BGer 2C_441/2015 |
BGer 2C_441/2015 vom 11.01.2016 |
2C_441/2015
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{T 0/2}
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Arrêt du 11 janvier 2016 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
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Seiler et Aubry Girardin.
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Greffière : Mme Vuadens.
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Participants à la procédure
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X.________ SA,
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représentée par Me Daniel Udry, avocat,
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recourante,
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contre
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Chimiste cantonal du canton du Valais,
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Conseil d'Etat du canton du Valais.
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Objet
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Etiquetage de bouteilles de vin; dénomination "Château",
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 2 avril 2015.
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Faits : |
A. Le 6 avril 2012, Y.________ a, en tant que président et directeur de X.________ SA (ci-après: la Société), contacté le Chimiste cantonal et chef du Service de la consommation et affaires vétérinaires de l'Etat du Valais (ci-après: le Chimiste cantonal) au sujet de la possibilité d'utiliser l'appellation "Château" pour les vins commercialisés par la Société. Le 10 avril 2012, le Chimiste cantonal lui a répondu qu'une telle appellation supposait la réunion de conditions légales qui tenaient en particulier au caractère historique ou traditionnel d'un bâtiment, et que la Société devait prouver que son bâtiment remplissait ces conditions.
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Le 10 mai 2012, Y.________ a exposé les raisons pour lesquelles sa cave pouvait, selon lui, obtenir la dénomination "Château", et a proposé les expressions "Château Y.________" ou "Château Z.________". Le Chimiste cantonal a transmis à Y.________ un avis émanant de son service juridique, qui concluait que le bâtiment de la Société ne pouvait pas être qualifié de château.
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B. Cet avis a été formalisé par le Chimiste cantonal par décision du 26 août 2013. Le 6 septembre 2013, la Société a formé un recours contre cette décision auprès du Conseil d'Etat du canton du Valais, qui l'a rejeté le 13 août 2014.
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Le 1 er septembre 2014, la Société a interjeté recours contre la décision du 13 août 2014 devant le Tribunal cantonal du canton du Valais, concluant à son annulation et au constat de son droit à utiliser l'appellation "Château" pour ses vins. Par arrêt du 2 avril 2015, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. En substance, les juges cantonaux ont retenu que la dénomination "Château" au sens de la législation cantonale applicable supposait l'existence d'une construction historique reconnue comme château depuis des générations. Or, le bâtiment de la Société, construit en 2008, ne répondait pas à cette définition. Le fait que d'autres cantons admettent plus largement que le canton du Valais l'utilisation de la dénomination "Château" ne créait pas de situation constitutive d'inégalité de traitement, et le refus de lui accorder le droit d'utiliser cette désignation ne violait pas non plus la liberté économique de la Société.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Société demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, d'annuler l'arrêt du 2 avril 2015 du Tribunal cantonal, de constater qu'elle a le droit d'utiliser l'appellation "Château" pour ses vins et de débouter le Conseil d'Etat du Valais de toutes ses conclusions; subsidiairement, de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants et de débouter le Conseil d'Etat de toutes ses conclusions.
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D. Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Le Conseil d'Etat renvoie aux considérants de l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le Chimiste cantonal ne s'est pas prononcé.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 |
1.1. Le présent litige porte sur une décision du Tribunal cantonal concernant l'octroi d'une dénomination régie en premier lieu par l'art. 66 de l'Ordonnance du Conseil d'Etat du canton du Valais du 17 mars 2004 sur la vigne et le vin (OVV; RS/VS 916.142), soit une norme qui appartient au droit public cantonal. Il relève donc du droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'entrant en ligne de compte, la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
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1.2. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). La recourante a participé à la procédure devant l'instance précédente, est particulièrement atteinte par la décision entreprise et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Elle a ainsi qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Le recours est donc recevable, sous réserve de la conclusion tendant à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat, irrecevable en raison de l'effet dévolutif du recours auprès du Tribunal cantonal (ATF 136 II 529 consid. 1.2 p. 543).
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Erwägung 2 |
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), mais n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (cf. art. 106 al. 2 LTF). L'acte de recours doit alors, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits et principes constitutionnels violés et préciser de manière claire et détaillée en quoi consiste la violation (cf. ATF 139 I 229 consid. 2.2 p. 232; 138 I 232 consid. 3 p. 237; 136 II 304 consid. 2.5 p. 314).
