Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
9C_611/2015
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Arrêt du 8 mars 2016
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Glanzmann, Présidente, Pfiffner et Parrino.
Greffier : M. Piguet.
Participants à la procédure
Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,
recourant,
contre
A.________,
représenté par Me Pierre Seidler, avocat,
intimé,
Caisse de compensation des arts et métiers suisses, Brunnmattstrasse 45, 3007 Berne.
Objet
Assurance-vieillesse et survivants (obligation de cotiser),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances,
du 29 juin 2015.
Faits :
A.
A.________ exploite une pharmacie à V.________. Au cours du premier semestre de l'année 2011, il a décidé de transformer sa raison individuelle en société anonyme. L'inscription au registre du commerce a eu lieu le 31 mars 2011.
Selon communication fiscale du 11 février 2014, A.________ a réalisé un revenu d'indépendant de 407'511 fr. au cours de l'exercice commercial 2011 (lequel a débuté le 1er mars 2010 et s'est clos le 28 février 2011).
Par décision du 27 juin 2014, confirmée sur opposition le 6 août 2014, la Caisse de compensation des arts et métiers suisses (ci-après: la Caisse de compensation) a fixé le montant des cotisations AVS/AI/APG perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante - y compris les frais d'administration - à 44'116 fr. 60 pour l'année 2011 (sur la base d'un revenu soumis à cotisations de 452'200 fr. [après ajout des cotisations personnelles]).
B.
Considérant que la manière de procéder de la Caisse de compensation conduisait à une double perception de cotisations pour l'année 2011, A.________ a déféré la décision sur opposition du 6 août 2014 devant la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. Par jugement du 29 juin 2015, la juridiction cantonale a admis le recours, annulé la décision du 6 août 2014 et renvoyé la cause à la Caisse de compensation afin qu'elle procède au sens des considérants.
C.
L'Office fédéral des assurances sociales interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut à la confirmation de la décision sur opposition rendue le 6 août 2014 par la Caisse de compensation.
A.________ conclut au rejet du recours, tandis que la Caisse de compensation a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF). Hormis les situations - non pertinentes en l'espèce - visées à l'art. 92 LTF, il n'est recevable contre les décisions incidentes que si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
1.2. En règle générale, une décision de renvoi ne met pas fin à la procédure (ATF 133 V 477 consid. 4.2 p. 482) et n'est pas non plus de nature à causer un préjudice irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul fait que son coût s'en trouve augmenté n'étant pas considéré comme un élément constitutif d'un tel dommage (ATF 133 V 477 consid. 5.2.2 p. 483 et les références citées). Néanmoins, si le renvoi ne laisse aucune latitude de jugement à l'autorité cantonale inférieure appelée à statuer (à nouveau), il est assimilé à une décision finale et peut, de ce fait, faire l'objet d'un recours en matière de droit public (arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007 consid. 1.1, in SVR 2008 IV n° 39 p. 131; voir également, sous l'ancien droit, ATF 133 V 477 consid. 5.2.2 p. 483; 129 I 313 consid. 3.2 p. 317 et les références citées). Lorsque l'autorité administrative à laquelle la cause est renvoyée dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, elle doit également pouvoir attaquer un arrêt de renvoi lui enjoignant de rendre une décision qu'elle juge contraire au droit: à défaut, elle subirait en effet un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, étant contrainte de rendre une décision - selon elle - erronée qu'elle ne pourrait pas soumettre au contrôle du Tribunal fédéral par la voie d'un recours, faute de remplir l'exigence d'une lésion formelle (
formelle Beschwer; cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2.4 p. 484).
1.3. Quand bien même le jugement entrepris renvoie le dossier à l'administration pour qu'elle rende une nouvelle décision, il prescrit de manière très précise la manière dont l'administration devra procéder pour fixer les cotisations dues par l'intimé. Dans la mesure où l'action requise de l'administration se limite à la mise en oeuvre d'instructions impératives, le prononcé attaqué ne laisse plus aucune latitude de jugement à l'administration pour la suite de la procédure, de sorte qu'elle sera tenue de rendre une décision qui, selon l'OFAS, est contraire au droit fédéral. En cela, il constitue une décision finale, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération (cf. art. 97 al. 2 LTF).
