Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
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{T 0/2}
4A_41/2016
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Arrêt du 20 juin 2016
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett et Abrecht, juge suppléant.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par
Me Pierre Heinis,
défenderesse et recourante,
contre
B.________, représenté par
Me Jean-Claude Schweizer,
demandeur et intimé.
Objet
mandat de gestion de fortune,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
7 décembre 2015 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Faits :
A.
A.a. Par contrat du 31 octobre 2000, B.________ (ci-après: le client) a conféré à la société A.________ SA (ci-après: la gérante) le mandat de gérer ses actifs déposés auprès de la banque C.________ SA (ci-après: la Banque) à Neuchâtel. L'art. 5 du contrat prévoyait que «le Mandataire exercera le mandat de gestion conformément à la politique de placement expressément convenue avec le Mandant et consignée dans le document A1». Selon ledit document, signé par les parties le même jour, le client a opté pour un profil «pondéré», son objectif de placement étant le «maintien ou [l']amélioration du pouvoir d'achat». Il acceptait d'assumer des risques «limités», préconisant une «attitude plutôt défensive» tout en étant «prêt à prendre quelques risques»; il était ouvert aux remaniements du portefeuille, une «optimisation/ actualisation [étant] périodiquement souhaitée». Selon un état de fortune établi par la Banque au 30 septembre 2000, le client avait alors une fortune nette de 261'632 fr.
A.b. Par lettre du 7 janvier 2010 adressée à la Banque, le client a résilié avec effet immédiat le mandat confié à la gérante, celle-ci déclarant en avoir pris note le 14 janvier 2010. Dans un courrier du 25 février 2010 destiné à la gérante, le client s'est dit abasourdi d'avoir appris le 17 novembre 2009 que son capital se limitait à 95'364 fr. et d'avoir constaté que son portefeuille comprenait 88,68 % d'actions et de produits structurés, ce qui ne correspondait pas du tout au profil convenu le 31 octobre 2000. Il a exigé de la gérante qu'elle lui restitue 290'000 fr. dans les quinze jours, montant correspondant au solde arrondi de son portefeuille au 30 juin 2007.
La gérante a répondu que le client avait été régulièrement informé de la composition de son portefeuille, qui était restée plus ou moins la même depuis le début de la gestion; la sévère crise financière mondiale traversée dès 2008 avait contribué à l'évolution négative des différents postes de son dossier, lesquels retrouveraient une grande partie de leur valeur initiale dans des délais raisonnables.
Le 22 juin 2010, le client a sommé la gérante de lui payer dans les dix jours 141'281 fr. 30, correspondant à 54 % de la valeur initiale de son portefeuille au 31 octobre 2000, ainsi que 2'000 fr. pour ses frais d'avocat.
B.
B.a. Par demande déposée le 15 décembre 2010 devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, le client (ci-après: le demandeur) a actionné la gérante (ci-après: la défenderesse) en paiement de 143'281 fr. 30 plus intérêts. Le demandeur alléguait en substance que la défenderesse avait géré ses fonds de façon calamiteuse, occasionnant une perte de 64 %. Par comparaison, entre 2008 et 2010 - période désignée comme critique par la défenderesse -, le client avait subi une perte de l'ordre de 10 % seulement sur un capital de 230'000 fr. géré par une autre société. Estimant par conséquent que 54 % de la perte de valeur de son portefeuille était due à la mauvaise gestion de la défenderesse, le demandeur lui réclamait un montant de 141'281 fr. 30, plus 2'000 fr. pour ses frais d'avocat.
Ensuite de l'entrée en vigueur du CPC et de la nouvelle organisation judiciaire neuchâteloise, la cause a été transférée au Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers (ci-après: le Tribunal civil).
B.b. Par réponse du 17 mars 2011, la défenderesse a conclu au rejet de la demande.
B.c. Le Tribunal civil a mis en oeuvre une expertise judiciaire. L'expert, administrateur d'une société de gestion de fortune, a déposé son rapport principal le 16 avril 2013 et un complément le 11 octobre 2013.
Des témoins ont été entendus.
B.d. Par jugement du 13 novembre 2014, le Tribunal civil a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme de 99'928 fr., intérêts en sus.
