BGer 5A_107/2016 |
BGer 5A_107/2016 vom 09.08.2016 |
{T 0/2}
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5A_107/2016
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Arrêt du 9 août 2016 |
IIe Cour de droit civil |
Composition
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MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
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Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey.
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Greffier : M. Braconi.
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Participants à la procédure
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1. A.________,
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2. B.________,
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tous deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat,
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recourants,
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contre
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Service des affaires institutionnelles,
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des naturalisations et de l'état civil, boulevard de Pérolles 2, 1700 Fribourg.
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Objet
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refus de délivrer un certificat de capacité matrimoniale,
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recours contre l'arrêt de la Ie Cour administrative
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du Tribunal cantonal du canton de Fribourg
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du 15 décembre 2015.
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Faits : |
A. Le 8 octobre 2013, l'Ambassade de Suisse à Tunis a saisi le Service de l'état civil et des naturalisations du canton de Fribourg ( SECiN) d'une requête tendant à la délivrance d'un certificat de capacité matrimoniale pour A.________, ressortissante suisse née en 1959, aux fins de la célébration de son mariage en Tunisie avec B.________, citoyen tunisien né en 1986.
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Par décision du 7 février 2014, le SECiN a refusé de délivrer le certificat sollicité; il a estimé que le projet de fonder une communauté conjugale n'était pas vraisemblable, le fiancé ayant en réalité l'intention d'éluder les dispositions relatives à l'admission et au séjour des étrangers en Suisse. Le 4 février 2015, la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de Fribourg ( DIAF) a confirmé cette décision.
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B. Statuant le 15 décembre 2015 sur le recours des fiancés, la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a confirmé la décision de la DIAF.
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C. Par mémoire mis à la poste le 1er février 2016, les fiancés interjettent un recours en matière civile; sur le fond, ils demandent au Tribunal fédéral d'ordonner à la DIAF de faire délivrer par le SECiN un certificat de capacité matrimoniale en faveur de la partie recourante n° 1.
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Invités à répondre, la cour cantonale, la DIAF ainsi que l'Office fédéral de la justice (OFJ) concluent au rejet du recours.
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Les recourants n'ont pas déposé de réplique.
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Considérant en droit : |
1. Le recours a été déposé à temps (art. 46 al. 1 let. cet 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF; arrêt 5A_201/2011 du 26 juillet 2011 consid. 1 et les citations) par un tribunal supérieur ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Les recourants, qui ont succombé devant la juridiction précédente, ont qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF); comme ils ont procédé conjointement, il n'y a pas lieu de rechercher s'ils forment une consorité matérielle nécessaire ( cf. sur ce point: arrêt 5A_743/2013 du 27 novembre 2013 consid. 1.2, qui laisse la question indécise).
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Erwägung 2 |
2.1. Les recourants affirment d'abord que la cour cantonale a violé leur droit d'être entendus à un double titre: d'une part, elle devait ordonner une nouvelle audition de la recourante n° 1 pour "
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2.2. Dans sa première branche, le grief est infondé. Les recourants ne précisent pas le fondement de la garantie de procédure invoquée; or, l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3; 130 II 425 consid. 2.1 et la jurisprudence citée), et l'acte de recours n'expose pas ce qui justifierait de déroger à ce principe ( Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si la juridiction précédente était tenue de procéder à des investigations complémentaires en raison des déclarations contradictoires des fiancés, car le recours doit être admis pour un autre motif ( cf. infra, consid. 3.2).
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Erwägung 3 |
3.1. Après avoir rappelé les principes que la jurisprudence a dégagés de l'art. 97a CC, la juridiction précédente a retenu que le certificat de capacité matrimoniale n'est pas seulement destiné à attester la qualité de célibataire des personnes désirant se marier; il ressort au contraire des normes pertinentes (art. 97a CC; art. 74a et 75 OEC) que l'officier de l'état civil doit refuser son concours s'il constate que le mariage va permettre d'éluder la loi sur l'admission et le séjour des étrangers. Les dispositions précitées ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit de fiancés de nationalité suisse qui désirent se marier en Suisse, mais uniquement si l'un des fiancés est étranger. En effet, le législateur veut réprimer tout abus du droit au mariage si la volonté de cet étranger n'est pas de se marier, mais d'obtenir par cette institution l'autorisation de séjourner en Suisse; or, seul le droit au mariage, entendu dans son véritable but, est protégé. Au demeurant, il est sans incidence que l'art. 74a al. 1 OEC soit applicable " En substance, les juges précédents ont admis que plusieurs éléments constituaient des indices révélateurs d'un mariage de complaisance. Il existe d'abord une grande différence d'âge entre les fiancés (27 ans), aspect qui est complètement étranger aux coutumes du pays d'origine du fiancé. En outre, sans ce mariage, celui-ci ne pourrait obtenir une autorisation de séjour en Suisse, ce dont il est conscient; c'est du reste lui qui a suggéré de venir en Suisse et proposé le mariage après avoir compris que son arrivée dans notre pays se révélerait impossible sans cela. Ensuite, la demande en mariage a été faite alors que les fiancés ne s'étaient vraisemblablement pas fréquentés plus de quatre semaines en tout; l'audition simultanée des intéressés - l'un à Tunis et l'autre en Suisse - a établi des " contradictions indéniablement significatives du peu d'intérêt que porte dans tous les cas le fiancé à [sa fiancée]". Tous ces éléments démontrent un " décalage totalement incompréhensible " entre deux personnes qui prétendent vouloir former une union, ce qui est révélateur du faible intérêt porté à une construction de celle-ci. Les faits résultant des auditions des fiancés, ajoutés à ceux qui précèdent, constituent un faisceau d'indices suffisamment forts pour admettre que le projet de mariage ne peut servir à créer une véritable communauté conjugale entre deux personnes désireuses de s'obliger mutuellement à en assurer la prospérité (art. 159 al. 2 CC). En réalité, tout donne à penser que, pour le fiancé - jeune, sans possibilité de travailler dans son domaine de compétence ( i.e. informatique) et ne disposant que de faibles revenus dans son pays -, le mariage représente l'unique porte d'entrée en Suisse, où il aurait une chance de parvenir à améliorer sa situation; or, l'institution du mariage " n'est pas faite pour atteindre ce but ", comme le confirment les normes susmentionnées.