3.
Le litige porte sur la fixation pour l'année 2011 des cotisations AVS/AI/APG perçues sur le revenu provenant de l'activité indépendante exercée par l'intimé.
4.
4.1. La juridiction cantonale a constaté que la Caisse de compensation avait retenu, au titre de revenu déterminant, le revenu réalisé entre le 1er mars 2010 et le 28 février 2011, tel que déterminé par les autorités fiscales compétentes. Bien que la taxation fiscale portât sur une période de douze mois, l'intimé n'avait toutefois exercé son activité indépendante que jusqu'au moment de l'inscription au registre du commerce de la société anonyme (31 mars 2011). Son obligation de verser des cotisations en tant qu'indépendant avait ainsi cessé à cette date, étant admis qu'il avait ensuite cotisé en qualité de salarié. Dans ces circonstances, le calcul auquel la Caisse de compensation avait procédé ne pouvait être confirmé, puisqu'il correspondait à la perception des cotisations sociales pour une année entière d'activité de l'intimé en tant qu'indépendant. Au contraire, il convenait de fixer le montant des cotisations dues en ne prenant en compte que les trois douzièmes du revenu déterminant selon la taxation fiscale. Seul ce mode de calcul permettait, d'une part, de fixer le montant des cotisations dues par l'intimé en fonction du revenu d'indépendant effectivement perçu durant la période concernée et, d'autre part, d'éviter une double perception de cotisations durant une même période.
4.2. L'OFAS reproche à la juridiction cantonale d'avoir méconnu le sens et la portée de l'art. 22 RAVS et, partant, d'avoir violé le droit fédéral. Se référant au texte de cette disposition et à son commentaire, l'OFAS fait valoir qu'il n'y a pas lieu, en cas de revenu découlant d'un exercice commercial à cheval sur deux années de cotisation, d'effectuer une répartition du revenu sur les années de cotisations ou une annualisation de celui-ci et que seul le revenu communiqué par l'autorité fiscale à la date de clôture est déterminant. Le fait de ne tenir compte que de trois douzièmes des revenus communiqués par l'autorité fiscale pour l'année 2011 afin de tenir compte du fait que l'activité indépendante n'avait duré en 2011 que trois mois était clairement contraire aux intentions du Conseil fédéral ainsi qu'à la volonté d'harmonisation entre le droit fiscal et l'AVS. Ces intentions et cette volonté avaient notamment été reprises à l'art. 22 al. 2 RAVS, disposition qui mentionnait qu'il convenait de tenir compte du revenu découlant de l'exercice commercial clos au cours de l'année de cotisation et non pas du seul revenu acquis au cours de l'année de cotisation. La manière de procéder de la juridiction cantonale était également contraire à l' art. 22 al. 3 et 4 RAVS , dispositions qui prévoyaient que le seul cas de figure où il existait une répartition des revenus communiqués par l'autorité fiscale en proportion de sa durée entre les années de cotisation était celui où aucune clôture n'intervenait pendant l'année de cotisation. Finalement, la proratisation que la juridiction cantonale avait effectuée était clairement contraire à l'art. 22 al. 5 RAVS, disposition qui prévoyait que le revenu n'était pas annualisé.
5.
5.1. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LAVS, les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l'exercice de l'activité dépendante et indépendante. Selon l'art. 9 al. 1 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante. L'art. 17 RAVS précise qu'il s'agit de tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2 LIFD, et les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l'art. 18 al. 4 LIFD, à l'exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l'art. 18 al. 2 LIFD. L'art. 17 RAVS formalise une harmonisation de la notion de revenu d'une activité indépendante entre le droit de l'AVS et le droit fiscal. En principe, tous les revenus fiscalement imposables provenant de l'exercice d'une activité indépendante sont également soumis à cotisations, sous réserve de dispositions de la LAVS ou du RAVS prévoyant une solution différente (ATF 134 V 240 consid. 3.2 p. 253 et les références).
