Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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2C_463/2015
{T 0/2}
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Arrêt du 20 avril 2016
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Thierry De Mitri,
recourante,
contre
Intendance des impôts du canton de Berne (ICI).
Objet
Gain immobilier 2010,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 20 avril 2015.
Faits :
A.
X.________ SA est sise à A.________, dans le canton de Vaud, et a pour but statutaire d'effectuer des opérations immobilières. Le 2 octobre 2008, elle a acquis un immeuble, situé à Bienne, pour un montant de Fr. 4'550'000 fr. Elle a revendu ce bien en date du 20 décembre 2010 pour le prix de Fr. 6'300'000 fr.
Par décision de taxation par appréciation du 10 octobre 2011, le contribuable n'ayant pas remis sa déclaration d'impôt, l'Intendance des impôts du canton de Berne (ci-après: l'Intendance des impôts) a fixé le gain immobilier imposable à 1'750'000 fr. et l'impôt sur le gain immobilier à 906'201 fr. 65, y compris une majoration de 35% pour une durée de possession inférieure à trois ans. Admettant partiellement la réclamation de X.________ SA, le 7 juin 2012, l'autorité de taxation a réduit le gain immobilier imposable à 1'157'300 fr. et a fixé l'impôt sur le gain immobilier à 593'359 fr. 05, tout en confirmant la majoration de 35%. La Commission des recours en matière fiscale du canton de Berne a confirmé cette décision sur réclamation en date du 23 septembre 2014.
B.
Par arrêt du 20 avril 2015, le Tribunal administratif du canton de Berne (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de X.________ SA. Il a conclu que l'art. 147 de la loi bernoise du 21 mai 2000 sur les impôts (LI; RS/BE 661.11) n'avait pas été violé, la société n'ayant pas prouvé une absence d'intention spéculative, même accessoire, au moment de l'acquisition de l'immeuble, condition nécessaire pour renoncer à la majoration de l'impôt de 35%.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, d'admettre que l'application de l'art. 147 LI par le Tribunal administratif viole l'art. 12 al. 5 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID ou la loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14), ainsi que le droit fédéral, subsidiairement, de retenir que l'arrêt du 20 avril 2015 du Tribunal administratif est arbitraire selon l'art. 9 Cst. et d'annuler ledit arrêt.
L'Intendance des impôts conclut au rejet du recours sous suite de frais. Le Tribunal administratif fait de même implicitement. L'Administration fédérale des contributions a indiqué qu'elle ne se prononçait pas sur les questions relevant uniquement du droit cantonal, à l'instar de l'impôt sur les gains immobiliers.
X.________ SA a fait savoir, par écriture du 28 septembre 2015, qu'elle n'avait pas d'observations supplémentaires à déposer.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte, conformément à l'art. 73 al. 1 LHID, dès lors qu'il porte sur l'impôt sur les gains immobiliers, à savoir une matière harmonisée (art. 12 LHID). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par la contribuable qui est particulièrement atteinte par la décision attaquée et qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. (art. 89 al. 1 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
1.2. Cependant, selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7 p. 123; 135 I 119 consid. 4 p. 122 et les arrêts cités). Dans la mesure où la recourante conclut, parallèlement à l'annulation de l'arrêt du 20 avril 2015 du Tribunal administratif (cette conclusion en annulation est recevable, les revendications de la recourante ressortant clairement des motifs [ATF 133 II 409 consid. 1.4 p. 414 s.]), à ce qu'il soit constaté que l'application de l'art. 147 LI viole l'art. 12 al. 5 LHID, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire, elle formule une conclusion constatatoire qui est irrecevable.
2.
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale.
Cependant, lorsque les dispositions de la loi sur l'harmonisation fiscale laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal est limité à l'arbitraire (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209); les griefs doivent alors être motivés conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. Cette disposition reprend le principe d'allégation (Rügeprinzip), selon lequel l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 139 I 229 consid. 2.2 p. 232).
3.
3.1. Aux termes de l'art. 12 al. 1 LHID, l'impôt sur les gains immobiliers a notamment pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble appartenant à la fortune privée du contribuable, à condition que le produit de l'aliénation soit supérieur aux dépenses d'investissement. Selon l'art. 12 al. 5 LHID, les cantons veillent à ce que les bénéfices réalisés à court terme soient imposés plus lourdement.