Le Tribunal a retenu en substance que les parties s'étaient liées par un mandat de gestion de fortune en vertu duquel la défenderesse s'engageait à gérer les avoirs du demandeur selon un profil pondéré. A compter de l'année 2005, la défenderesse avait cessé de gérer le mandat selon une orientation pondérée, la part d'actions dépassant largement la limite prévue pour ce type de profil. Le demandeur n'avait cependant pas donné l'instruction formelle de changer d'orientation, ni entériné tacitement la modification opérée par la défenderesse. Les fonds du demandeur avaient ainsi été gérés en violation du contrat, de manière à engager la responsabilité de la défenderesse. La valeur du portefeuille du demandeur s'élevait à 261'632 fr. au 30 septembre 2000 et n'était plus que de 96'296 fr. au 12 janvier 2010, ce qui représentait une perte d'environ 63,2 %; or, l'expertise chiffrait à 25 % la perte maximale admissible. Par conséquent, le demandeur avait le droit à la réparation du dommage subi, qui résultait de la différence entre la valeur du portefeuille après déduction de la perte admissible et sa valeur après déduction de la perte effectivement subie, soit 99'928 fr. (196'224 fr. - 96'296 fr.).
B.e. Par arrêt du 7 décembre 2015, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté l'appel formé par la défenderesse et confirmé le jugement du 13 novembre 2014.
C.
La défenderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à ce que la demande du 15 décembre 2010 soit entièrement rejetée.
Le demandeur a conclu au rejet du recours.
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt.
Considérant en droit :
1.
1.1. La défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une contestation civile dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF). Son recours en matière civile est recevable sur le principe.
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'invocation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18).
1.3. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela n'implique pas qu'il examine toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, à l'instar d'un juge de première instance. Eu égard à l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, l'autorité de céans ne traite que les questions qui sont soulevées devant elle par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 140 III 86 consid. 2).
2.
La défenderesse présente une argumentation parfois confuse, mêlant griefs de fait et de droit. En substance, elle reproche aux juges cantonaux d'avoir fondé leur raisonnement sur une seule opinion doctrinale exprimée dans un article paru en 2015, soit après les bouleversements qu'a connus le monde de la finance en raison de la crise des emprunts «subprime»; sa responsabilité aurait ainsi été appréciée à l'aune de principes plus sévères que ceux reconnus à l'époque des faits en cause. Les juges neuchâtelois auraient en outre violé l'art. 8 CC en refusant de retenir, à défaut d'accord écrit, que le demandeur avait ratifié le changement de politique de gestion, respectivement ne s'y était pas opposé en dépit de la clause d'acceptation tacite prévue par l'art. 9 du contrat; ils auraient indûment constaté que le demandeur était novice en matière de gestion financière. En droit, ils auraient retenu à tort une violation contractuelle due à une concentration excessive de l'investissement dans le produit financier P.________ SA, ignorant de surcroît le fait que le demandeur avait conservé après la résiliation du contrat un portefeuille comprenant plus de 85 % d'actions. Enfin, les juges cantonaux auraient violé les art. 8 CC et 42 al. 2 CO en considérant que le dommage équivalait à la différence entre la valeur du portefeuille du demandeur après déduction de la perte admissible à dire d'expert et sa valeur après déduction de la perte effectivement subie.
Il convient d'examiner la cause à la lumière des griefs ainsi soulevés (consid. 4 et 5 infra), après avoir rappelé (consid. 3 infra) les principes applicables à la responsabilité du gérant de fortune, puisqu'il n'est pas contesté que les parties ont été liées par un mandat de gestion de fortune.
3.
3.1. Dans le mandat de gestion de fortune (appelé aussi contrat de gestion de fortune), le gérant s'oblige à gérer, dans les termes du contrat, tout ou partie de la fortune du mandant, en déterminant lui-même les opérations boursières à effectuer, dans les limites fixées par le client (arrêts 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.1; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1; 4A_168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, in SJ 2009 I 13). Le mandat de gestion est un mandat au sens des art. 394 ss CO, au moins en ce qui concerne les devoirs et la responsabilité du gérant (ATF 132 III 460 consid. 4.1 p. 464; 124 III 155 consid. 2b p. 161).
