mars 2015 (5A_817/2014) n'est pas un fait qui existait déjà à l'époque du procès et que le requérant n'avait pas été en mesure d'invoquer pour des motifs excusables, puisqu'il est postérieur au prononcé du Juge délégué du 14 novembre 2013, dont la révision est demandée. Au surplus, la juge cantonale a retenu que, si le Tribunal fédéral a jugé conciliables les conséquences juridiques des décisions françaises et suisses, le requérant ne peut pas remettre en cause le calcul de la contribution d'entretien, par la voie de la révision. La Juge déléguée a enfin rappelé que le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 14 août 2014 (5F_13/2014), a retenu que le requérant soulevait pour la première fois explicitement l'argument de l'incompétence des autorités suisses pour statuer sur la contribution d'entretien de l'épouse, en sorte qu'il ne pouvait entrer en matière, faute d'épuisement du grief. En définitive, l'autorité précédente a déclaré la requête de révision " manifestement infondée ".
4.
En préambule de son mémoire, le recourant croit utile d'exposer, sur six pages, l' "Etat de fait de l'arrêt rendu par la Juge déléguée de la Cour d'appel civil le 1er octobre 2015", qui consiste en la reproduction des premières pages de l'arrêt attaqué. Il n'en sera pas tenu compte, dès lors que le recourant ne présente aucun grief en relation avec l'état de fait, ce qu'il confirme lui-même en déclarant " qu'il ne prétend pas que [ les faits] auraient été établis de manière arbitraire " (art. 106 al. 2 LTF).
5.
Le recourant se plaint d'une application arbitraire (art. 9 Cst.) par l'autorité précédente de l'art. 328 CPC. Il juge insoutenable le raisonnement de la juge cantonale consistant à considérer que l'arrêt du 16 mars 2015 du Tribunal fédéral, qui est postérieur à l'arrêt dont la révision est requise, ne constitue pas un élément nouveau. Il fait valoir que cet arrêt fédéral doit " être lu dans son dispositif et non seulement dans ses motifs ". Selon lui, le fait nouveau invoqué à l'appui de la demande de révision n'est pas uniquement l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mars 2015, mais son contenu, qui se rapporte à un élément de preuve qui avait été produit, mais qu'il n'avait pas pu invoquer conformément à la portée qu'il aurait fallu y attacher. Le recourant explique donc que l'arrêt du 16 mars 2015 du Tribunal fédéral constitue formellement un fait nouveau qui influe sur une preuve, en l'occurrence un titre qui avait déjà été produit dans la procédure cantonale, " mais dont la portée est mise dans une nouvelle lumière ". Il soutient que la juge cantonale devait réviser son arrêt du 14 novembre 2013 et réformer l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013 en raison du caractère exécutoire en Suisse de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 mars 2013, rétroagissant au 30 mars 2012, partant, elle devait procéder à un calcul individualisé des contributions d'entretien pour les seuls enfants, sans que les besoins de l'épouse n'y soient inclus.
5.1. A teneur de l'art. 328 al. 1 let. a CPC, une partie peut demander la révision de la décision entrée en force à l'autorité qui a statué en dernière instance, lorsqu'elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu'elle n'avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l'exclusion des faits et moyens de preuve postérieurs à la décision. Sont ainsi visés les faits pertinents et les moyens de preuve concluants qui existaient déjà à l'époque du procès, mais qui, pour des motifs excusables, n'avaient pu être invoqués (pseudo-nova; arrêt 5A_382/2014 du 9 octobre 2014 consid. 4.1; PHILIPPE SCHWEIZER,
in Code de procédure civile commenté, 2011, n° 21
ad art. 328 CPC; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome II, 2
ème éd., 2010, n° 2528). Le fondement de la révision est l'ignorance, du côté de la partie non fautive potentiellement lésée, d'un élément qui aurait été susceptible d'influer sur l'issue de la cause (SCHWEIZER, op. cit., n° 5
ad art. 328 CPC).
5.2. De jurisprudence constante, une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit censurée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 138 I 305 consid. 4.4; 138 III 378 consid. 6.1; 137 I 1 consid. 2.6 et les références).
5.3. En l'occurrence, l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 mars 2015, tant son dispositif que ses motifs, sont postérieurs au prononcé du 14 novembre 2013, de sorte qu'il est d'emblée exclu que cet élément nouveau constitue un moyen de preuve qui existait déjà à l'époque du procès sans avoir pu être invoqué, partant, une pièce justifiant d'entrer en matière sur la demande de révision (
cf. supra consid. 5.1).
S'agissant de la pièce que constitue l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 mars 2013, rétroagissant au 30 mars 2012, elle existait déjà lors du prononcé du Juge délégué du 14 novembre 2013 dont la révision est requise et cette pièce a été produite dans la procédure cantonale, ce que le recourant admet au demeurant. Cette preuve existante lors du procès et qui a pu être invoquée ne saurait dès lors constituer un élément justifiant la révision demandée (
cf. supra consid. 5.1). De surcroît, il a effectivement été tenu compte du jugement français dans le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 14 novembre 2013 puisque la Juge déléguée de la Cour d'appel civile a astreint l'époux à contribuer à l'entretien des siens par le versement mensuel d'un montant de 7'550 fr., sous déduction de 2'500 euros, dès le paiement effectif de cette somme à son épouse.
En réalité, le recourant entend remettre en cause la force probante qui a été attachée à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 mars 2013, à la lumière de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 16 mars 2015 reconnaissant et déclarant exécutoire en Suisse ce jugement français. Or, s'il souhaitait critiquer l'appréciation des preuves, il lui incombait de recourir au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 novembre 2013 en soulevant un grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves - ce qu'il a d'ailleurs fait sans succès (arrêt du 14 août 2014, 5F_13/2014, non-épuisement du grief) -, ou déposer une nouvelle requête de modification des mesures protectrices de l'union conjugale selon l'art. 179 CC.
La Juge déléguée n'a en définitive pas méconnu gravement une norme, à savoir l'art. 328 al. 1 let. a CPC, et sa décision ne heurte pas de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité, à tout le moins le recourant ne le démontre pas. Il s'ensuit que la décision entreprise n'est pas entachée d'arbitraire (art. 9 Cst.); le grief est donc rejeté.
6.
En conclusion, le recours en matière civile est mal fondé et doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en outre à l'intimée - qui a obtenu gain de cause s'agissant de l'effet suspensif, mais n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond - une indemnité de dépens réduits à hauteur de 200 fr., pour l'instance fédérale ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Une indemnité de 200 fr., à verser à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Juge déléguée de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 22 décembre 2015
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Gauron-Carlin