L'art. 12 LHID impose ainsi aux cantons la perception d'un impôt sur les gains immobiliers. Sous réserve d'exceptions (imposition différée, prix d'acquisition, prix de prix de vente, etc.; ATF 131 II 722 consid. 2.1 p. 723 s.), cette disposition demeure vague sur l'aménagement de cet impôt (ATF 134 II 124 consid. 3.2 p. 132). Les cantons sont ainsi notamment libres quant au barème dudit impôt (art. 1 al. 3 LHID) mais doivent imposer plus lourdement les bénéfices réalisés à court terme (art. 12 al. 5 LHID). L'art. 12 al. 5 LHID a pour but de lutter contre la spéculation (BERNHARD ZWAHLEN, in: Martin Zweifel/Peter Athanas, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, vol. I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden [StHG], 2è éd., n° 77 ad art. 12 LHID). Il laisse une marge de manoeuvre aux cantons dans la mise en place de cette imposition plus lourde, notamment quant à la durée de possession, ainsi qu'à la hauteur et au mode de l'imposition. Alors que beaucoup de cantons ont instauré des barèmes dégressifs en fonction de la durée de possession du bien (cf. p.ex. art. 72 al. 3 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux [LI;RS/VD 642.11]; art. 84 de la loi genevoise du 9 novembre 1887 sur les contributions publiques [LCP; RS/GE D 3 05]), le canton de Berne a choisi de majorer l'impôt de base lorsque la durée de possession est inférieure à cinq ans (si cette durée est au moins de cinq ans, le gain est alors réduit de 2% par année entière à compter de l'acquisition [art. 144 al. 1 LI]). Sont en outre ici en cause les conditions auxquelles l'art. 147 al. 2 LI permet d'exonérer le contribuable de la majoration pour possession de courte durée (la disposition cantonale prévoit trois cas d'exonération); or, la loi sur l'harmonisation ne prévoit rien de tel. La disposition adoptée relève donc du droit cantonal autonome dont le Tribunal fédéral ne peut examiner l'interprétation et l'application que sous l'angle de l'arbitraire.
3.2. L'art. 147 LI prévoit une majoration de l'impôt en fonction des années de possession si celle-ci est inférieure à cinq ans; lorsque la durée de possession est de deux ans ou plus mais inférieure à trois ans, l'impôt est majoré de 35 pour cent (al. 1 let. c); cette majoration n'est pas perçue lorsque la personne qui vend l'immeuble peut prouver qu'il existe des circonstances excluant toute intention de spéculation (al. 2 let. c).
4.
Bien que la recourante indique, au début de son mémoire, mettre en cause la conformité de l'art. 147 al. 2 let. c LI à l'art. 12 al. 5 LHID, elle examine par la suite uniquement l'interprétation et l'application de la disposition de droit cantonal. C'est donc sous cet angle que sera examiné le présent recours.
4.1. Le Tribunal administratif a retenu que l'art. 147 LI posait la présomption d'une intention spéculative en cas d'aliénation d'un immeuble après une possession de courte durée. Cette présomption était cependant réfragable: le contribuable devait démontrer qu'au moment de l'acquisition il avait l'intention de conserver le bien plus de cinq ans mais que des circonstances extérieures, qui n'étaient pas d'emblée prévisibles et qui étaient soustraites à l'influence directe de l'intéressé, ont contrecarré cette intention; la prévisibilité de ces circonstances servait de critère pour apprécier dans quelle mesure celles-ci avaient influencé l'aliénation et compromis l'intention initiale de longue possession. L'absence d'intention de spéculation devait être objectivable, évidente et raisonnable; une certaine intention même accessoire suffisait à empêcher l'application de l'art. 147 al. 2 let. c LI.
Sur cette base, les juges précédents ont jugé que le seul but social (opérations immobilières) de la recourante ne permettait pas à lui seul d'exclure l'éventualité de l'achat d'un immeuble sans intention spéculative; à l'inverse, la politique générale de placement sur le long terme de la société ne démontrait pas, quant à elle, une absence totale d'intention spéculative. Les travaux importants (écoulement d'eaux, canalisations, etc.) à réaliser dans l'immeuble acquis par la recourante ne constituaient pas une circonstance propre à l'obliger à vendre ce bien; d'une part, si la recourante n'était pas à même de les réaliser elle-même (ce qui était douteux), elle aurait pu confier ceux-ci à une entreprise spécialisée; d'autre part, il s'agissait de travaux auxquels l'acheteur pouvait s'attendre lors de l'achat étant donné que le bâtiment en cause datait de plusieurs années. En outre, le fait que la recourante ne se soit rendue compte qu'après l'acquisition du bien immobilier que le gérant de la discothèque située dans le bâtiment, lieu notoire de prostitution, mettait des appartements de l'immeuble à disposition des prostituées, ne justifiait pas non plus la vente: l'imprévisibilité de cette circonstance, lors de l'acquisition, n'était pas démontrée et les baux à loyer auraient pu être résiliés.
