BGer 1C_355/2015
 
BGer 1C_355/2015 vom 22.03.2016
{T 0/2}
1C_355/2015
 
Arrêt du 22 mars 2016
 
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
recourante,
contre
Conseil communal de Morges, place de l'Hôtel-de-Ville 1, 1110 Morges, représenté par Me Alain Thévenaz, avocat,
Département des infrastructures et des ressources humaines du canton de Vaud, Direction générale de la mobilité et des routes, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne.
Objet
Création d'un chemin piétonnier sur un fonds privé,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 29 mai 2015.
 
Faits :
A. Le plan partiel d'affectation "En Bonjean" (ci-après: le PPA En Bonjean), approuvé par le Département de l'économie du canton de Vaud le 1 er juillet 2010, couvre une superficie d'environ 34'800 m² comprenant, à l'ouest de la commune de Morges, les terrains situés entre les voies CFF et la route cantonale du bord du lac (ci-après: la RC1). Il prévoit des périmètres d'implantation des constructions, ainsi que différents équipements, notamment une liaison piétonne qui longe le bord de la RC1 et serpente à certains endroits à l'intérieur des parcelles riveraines.
La parcelle n° 753, propriété de A.________, forme l'extrémité nord-est de ce périmètre. Dans sa partie nord-ouest est bâtie une maison de maître devant laquelle, au sud-est, s'étend une vaste pelouse avec piscine bordée d'arbres décoratifs d'essence majeure qui forment un boisé assez dense le long de la limite de la parcelle. A cet endroit, la parcelle n° 753 est bordée par un mur ancien entièrement recouvert de lierre et surmonté d'un treillis, le tout atteignant une hauteur d'environ 2,50 m. Ce mur est séparé du domaine public de la route par une étroite bande herbeuse triangulaire (parcelle n° 742, propriété de la commune de Morges). L'extrémité ouest du bien-fonds n° 753 est toutefois, sur quelques mètres, directement limitrophe du domaine public, dont il est séparé à cet endroit par une haute clôture de treillis et une toile synthétique verte tendue entre des poteaux; ces installations sont envahies par les branches des nombreux arbres formant le boisé précité.
Le chemin piétonnier prévu le long du périmètre du PPA En Bonjean est en grande partie déjà réalisé. Ainsi, un trottoir est déjà aménagé le long de la RC1 entre l'extrémité sud-ouest du périmètre et le nouveau giratoire du Petit-Bois. Entre celui-ci et l'extrémité nord-est du PPA En Bonjean, un chemin piétonnier existe déjà jusqu'à la limite de la parcelle n° 4120. Sur ce tronçon existant, le chemin piétonnier se présente sous la forme d'un enrobé bitumineux drainant d'une largeur de 1,50 m pour la partie située à l'intérieur de l'arborisation existante à cet endroit et de 2 m pour la partie située en dehors de l'arborisation.
B. A la suite du refus de B.________ (mère de A.________ et propriétaire à l'époque de la parcelle n° 753) de consentir à la commune une servitude personnelle de passage à pied sur sa parcelle, la Municipalité de Morges (ci-après: la Municipalité) a soumis à l'enquête publique, du 7 décembre 2013 au 5 janvier 2014, un projet de plan de chemin piétonnier.