3.2. Du fait que sa responsabilité est soumise aux règles du mandat, le gérant est responsable envers le client de la bonne et fidèle exécution du contrat (art. 398 al. 2 CO; ATF 124 III 155 consid. 2b p. 161). Le gérant a un devoir de diligence et répond du dommage qu'il cause au client en violant ce devoir intentionnellement ou par négligence (art. 321e CO applicable par renvoi de l'art. 398 al. 1 CO; ATF 124 III 155 consid. 3 p. 161; arrêt précité 4A_90/2011 consid. 2.2.2). Le gérant doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son mandant, son premier devoir étant d'agir au profit du mandant et de s'abstenir de tout acte susceptible de lui porter préjudice (arrêt 4A_351/2007 du 15 janvier 2008 consid. 2.2; arrêt 4C.387/2000 du 15 mars 2001 consid. 2a, in SJ 2001 I 525; ATF 108 II 197 consid. 2a p. 198). Le devoir de diligence doit être déterminé de manière objective (arrêt précité 4A_90/2011 consid. 2.2.2; arrêt 4C.158/2006 du 10 novembre 2006 consid. 3.1; arrêt 4C.126/2004 du 15 septembre 2004 consid. 2.2). S'il doit déployer la diligence due, le gérant ne garantit aucun résultat (arrêt précité 4C.158/2006 consid. 3.1; arrêt 4C.18/2004 du 3 décembre 2004 consid. 1.1, in Praxis 2005 n° 73 p. 566).
3.3. Les instructions sont des manifestations de volonté sujettes à réception, au moyen desquelles le mandant indique au mandataire, pendant l'exécution ou au moment de la conclusion du contrat, comment les services doivent être rendus; d'après l'art. 397 al. 1 CO, les instructions sont en principe contraignantes; le mandataire ne peut s'en écarter que dans des circonstances précises, soit si la sauvegarde des intérêts du mandant commande sans instructions la prise de mesures urgentes (art. 397 al. 1 in fine CO), si les instructions sont illicites ou contraires aux moeurs ou si elles sont déraisonnables (arrêt précité 4A_351/2007 consid. 2.3.1; arrêt 4C.295/2006 du 30 novembre 2006 consid. 4.2 et les auteurs cités). Le mandataire qui ne se conforme pas aux instructions reçues viole le contrat et doit réparation au mandant (arrêt précité 4C.295/2006 consid. 4.2; ATF 107 II 238 consid. 5b).
3.4. En matière contractuelle, les conditions d'une action en responsabilité sont énoncées à l'art. 97 al. 1 CO. Si le client ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le gérant est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (arrêt précité 4A_90/2011 consid. 2.2.2). Sa responsabilité est engagée à ces quatre conditions cumulatives: une violation du contrat (sous la forme de l'inexécution ou de la mauvaise exécution d'une obligation), une faute (qui est présumée), un rapport de causalité (naturelle et adéquate) et un dommage.
3.5. S'agissant du fardeau de la preuve (art. 8 CC), il incombe au client de prouver les faits susceptibles de fonder une responsabilité du gérant, à savoir qu'un contrat a été conclu, que le gérant l'a mal exécuté, qu'un dommage est survenu et qu'il existe un lien de causalité entre la mauvaise exécution et le dommage. Le gérant, pour sa part, doit apporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute (art. 97 al. 1 CO) et la preuve de faits libératoires tels que de nouvelles instructions données par le client ou la ratification par celui-ci des opérations effectuées en s'écartant des instructions initiales (arrêt précité 4C.18/2004 consid. 1.5 et 1.8; cf. ATF 130 III 478 consid. 3.3; 128 III 271 consid. 2a/aa).
3.6.
3.6.1. La notion juridique du dommage est commune aux responsabilités contractuelle et délictuelle (art. 99 al. 3 CO; ATF 87 II 290 consid. 4a p. 291) : consistant dans la diminution involontaire de la fortune nette, le dommage correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l'événement dommageable - ou la violation du contrat - ne s'était pas produit. Il peut survenir sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471).
3.6.2. Selon l'art. 42 CO, la preuve d'un dommage incombe à celui qui en demande réparation (al. 1). Lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi, le juge le détermine équitablement, en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (al. 2). Cette dernière disposition tend à instaurer une preuve facilitée en faveur du lésé; néanmoins, elle ne le libère pas de la charge de fournir au juge, dans la mesure où cela est possible et où on peut l'attendre de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent ou facilitent son estimation; elle n'accorde pas au lésé la faculté de formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur. Au demeurant, l'estimation du dommage relève de la constatation des faits et elle échappe, sous réserve de la protection contre l'arbitraire, au contrôle du Tribunal fédéral (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363/364; voir aussi ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471).
Si, dans le procès, le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l'estimation, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition. La preuve du dommage n'étant pas apportée, le juge doit refuser la réparation (arrêt 4A_154/2009 du 8 septembre 2009 consid. 6).