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3.2. Les recourants dénoncent une double violation de l'art. 97a CC. Ils soutiennent que les circonstances de la présente espèce ne sont pas comparables à celles de l'arrêt 5A_201/2011 sur lequel s'est fondée la cour cantonale. En outre, la norme précitée ne vise que les mariages célébrés en Suisse; en cas de mariage à l'étranger, l'office de l'état civil "
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Erwägung 3.3 |
3.3.1. Conformément à l'art. 75 OEC (RS 211.112.2), dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2013 (RO 2013 1045), à la demande des deux fiancés, il est délivré un certificat de capacité matrimoniale si ce document est nécessaire à la célébration du mariage d'un citoyen ou d'une citoyenne suisse à l'étranger (al. 1); les dispositions relatives à la procédure préparatoire des mariages célébrés en Suisse (art. 62 à 67, 69 et 74a) sont applicables "
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3.3.2. D'après le texte clair des normes précitées, il suffit que l'
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3.3.3. Dans sa teneur originaire, l'art. 75 al. 2 OEC ne renvoyait pas à l'art. 74a OEC ( Certes, il faut concéder aux recourants que les dispositions précitées ont prioritairement vocation à régir l'hypothèse où le mariage doit être célébré en Suisse ( cf. art. 44 LDIP, qui renvoie notamment aux art. 62 à 75 OEC; DUTOIT, Droit international privé suisse, 5e éd., 2016, nos 4 et 7 ad art. 44 LDIP). Lorsqu'il a été célébré à l'étranger, les autorités helvétiques ont les moyens de contrecarrer une union ayant pour but d'éluder la législation sur l'admission et le séjour des étrangers: D'une part, un tel mariage n'est pas reconnu en Suisse (art. 45 al. 2 LDIP, en relation avec l'art. 105 ch. 4 CC). D'autre part, sur le plan administratif, l'époux étranger qui invoque un mariage de complaisance ne peut être mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial ( cf. parmi d'autres: ATF 130 II 113 consid. 4.2, avec les arrêts cités); autrement dit, la décision de l'officier de l'état civil de délivrer un certificat de capacité matrimoniale ne lie pas les autorités de police des étrangers, qui peuvent en tout état de cause " refuser de délivrer ou de prolonger une autorisation de séjour si elles découvrent par la suite que le mariage est fictif " (PETRY, op. cit., p. 182; arrêt 2C_400/2011 précité consid. 3.1 in fine).
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A l'inverse de ces hypothèses, l'application de l'art. 74a al. 1 OEC à un projet de mariage à l'étranger apparaît comme un instrument destiné à faire obstacle d'emblée, à savoir à titre préventif, à une union dont les partenaires ont l'intention de s'établir en Suisse après la célébration; le droit suisse intervient dès lors en tant que " rattachement anticipé au domicile imminent ", solution que le Tribunal fédéral a consacrée dans d'autres situations ( cf. pour le nom de la fiancée domiciliée à l'étranger jusqu'au mariage: ATF 116 II 202; idem pour celui de l'enfant adopté à l'étranger: arrêt 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.1, commenté par CARRANZA ET MICOTTI, in : Revue de l'avocat 2005 p. 398). Encore faut-il qu'une pareille intention soit dûment avérée, car il n'existe aucun intérêt public à refuser la délivrance d'un certificat de capacité matrimoniale à une fiancée suisse qui va rejoindre son futur mari à l'étranger pour s'y établir ( cf. en ce sens: PETRY, op. cit., p. 171, au sujet de l'annulation du mariage en vertu de l'art. 105 ch. 4 CC lorsque le conjoint étranger vit à l'étranger).
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3.3.4. En l'espèce, les constatations de la cour cantonale apparaissent insuffisantes pour résoudre le point en question. La décision attaquée mentionne, il est exact, que " Vu ce qui précède, il appartiendra à l'autorité cantonale de compléter l'instruction sur cette question et statuer à nouveau.
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4. En conclusion, le recours doit être partiellement admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF). L'Etat de Fribourg est tenu de verser des dépens aux recourants qui l'emportent (art. 68 al. 1 et 2 LTF; ATF 137 V 210 consid. 7.1 et la jurisprudence citée), mais n'a pas à supporter de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Une indemnité de 2'000 fr., à payer aux recourants à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Fribourg.
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4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Service des affaires institutionnelles, des naturalisations et de l'état civil du canton de Fribourg, à la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg et à l'Office fédéral de la justice.
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Lausanne, le 9 août 2016
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : von Werdt
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Le Greffier : Braconi
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