Il ressort des plans que sur la parcelle n° 753, le chemin sera aménagé de manière rectiligne en bordure de la parcelle. Il présentera, à l'intérieur de l'arborisation existante, une largeur de 1,50 m, sauf à l'endroit où la parcelle est directement bordée par la RC1: sur ce tronçon, il prendra la forme d'un trottoir d'une largeur de 2 m et il empiétera d'environ 1 m sur ladite parcelle. Au total, l'emprise du chemin piétonnier sur le bien-fonds n° 753 sera de 29 m². L'aménagement du chemin piétonnier nécessitera, outre l'abattage de trois arbres du boisé sis en limite de propriété (une charmille et deux ifs), la démolition, sur une longueur d'environ 7 m, du mur de pierres sis en limite de propriété de la parcelle. Il s'agit d'une partie de mur qui mesure 50 cm de haut. Actuellement, ce mur est surmonté d'une clôture de treillis et est presque entièrement recouvert de lierre. L'ensemble fait 2 m à 2,50 m de haut. Selon les déclarations de C.________, ingénieur auprès du bureau D.________, un mur sera reconstruit dans le prolongement du mur existant; en outre, une clôture de treillis sera placée sur son sommet et le rideau végétal existant sera complété si nécessaire afin d'exclure une atteinte au caractère privé de la propriété de A.________. Pour faire suite à l'exigence du Service Immeubles, Patrimoine et Logistique (SIPAL) du Département cantonal des finances, les matériaux constituant le mur à démolir seront réutilisés pour reconstruire un mur en pierres sur les parcelles n° 1520, 1521 et 1522 (sises sur la même voie de communication historique).
Au cours de l'enquête publique susmentionnée, A.________ a formé opposition au projet de chemin piétonnier. Par lettre du 21 mai 2014, la Municipalité a informé A.________ que, lors de sa séance du 7 mai 2014, le Conseil communal de Morges (ci-après: le Conseil communal) avait levé son opposition et adopté, au titre de nouvel aménagement routier, le projet de création d'un chemin piétonnier notamment sur sa parcelle, tel qu'il avait été soumis à l'enquête publique. Par lettre du 27 mai 2014, la Municipalité a informé A.________ que la décision rendue par le Conseil communal lors de sa séance du 7 mai 2014 lui serait une nouvelle fois adressée par le Département cantonal des infrastructures et des ressources humaines (DIRH), avec la décision d'approbation du plan du chemin piétonnier, conformément à l'art. 60 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11), applicable par renvoi de l'art. 13 al. 3 de la loi cantonale du 10 décembre 1991 sur les routes (LRou; RSV 725.01). Par décision du 3 juin 2014, le DIRH a informé A.________ qu'il avait approuvé les plans du chemin piétonnier projeté et levé son opposition y relative, et lui a transmis une copie de la décision du Conseil communal du 21 mai 2014.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 29 mai 2015 en ce sens que les décisions des 21 mai 2014 et 3 juin 2014 sont annulées, de sorte que le projet de création de chemin piétonnier sur la parcelle n° 753 est refusé. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt du 29 mai 2015.
Invité à se déterminer, le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. Le DIRH conclut implicitement au rejet du recours et rappelle l'intérêt public lié à la création du chemin litigieux. Le Conseil communal de Morges conclut au rejet du recours. La recourante a répliqué par courrier du 6 novembre 2015.
D. Par ordonnance du 27 août 2015, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante.
 
Considérant en droit :
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante, qui a pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme la création d'un chemin piétonnier empiétant sur sa parcelle. Elle a donc la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont par ailleurs réunies.
2. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante se plaint d'un établissement incomplet et inexact des faits.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).
2.2. La recourante reproche à l'instance précédente de ne pas avoir mentionné le dispositif légal de protection de la maison de maître et de ses abords, sis sur la parcelle n° 753 (art. 1, 4 et 24 du règlement du PPA "En Bonjean" [RPPA] et note 2 au recensement architectural du canton de Vaud). Elle fait aussi grief au Tribunal cantonal d'avoir omis de préciser que le cheminement litigieux serait utilisé par moins de 50 personnes par jour et qu'il exigerait de traverser la voie déclive d'accès à l'autoroute à hauteur d'un giratoire à haut trafic après avoir longé la route cantonale.
Vu l'argumentation qui suit (infra consid. 5 et 6), ces précisions, fussent-elles établies, ne permettraient pas de trancher différemment le litige. Faute d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la procédure, le grief de l'établissement incomplet et arbitraire des faits doit être écarté.