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S auf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), l'on ne peut invoquer la violation du droit cantonal en tant que tel devant le Tribunal fédéral. Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiée prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 V 143 consid. 1.2 p. 145; 136 II 304 consid. 2.5 p. 314; arrêts 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 2; 2C_421/2013 du 21 mars 2014 non publié in ATF 140 I 201).
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2.2. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). Il ne sera partant pas tenu compte des faits allégués de manière appellatoire dans le recours en tant qu'ils ne ressortent pas de l'arrêt attaqué.
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3. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, la recourante se plaint d'abord d'arbitraire dans l'établissement des faits. Le Tribunal cantonal aurait passé sous silence des éléments importants pour le sort du litige.
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3.1. En vertu de l'art. 97 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 135 III 127 consid. 1.5 p. 129 s.). Lorsque le recourant s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a procédé à des déductions insoutenables (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62).
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3.2. En l'espèce, la recourante reproche aux juges cantonaux de ne pas s'être inspirés de publications relatives au vin ni de la réglementation française concernant les vins de Bordeaux pour interpréter la notion de château qui figure à l'art. 66 OVV. Elle relève que cette appellation a été admise dans le cas du vin commercialisé sous l'étiquette "Château A.________" à Sierre (canton du Valais), alors que le bâtiment en question relèverait plus, selon elle, d'un mas provençal que de la définition de château qui a été retenue par les juges précédents. Elle relève, exemples à l'appui, que l'appellation "Château" serait reconnue tant en Suisse qu'en France en relation avec des bâtiments de construction récente, et soutient finalement que le Tribunal cantonal n'a arbitrairement pas tenu compte de l'architecture du bâtiment de la Société, qui comprendrait un "donjon en pierre" construit sur le modèle des châteaux existants dans les environs, ni du fait que ce bâtiment est communément appelé "Château Y.________" par les clients et la presse.
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3.3. La recourante ne démontre toutefois pas en quoi les faits auraient été arbitrairement établis par les juges cantonaux. Ces griefs concernent en réalité l'interprétation que le Tribunal cantonal a faite du terme "château" au sens de l'art. 66 OVV, ainsi qu'une éventuelle inégalité de traitement. Il s'agit là de questions de droit, qui seront examinées ci-après. Le grief tiré de l'art. 97 al. 1 LTF est partant rejeté.
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4. Au fond, le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal cantonal a violé le droit constitutionnel en retenant que la recourante ne pouvait pas utiliser la dénomination "Château" pour commercialiser ses vins.
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4.1. Dans le contexte viticole, le terme "château" apparaît, en droit fédéral, à l'annexe 1 de l'Ordonnance fédérale du 14 novembre 2007 sur la viticulture et l'importation du vin (RS 916.140; ci-après: Ordonnance sur le vin), où il est décrit comme une dénomination pour un vin d'appellation d'origine contrôlée définie par la législation cantonale. Le droit fédéral renvoie ainsi à la définition du terme telle que le prévoit le droit cantonal et exige uniquement qu'il s'agisse d'un vin d'appellation d'origine contrôlée. En revanche, le droit fédéral protège cette appellation, puisque l'art. 19 de l'Ordonnance sur le vin prévoit en substance que les termes vinicoles spécifiques figurant à l'annexe 1 ne peuvent être utilisés que dans le respect de leurs définitions et qu'ils sont protégés contre toute usurpation.
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4.2. Dans le canton du Valais, c'est en 1990 que le Conseil d'Etat a décidé de réglementer les appellations d'origine contrôlée des vins (cf. YVES DONZALLAZ, Le système d'appellation d'origine contrôlée dans le canton du Valais, in Communications de droit agraire 1991/3, p 92; STÉPHANE BOISSEAUX/DOMINIQUE BARJOLLE, La bataille des A.O.C. en Suisse : les appellations d'origine contrôlées et les nouveaux terroirs, 2004, p. 18). Depuis le 1
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La dénomination "Château" est définie à l'art. 66 OVV comme suit:
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"Art. 66 Château
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1 La dénomination «Château... » s'applique à la récolte d'une ou plusieurs parcelles voisines, formant une unité d'exploitation homogène, faisant partie de la propriété comprenant un bâtiment historiquement ou traditionnellement désigné comme château.
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2 Elle peut également être utilisée pour des vignes qui font partie de l'exploitation d'un bâtiment historiquement on traditionnellement désigné comme château.
