BGer 1C_297/2016 |
BGer 1C_297/2016 vom 02.08.2016 |
{T 1/2}
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1C_297/2016
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Arrêt du 2 août 2016 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
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Chaix et Kneubühler.
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Greffier : M. Alvarez.
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Participants à la procédure
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Association Elisa-Asile, représentée par Maîtres Philippe Currat et Arnaud Moutinot, avocats,
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recourante,
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contre
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Aéroport International de Genève, 21, route de l'aéroport, 1218 Le Grand-Saconnex, représenté par Me Delphine Zarb, avocate,
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intimé,
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Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, 3003 Berne.
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Objet
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Approbation des plans d'un nouveau bâtiment destiné à l'hébergement des requérants d'asile et de passagers jugés non admissibles; mesures provisionnelles,
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recours contre la décision du Tribunal administratif fédéral, Cour I, Juge instructeur, du 26 mai 2016.
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Faits : |
A. Par décision du 11 novembre 2013, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: DETEC) a donné son approbation aux plans de l'Aéroport international de Genève (ci-après: AIG) concernant la relocalisation des requérants d'asile et des passagers jugés non admissibles (ci-après: INAD), dans un nouveau bâtiment séparé du bâtiment principal (terminal) par le tarmac et les pistes de décollage.
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Le 13 décembre 2013, l'association Elisa-Asile a recouru contre cette décision. Par arrêt du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours irrecevable, faute pour la recourante de revêtir la qualité pour agir.
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Sur recours d'Elisa-Asile, le Tribunal fédéral a annulé cette décision par arrêt du 18 septembre 2015 (cause 1C_56/2015), reconnaissant la qualité pour recourir de celle-ci.
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B. En dépit de l'effet suspensif dont est assorti le recours du 13 décembre 2013 (cf. art. 55 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA; RS 172.021]), le chantier du bâtiment INAD a débuté.
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Par décision incidente du 3 mai 2016, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles d'Elisa-Asile, visant notamment à interdire à l'AIG d'affecter le nouveau bâtiment à l'hébergement des INAD.
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Les anciens locaux d'accueils ayant été démantelés en vertu d'une autre décision d'approbation, non contestée par Elisa-Asile, les premiers placements de requérants ont eu lieu à partir du 2 mai 2016.
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D'après les constatations du Tribunal administratif fédéral, les membres de l'association Elisa-Asile peuvent accéder au terminal de l'aéroport ainsi qu'au nouveau bâtiment INAD vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, par le biais de transports organisés à toute heure, sur demande. Les requérants bénéficient également, en tout temps, de cette offre de transport pour se rendre dans les bureaux de l'association maintenus dans le terminal de l'aéroport.
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C. Statuant sur la requête de mesures provisionnelles également déposée le 3 mai 2016, le Tribunal administratif fédéral l'a rejetée, par décision incidente du 26 mai 2016; il a par ailleurs retiré l'effet suspensif au recours du 13 décembre 2013. L'instance précédente a en substance considéré que l'association recourante ne subissait pas de préjudice irréparable du fait du placement des requérants dans le nouveau bâtiment INAD. S'agissant de l'effet suspensif, elle a jugé que l'intérêt public à la réalisation du bâtiment INAD, laquelle s'inscrit dans le cadre plus large du renouvellement et de la modernisation des infrastructures de l'AIG, devait avoir le pas sur l'intérêt privé de la recourante.
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D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, se plaignant d'une violation de son droit d'être entendue, l'association Elisa-Asile demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision incidente du 26 mai 2016 et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour "nouvelle décision prise dans le respect du droit de réplique".
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Le DETEC a renoncé à répondre au recours. Le Tribunal administratif fédéral, rappelant que la procédure de mesures provisionnelles n'impose pas nécessairement de procéder à des échanges d'écritures, conclut au rejet du recours. L'intimé demande principalement au Tribunal fédéral de déclarer le recours irrecevable, subsidiairement de le rejeter.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 |
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 139 V 42 consid. 1 p. 44; 138 I 475 consid. 1 p. 476 et les arrêts cités).