3. Dans un second grief d'ordre formel, la recourante se plaint d'une violation de l'obligation de motiver, au motif que certains de ses griefs n'auraient pas été traités.
3.1. Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).
3.2. En l'espèce, la recourante fait d'abord grief à l'instance précédente de ne pas avoir répondu à son argumentation relative aux art. 7 et 12 RPPA (principe selon lequel le cheminement piétonnier ne peut être réalisé qu'au fur et à mesure des étapes de réalisation; autonomie partielle de réalisation des étapes). Or, la lecture de l'arrêt attaqué permet de comprendre sans difficulté les motifs qui ont fondé la réponse de la cour cantonale à ce grief (voir infra consid. 4). La motivation du Tribunal cantonal n'a d'ailleurs pas échappé à la recourante, qui est précisément à même d'attaquer l'arrêt sur ce point. Dans la mesure où la recourante critique la pertinence de ces motifs, elle soulève une question de fond qui sera examinée ci-après.
La recourante reproche aussi à l'instance précédente de ne pas avoir répondu à son argument - fondé sur l'art. 108 LATC - selon lequel la construction d'un chemin sur un fonds privé aurait dû être précédée d'un règlement de la question de la titularité des droits sur ce terrain. Le Tribunal cantonal a toutefois clairement exposé au considérant 4 de son arrêt qu'en vertu de l'art. 14 LRou et de la jurisprudence y relative, la Municipalité avait procédé dans le bon ordre en soumettant le projet routier à l'enquête publique avant de recourir à l'expropriation.
La recourante soutient encore que le Tribunal cantonal a omis d'examiner les incidences des bruits provenant de la route, des piétons ainsi que les effets de l'abattage d'arbres et de l'ouverture de la propriété au sud. Elle prétend que l'art. 35 RPPA justifiait qu'une étude acoustique soit établie. L a cour cantonale a cependant exposé que le mur constituait un rempart contre le bruit et que si sa démolition pouvait entraîner une augmentation des nuisances, ce problème ne se poserait plus lorsque le mur serait reconstruit. Cette motivation, si elle ne répond pas à l'ensemble des objections soulevées par la recourante, a permis néanmoins à celle-ci de comprendre pourquoi son grief était rejeté et de l'attaquer en toute connaissance de cause. Cela est suffisant, sous l'angle du droit d'être entendu.
De façon sommaire, la recourante affirme ensuite que l'argument tiré de la protection du site et de la faune n'a fait l'objet d'aucun développement. Fût-il recevable, ce grief devrait être d'emblée rejeté dans la mesure où le Tribunal cantonal a exposé à satisfaction de droit au considérant 8 de son arrêt pourquoi le projet litigieux ne portait pas une atteinte inadmissible aux valeurs écologiques et paysagères du site. Il peut être renvoyé sur ce point à l'arrêt cantonal (art. 109 al. 3 LTF).
Enfin, la recourante soutient de manière laconique que l'arrêt cantonal ne prend pas position sur l'argument tiré de la violation de l'art. 46 al. 2 de la loi du 10 décembre 1969 sur la protection de la nature, des monuments et des sites (LPNMS; RSV 450.11). Fût-il recevable, ce grief pourrait d'emblée être écarté puisque l'arrêt attaqué traite de façon complète de cette critique à son considérant 9. Dans la mesure où la recourante critique la pertinence des motifs de l'instance précédente, elle soulève une question de fond qui sera examinée ci-après (voir infra consid. 6).
Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendu doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
4. Sur le fond, la recourante fait valoir que le projet de chemin piétonnier contrevient de façon arbitraire à l'art. 7 al. 2 RPPA.