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3 La dénomination est formée du terme «Château» associé au nom historique ou traditionnel du bâtiment considéré.
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4 Les dispositions ci-dessus s'appliquent par analogie aux dénominations de bâtiments historiques autres que château, telles que tour, manoir, abbaye.
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5. Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation arbitraire de l'art. 66 OVV. Elle reproche aux juges précédents de s'être limités à interpréter de manière littérale le terme de "château" et d'en avoir adopté une conception déconnectée du monde viticole et si étroite qu'elle en rendrait l'application impossible. Les juges cantonaux priveraient ainsi les producteurs de vin valaisans d'un outil de vente efficace, ce qui irait à l'encontre du but premier de l'OVV, qui consiste à assurer la pérennité du secteur viticole valaisan et à favoriser la commercialisation des vins valaisans. La recourante est d'avis qu'il suffit qu'un vin provienne d'une récolte formant une unité homogène pour qu'il puisse obtenir l'appellation "Château", condition qu'elle remplirait en l'espèce. Aux yeux des consommateurs, le caractère historique ou traditionnel n'aurait du reste pas d'importance, seul étant déterminant le fait que le vin soit récolté et vinifié exclusivement sur la propriété, ce qui serait son cas. Par ailleurs, l'architecture de son bâtiment ne s'éloignerait pas de la définition traditionnelle du terme château, eu égard au "donjon de pierre" qu'il comporte. Sa situation géographique dans la vallée du Rhône l'inscrirait d'ailleurs dans la lignée des tours qui y ont été construites à l'époque pour surveiller les voies de communication.
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5.1. En matière d'application arbitraire du droit cantonal, le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 18; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; arrêt 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 6.1) et ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité précédente que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; arrêt 8C_1077/2009 du 17 décembre 2010 consid. 5.3), ce qu'il appartient au recourant de démontrer (cf. supra consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 141 I 49 consid. 4.3 p. 53; 140 I 201 consid. 6.1 p. 206).
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5.2. En l'occurrence, la recourante n'a pas démontré que l'interprétation faite par les juges cantonaux de la notion de château figurant à l'art. 66 al. 1 OVV était insoutenable.
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En premier lieu, elle reproche à tort aux juges précédents d'avoir procédé à une interprétation de l'art. 66 OVV fondée avant tout sur sa lettre, puisque cette méthode est précisément celle qui est conforme à la jurisprudence (cf. ATF 139 II 78 consid. 2.4 p. 83; arrêts 1C_287/2014 du 25 août 2015 consid. 7.2; 2C_118/2014 du 22 mars 2015 consid. 5). Ce n'est en effet que lorsque des raisons objectives révèlent que le texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause que l'autorité a le droit - et éventuellement le devoir (ATF 118 Ib 187 consid. 5a p. 191) - de déroger au sens littéral d'un texte apparemment clair, par la voie de l'interprétation (ATF 140 II 202 consid. 5.1 p. 204; 139 III 478 consid. 6 p. 479; 2C_10/2014 du 4 septembre 2014 consid. 4.1). En l'occurrence, le Tribunal cantonal n'a pas arbitrairement interprété l'art. 66 al. 1 OVV en relevant, d'une part, que les termes "historiquement" et "traditionnellement" qui y figuraient attestaient que le critère temporel était central pour déterminer si un bâtiment pouvait ou non être qualifié de château, et que, d'autre part, la notion renvoyait à un monument historique représentant un mode de vie du passé et reconnu comme tel par une grande partie de la population depuis des générations. Cette interprétation est conforme à la lettre de la loi et rien ne laisse supposer que celle-ci ne correspondrait pas au sens de la disposition.
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Par ailleurs, la recourante n'a pas démontré que son bâtiment, qui date de 2008, était historiquement et traditionnellement "désigné comme château" (cf. art. 66 al. 1 et 2 in fine OVV). Elle se prévaut en vain à cet égard du fait que la presse a utilisé l'expression "Château Y.________". La lecture de l'article de presse produit devant le Tribunal cantonal révèle en effet que cette expression a été utilisée par certaines personnes seulement, et au second degré, pour désigner le bâtiment de la recourante. On ne saurait ainsi déduire de cette expression qu'elle relève d'une désignation traditionnelle.