3.6.3. Dans plusieurs contestations concernant la responsabilité du gérant de fortune, le Tribunal fédéral a admis que le dommage pouvait être déterminé par comparaison entre le résultat du portefeuille effectivement en cause et celui d'un portefeuille hypothétique constitué et géré conformément au contrat pendant la même période (arrêts précités 4A_351/2007 consid. 3.2.2; 4C.295/2006 consid. 5.2.2; 4C.18/2004 consid. 2). Cette méthode permet de prendre en considération, à l'avantage du gérant fautif, la perte que le mandant aurait probablement aussi subie avec un gérant consciencieux, par l'effet d'une baisse généralisée des cours dans la période en cause (arrêt précité 4C.158/2006 consid. 4); cela se justifie car une perte de ce genre ne se trouve pas en lien de causalité avec l'exécution défectueuse du contrat (arrêt 4A_481/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3, in SJ 2013 I 487).
4.
4.1. A la suite du Tribunal civil, les juges cantonaux ont considéré que les parties étaient liées par un mandat de gestion de fortune et que la défenderesse s'était engagée à gérer les avoirs du demandeur selon un profil pondéré, défini dans l'annexe A1 du contrat conclu le 31 octobre 2000, ce qui n'est pas contesté. C'est donc en fonction de ce profil de risque et de la stratégie de placement correspondante que doit être examinée la question de la violation par la défenderesse de ses devoirs de gestionnaire de fortune, celle-ci devant le cas échéant démontrer que le demandeur avait donné de nouvelles instructions ou ratifié après coup les opérations non conformes au profil de risque prédéfini (cf. consid. 3.5 supra).
4.2. Les juges cantonaux, qui ont correctement appliqué les règles sur le fardeau de la preuve, ont constaté que la défenderesse n'était pas parvenue à prouver une ratification par le demandeur du changement de la politique de gestion convenue.
Contrairement à ce que soutient la défenderesse, la cour cantonale n'a pas considéré qu'un accord écrit était indispensable à cet égard. Elle a constaté que la défenderesse n'avait pas fourni à ce sujet la moindre preuve littérale et que le témoin proposé n'avait rien apporté de décisif. Quand bien même la pratique, aux dires de l'expert, veut qu'un changement de profil d'investissement soit ancré dans un acte écrit, la cour cantonale ne s'est clairement pas limitée à ce mode de preuve.
4.3. La clause d'acceptation tacite prévue par l'art. 9 du contrat n'est d'aucun secours pour la défenderesse. La jurisprudence reconnaît certes la validité d'une telle clause, selon laquelle le mandant qui s'abstient de contester dans un certain délai une opération effectuée par le mandataire sans instructions est réputé la reconnaître (arrêt 4A_488/2008 du 15 janvier 2009 consid. 5.1 et les références citées). Mais encore faut-il que le mandant soit informé de manière adéquate sur le fait que le mandataire n'a pas suivi ses instructions; le client non expérimenté peut partir du principe que le spécialiste a respecté la stratégie d'investissement convenue, sans devoir assumer le risque d'analyser chacune des opérations (arrêt 4A_484/2009 du 31 août 2010 consid. 3.3.1, rés. in SJ 2011 I 42; arrêt précité 4C.18/2004 consid. 1.8). Or, comme l'ont relevé les juges cantonaux, c'est au gérant d'apporter la preuve qu'il a informé de manière adéquate le mandant qu'il s'est écarté de la stratégie de placement convenue. Une telle preuve n'a pas été rapportée en l'espèce.
Au demeurant, et contrairement à ce qu'elle soutient, la défenderesse n'a pas apporté la preuve que le demandeur était expérimenté en matière de gestion financière et l'appréciation dûment motivée de la cour cantonale à ce sujet échappe au grief d'arbitraire.
4.4. Est tout aussi infondé le grief selon lequel les juges cantonaux auraient apprécié la responsabilité de la défenderesse à l'aune de critères développés après la crise financière de 2008, qui seraient plus sévères que ceux en cours au moment des faits.
La nécessité d'informer le client des risques qu'il encourt s'il opte pour une nouvelle stratégie d'investissement découle du devoir de fidélité (art. 398 al. 2 CO) défini de longue date par la jurisprudence et la doctrine (ATF 115 II 62 consid. 3a p. 65; CLAUDE BRETTON-CHEVALIER, Le gérant de fortune indépendant, Genève 2002, p. 105; CARLO LOMBARDINI, Droit et pratique de la gestion de fortune, 3
e éd. 2003, p. 160 n. 21; WALTER FELLMANN, Berner Kommentar, 1992, n. 162 ad art. 398 CO). La contribution scientifique de 2015 incriminée par la défenderesse contient du reste des références antérieures à 2008 (MEHDI TEDJANI, Gestion de fortune: profil de risque, devoir d'information et stratégie de placement, PJA 2015 p. 1270). De même, les conditions permettant de retenir une ratification tacite des opérations effectuées au mépris des instructions initiales n'ont pas été développées après la crise de 2008 (cf. arrêt précité 4C.18/2004 consid. 1.8 et la référence à FELLMANN, op. cit., n. 169 s. ad art. 397 CO). Quant aux avantages que peut présenter la forme écrite lorsqu'il s'agit de prouver qu'une information a été dûment délivrée, ils ne sont bien évidemment pas apparus après ladite crise.