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La décision attaquée émane du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) et concerne une matière qui ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc a priori ouverte. L'association recourante est particulièrement touchée par la décision attaquée, qui a pour effet de permettre à l'intimé la poursuite de la réalisation du bâtiment INAD et son affectation à l'hébergement des requérants d'asile; celle-ci a un intérêt digne de protection à son annulation et dispose de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
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La décision attaquée ne met pas fin à la procédure de recours pendante devant le Tribunal administratif fédéral et revêt un caractère incident. Les décisions incidentes ne portant, comme en l'espèce, ni sur la compétence ni sur une demande de récusation au sens de l'art. 92 LTF ne peuvent faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Cette dernière hypothèse n'entre pas en considération, dès lors que l'admission du recours n'est pas propre à entraîner le prononcé d'une décision finale.
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La condition de l'art. 93 al. 1 let. a LTF suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Cette condition s'apprécie par rapport à la décision de première instance, et non par rapport à la décision d'irrecevabilité du recours rendue par le tribunal supérieur. Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités).
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1.2. A l'appui de son recours, l'association recourante soutient qu'en retirant à son recours l'effet suspensif et en rejetant sa requête de mesures provisionnelles, la décision attaquée complique l'accès aux personnes vulnérables qu'elle a pour mandat de protéger, ce qui constitue - selon elle - un préjudice ne pouvant se voir réparé ultérieurement.
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A cet égard, la recourante se réfère aux considérants 5.2 et 5.3 de l'arrêt 1C_56/2015 du 18 septembre 2015 - qu'elle reproduit presque in extenso - portant sur sa qualité pour recourir contre la décision d'approbation du DETEC du 11 novembre 2013. Ce faisant, elle se méprend sur la portée de cet arrêt et perd de vue que son intérêt digne de protection, respectivement son intérêt pratique, à la modification ou à l'annulation de la décision d'approbation, en tant que condition de recevabilité (cf. art. 89 al. 1 let. c LTF), ne se confond pas avec la notion de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Dans la mesure où elle se prévaut exclusivement des éléments ayant conduit le Tribunal fédéral à reconnaître son intérêt pratique au recours - qui peut n'être qu'un intérêt de fait (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 et les arrêts cités) -, en particulier de l'inévitable complication de son activité liée à la délocalisation (arrêt 1C_56/2015 consid. 5.3), on peut douter de la nature juridique du préjudice invoqué. On ne voit quoi qu'il en soit pas en quoi celui-ci serait irréparable; il ressort en effet des constations de l'instance précédente que l'accès au nouveau bâtiment est garanti à la recourante en tout temps par la mise en place d'un service de navettes à la demande, modalité qui n'était pas prévue en ces termes lors du dépôt du recours fédéral (navettes ne circulant que quatre fois par jour, cf. arrêt 1C_56/2015 consid. 4); ce service est également à la disposition des requérants pour se rendre dans les locaux de la recourante maintenus dans le terminal de l'aéroport. Il apparaît en outre que la recourante a, en dépit de l'ouverture de cette nouvelle structure d'accueil, pu mener à terme une procédure en matière d'asile, sans que les droits de son mandant ne s'en soient trouvés lésés, ce qu'elle ne prétend au demeurant pas. Elle ne soutient pas non plus que son activité serait, de manière générale et irrémédiablement, mise en péril par l'exploitation de la nouvelle structure d'accueil. On ne discerne enfin pas en quoi la responsabilité qu'encourrait - selon la recourante - l'AIG, pour avoir débuté les travaux en dépit de l'effet suspensif, est susceptible d'influer la question de l'existence d'un préjudice irréparable et la recourante ne l'explique pas.
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1.3. En définitive, il n'apparaît pas d'emblée ni n'est démontré que les conditions d'un recours immédiat au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF seraient réalisées, ce qui conduit à l'irrecevabilité du recours.
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2. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable aux frais de la recourante, qui succombe à ce stade (art. 65 et 66 al. 1 LTF). En tant qu'établissement de droit public cantonal (art. 1 de la loi sur l'Aéroport international de Genève du 10 juin 1993 [LAIG; RS/GE H 3 25]), l'intimé n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'association recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I, Juge instructeur.
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Lausanne, le 2 août 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présidant : Merkli
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Le Greffier : Alvarez
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