4.1. L'art. 7 al. 2 RPPA prévoit que "les liaisons piétonnes indiquées sur le plan doivent être assurées; elles devront être ouvertes au public au fur et à mesure des étapes de réalisation; elles seront conformes à la directive communale en la matière; à l'intérieur des boisements, les chemins auront un caractère naturel, aucun aménagement en dur n'y étant autorisé; la largeur des chemins aura une dimension minimale de 1.80 m; elle sera réduite à 1.20 m dans les boisements".
Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal et communal que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 140 III 16 consid. 2.1 p. 18). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
4.2. Le Tribunal cantonal a retenu que les possibilités de construire conférées par le PPA En Bonjean étaient désormais presque toutes réalisées; en particulier, était désormais construite, sur chacune des parcelles n° 3277 et n° 4120, un immeuble comportant de nombreux logements. L'instance précédente a estimé qu'il apparaissait dès lors que le projet d'aménagement du chemin piétonnier intervenait à un moment des étapes de réalisation du PPA où il était nécessaire d'assurer la liaison piétonne qu'il constituait, en application de l'art. 7 al. 2, 2
La cour cantonale a exposé ensuite qu'elle ne pouvait suivre la recourante lorsqu'elle affirmait que les aménagements - dont le chemin piétonnier litigieux - devraient être mis à l'enquête en fonction de la réalisation de chaque étape de réalisation et que tant que la réalisation de certains secteurs, tel que le secteur A2 (où se trouve la maison de maître de la recourante), n'aurait pas été mise en oeuvre, l'ouverture du chemin ne se justifierait pas. Elle a jugé qu'une telle interprétation de l'art. 7 al. 2 RPPA aurait pour conséquence que, tant que des travaux ne seraient pas effectués sur la parcelle de la recourante, les habitants des nouveaux immeubles sis sur les parcelles n° 4120 et 3277 ne pourraient pas bénéficier d'une liaison piétonne, ce qui serait en contradiction avec l'objectif exprimé par l'art. 7 al. 2 1 ère phrase RPPA d'assurer les liaisons piétonnes.
La recourante ne discute pas cette argumentation de l'arrêt attaqué. Comme si elle plaidait devant une cour d'appel, elle se contente d'affirmer à nouveau que sa propriété ne pouvait faire l'objet d'une extension d'un chemin piétonnier empiétant sur son fonds avant que l'étape de réalisation concernant le secteur A2 ne soit lancée. Partant, elle ne démontre pas concrètement et précisément en quoi et pour quel motif l'appréciation de la cour cantonale serait insoutenable. Faute de motivation satisfaisant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, le grief doit être déclaré irrecevable.
5. La recourante fait encore valoir une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).
5.1. Le classement de tout ou partie d'un terrain dans un plan d'affectation communal destiné au réaménagement d'une infrastructure routière représente une restriction au droit de propriété, qui n'est conforme à l'art. 26 Cst. que si elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public suffisant et respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst.; ATF 119 la 362 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).
5.2. La recourante prétend d'abord que les art. 11 à 14 LRou ne constituent pas une base légale suffisante justifiant la restriction à sa propriété car le chemin de quartier serait destiné à des particuliers et ne serait pas utile à un nombre indéterminé de piétons. Elle ne peut être suivie dans la mesure où il ressort de l'art. 14 LRou que les terrains nécessaires à [la création d'un chemin piétonnier] peuvent être acquis de gré à gré, par remaniement parcellaire ou par expropriation. Peu importe le taux de fréquentation dudit chemin public.
5.3. La recourante soutient ensuite de manière péremptoire que la création d'un chemin piétonnier ne se justifierait par aucun intérêt public. Elle n'expose toutefois pas en quoi il serait dénué d'intérêt public de permettre aux usagers du PPA En Bonjean de rejoindre le centre-ville de Morges, la gare et les futurs arrêts des transports publics prévus sur la route de la Longeraie, conformément aux règles de sécurité; la situation actuelle est dangereuse, dans la mesure où les piétons marchent sur la bande cyclable, sans aucune protection par rapport aux véhicules qui circulent en direction de St-Prex.