4.5. La défenderesse ne saurait enfin tirer argument du fait que le demandeur a maintenu postérieurement à la résiliation du contrat un portefeuille composé de plus de 85 % d'actions. En effet, comme l'a relevé à raison la cour cantonale, le comportement du demandeur après la résiliation du contrat ne saurait permettre de tirer des conclusions déterminantes quant à l'acceptation d'une modification de son profil au cours du mandat, d'autant moins que selon les constatations de l'expert, l'état des marchés boursiers en 2010 n'était plus du tout le même qu'en 2008-2009.
4.6. Il résulte de ce qui précède que c'est bien par rapport au profil de risque défini dans l'annexe A1 du contrat conclu entre les parties le 31 octobre 2000 qu'il y a lieu d'examiner la question de la violation par la défenderesse de ses devoirs de gestionnaire de fortune.
5.
5.1. A la suite du Tribunal civil et sur la base de l'expertise judiciaire, les juges cantonaux ont confirmé que le profil convenu correspondait, selon la terminologie financière, à un mandat de type équilibré ou balancé, permettant une prise de risque modérée à élevée mais n'autorisant pas d'investissements importants susceptibles d'augmenter la volatilité du portefeuille de manière significative. La performance que d'autres fonds correspondant au profil de risque choisi avaient réalisée durant la période du 30 septembre 2000 au 14 janvier 2010 (soit JP Strategy Balanced [CHF]: -10 %, Swisscanto [LU] Porfolio Fund Balanced: +6 %, UBS Strategy Balanced [CHF]: -1 %, Sarasin GlobalSar Balanced [CHF]: -5 %) démontrait que la perte de 64 % réalisée par la défenderesse dans la gestion des avoirs du demandeur n'était pas normale, et même beaucoup trop éloignée des performances précitées. Pour l'expert, la perte maximale admissible pour le type de profil concerné par le mandat confié à la défenderesse était de l'ordre de 25 %. Or, si la défenderesse avait respecté le mandat de gestion de type équilibré jusqu'à fin 2004, la part d'actions avait été augmentée à 76 % au 31 décembre 2005, s'approchant ainsi davantage d'un profil dynamique, selon la terminologie utilisée dans l'annexe A1 du contrat. Par ailleurs, selon les constatations de l'expert, le pourcentage du portefeuille investi dans les actions de la société P.________ SA, qui s'élevait à 29,54 % au 31 décembre 2008, ne pouvait se justifier, même s'il s'était agi d'une action de grande qualité; la prise de risque pouvait être qualifiée de téméraire, la perte sur ce titre ayant d'ailleurs été responsable de plus de la moitié de la baisse du portefeuille du demandeur en 2009, alors que les marchés rebondissaient fortement.
Ainsi, constataient les juges neuchâtelois, à compter de l'année 2005, la défenderesse n'avait plus géré le mandat confié par le demandeur dans une orientation pondérée, la part d'actions dépassant largement la limite prévue dans ce type de profil, en violation du contrat. Il en était résulté une perte de valeur du portefeuille d'environ - 63,2 % entre le 30 septembre 2000 (261'632 fr.) et le 12 janvier 2010 (96'296 fr.). Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le dommage pouvait être déterminé par comparaison entre le résultat du portefeuille effectivement en cause et celui d'un portefeuille hypothétique constitué et géré conformément au contrat pendant la même période, dans lequel la perte maximale admissible selon l'expertise aurait été de 25 %. Ainsi, le dommage dont le demandeur était fondé à demander la réparation devait être fixé à 99'928 fr. (196'224 fr. [soit 261'632 fr. - 25 %] - 96'296 fr.).
5.2. La défenderesse, sans contester le fait que le portefeuille contenait beaucoup trop d'actions dès 2005, fait grief aux juges cantonaux d'avoir considéré comme une violation du contrat la concentration excessive dans le produit P.________ SA, alors qu'il s'agissait selon elle d'une action de grande qualité dont le cours avait dégringolé après la découverte de malversations qu'elle ne pouvait connaître.