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La recourante avance également en vain que l'architecture de son bâtiment présenterait des similitudes avec celle d'un château du fait de son "donjon de pierre". En effet, quelle qu'ait été la volonté de la recourante à cet égard, il n'est certainement pas choquant que le Tribunal cantonal n'ait pas assimilé le cylindre d'architecture contemporaine qui figure à l'avant du bâtiment à un donjon, ce terme renvoyant à la tour maîtresse d'un château fort et désignant spécialement cette tour dans son office de prison (cf. les définitions du terme dans Le Dictionnaire historique de la langue française aux éditions Le Robert, 2e éd. 1995, et dans Le petit Robert de la langue française, édition 2012). L'argument selon lequel sa position géographique dans la vallée du Rhône l'inscrirait prétendument dans la lignée des tours qui y ont été construites à l'époque ne change rien au caractère résolument contemporain de la construction.
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Il y a encore lieu de relever que la conception du château retenue par les juges cantonaux en application de l'art. 66 al. 1 OVV n'est pas incompatible avec le sens commun conféré à ce terme. La signification a certes évolué dans l'histoire de la bâtisse qui, au Moyen-Âge, consistait en une forteresse quelconque, avant de changer de fonction et d'architecture à la Renaissance pour représenter avant tout l'idée d'une belle demeure, d'où le sens d'habitation royale, de palais. Un château peut aussi représenter dans son sens commun l'habitation du maître d'une grande propriété ou une vaste et belle maison de plaisance à la campagne (cf. les définitions retenues dans les deux dictionnaires précités). Quel que soit le sens que l'on retienne pour ce terme (forteresse ou belle demeure), il n'était pas arbitraire de retenir qu'une cave, dont la recourante n'a jamais prétendu qu'elle comportait une partie habitée et dont la photographie qui figure au dossier cantonal évoque un très grand entrepôt, ne pouvait pas être assimilée à un château.
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5.3. Il découle de ce qui précède que le grief d'application arbitraire de l'art. 66 al. 1 OVV est infondé et doit être rejeté.
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6. La recourante se plaint aussi d'une violation du principe de l'égalité de traitement au sens de l'art. 8 Cst. Son grief se confond toutefois avec celui de violation du principe d'égalité entre concurrents directs (art. 27 Cst.), que la recourante cite également et qui lui offre une protection plus étendue que celle de l'art. 8 Cst. (ATF 140 I 218 consid. 6.3 p. 229; 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53; arrêts 2C_1004/2014 du 5 octobre 2015 consid. 5.1; 9C_201/2015 du 22 septembre 2015 consid. 7.2 destiné à publication; 2C_1120/2013 du 20 février 2015 consid. 9.1). Il sera partant examiné ci-après sous cet angle.
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7. Invoquant les art. 27 et 94 Cst., la recourante fait valoir une violation de la liberté économique.
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7.1. Aux termes de l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1). Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 p. 172; 135 I 130 consid. 4.2 p. 135; 128 I 19 consid. 4c/aa p. 29 s.). Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 135 I 130 consid. 4.2 p. 135; arrêt 2C_301/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4.1).
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7.1.1. Des restrictions cantonales à la liberté économique sont admissibles, mais elles doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.).
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Lorsque l'atteinte est légère, elle peut reposer sur une habilitation générale donnée par la loi à l'autorité d'exécution (cf. ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339; arrêt 2C_301/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4.3.1), ce que le Tribunal fédéral examine sous l'angle restreint de l'arbitraire (arrêt 2C_819/2014 précité et les références, notamment aux ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339 s.; 129 I 173 consid. 2.2; 126 I 112 consid. 3b). Les restrictions qui ont trait aux conditions d'appellations d'origine sont considérées comme légères et relevant de la police du commerce (ATF 109 Ia 116 consid. 4c p. 122 [qui portait sur l'arrêté valaisan de 1990 sur les appellations d'origine des vins du Valais]; cf. également arrêt 2C_1004/2014 du 5 octobre 2015 consid. 5.5 en relation avec l'appellation "Gruyère").
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Sous l'angle de l'intérêt public, sont autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d'autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a p. 326; arrêts 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1; 2C_793/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d'exploitation (ATF 140 I 218 consid. 6.2 p. 228 s.; 130 I 26 consid. 4.5 p. 43; arrêts 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1; 2C_819/2014 du 3 avril 2015 consid. 5.1).
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7.1.2. La liberté économique comprend le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 140 I 218 consid. 6.2 p. 229; 138 I 289 consid. 2.3 p. 292; arrêt 2C_345/2015 du 24 novembre 2015 consid. 4.2).