En réalité, la recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir accordé trop de poids à l'intérêt public au détriment de son intérêt privé et d'avoir ainsi violé le principe de la proportionnalité.
5.3.1. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104).
Le Tribunal fédéral examine librement si une restriction de la propriété viole le principe de la proportionnalité. Il s'impose en revanche une certaine retenue quand il convient de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 135 I 176 consid. 6.1 p. 181; 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les arrêts cités).
5.3.2. En l'espèce, le Tribunal cantonal a procédé à une pesée des intérêts complète et détaillée entre l'intérêt public à la création du chemin litigieux et l'intérêt privé de la recourante. Il a d'abord relevé qu'à la suite de l'étude de plusieurs variantes de tracés, l'emprise du chemin piétonnier sur la parcelle de la recourante avait finalement été réduite à 29 m² (sur un bien-fonds de 7'259 m
Le Tribunal cantonal a ensuite analysé le risque que des piétons pénètrent sur la parcelle. Il a relevé toutefois que le rempart de 2 m à 2,50 m constitué par le mur surmonté d'une clôture de treillis (et, à l'extrémité sud-ouest, par une clôture surmontée d'une toile synthétique) protégeait le bien-fonds d'éventuelles intrusions et du bruit.
Enfin, pour l'instance précédente, la Promenade du Petit-Bois, sise sur le versant sud de la RC1, qui supporte un trafic mixte de piétons, de cycles et de voitures ne peut être une alternative au chemin litigieux. La cour cantonale a relevé que l'utilisation de cette voie impliquerait l'installation de deux passages pour piétons sur la RC1 et d'une rampe pour personnes à mobilité réduite: un problème de sécurité se poserait dans la mesure où la Promenade du Petit-Bois n'est pas affectée à des piétons uniquement; s'y ajoutait le fait de devoir traverser deux fois une route cantonale accueillant 14'000 véhicules par jour, ce qui serait de nature à augmenter les risques d'accident; de plus, cette solution allongerait de manière considérable le parcours. L'instance précédente s'est ainsi ralliée à l'avis de la Municipalité pour conclure que la solution de chemin piétonnier telle que prévue était de loin la plus sécuritaire et la plus économique.
Le Tribunal cantonal a, à juste titre, déduit de ces différents éléments que l'atteinte au droit de propriété de la recourante apparaissait très limitée, en regard de l'intérêt des habitants des immeubles sis sur le versant nord de la RC1 de transiter à pied de façon sécurisée de et en direction du centre-ville, de la gare et des arrêts des transports publics.
5.3.3. Face à cette pesée approfondie des intérêts en présence, la recourante dénonce uniquement le refus de prendre en considération d'autres solutions pour aménager un chemin piétonnier sur la RC1, sans emprise sur la parcelle n° 752. Elle expose qu'un passage transversal a été créé, permettant de raccorder le quartier En Bonjean à celui de Riond-Bosson où les transports publics sont présents. Elle critique en particulier l'analyse faite par la cour cantonale de l'alternative consistant en l'utilisation de la Promenade du Petit-Bois. Elle soutient qu'un passage piéton permet de rejoindre la Promenade du Petit-Bois depuis le giratoire et que des liaisons piétonnes permettent d'accéder au bord du lac, à la zone artisanale située à l'ouest et à un arrêt de bus. Elle affirme encore que la Promenade du Petit Bois, située en contrebas de la route, est plus conforme aux règles de sécurité car les piétons sont à l'abri de la circulation principale. Elle dénonce la sécurité du chemin piétonnier litigieux, dès lors qu'il longe directement la limite de la route cantonale et qu'il serait nécessaire de traverser une double chaussée fréquentée sur laquelle les véhicules descendent avec rapidité et où la luminosité et la visibilité seraient réduites.