4.2. La recourante estime que c'est à tort que le Tribunal administratif a retenu l'absence de circonstances propres à l'obliger de vendre l'immeuble en cause. Elle met en avant sa politique d'investissement sur le long terme, ce qui démontrerait qu'elle avait l'intention de conserver le bâtiment en cause de longues années. La nécessité de l'assainissement de l'immeuble serait apparue après l'achat du bien, et aurait conduit la recourante à céder l'immeuble; celle-ci aurait été dans l'incapacité de prévoir les travaux à effectuer: un contrôle des autorités communales compétentes aurait montré l'état des conduites grâce à des moyens techniques que la recourante ne possédait pas. La recourante relève encore, bien qu'elle juge ce point comme n'étant pas pertinent pour l'application de l'art. 147 al. 2 let. c LI, qu'elle n'était pas à même de conduire elle-même les travaux, étant active dans la promotion immobilière et non dans la rénovation.
La recourante souligne encore que ce n'est qu'après enquête qu'elle aurait découvert que le tenancier de la discothèque louait des appartements qu'il mettait à disposition de prostituées. Compte tenu de l'ampleur de ses affaires immobilière, elle ne pourrait pas contrôler toutes les activités déployées dans ses biens; la prostitution contreviendrait à sa politique d'investissement, dans la mesure où la recourante souhaite à terme céder son parc immobilier à des investisseurs institutionnels; en outre, la résiliation des baux aurait constitué une voie longue et périlleuse et elle y aurait préféré la vente.
4.3. Il est douteux qu'une telle argumentation remplisse les exigences de motivation accrue découlant de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2). En effet, la recourante ne fait qu'opposer son point de vue à celui des juges précédents. La question de la recevabilité peut néanmoins rester ouverte, le recours devant de toute façon être rejeté.
Les arguments de la recourante mentionnés ci-dessus sont concevables. Toutefois, ce caractère concevable ne suffit pas à démontrer l'arbitraire, qui ne consiste pas à se demander si une autre interprétation serait aussi possible, voire même préférable, mais qui suppose que l'interprétation donnée soit insoutenable (cf. ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53; 140 I 201 consid. 6.1 p. 205 et les arrêts cités). Or, les considérations de l'arrêt attaqué ne sont pas insoutenables. Ceci étant, on relèvera tout de même que, lorsqu'une personne acquiert un immeuble datant de plusieurs années, elle doit s'attendre à devoir entreprendre des travaux lourds et des travaux autres que ceux qui sont visibles; ceci est d'autant plus vrai dans le cas de la recourante qui est une professionnelle de l'immobilier. Quant au fait que l'immeuble abritait des prostituées, la recourante elle-même mentionne dans son écriture qu'il était notoire, ce qui s'oppose au caractère imprévisible (condition d'application de l'art. 147 al. 2 let. c LI) de cet élément. C'est en outre à tort que la recourante prétend que le Tribunal administratif a retenu que l'apport de la preuve libératoire n'était pas possible en raison du but de la société (opérations immobilières) et de son activité effective; ledit tribunal a, en effet, retenu le contraire, à savoir que le seul but social de la recourante ne permettait pas à lui seul d'exclure l'éventualité de l'achat d'un immeuble sans intention spéculative (début du consid. 3.1.2 p. 7). De plus, contrairement à ce que soutient la recourante, ledit tribunal a examiné les circonstances réelles de la vente du bien censées prouver l'absence de volonté de spéculation; elle n'y a cependant pas donné le poids souhaité par celle-ci. Finalement, les remarques sur le système d'imposition bernois ne saurait permettre de qualifier l'arrêt attaqué d'arbitraire. Partant, en jugeant que la recourante n'avait pas prouvé l'existence de circonstances extérieures imprévisibles, nécessaires à démontrer l'absence d'intention spéculative de l'art. 147 al. 2 let. c LI, les juges précédents ne sont pas tombés dans l'arbitraire.
5.
Compte tenu des considérants qui précèdent, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au représentant de la recourante, à l'Intendance des impôts et au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 20 avril 2016
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Seiler
La Greffière : Jolidon