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On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. Ne sont considérés comme concurrents directs au sens de cette règle que les entreprises situées dans la circonscription territoriale à laquelle s'applique la législation en cause (cf. ATF 132 I 97 consid. 2.1 p. 100; 125 II 129 consid. 10b p. 149 s.; 97 I 509 consid. 4a p. 515; arrêt 2C_1017/2011 du 8 mai 2012 consid. 6). Par ailleurs, on ne peut tirer du principe de l'égalité de traitement entre commerçants de la même branche aucune obligation pour les cantons d'harmoniser entre eux leur législation (cf. arrêt 2C_1017/2012 du 8 mai 2012 consid. 6 et la référence citée).
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L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs et résultent du système lui-même; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (ATF 137 I 167 consid. 3.5 p. 175; 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53; 124 II 193 consid. 8c p. 212). Dans le domaine des appellations d'origine contrôlée, il s'agit de protéger la désignation géographique ou traditionnelle (cf. arrêt 2C_1004/2014 du 5 octobre 2015 consid. 5.1). En relation avec les vins, les dénominations spécifiques, traditionnelles et d'origine prévues par les législations cantonales ont pour but de garantir la qualité des vins, de prévenir les risques d'abus et partant de protéger la bonne foi des consommateurs (cf. ATF 109 Ia 116 consid. 4d p. 123).
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7.2. En l'espèce, la recourante soutient d'abord que le refus de lui octroyer l'appellation "Château" ne reposerait sur aucune base légale, du fait de l'interprétation erronée de l'art. 66 al. 1 OVV opérée par les juges cantonaux, et qu'elle devrait pouvoir en bénéficier sur la base d'une interprétation large de cette disposition.
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Le fait que les juges cantonaux n'aient pas interprété l'art. 66 al. 1 OVV comme la recourante l'entend ne signifie pas pour autant que la mesure litigieuse soit dénuée de base légale. L'interprétation que le Tribunal cantonal a faite de cette disposition n'est du reste pas arbitraire (cf. supra consid. 5.2). Au surplus, l'art. 66 OVV constitue une base légale suffisante en la matière (cf. supra consid. 7.1.2). Le grief tiré du défaut de base légale de la mesure est partant infondé.
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7.3. La recourante se plaint ensuite de ce que la décision attaquée la désavantagerait par rapport à ses concurrents suisses et internationaux, en particulier par rapport au producteur valaisan du vin commercialisé sous l'étiquette "Château A.________".
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7.3.1. La définition de l'appellation "Château" relève de la législation du canton dans lequel le vin est produit, soit, dans le cas d'espèce, de la réglementation valaisanne. Il en découle que, conformément aux principes rappelés ci-dessus (cf. supra consid. 7.1.2), seuls les producteurs de vin soumis à cette réglementation sont des concurrents directs de la recourante. Le grief de violation de l'égalité entre concurrents doit partant être d'emblée rejeté en tant qu'il concerne les producteurs de vin d'autres cantons ou d'autres pays. La recourante, qui produit des vins valaisans, ne peut pas non plus se prévaloir de l'existence de normes d'autres cantons, voire d'autres pays, pour obtenir en Valais le droit d'utiliser l'appellation "Château".
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7.3.2. Le producteur du vin commercialisé en Valais sous l'appellation "Château A.________" représente en revanche un concurrent direct. A cet égard, les juges cantonaux se sont limités à renvoyer à l'argumentation du Conseil d'Etat, qui consistait à nier la possibilité d'une inégalité de traitement du fait que l'appellation "Château A.________" a été octroyée sous l'empire d'une législation antérieure à l'entrée en vigueur de l'OVV. Cette argumentation n'emporte pas la conviction, dès lors que l'art. 66 OVV s'applique aux dénominations actuelles et que la question de l'égalité de traitement concerne dès lors tous les producteurs de vin valaisans, y compris ceux à qui la dénomination aurait été octroyée antérieurement. Cela étant, sur le fond, la recourante n'a pas démontré que son bâtiment se trouvait objectivement dans une situation de fait comparable (en particulier quant à l'architecture, à la date de construction initiale et à la destination) à celle de la propriété "Château A.________" et que le traitement différent qui a été appliqué à ces deux producteurs de vin valaisan serait en conséquence constitutif d'une inégalité contraire à la Constitution. Faute de répondre aux exigences de motivation qualifiées de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2.1 supra), le grief de violation de l'égalité entre concurrents directs est irrecevable. Au demeurant, on peut relever que la photographie du Château A.________ qui figure au dossier cantonal permet de constater immédiatement que cette propriété, qui a l'apparence d'une imposante habitation de campagne, n'a rien en commun avec le bâtiment de la recourante, qui évoque un grand entrepôt. Il ne paraît prima facie pas que le traitement différent appliqué à ces deux propriétés soit contraire à la Constitution.