Ces éléments reflètent cependant uniquement la vision de la situation par la recourante et sa préférence parmi les éventuelles variantes: ils ne sont pas à même de mettre en cause la pondération effectuée par la cour cantonale. L'argumentation de la recourante ne va, en réalité, pas au-delà de la simple présentation, faite du reste sur un mode purement appellatoire, de sa propre version des faits et de sa propre appréciation des preuves.
La recourante ne parvient ainsi pas à démontrer que son intérêt privé n'aurait pas été pris en compte à sa juste valeur dans la pesée des intérêts, ce d'autant moins que le projet initial a été modifié pour diminuer l'impact sur la parcelle n° 753 et que les plans y prévoient désormais un passage rectiligne et non plus un chemin sinueux. Pour le reste, le taux de fréquentation du chemin piétonnier (de 50 personnes par jour) n'est pas un élément susceptible de faire primer l'intérêt privé de la recourante sur l'intérêt public exposé précédemment, vu notamment la faible emprise du chemin sur la parcelle de la recourante et son emplacement peu visible depuis sa maison.
Dans ces conditions, avec la retenue dont doit faire preuve le Tribunal fédéral dans cet examen, la pesée des intérêts effectuée par le Tribunal cantonal peut être confirmée. Par conséquent, il faut admettre que l'instance précédente n'a pas violé la garantie de la propriété en confirmant l'aménagement d'un chemin piétonnier empiétant partiellement sur la parcelle de la recourante.
6. La recourante se plaint enfin d'une application arbitraire de l'art. 46 al. 2 LPNMS.
6.1. L'art. 46 al. 1 LPNMS prévoit que tous les monuments de la préhistoire, de l'histoire, de l'art et de l'architecture et les antiquités immobilières situés dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif sont protégés conformément à la présente loi. L'alinéa 2 de cette disposition précise que sont également protégés les terrains contenant ces objets et leurs abords. A teneur de l'alinéa 3, aucune atteinte ne peut leur être portée qui en altère le caractère.
6.2. En l'occurrence, la recourante estime que la cour cantonale n'a pas pris suffisamment en compte la nécessité de conserver l'intégralité du mur historique qui se situe sur une "voie historique d'importance nationale". Elle déplore le changement d'avis du SIPAL à cet égard. Elle perd cependant de vue deux éléments. D'un part, le projet de chemin piétonnier initialement prévu par le PPA En Bonjean (nécessitant la démolition du mur sur plus de 10 m) a été modifié à la suite du préavis du 4 novembre 2013 du SIPAL, afin de limiter l'atteinte au mur et de ne détruire qu'un tronçon de 7 m: le SIPAL a ensuite donné son aval au projet modifié. D'autre part, lors de son inspection locale, le Tribunal cantonal a constaté que la portion du mur qu'il était prévu de démolir était complètement recouverte par de la végétation: il a estimé que cette portion de mur historique n'avait pas de valeur du point de vue visuel puisqu'elle n'était pas visible.
La recourante ne répond pas à cette argumentation et se borne à substituer sa propre appréciation des faits à celle du Tribunal cantonal qui s'est rendu sur place. Partant, elle ne parvient pas à démontrer que la cour cantonale a appliqué arbitrairement l'art. 46 al. 2 LPNMS en confirmant la construction du chemin piétonnier litigieux.
Au demeurant, la recourante se prévaut en vain du fait que la maison de maître sise sur la parcelle n° 753 a obtenu la note 2 au recensement architectural du canton de Vaud et que sa conservation est mentionnée aux art. 1, 4 et 24 RPPA, dans la mesure où ce dispositif de protection est rattaché uniquement à ladite maison, laquelle se situe de surcroît à plusieurs dizaines de mètres du chemin piétonnier litigieux.
7. Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). Le Conseil communal de Morges n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et du Conseil communal de Morges, au Département des infrastructures et des ressources humaines du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
Lausanne, le 22 mars 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Merkli
La Greffière : Tornay Schaller