5.2. Selon l'art. 30ter al. 4 LAVS, les revenus des indépendants, des salariés dont l'employeur n'est pas tenu de payer des cotisations et des personnes sans activité lucrative sont inscrits au compte individuel sous l'année par laquelle les cotisations sont fixées.
5.3. D'après l'art. 22 RAVS (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2009), les cotisations perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante sont fixées pour chaque année de cotisation, l'année de cotisation correspondant à l'année civile (al. 1); les cotisations se calculent sur la base de revenu découlant du résultat de l'exercice commercial clos au cours de l'année de cotisation et du capital propre investi dans l'entreprise à la fin de l'exercice commercial (al. 2); si l'exercice commercial ne coïncide pas avec l'année de cotisations, le revenu n'est, sous réserve de l'al. 4, pas réparti entre les années de cotisation (al. 3); si aucune clôture n'intervient pendant l'année de cotisation, le revenu acquis pendant l'exercice doit être réparti en proportion de sa durée entre les années de cotisation (al. 4); le revenu n'est pas annualisé (al. 5).
6.
6.1. Selon le système de la loi, tout revenu provenant de l'exercice d'une activité dépendante ou indépendante est soumis au prélèvement de cotisations sociales. L'art. 22 RAVS a dans ce contexte pour unique fonction de définir pour quelle année (de cotisation) les revenus provenant d'une activité indépendante doivent être attribués, notamment lorsque l'exercice commercial est à cheval sur deux années. Cette disposition doit être lue en corrélation avec l'art. 30ter al. 4 LAVS, lequel règle la mise en compte des cotisations et leur inscription dans le compte individuel d'un assuré de condition indépendante.
6.2. En l'occurrence, l'exercice commercial 2010-2011 de l'entreprise individuelle de l'intimé a débuté le 1er mars 2010 et s'est clos le 28 février 2011. L'intégralité du revenu découlant du résultat de l'exercice doit être soumis à cotisations et être attribué, conformément à l' art. 22 al. 2 et 3 RAVS , à l'année (de cotisation) 2011. Le raisonnement suivi par la juridiction cantonale, en tant qu'il revient au final à ne pas soumettre à cotisations le revenu découlant de l'activité exercée du 1er mars au 31 décembre 2010, viole le droit fédéral.
6.3. Contrairement à ce que soutiennent la juridiction cantonale et l'intimé, on ne saurait parler de double perception de cotisations ou de surtaxation. Tel serait le cas si le même revenu faisait l'objet de plusieurs prélèvements de cotisations à des titres différents. Or il n'en est rien en l'espèce puisque des cotisations sont perçues, d'une part, sur le revenu de l'activité indépendante de l'intimé (pour l'exercice commercial 2010-2011 ayant couru du 1er mars 2010 au 28 février 2011) et, d'autre part, sur le revenu de son activité dépendante (pour la période d'avril à décembre 2011). Le fait que l'ensemble de ses revenus sont portés au compte de l'année 2011 - avant tout pour des raisons de simplification administrative (cf. Commentaires des modifications de RAVS au 1er janvier 2001, ad art. 22 RAVS, in Pratique VSI 3/2000 p. 113) - ne change rien au fait que l'intimé est tenu de par la loi de payer des cotisations sociales sur l'intégralité de ses revenus.
7.
Dans la mesure où, pour le reste, le contenu de la communication fiscale, respectivement le calcul de co tisation opéré par la Caisse de compensation sur la base de celle-ci n'ont pas été contestés au cours de la procédure, il y a lieu de confirmer le contenu de la décision sur opposition rendue le 6 août 2014 par la Caisse de compensation.
8.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de l'OFAS doit être admis et le jugement attaqué annulé. Compte tenu de l'issue du litige, l'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 29 juin 2015 est annulé et la décision sur opposition de l'Office de la Caisse de compensation des arts et métiers suisses du 6 août 2014 confirmée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Caisse de compensation des arts et métiers suisses et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances.
Lucerne, le 8 mars 2016
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Glanzmann
Le Greffier : Piguet