Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
1B_78/2016
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Arrêt du 16 mars 2016
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Daniel Kinzer, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Détention pour des motifs de sûreté,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 24 février 2016.
Faits :
A.
Le 11 février 2016, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de vols, dommages à la propriété, violation de domicile, recel et séjour illégal. Il l'a condamné à une peine privative de liberté ferme d'un an, sous déduction des 313 jours de détention avant jugement déjà subis. Le prévenu a déposé, le 15 février 2016, une annonce d'appel contre cet arrêt.
Par ordonnance du 11 février 2016, le tribunal de première instance a prononcé le maintien en détention pour des motifs de sûreté du prévenu, retenant l'existence d'un risque de fuite.
B.
Le 24 février 2016, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette seconde décision. Retenant l'existence de risques de fuite et de réitération, cette autorité a considéré que les conditions permettant exceptionnellement une libération conditionnelle en cas de détention avant jugement n'étaient pas réalisées.
C.
Par acte du 1er mars 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire.
Invité à se déterminer, le Ministère public de la République et canton de Genève a conclu au rejet du recours. L'autorité précédente s'est référée à ses considérants. Le 11 mars 2016, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Le recours a été formé dans le délai fixé à l'art. 100 al. 1 LTF contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Le recourant, dont le maintien en détention a été confirmé, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Dans le cadre de la détention, le recourant ne conteste pas les charges pesant à son encontre ou l'existence d'un risque de fuite (art. 231 al. 1 let. a CPP).
Invoquant les art. 197 et 212 CPP , il soutient en revanche que la durée de la détention provisoire, respectivement pour motifs de sûreté, violerait le principe de proportionnalité; une telle constatation résulterait de la sanction prononcée par le Tribunal correctionnel, ainsi que de l'absence d'annonce formelle de la part du Ministère public quant au dépôt d'un appel joint.
2.1. Selon l'art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, le tribunal de première instance détermine si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou maintenu en détention pour des motifs de sûreté pour garantir l'exécution de la peine ou de la mesure prononcée (let. a) ou en prévision de la procédure d'appel (let. b). Une mesure de détention doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. , 197 al. 1 let. c CPP).
2.2. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale.
Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. L'art. 212 al. 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge - de première instance ou d'appel - pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275 et les arrêts cités).
Lorsqu'un appel est formé contre le jugement de première instance, ce prononcé, non définitif et exécutoire, constitue cependant un indice important quant à la peine susceptible de devoir être finalement exécutée. Le juge de la détention ne peut pas non plus faire abstraction de l'existence d'un appel du Ministère public tendant à l'aggravation de la peine, devant alors examiner prima facie les chances de succès d'une telle démarche. Le maintien en détention ne saurait être limité aux seuls cas où il existerait sur ce point une vraisemblance confinant à la certitude (ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275 s. et les arrêts cités).
Le juge de la détention - afin d'éviter qu'il n'empiète sur les compétences du juge du fond - ne tient pas compte de la possibilité éventuelle de l'octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel (ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275) ou d'une libération conditionnelle, notamment s'il n'est pas d'emblée évident que cette dernière possibilité sera octroyée (arrêt 1B_82/2013 du 27 mars 2013 consid. 3.2 in Pra 2013 74 549; sur l'éventuelle application de l'art. 86 CP dans des cas de détention provisoire ou pour motifs de sûreté, cf. arrêt 1B_363/2015 du 30 octobre 2015).
2.3. En l'espèce, le recourant a été placé en détention le 5 avril 2015. Le 11 février 2016, il a été condamné en première instance à une peine privative de liberté ferme d'un an, sous déduction des 313 jours de détention provisoire alors subis (326 jours au moment de l'arrêt attaqué).
Le recourant a annoncé un appel contre l'arrêt du Tribunal correctionnel. Tel n'est pas le cas du Ministère public (cf. a contrario notamment arrêts 1B_8/2016 du 25 janvier 2016 consid. 4.3, 1B_68/2014 du 5 mars 2014 consid. 2.3.3). Ce magistrat s'est limité en substance à indiquer qu'il formerait "vraisemblablement" un appel joint dès qu'il aurait connaissance de la motivation du jugement susmentionné; le cas échéant, il envisagerait alors de requérir une peine privative de liberté de dix-huit mois pour deux chefs supplémentaires de culpabilité concernant deux autres cambriolages. Certes, cette manière de procéder paraît conforme à la loi (cf. art. 401 CPP). Toutefois, dans le cadre de la détention, la seule intention affichée par le Procureur ne suffit pas pour pouvoir examiner si les démarches qu'il pourrait envisager d'entreprendre déboucheraient sur une possible aggravation de la peine; la jurisprudence exige au contraire que le Ministère public expose avec une vraisemblance suffisante les motifs conduisant à une possible "reformatio in pejus", susceptible de justifier un maintien en détention. En l'espèce, l'incertitude réside déjà quant au dépôt même d'un moyen de droit de la part du Ministère public (cf. les déterminations de celui-ci devant le Tribunal fédéral, p. 2). Il en résulte que la sanction prononcée en première instance constitue en l'état une indication importante quant à la peine maximale susceptible d'être finalement retenue à l'encontre du recourant.
Vu les considérations précédentes, il y a lieu de constater que la détention subie par le recourant est à ce jour très proche de la peine privative de liberté à laquelle il peut s'attendre, en particulier si l'autorité d'appel confirme le jugement de première instance. La durée de la détention provisoire, respectivement pour motifs de sûreté est dès lors excessive. Partant, le maintien en détention viole le principe de proportionnalité et ce grief doit être admis.
3.
Il s'ensuit que le recours est admis. L'arrêt de la Chambre pénale de recours du 24 février 2016 est annulé. La libération immédiate du recourant est ordonnée, à charge pour le Ministère public d'organiser sans délai les modalités de celle-ci.
Le recourant, assisté par un avocat, obtient gain de cause et a droit à des dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF); sa demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 24 février 2016 est annulé.
2.
La libération immédiate du recourant est ordonnée, à charge du Ministère public de la République et canton de Genève d'organiser sans délai les modalités de celle-ci.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée au mandataire du recourant, à la charge de la République et canton de Genève.
5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 16 mars 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
La Greffière : Kropf