Ce grief tombe à faux. En effet, comme l'a relevé l'expert, c'est la concentration excessive dans un seul produit - l'investissement dans les actions de la société P.________ SA représentant 29,54 % du portefeuille au 31 décembre 2008 -, quelle que soit la qualité de celui-ci, qui constitue en elle-même une violation des obligations du gérant (cf. DANIEL GUGGENHEIM/ANATH GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 5
e éd., 2014, p. 277 et les références citées).
5.3. La défenderesse reproche enfin à la cour cantonale d'avoir violé les art. 8 CC et 42 al. 2 CO en admettant l'existence d'un dommage équivalant à la différence entre la valeur du portefeuille après déduction de la perte admissible à dire d'expert et sa valeur après déduction de la perte effectivement subie. La période prise en compte par l'expert (2000-2010) ne correspondrait pas à la période pendant laquelle il y aurait eu violation du contrat (2005-2010). Les fonds d'investissement pris comme références par l'expert représenteraient chacun un portefeuille de plusieurs centaines de millions de francs, et ne seraient ainsi pas comparables avec un portefeuille de quelques centaines de milliers de francs. Le demandeur n'aurait ainsi pas fourni des éléments suffisants pour apprécier le dommage, même au regard de l'art. 42 al. 2 CO.
La cour cantonale a indiqué se rallier entièrement à la motivation du premier juge selon laquelle l'évaluation de la perte admissible fondée sur des comparaisons entre les performances de divers fonds de 2000 à 2010 était pertinente dans la mesure où les marchés avaient subi la même évolution positive jusqu'en 2007 puis avaient tous été frappés par la crise de 2008, comme en témoignaient les tableaux comparatifs réalisés par l'expert; ainsi, les fonds comparés par l'expert, qui avaient permis d'identifier une perte maximale de 25 % sur dix ans, avaient aussi enregistré des performances positives avant 2008, incluses dans les comparaisons de l'expertise.
Cette analyse peut être confirmée dans son résultat. En effet, s'il est vrai que la période de comparaison doit en principe être celle concernée par la violation du contrat (cf. arrêt précité 4C.18/2004 consid. 1.2), la défenderesse ne démontre nullement qu'une analyse de performance portant sur la seule période pendant laquelle elle a géré le portefeuille du demandeur en violation du contrat, soit de 2005 à la résiliation du contrat en 2010, plutôt que sur la période courant de la conclusion du contrat en 2000 à sa résiliation en 2010, aboutirait à un résultat plus favorable pour elle. Il résulte du rapport d'expertise que l'évolution des indices boursiers entre le 30 septembre 2000 et le 14 janvier 2010 était de -14 % pour l'indice suisse SMI, de -20 % pour l'indice des Etats-Unis d'Amérique S&P 500 et de -31 % pour l'indice européen SXXP. Or, entre le 30 septembre 2000 et le 1
er janvier 2005, cette évolution était environ de -25 % pour le SMI, -17 % pour le S&P 500 et -35 % pour le SXXP. Deux des trois indices ont donc évolué à la hausse entre le 1
er janvier 2005 et le 14 janvier 2010, tandis que le troisième a encore chuté légèrement. Il n'apparaît donc pas qu'il serait plus avantageux de fixer la perte maximale admissible en se fondant sur la période 2005-2010 plutôt que sur la période 2000-2010.
Savoir s'il y a eu un dommage et quelle en est la quotité est une question de fait (ATF 132 III 564 consid. 6.2 p. 576). Il appartenait dès lors à la partie recourante de démontrer le caractère arbitraire du raisonnement de la cour cantonale (consid. 1.3 supra); or, elle échoue à démontrer en quoi le calcul du dommage opéré par les juges cantonaux serait arbitraire dans son résultat.
Le fait que les fonds de placement pris en référence par l'expert gèrent des actifs de plusieurs centaines de millions de francs n'ôte rien à la pertinence de la comparaison, puisqu'un portefeuille individuel de quelques centaines de milliers de francs peut parfaitement être investi dans des parts de fonds de placement de ce genre, ce qui est même préférable, du point de vue de la diversification des risques, à un investissement direct en actions dans un portefeuille d'une telle taille.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté.
Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure seront mis à la charge de la défenderesse (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre au demandeur une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens ( art. 68 al.1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la défenderesse.
3.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 20 juin 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Kiss
La Greffière: Monti