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7.4. La recourante soutient encore que si la définition du terme "Château" au sens de l'art. 66 OVV adoptée par le Tribunal cantonal devait être confirmée, l'utilisation de la dénomination "Château A.________" devrait alors être interdite. Elle soutient ainsi implicitement que cette dénomination serait utilisée de manière contraire à l'art. 66 OVV.
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7.4.1. Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique cons-tante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 139 II 49 consid. 7.1 p. 61 et les références; 136 I 65 consid. 5.6 p. 78).
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7.4.2. En l'occurrence, le grief de la recourante ne consiste pas à se prévaloir d'un traitement égal dans l'illégalité, puisqu'elle ne fait que demander ici l'interdiction de la dénomination "Château A.________" pour le cas où l'interprétation faite par les juges cantonaux de l'art. 66 OVV devait être confirmée. En outre, la recourante se limite à affirmer de manière appellatoire que le Château A.________ ne constituerait qu'un "sympathique mas provençal" sans démontrer que cette dénomination procéderait d'une application insoutenable de l'art. 66 OVV. Il n'y a donc pas lieu d'entrer plus avant en matière sur ce grief.
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7.4.3. Est aussi irrecevable le grief par lequel la recourante se plaint de ce que le Tribunal cantonal se serait arbitrairement limité à renvoyer à l'argumentation développée par l'autorité inférieure en lien avec l'appellation "Château A.________". Ce reproche a en effet trait au droit d'être entendu, grief constitutionnel que la recourante ne soulève pas et dont la Cour de céans ne peut partant se saisir d'office (cf. art. 106 al. 2 LTF et ci-dessus consid. 2.1).
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7.5. La recourante reproche finalement au Tribunal cantonal de ne pas avoir tenu compte de la forte concurrence étrangère qui existe sur le marché du vin et du fait que l'appellation "Château" lui offrirait un avantage compétitif indéniable, en particulier sur le marché asiatique qu'elle tente de pénétrer. Le fait de lui accorder le droit d'utiliser cette dénomination permettrait du reste, selon elle, de réaliser l'un des buts de l'OVV, parce que cette mesure contribuerait à soutenir la pérennité du secteur vitivinicole et à favoriser la commercialisation des vins valaisans, notamment à l'étranger.
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La recourante perd toutefois ici de vue que son grief revient à demander aux juges cantonaux de modifier la définition de la dénomination "Château" qui figure à l'art. 66 OVV. Or, il s'agit là d'une compétence qui n'échoit pas aux autorités judiciaires valaisannes, mais, en l'occurrence, au Conseil d'Etat valaisan, qui pourrait, par une modification de cette disposition, en adopter une définition plus large que celle qui est actuellement en vigueur.
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7.6. Au vu de ce qui précède, le grief de violation de la liberté économique est rejeté.
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8. On relèvera pour terminer que, sous l'angle de la loi fédérale sur le marché intérieur (RS 943.02), en matière d'échange de marchandises, de services et de prestations, ce sont les prescriptions en vigueur au lieu de provenance de l'offreur qui règlent l'admission au marché (VINCENT MARTENET/ PIERRE TERCIER, in Commentaire romand, Droit de la concurrence, 2e éd. 2013, n° 69 ad Introduction à la LMI; cf. aussi ATF 141 II 280 consid. 5.1 p. 284). Ainsi, l'art. 2 al. 1 LMI prévoit que toute personne a le droit d'offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l'exercice de l'activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement. En l'occurrence, la recourante est soumise à l'OVV en tant que législation du lieu de provenance, et ne peut se prévaloir d'autres législations pour obtenir l'appellation recherchée.
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8.1. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires seront donc mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Chimiste cantonal du canton du Valais, au Conseil d'Etat du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public.
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Lausanne, le 11 janvier 2016
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Zünd
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La Greffière : Vuadens
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